Cour d'appel, 30 septembre 2021, La Société A c/ Monsieur j-m A. et Madame a. K. épouse S.
Abstract🔗
Agent immobilier - Mandat de gestion locative - Commission - Acceptation tacite de l'augmentation de la commission (oui) - Condamnation du mandant à paiement
Résumé🔗
Le mandant, qui a été informé par écrit de l'augmentation du taux de commission de l'agent immobilier mandaté pour la gestion locative, et qui n'a pas protesté pendant plus de dix ans à réception des factures, est tenu de payer l'arriéré de commissions. Le mandant ne peut invoquer l'exception d'inexécution en l'absence de faute démontrée du mandataire.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2021
En la cause de :
- La Société A, société de droit des Iles Caïmans, dont le siège social est sis X1 Iles Caïmans, représentée par son directeur en exercice, Monsieur l. S. demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Charles GARDETTO avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- 1/Monsieur j-m A., agent immobilier, exerçant sous l'enseigne Y, immatriculé au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro XXX, sis X2 98000 Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
2/Madame a. K. épouse S., demeurant X3 98000 Monaco, en sa qualité de tiers-saisi ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉS,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 16 juillet 2020 (R. 4827) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 16 octobre 2020 (enrôlé sous le numéro 2021/000050) ;
Vu les conclusions déposées le 23 octobre 2020 par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Madame a. K.épouse S.;
Vu les conclusions déposées les 4 janvier 2021 et 21 juin 2021 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j-m A. ;
Vu les conclusions déposées le 14 mai 2021 par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de la société A ;
À l'audience du 29 juin 2021, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties et en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la société A à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 16 juillet 2020.
Considérant les faits suivants :
La société de droit des Iles Caïmans A est propriétaire d'un appartement de 7 pièces de type duplex et terrasse avec piscine (lot n° 3721) aux 7ème et 8ème étages de l'ensemble immobilier dénommé « X3 », sis X3 à Monaco, outre d'une cave (lot n° 10) et d'un parking double (lots n° 592 et 593).
Suivant contrat de mandat du 8 janvier 2003, cette société a confié la gestion et l'administration de cet appartement à j-m A. agent immobilier exerçant la société sous l'enseigne « Y ». Il a été prévu que les honoraires d'administration et de gérance à la charge du mandant soient prélevés sur tous les encaissements de loyers.
Ce mandat a été conclu pour une durée de deux ans à compter du 1er février 2003 renouvelable ensuite par tacite reconduction d'année en année, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec avis de réception, trois mois avant chaque échéance.
À compter du mois d'août 2005, les factures d'honoraires de j-m A. ont mentionné un taux de 3 % HT.
Depuis le 1er juillet 2011, cet appartement a été donné à bail à a. K. épouse S. et régulièrement renouvelé, le dernier contrat de location ayant été signé le 27 octobre 2017 à effet au 1er octobre 2017 jusqu'au 30 septembre 2019.
Au cours de l'année 2015, l'un des dirigeants de la société A, l. S. a donné pour instruction au locataire de lui régler directement le loyer par virement sur un compte bancaire américain à compter du 1er avril 2015, sans passer par l'agence immobilière.
Par courriel en date du 12 septembre 2017, l. S. dirigeant de la société A a informé l'agence immobilière qu'elle était déchargée de toute obligation de gérer l'appartement situé dans l'immeuble « X3 » et qu'elle allait recevoir l'avis officiel de résiliation du mandat de gestion.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 décembre 2017, j-m A. a mis en demeure la société A d'avoir à lui payer une somme de 23.760 euros au titre de factures d'honoraires demeurées impayées.
Suivant courrier en date du 30 avril 2019, la société A a notifié à j-m A. son intention de résilier le contrat de mandat, avec effet immédiat.
Se prétendant créancier de la société A pour un montant de 28.620 euros, pour la période du 1er juillet 2016 au 31 mars 2018, j-m A. a déposé le 23 février 2018 une requête au Président du Tribunal de première instance tendant à être autorisé à pratiquer une saisie-arrêt à hauteur de 30.000 euros entre les mains d a. K. épouse S.
Par ordonnance en date du 15 mars 2018, le Président du Tribunal de première instance y a fait droit, dans la limite de la somme de 23.760 euros, sur les sommes dues à la société A par sa locataire.
Suivant exploit d'huissier en date du 27 mars 2018, j-m A. a formé la saisie-arrêt ainsi autorisée et obtenu d a. K. épouse S. la déclaration prévue par l'article 500-1 du Code de procédure civile, celle-ci précisant qu'elle détenait un solde créditeur suffisant, au titre de loyers dus, pour le compte de la société A, pour couvrir le montant de la saisie-arrêt à hauteur de 23.760 euros outre frais de justice.
Par le même acte, j-m A. a fait assigner la société A en validation de la saisie arrêt et en paiement de la somme de 28.620 euros représentant les honoraires impayés au titre de la période courant du 1er juillet 2016 au 31 mars 2018, outre une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par conclusions en réponse et récapitulatives déposées le 14 février 2020, il a présenté des demandes additionnelles :
- aux fins de porter le quantum de sa demande principale en paiement au titre d'honoraires, à la somme de 57.780 euros, arguant de factures d'honoraires impayées pour la période du 1er juillet 2016 au 30 septembre 2019,
- aux fins de condamnation de la société A au paiement de la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir mandaté la société B afin de gérer l'appartement qui était encore sous son mandat,
- aux fins de porter à la somme de 20.000 euros sa demande à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
En défense, dans des écritures datées du 4 décembre 2019, la société A a sollicité de déclarer j-m A. infondé et de le débouter de l'ensemble de ses prétentions.
Par conclusions déposées le 14 décembre 2019, a. K. épouse S. a sollicité qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle détenait toujours, en sa qualité de tiers-saisi, pour le compte de la société A, la somme de 26.340 euros pour couvrir le montant de la saisie-arrêt pratiquée tout en précisant qu'elle avait libéré l'appartement et remis les clefs après état des lieux dressé par Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, Huissier de Justice, effectué au contradictoire du bailleur et de ses mandataires allégués, dont j-m A.
Suivant jugement contradictoire en date du 16 juillet 2020, le Tribunal de première instance a :
- constaté que j-m A. ne sollicitait plus le rejet des pièces adverses n° 4 à 15 et 17 à 20,
- condamné la société A à payer à j-m A. exerçant la société sous l'enseigne « Y », la somme de 57.780 euros au titre des factures d'honoraires émises pour la période du 1er juillet 2016 au 30 septembre 2019, outre les sommes de 4.500 euros et de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du mandat et résistance abusive,
- déclaré régulière et validé la saisie-arrêt pratiquée le 27 mars 2018 entre les mains d a. K. épouse S. à hauteur des montants susvisés, en principal, intérêts, frais et accessoires,
- dit qu a. K. épouse S. se libérera valablement des sommes qu'elle détient pour le compte de la société A par le versement qu'elle opérera entre les mains de j-m A. exerçant la société sous l'enseigne « Y »,
- condamné la société A aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
1/Pour statuer ainsi les premiers juges ont retenu en substance que pour justifier du non-paiement des factures litigieuses, objet de la demande principale de j-m A. la société A reproche, d'une part, le montant du taux perçu pour les honoraires et, d'autre part, des manquements du mandataire dans le cadre de sa gestion.
Sur l'augmentation de 2,5 % à 3 % du taux des honoraires d'administration et de gestion, le Tribunal de première instance a estimé que si aucune pièce n'était versée aux débats pour justifier que l'augmentation du taux avait été prise d'un commun accord, il fallait toutefois constater que la société A n'avait jamais remis en cause ce taux depuis qu'il était passé à 3 % en 2005, et ce sans aucune autre augmentation depuis cette date. En outre, le contrat lui-même prévoyait une possible augmentation après deux années d'exécution, ce qui apparaissait avoir été le cas.
Sur l'exception d'inexécution invoquée par la société A, les premiers juges ont rappelé que la défenderesse soutenait avoir constaté depuis 2014 une grave détérioration des prestations de j-m A. lui incombant au titre du contrat de mandat s'agissant du non-respect des instructions données pour que les chèques de règlement des loyers soient directement déposés dans un établissement bancaire, de la non-communication de divers documents (baux successifs conclus, relevés locatifs et avis de paiements des loyers, factures), de l'entretien défectueux de l'appartement loué et de son loyer manifestement inférieur au prix du marché.
Cependant selon les premiers juges, il ne ressortait pas des pièces du dossier que j-m A. aurait volontairement évité de respecter les nouvelles instructions de son mandant, il existait seulement trois retards de reversement de loyers, justifiés par des travaux au sein de l'appartement et il n'existait pas de manquement caractérisé et intentionnel dans la non-transmission de documents.
De même, des photographies non datées produites aux débats ne permettaient pas de caractériser un manquement à l'obligation d'entretien de l'appartement en gestion.
Enfin, la défenderesse serait également défaillante dans l'administration de la preuve s'agissant de la perte financière subie pour un loyer inférieur au prix du marché.
2/Les premiers juges ont également déduit des éléments qui leur ont été fournis que la résiliation du mandat par la société A ne pouvait être effective qu'à compter du 31 janvier 2020 et non du 30 avril 2019, si bien que le lien contractuel n'était pas rompu lorsqu a. K. épouse S. avait donné congé pour le 30 septembre 2019 et qu'en conséquence la société A n'avait pu valablement faire intervenir une autre agence, la société B, pour gérer l'appartement ainsi libéré et rechercher un nouveau locataire.
Ils ont enfin estimé que c'était avec une mauvaise foi caractérisée que la société A s'était soustraite pendant près de trois années à son obligation contractuelle de régler les honoraires de j-m A. en invoquant des manquements non avérés dans la gestion de l'appartement.
Par acte en date du 16 octobre 2020, la société A a relevé appel du jugement du 16 juillet 2020. Aux termes de son acte d'appel et de conclusions en date du 10 mai 2021, elle sollicite :
- l'infirmation pure et simple du jugement du Tribunal de première instance en date du 16 juillet 2020,
Que la Cour, statuant à nouveau :
- déclare j-m A. infondé dans ses demandes tendant à voir condamner la société A au paiement de sommes d'argent,
En tout état de cause, déboute j-m A. de toutes ses demandes,
- que soit ordonnée la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée par exploit du 27 mars 2018 et la restitution des sommes saisies au profit de la société A,
- la condamnation de j-m A. au paiement d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
À l'appui de ses demandes, la société A fait valoir les arguments suivants :
- elle indique que les relations contractuelles se sont déroulées sans difficulté particulière pendant plusieurs années, jusqu'à ce que la bailleresse s'aperçoive de plusieurs anomalies graves et récurrentes dans la gestion de son bien. En parallèle, elle indique que pour des raisons liées à un changement dans sa situation fiscale aux États-Unis et à la clôture d'un compte bancaire en Europe, elle avait souhaité percevoir directement les loyers, à charge pour elle de payer les charges locatives, ainsi que les honoraires de j-m A.
- au regard des inexécutions graves et répétées de j-m A. elle estime qu'elle était légitime, sur le fondement de l'exception d'inexécution, à refuser de payer des factures présentées par son mandataire et qu'elle avait également pu valablement résilier le contrat de mandat avant son terme,
1/ en premier lieu, le passage d'un taux de commission, contractuellement fixé à 2,5 % à 3 % ne serait nullement justifié, l'intimé ne procédant que par affirmation quand il indique que cette évolution serait intervenue d'un commun accord. Il s'agirait en réalité d'une augmentation unilatérale, réalisée de mauvaise foi et le silence de la cocontractante ne voudrait nullement approbation,
2/ l'appelante indique s'être aperçue qu'à trois reprises j-m A. avait facturé un honoraire de 10 % du loyer annuel, à titre de commission suite à la recherche de nouveaux locataires et la signature de nouveaux baux et ce alors qu'aucune disposition contractuelle ne l'y autorisait. Il aurait ainsi perçu indument un montant total de 93.288 euros, soit quasiment le double des sommes réclamées dans la présente instance,
3/ j-m A. n'aurait pas géré l'appartement au mieux des intérêts du mandant,
3.1/ en premier lieu, alors qu'il lui appartenait de louer l'appartement objet du mandat, au meilleur prix et en toute hypothèse, au prix du marché, j-m A. s'était contenté pendant plusieurs années d'une location manifestement sous-évaluée, au point que l. S. pourtant non familier du marché immobilier de la Principauté, avait pu directement négocier avec la locataire en 2015 un montant de 35.000 euros mensuel, alors que j-m A. s'était accordé avec la locataire pour un montant de 22.000 euros mensuel en 2013, qu'il proposait d'augmenter pour le porter à seulement 23.000 euros mensuel en 2015,
3.2/ le mandataire aurait été négligeant dans la gestion de l'appartement dans la mesure où plusieurs relances avaient été nécessaires pour que soit mis en place le paiement direct des loyers, sans transiter par le compte de l'agent immobilier,
- de même, il avait fallu plusieurs courriels pour obtenir des documents sollicités par l. S. tels que des copies de baux successifs, des relevés locatifs et des paiements effectués par les locataires, des copies d'état des lieux,
- certaines factures présenteraient des mentions erronées, pour être libellées au nom de Monsieur V. L. autre dirigeant de la société A et non de la société elle-même, ce qui aurait posé des difficultés d'ordre fiscal et comptable,
- des réajustements de charges locatives n'avaient pas été réalisées, au détriment de la bailleresse, une consommation d'électricité lui avait été imputée à tort, un remboursement de caution ne serait intervenu que cinq mois après le départ de la locataire et certains baux auraient contenu des erreurs de rédaction,
- enfin, j-m A. se serait montré incapable de gérer un dégât des eaux provenant simplement d'une évacuation fuyante du bac de douche,
4/ sur la condamnation au paiement d'une somme de 4.500 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir mandaté la société B, la société A estime que la locataire ayant donné congé pour le 30 septembre 2019, j-m A. n'aurait de toutes manières pas perçu d'honoraires avant l'échéance de son propre mandat, même en reprenant la date retenue par le Tribunal de première instance le 31 janvier 2020, puisque la recherche d'un locataire pour un appartement de cette superficie, moyennant un loyer mensuel de 35.000 euros, requiert nécessairement du temps.
j-m A., intimé, a conclu les 4 janvier et 21 juin 2021. Aux termes de ses dernières écritures il sollicite :
- in limine litis, que la Cour juge irrecevable la demande en paiement de dommages et intérêts formée pour la première fois en cause d'appel par la société A dans ses conclusions du 10 mai 2021,
- sur le fond que la Cour confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- y ajoutant, que la Cour condamne la société A à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.
Au soutien de ses prétentions, il indique en substance :
- que pendant 12 ans, jusqu'en 2015, il aurait assuré la gestion de l'appartement sans aucune difficulté,
- qu'à compter du mois d'août 2005, le montant des honoraires a été porté d'un commun accord à 3 % HT, après deux années de contrat et que pendant plus de dix ans la société A n'a pas émis la moindre contestation à ce sujet,
- que c'était seulement par conclusions du 10 mai 2021 que la société A a contesté pour la première fois trois facturations, à hauteur de 10% du montant de loyer annuel, s'agissant de commissions de location lors de la recherche des nouveaux locataires. Le taux pratiqué était pourtant conforme au tarif officiel de la Chambre immobilière monégasque suite à des diligences particulières de négociation, facturées indépendamment des honoraires d'administration et de gestion. Surtout, ces factures datent de 2003, 2006 et 2011 et n'avaient fait l'objet d'aucune discussion en leur temps de la part de la société A. La contestation émise tardivement et de manière totalement infondée à ce sujet serait un exemple supplémentaire du comportement déloyal de l'appelante, qui tenterait de se soustraire par tous les moyens à son obligation de paiement,
- que les premiers juges avaient à bon droit constaté qu'il n'avait nullement failli à ses obligations et que la Cour ne pourrait que reprendre l'analyse réalisée sur les échanges de courriers électroniques entre les parties en cours de contrat. A cet égard les pièces qu'il produit aux débats démontreraient qu'il a toujours répondu aux multiples demandes, souvent comminatoires, de la société A.
Ainsi, il avait obtempéré au souhait de l. S. de modifier, en violation des engagements contractuels, les règles de gestion et d'administration du bien, en passant à une perception directe des loyers par le propriétaire, le privant de la possibilité de percevoir ses honoraires, qui devaient être prélevés sur les loyers encaissés, en application du contrat de mandat.
De même, il avait toujours été répondu dans des délais raisonnables aux demandes d'envois de documents sollicités par la bailleresse.
S'agissant d'un dégât des eaux, l'appelante se bornerait à produire aux débats des photographies non datées. j-m A. ajoute qu'il s'agit d'un sinistre dont il avait averti sa mandante en 2013.
Enfin, s'agissant du montant de la location de l'appartement objet du mandat, j-m A. indique qu'il n'avait pas été mis à sa charge une obligation de résultat et qu'en tout état de cause, le bien avait toujours été loué au vu du prix du marché. L'appelante serait défaillante dans l'administration de la preuve contraire, notamment en l'absence d'éléments de comparaison pour un appartement de même superficie, au sein du même immeuble, dans le même état et pour la même période.
a. K. épouse S., tiers-saisi, a conclu le 23 octobre 2020, en sollicitant qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle détient toujours, en qualité de tiers-saisi, pour le compte de la société A, la somme de 26.340 euros destinée à couvrir le montant de la saisie-arrêt pratiquée entre ses mains le 27 mars 2018 et qu'elle s'en libèrera valablement entre les mains de qui il appartiendra en vertu d'une décision judiciaire définitive.
Elle indique notamment qu'il ne lui appartenait pas de s'immiscer dans les relations existantes entre son bailleur et son mandataire.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel de la société A, à l'encontre du jugement du 16 juillet 2020, signifié le 16 septembre 2020, relevé dans les formes et délais prescrits par le Code de procédure civile, doit être déclaré recevable ;
Sur la demande de renvoi présentée par la société A :
Attendu qu'à l'audience du 29 juin 2021, le conseil de la société A a sollicité un renvoi et l'établissement d'un nouveau calendrier de procédure, pour analyser les pièces communiquées le 21 juin 2021 par son contradicteur, lequel s'est opposé à cette demande ;
Attendu que la Cour a constaté que le calendrier procédural fixé avait été respecté par j-m A. qui avait conclu comme il lui en avait été donné la possibilité le 21 juin 2021 et que les pièces qu'il avait communiquées à cette même date sous les numéros 39 à 45 étaient purement responsives aux conclusions adverses ;
Que la demande de renvoi a été rejetée et l'affaire retenue à plaider ;
Sur la recevabilité de la demande en paiement d'une somme de 15.000 euros présentée par la société A :
Attendu que l'article 431 du Code de procédure civile dispose :
« Les parties peuvent, pour justifier les demandes qui avaient été soumises au premier juge, invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
Elles ne peuvent former aucune demande nouvelle, à moins qu'il ne s'agisse de compensations ou que la demande nouvelle ne soit la défense à l'action principale.
Elles peuvent toutefois demander des intérêts, arrérages, loyers et autres accessoires échus depuis le jugement de première instance, et des dommages-intérêts pour le préjudice subi depuis celui-ci » ;
Attendu en l'espèce que la demande en paiement d'une somme de 15.000 euros présentée pour la première fois par la société A par conclusions d'appel du 10 mai 2021 est expressément fondée sur un abus du droit d'agir en justice, l'appelante indiquant que j-m A. ne peut ignorer les multiples défaillances qui lui sont reprochées et que cet abus lui cause un préjudice puisqu'elle s'est vue contrainte d'engager des frais de justice pour assurer la défense de ses intérêts ;
Qu'il ne s'agit à l'évidence nullement d'une demande de compensation, ni d'une demande de dommages et intérêts pour un préjudice subi depuis le jugement de première instance puisque la société A invoque l'abus du droit d'agir en justice de j-m A. qui au demeurant n'a pas formé appel incident, situant donc la faute qu'elle impute à celui-ci au moment de la saisine des premiers juges ;
Attendu en conséquence que la société A sera déclarée irrecevable en cette demande ;
Sur les factures d'honoraires objet de la demande principale de j-m A. :
1/Attendu que l'appelante ne conteste pas être volontairement demeurée sans payer les factures émises par son mandataire j-m A. régulièrement transmises et produites aux présents débats, pour la période du 1er juillet 2016 au 30 septembre 2019, pour un montant de 57.780 euros calculé sur la base d'un taux de 3 % HT des loyers perçus ;
2/Attendu en premier lieu que l'appelante conteste le taux de commission, porté abusivement de 2,5 à 3 % selon elle ;
Attendu que le contrat de mandat de gestion et d'administration en date du 8 janvier 2003 produit aux débats stipule au chapitre « RÉMUNÉRATION » : « Les honoraires d'administration et de gérance des biens immobiliers sus indiqués s'élèveront à 2,5 % HT additionnés de la TVA au taux en vigueur pour les deux premières années. Ils seront à la charge du mandant et seront prélevés sur tous les encaissements de loyers » ;
Que le contrat contient également un chapitre « DURÉE », qui mentionne : « Le présent mandat est confié à la société sous l'enseigne « Y », qui l'accepte, pour une durée de deux ans à compter du 1er février 2003, renouvelable ensuite par tacite reconduction d'année en année, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec avis de réception, trois mois avant l'échéance en cours » ;
Attendu que c'est pertinemment que les premiers juges ont constaté que c'est uniquement à l'issue des deux premières années de mandat que le taux est passé à 3 % HT ;
Attendu que j-m A. produit en cause d'appel (pièce n° 39) un courrier adressé à la société C (représentante de la société A à Monaco) aux termes duquel il est expressément indiqué que le taux de 2,5 % est conclu pour les deux premières années ;
Que le contrat s'est ensuite renouvelé par tacite reconduction mais que la variation du taux de commissionnement était expressément réservée par la convention elle-même ;
Que dès lors, en l'absence de tout écrit, l'analyse du comportement des parties au cours de la relation contractuelle est un élément à prendre en compte pour déterminer leur intention et qu'à cet égard les premiers juges ont a bon droit relevé que jusqu'à l'introduction de l'instance ce taux n'avait jamais été contesté par la société A alors même qu'il a été très lisiblement mentionné sur chaque facture adressée à la société A pendant plus de dix ans ;
Attendu en conséquence que cette augmentation de 0,5 %, sans nouvelle évolution par la suite au cours de la relation contractuelle, a été manifestement acceptée par la société A, dont l'attention avait été attirée sur la durée limitée à deux années du taux de 2,5 % et qu'il ne peut être reproché aucun manquement contractuel à j-m A. de ce chef ;
3/Attendu en second lieu que pour s'opposer à la demande en paiement présentée par j-m A. la société A invoque l'exception d'inexécution du fait de manquements de son cocontractant ;
Attendu que l'exception d'inexécution constitue le droit qu'a chaque partie à un contrat synallagmatique de refuser d'exécuter son obligation tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qui lui est due ;
Qu'il appartient à celui qui l'invoque de démontrer le manquement de son cocontractant ;
Que cette exception ne peut être valablement soulevée par un débiteur que si l'inexécution qu'il impute à son cocontractant présente un caractère suffisamment grave, et ne peut donc être opposée comme moyen de pression sur le débiteur au cours de la relation contractuelle, ou comme défense au fond dans une instance judiciaire, que de façon proportionnée ;
Qu'enfin, les obligations en cause, fussent-elles issues d'un même contrat, doivent présenter un critère d'interdépendance pour que puisse être valablement invoquée l'exception d'inexécution ;
Attendu en l'espèce qu'il n'est pas allégué par la société A que j-m A. n'aurait pas réalisé sa prestation, mais qu'il l'aurait effectuée de manière à ce point fautive que son mandant serait bienfondé à lui refuser les paiements d'honoraires qu'il sollicite ;
3.1/Attendu en premier lieu que la société A fait état de trois facturations qui auraient été adressées abusivement par j-m A. au titre de la recherche de nouveaux locataires ;
Que la Cour constate que ces factures, en date des 7 janvier 2003, 14 février 2006 et 7 juillet 2011, n'ont pas été contestées, ni même évoquées par les parties au cours de la relation contractuelle, à la vue des pièces produites aux présents débats, la société A n'en ayant fait état qu'au cours de la présente instance ;
Attendu que la société A n'a pas présenté de demande reconventionnelle en paiement et/ou de demandes de compensation ;
Attendu que ces factures, relatives à des prestations au titre de la recherche de nouveaux locataires aux dates indiquées, sont manifestement dépourvues de concomitance et de connexité avec les prestations, pour les périodes du 1er juillet 2016 au 30 septembre 2019, pour lesquelles j-m A. sollicite une rémunération ;
Qu'en conséquence, en l'absence du lien d'interdépendance, la société A ne peut invoquer l'exception d'inexécution à cet égard ;
3.2/Attendu s'agissant des instructions données par l. S. aux fins que les loyers soient crédités directement sur un compte de la société propriétaire à compter du 1er avril 2015, qu'il ne peut être fait grief à j-m A. d'avoir été interpellé et d'avoir manifesté son étonnement par courrier électronique, tant ce changement brutal de situation, avec des explications succinctes de son interlocuteur, bouleversait l'économie du contrat et était contraire à sa lettre ;
Que les premiers juges ont ainsi a bon droit pu indiquer qu'un temps d'adaptation avait été nécessaire eu égard aux habitudes des locataires et que la Cour relève également que la société A ne justifie d'aucun préjudice qu'elle aurait subi de ce chef ;
3.3/Attendu que les premiers juges ont valablement analysé un tableau récapitulatif relatif à des retards dans les reversements des loyers, pour en conclure que de 2011 à 2015, seuls trois reversements avaient nécessité plus de 120 jours ;
Que sur ce point encore, à supposer même que j-m A. qui indique que ces retards étaient dus à des travaux en cours dans l'appartement et donc à l'attente de factures à régler par compensation, ait pu être plus diligent, aucun manquement suffisamment grave pour justifier le jeu de l'exception d'inexécution n'est caractérisé ;
3.4/Attendu, s'agissant de la communication par j-m A. de divers documents sollicités par la bailleresse, qu'à cet égard encore, les premiers juges ont valablement constaté, au regard des échanges de courriers électroniques produits aux débats, pour les années 2015 et 2016 que le mandataire n'avait jamais refusé de transmettre des documents ou de rendre compte de sa gestion ;
Qu'à ce titre encore, la Cour relève que des retards ponctuels, sans qu'aucune conséquence préjudiciable ne soit démontrée pour la société A ne constitue nullement un manquement d'une gravité telle que le mandant puisse se dispenser de son obligation de paiement et qu'il en est de même s'agissant d'une facturation d'eau ou de présentation des relevés de soldes des locataires ;
3.4/Attendu que s'agissant de désordres ayant affecté l'appartement objet du mandat, l'appelante se borne, comme en première instance, à verser aux débats des photographies non datées ;
Que j-m A. indique, sans être contredit, qu'il s'agit d'un sinistre remontant à l'année 2013 et qu'il a fait diligence auprès des entrepreneurs intervenus pour qu'il soit procédé aux réparations et que les assurances garantissent le sinistre ;
3.5/Attendu enfin, sur le montant des locations, que le contrat de mandat stipule : « Le mandataire a la charge de gérer et administrer les biens ci-avant désignés, les louer aux prix, durée et conditions qu'il avisera, signer tous baux et locations, les renouveler, les résilier, donner et accepter tous congés, faire dresser tous états des lieux et actes nécessaires » ;
Attendu que ces dispositions contractuelles offraient une grande latitude à j-m A. et ne lui imposaient aucune obligation de résultat objectivement mesurable quant à un montant minimum de location ;
Que s'il est démontré que l'intervention de l. S. en 2015 a permis une augmentation substantielle de loyer, il n'existe pour autant pas de faute contractuelle de j-m A. qui s'était borné, sans qu'aucune mauvaise foi ou collusion frauduleuse ne soit alléguée, à recommander une faible augmentation de loyer ;
3.6/Attendu en conséquence de ces constatations que la société A ne peut donc valablement invoquer l'exception d'inexécution pour se soustraire à ses obligations de paiement des honoraires de j-m A.;
Que la période du 1er juillet 2016 au 30 avril 2019 ne pose pas de difficultés et que pour celle du 1er mai au 30 septembre 2019, elle a été valablement retenue par les premiers juges, puisque si la société A a pu indiquer par courrier du 30 avril 2019 qu'elle résiliait le mandat avec effet immédiat, elle n'a pas respecté l'obligation contractuelle rappelée ci-dessus, qui lui imposait une dénonciation trois mois avant l'échéance annuelle du bail et que la résiliation pour faute n'est pas sollicitée judiciairement ;
Que le jugement du 16 juillet 2020 sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de j-m A. en paiement d'une somme de 57.780 euros et validé la saisie-arrêt pratiquée le 27 mars 2018 ;
Sur la demande en paiement de dommages et intérêts au titre du mandat de gestion donné par la société A à la société B :
Attendu comme indiqué que si le contrat de mandat devait cesser de produire ses effets le 31 janvier 2020, c'est justement que j-m A. n'a sollicité un paiement d'honoraires que jusqu'au 30 septembre 2019, puisque la locataire de l'appartement avait donné congé pour cette date ;
Que si la société A, qui était encore tenue par les termes du mandat a fautivement mandaté une autre agence immobilière pour intervenir dans la gestion de l'appartement après la sortie des lieux d a. K.épouse S. et que j-m A. a perdu une chance de conclure un nouveau bail, qui aurait pu lui permettre de retrouver une assiette pour sa commission de 3 % HT des loyers ;
Que les premiers juges ont chiffré cette perte à 4.500 euros, soit une rémunération de près de quatre mois pleins, au regard des dernières factures ;
Attendu cependant qu'alors même que la résiliation du bail était connue de j-m A. depuis le préavis donné par la locataire, il n'indique pas qu'il aurait été à même de présenter immédiatement un nouveau locataire pour le bien d'exception objet du mandat, se terminant le 31 janvier 2020 et qu'il n'est pas démontré au demeurant que l'appartement a pu être reloué immédiatement par le truchement de la société B ;
Attendu en conséquence que le jugement sera donc infirmé de ce chef et le préjudice de j-m A. sera fixé à la somme de 1.000 euros à laquelle la société A sera condamnée ;
Sur les autres chefs de demandes :
1/Attendu que c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont indiqué que c'est abusivement que la société A s'est soustraite pendant une durée excessive de plus de trois années à son obligation contractuelle principale de paiement des honoraires de son mandataire, en invoquant des manquements non avérés qui en tout état de cause ne justifiaient pas l'absence de rémunération intégrale du mandataire ;
Que le jugement du 16 juillet 2020 sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société A au paiement d'une somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
2/Attendu d'une part que la société A a présenté en cause d'appel des nouveaux arguments et de nouvelles pièces à l'appui de sa défense sans la faire dégénérer en abus et d'autre part que le jugement du 16 juillet 2020 étant, même très partiellement, infirmé, il ne peut être reproché à la société A l'exercice abusif de la voie de l'appel et que la demande en paiement de dommages et intérêts présentée à ce titre par j-m A. sera donc rejetée ;
3/ Attendu que la société A, qui succombe principalement, sera condamnée aux dépens d'appel ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Dit n'y avoir lieu à renvoi de l'examen de l'affaire,
Déclare la société A recevable en son appel,
La déclare irrecevable en sa demande en paiement d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Confirme le jugement rendu le 16 juillet 2020 par le Tribunal de première instance, sauf en ce qu'il a condamné la société A au paiement d'une somme de 4.500 euros pour non-respect du mandat,
L'infirme de ce chef,
Statuant à nouveau,
Condamne la société A à payer à j-m A. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du mandat du 8 janvier 2003,
Y ajoutant,
Déboute j-m A. de sa demande en paiement d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,
Condamne la société A aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Claire GHERA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 30 SEPTEMBRE 202 1, par Madame Claire GHERA, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur Général adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.