Cour d'appel, 30 septembre 2021, Monsieur a. A. c/ Monsieur m. K.
Abstract🔗
Procédure civile - Voie de recours - Appel - Jugement avant-dire droit - Fin de l'instance (non) - Recevabilité de l'appel après jugement sur le fond (non) - Non-respect du délai d'appel
Résumé🔗
Alors que l'intimé invoquait un trouble du voisinage subi du fait d'importants travaux de rénovation entrepris par l'appelant, le jugement avant-dire droit déféré a débouté ce dernier de son exception d'appel en garantie tout en renvoyant la cause et les parties à une audience pour leurs conclusions au fond. Condamné à la suite de cette audience, il a interjeté appel du jugement au fond et, ultérieurement, du jugement avant-dire droit. Certes, le jugement avant-dire droit déféré a statué sur une exception dilatoire tout en renvoyant la cause et les parties à l'audience au fond, de sorte qu'il ne mettait pas fin à l'instance au sens des dispositions de l'article 423 alinéa 2 du Code de procédure civile. Il ne pouvait donc être frappé d'appel qu'après le jugement sur le fond et conjointement avec l'appel de celui-ci. Cependant, l'appelant n'a pas usé de la faculté pour relever appel du jugement avant-dire-droit dans les délais prévus pour former un appel principal contre le jugement sur le fond. Son appel hors délai est donc irrecevable.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2021
En la cause de :
- Monsieur a. A., né le 29 avril 1988 à New-York (Etats-Unis), de nationalité suisse, demeurant et domicilié X1 « X2 », à Monaco (98000) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- Monsieur m. K., né le 12 octobre 1942 à Vienne (Autriche), de nationalité allemande, demeurant et domicilié X1 « X3 », à Monaco (98000) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 23 novembre 2017 (R. 1213) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 7 janvier 2021 (enrôlé sous le numéro 2021/000070) ;
Vu les conclusions déposées les 5 mars 2021 et 10 juin 2021 par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de Monsieur m. K.;
Vu les conclusions déposées le 19 avril 2021 par Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur a. A.;
À l'audience du 6 juillet 2021, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur a. A. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 23 novembre 2017.
Considérant les faits suivants :
Suivant exploit d'huissier en date du 27 février 2017, m. K. a fait assigner m. A. devant le Tribunal de Première Instance pour qu'il soit jugé qu'il avait subi un trouble anormal de voisinage du fait de ce dernier et le voir condamner sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement des sommes de 56.940 euros en réparation du préjudice subi outre 5.000 euros pour résistance abusive.
m. K. soutenait en substance être copropriétaire d'un appartement au sein de l'immeuble « X3 », sis X1 à Monaco et avoir subi des nuisances dès le 1er juillet 2015, en raison d'importants travaux de rénovation entrepris par m. A. propriétaire de l'appartement sous-jacent ayant selon lui généré de multiples fissures et affaissements des sols dans son propre appartement.
m. A. sollicitait devant les premiers juges, avant toute défense au fond, l'autorisation d'appeler en garantie d'une part la SARL A en indiquant qu'il avait fait appel à cette entreprise pour la réalisation des travaux, et que celle-ci avait reconnu sa responsabilité lors d'une expertise amiable réalisée par le Cabinet Z et, d'autre part, e. D. auquel il avait confié les fonctions de maître d'œuvre.
Suivant jugement en date du 23 novembre 2017, le Tribunal de première instance a :
« - débouté m. A. de ses exceptions tendant à l'appel en garantie d e. D. et de la SARL A.
- rejeté la demande en paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement procédural abusif présentée par m. K.
- renvoyé la cause et les parties à l'audience du MERCREDI 10 JANVIER 2018 à 9 heures pour les conclusions au fond de m. A.
- réservé l'examen du surplus des demandes et les dépens en fin de cause ».
Les premiers juges considéraient pour l'essentiel, au soutien de leur refus d'autorisation, que l'urgence à statuer sur la demande principale et l'éventuelle responsabilité de Monsieur A.étaient caractérisés dès lors que les travaux de reprise des désordres constatés n'avaient toujours pas été réalisés alors que la présence aux débats de l'entreprise générale tous corps d'état et de l'architecte maître d'œuvre n'était pas indispensable dans cette instance.
Suivant exploit en date du 7 janvier 2021, a. A. a demandé à la Cour de :
- accueillir l'appel interjeté par Monsieur A. à l'encontre du jugement du Tribunal de première instance le 23 novembre 2017 en ce qu'il l'a débouté de ses exceptions tendant à l'appel en garantie d e. D. et de la SARL A et l'y déclarer bien fondé,
- infirmer le jugement avant-dire-droit (R.1213) du 23 novembre 2017 sauf en ce qu'il a débouté m. K. de sa demande de dommages-intérêts,
Et statuant de nouveau,
- accueillir a m. A. en ses exceptions d'appel en garantie et l'y déclarer bien fondé,
Et en conséquence,
- autoriser a m. A. conformément à l'artice 267 du Code de procédure civile, à appeler en la cause :
1) la société à responsabilité limitée dénommée A inscrite au RCI sous le numéro XX, dont le siège social est sis X4 à Monaco, représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège, en sa qualité d'entreprise générale tout corps d'état,
2) e. D. architecte DPLG, X5 à Monaco, en sa qualité de maître d'œuvre.
À l'effet de se voir relever et garantir par ces derniers de toute éventuelle condamnation qui pourrait par impossible être prononcée par son encontre,
En tout état de cause,
- condamner m. K. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Il soutient en substance, à l'appui de son recours et aux termes de l'ensemble de ses écritures judiciaires, que :
- la SARL A est intervenue pour la réalisation des travaux litigieux et a elle-même confirmé sa responsabilité, s'engageant dans un courrier du 6 septembre 2016 à effectuer les travaux de réparation au sein de son appartement en raison des dégâts qu'elle lui a causés,
- le jugement rendu au fond le 13 juin 2019 s'est notamment fondé sur le rapport du 29 juin 2016 pour estimer qu'il existe un lien de causalité entre les désordres constatés au sein de l'appartement litigieux et les travaux réalisés par cette entreprise,
- dans le cadre de l'instance d'appel correspondant à ce jugement sur le fond, de nombreux griefs sont encore émis à l'encontre de cette SARL A de sorte qu'il est conforme à une bonne administration de la justice et au respect du contradictoire de lui permettre de faire valoir ses arguments en réponse dans le cadre de la présente instance,
- la présence de la SARL A est encore plus essentielle en raison des travaux de rénovation qui ont été réalisés par Monsieur K. au sein de son appartement qui apparaissent susceptibles de supprimer toute possibilité d'identification de l'origine des désordres, ce qui rend plus encore nécessaire le recueil des observations de la SARL A.
- la SARL A destinataire d'un courrier avec accusé de réception du 18 octobre 2019 la mettant en demeure de lui payer la somme de 54.249 euros, correspondant aux sommes mises à sa charge par le jugement du 13 juin 2019, n'a donné aucune suite à cette réclamation, en sorte que Monsieur A. doit pouvoir être relevé et garanti de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre lui au titre des prétendus préjudices subis par m. K.
- la présence aux débats de l'architecte e. D. maître d'œuvre, est tout aussi nécessaire puisqu'il a lui-même mandaté un huissier pour dresser le procès-verbal de constat du 28 septembre 2015 attestant que les travaux n'avaient pas démarré à cette date,
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'exception d'appel en garantie était de nature à retarder le déroulement de l'instance principale alors même qu'elle aurait eu pour but d'éclairer la juridiction saisie au fond,
- les exceptions d'appel en garantie de l'entreprise qui a réalisé les travaux et du maître d'œuvre ne sauraient être un obstacle à la réalisation des travaux de reprise.
m. K., intimé, a pour sa part, conclu à l'irrecevabilité de l'appel interjeté à l'encontre du jugement avant-dire- droit du 23 novembre 2017 et, en tout état de cause, au caractère infondé de ce recours.
Il a par ailleurs demandé à la Cour de déclarer recevables les pièces responsives numérotées 19 et 20 et de débouter en définitive Monsieur A. des fins de son exception d'appel en garantie et de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions tout en le condamnant au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Il fait valoir aux termes de l'ensemble de ses écritures judiciaires que :
- le jugement du 23 novembre 2017 a statué sur une exception aux fins d'appel en garantie dont Monsieur A. a été débouté, la cause ayant été renvoyée à une audience ultérieure pour ses conclusions au fond, en sorte que cette décision ne pouvait être frappée d'appel immédiat indépendamment du jugement sur le fond, le tribunal n'ayant pas mis fin à l'instance au sens des dispositions de l'article 423 du Code de procédure civile,
- l'appel de ce jugement avant-dire droit ne pouvait être envisagé qu'après le jugement sur le fond et conjointement avec l'appel de celui-ci,
- l'appel du jugement rendu sur le fond est en l'espèce intervenu par acte du 5 août 2019 et le délai d'appel expirant le 9 août 2019, Monsieur A. n'a pas interjeté appel dans les délais à l'encontre du jugement avant-dire-droit du 23 novembre 2017, puisque son exploit d'appel date du 7 janvier 2021,
- en tout état de cause, le jugement sera confirmé en ce que l'exception d'appel en garantie a été rejetée, puisque Monsieur A. a reconnu l'existence des dommages et de sa responsabilité en acceptant de prendre en charge les travaux de remise en état avant de se décharger sur la SARL A.
- la responsabilité de Monsieur A. dans la survenance des désordres a été reconnue et confirmée par courriel du 9 mars 2016 précisant qu'il s'engage à la remise en état des désordres,
- les premiers juges peuvent parfaitement rejeter une exception d'appel en garantie quand l'instance qui en résulterait est susceptible de retarder le déroulement de l'instance principale dont l'urgence était établie, Monsieur A. pouvant toujours engager son propre recours direct contre l'entrepreneur et l'architecte dans une instance autonome,
- la responsabilité de l'architecte ne saurait de surcroît être engagée puisque les permis ont été obtenus bien après le début des travaux en sorte que l'appel en garantie à son encontre apparaît totalement injustifié,
- il n'a jamais refusé lui-même les réparations par l'entreprise choisie par Monsieur A. lui ayant simplement demandé qu'il précise les surfaces à réparer et donne une garantie sur la nature et la durée des réparations.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que la recevabilité de l'appel étant contestée, qu'il résulte des faits constants de l'espèce que suivant exploit du 27 février 2017 Monsieur K. se prévalant du trouble anormal de voisinage qu'il aurait subi a assigné Monsieur A. devant le Tribunal de première instance pour demander sa condamnation au paiement d'une somme de 56.940 euros en réparation du préjudice causé par les désordres occasionnés outre 5.000 euros pour résistance abusive ;
Que le jugement avant-dire droit du 23 novembre 2017 entrepris a débouté Monsieur A. de ses exceptions tendant à l'appel en garantie d e. D. et de la SARL A tout en renvoyant la cause et les parties à l'audience du 10 janvier 2018 pour les conclusions au fond de Monsieur A.;
Que suivant jugement du 13 juin 2019, le Tribunal de première instance a par la suite condamné Monsieur A. à payer à Monsieur K. les sommes de 48.940 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des troubles anormaux de voisinage et de 5.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive ;
Attendu que par exploit d'appel et assignation du 5 août 2019 Monsieur K. a interjeté appel à l'encontre du jugement au fond rendu le 13 juin 2019 dont il a sollicité la réformation partielle devant la Cour d'appel ;
Que dans le cadre de cette dernière instance, toujours pendante devant la Cour, Monsieur A. formant appel incident a sollicité l'infirmation du jugement avant-dire-droit du 23 novembre 2017 en demandant d'être accueilli en son exception d'appel en garantie ;
Attendu que par exploit d'appel autonome et assignation du 7 janvier 2021 dont la Cour se trouve présentement saisie, Monsieur A. a ultérieurement interjeté appel à l'encontre du seul jugement avant-dire droit rendu le 23 novembre 2017 dont il a sollicité l'infirmation en demandant d'être autorisé à appeler en la cause la SARL A et Monsieur D.
Mais attendu que l'article 423 du Code de procédure civile dispose : « les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou des mesures provisoires peuvent être immédiatement frappées d'appel comme les jugements qui tranchent le principal.
Les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel qu'en même temps que le jugement sur le fond.
Peuvent aussi être immédiatement frappés d'appel les jugements qui statuent sur une exception de procédure une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l'instance » ;
Attendu que le jugement avant-dire droit déféré du 23 novembre 2017 a statué sur une exception dilatoire aux fins d'appel en garantie tout en renvoyant la cause et les parties à l'audience au fond, en sorte que ce jugement statuant sur une exception de procédure ne mettait pas fin à l'instance au sens des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 423 susvisé du Code de procédure civile et ce, dès lors que le Tribunal de première instance demeurait saisi de l'ensemble des demandes au fond ;
Qu'il s'ensuit que le jugement entrepris du 23 novembre 2017 ne pouvait être frappé d'appel qu'après le jugement sur le fond en date du 13 juin 2019 et conjointement avec l'appel de celui-ci ;
Que force est de constater que le délai d'appel inhérent à ce jugement a expiré le 9 août 2019 et que Monsieur A. n'a pas usé de la faculté prévue par la loi pour relever appel du jugement avant-dire-droit du 23 novembre 2017 dans les délais prévus pour former un appel principal contre le jugement sur le fond du 13 juin 2019 ;
Attendu que l'appel du jugement avant-dire droit formé par exploit du 7 janvier 2021 apparaît par voie de conséquence irrecevable ;
Attendu que les dépens de l'instance d'appel demeureront à la charge d a. A.;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Vu les dispositions de l'article 423 du Code de procédure civile,
Déclare irrecevable l'appel formé par a. A. suivant exploit du 7 janvier 2021 à l'encontre du jugement avant-dire- droit rendu par le Tribunal de première instance le 23 novembre 2017,
Laisse les dépens d'appel à la charge d a. A. et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Claire GHERA, Conseiller, Madame Catherine LEVY, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 30 SEPTEMBRE 202 1, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier