Cour d'appel, 20 avril 2021, Monsieur n. T. c/ Madame h. M.
Abstract🔗
Sociétés commerciales - Cession de droits sociaux - Responsabilité du cédant (non) - Dol (non)
Résumé🔗
Le cessionnaire des parts sociales doit être débouté de sa demande indemnitaire formée contre le cédant sur le fondement du dol. Le cessionnaire, associé de la société depuis deux ans, avait connaissance de la situation financière de la société et aucune dissimulation de passif n'est établie à l'encontre du cédant.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 20 AVRIL 2021
En la cause de :
- Monsieur n. T. né le 17 septembre 1971 à Paris (75), de nationalité française, pris en sa qualité de gérant et liquidateur de la SARL A demeurant en cette qualité sis X1 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître s. FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- Madame h. M. née le 6 février 1960 à Nice, de nationalité française, demeurant X2 à Nice (06200) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Miguel GRATTIROLA, avocat au barreau de Papeete ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 10 octobre 2019 (R.160) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 28 novembre 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000066) ;
Vu les conclusions déposées le 17 juillet 2020 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom d h. M. ;
Vu les conclusions déposées le 15 décembre 2020 par Maître s. FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de n. T. ;
À l'audience du 23 février 2021, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par n. T. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 10 octobre 2019.
Considérant les faits suivants :
Selon acte sous seing privé en date du 20 septembre 2011, h. M. et s. G. ont constitué la SARL de droit monégasque A, Madame M. associée majoritaire, étant nommée gérante.
s. G. a cédé le 27 août 2014 à n. T. les 40 parts sociales de la SARL A, d'une valeur nominale de 150 euros, pour la somme totale de 6.000 euros, outre un apport en compte courant d'associé de 2.000 euros.
Le 21 juin 2016, h. M. a cédé à n. T. ses 60 parts sociales, moyennant le versement de la somme de 9.000 euros, étant précisé que le cessionnaire s'interdisait de façon définitive et irrévocable d'exercer toute action contre la cédante en relation directe ou indirecte avec la présente cession et prenait en charge l'intégralité du passif.
Par assignation en date du 21 juin 2017, n. T. a attrait h. M. devant le Tribunal de première instance afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 11.349 euros en réparation de tous les préjudices confondus, en exposant que les agissements d h. M. afin de l'amener à lui faire signer l'acte de cession de parts sociales sont constitutifs d'un dol, puisqu'elle lui aurait dissimulé la somme de 11.349 euros constituant le surplus du passif auquel il a dû faire face et qui ne lui avaient pas été révélés.
Par décision du 1er octobre 2018, n. T. en sa qualité d'associé unique, a procédé à la dissolution anticipée de la société, ce à compter du 1er août 2018 et a été désigné liquidateur.
Par jugement du 10 octobre 2019, le Tribunal de première instance a :
« - rejeté la demande visant à voir écarter des débats la pièce n°18 ;
- débouté n. T. de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté h. M. de sa demande reconventionnelle ;
- condamné n. T. aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
- ordonné que lesdits dépens soient provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ».
Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu à titre principal que rien ne prouvait qu h. M. ait usé de manœuvres dolosives afin d'inciter n. T. à contracter avec elle, la thèse avancée par ce dernier n'étant pas confirmée par les pièces produites aux débats.
Suivant exploit en date du 28 novembre 2019, n. T. a interjeté appel de la décision déférée.
Aux termes de son exploit d'appel en date du 28 novembre 2019 et de ses conclusions du 15 décembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et arguments des parties, reprenant à l'identique les moyens développés en première instance, n. T. demande à la Cour de :
« - recevoir Monsieur n. T. en son appel et l'y déclarer fondé ;
- réformer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
- constater que la pièce adverse 17/18 n'est pas authentique et l'écarter des débats ;
- déclarer Monsieur T. recevable et bien fondé en ses demandes ;
- constater que le dol est caractérisé par les agissements de Madame M. qui ont vicié le consentement de Monsieur T.;
- constater que ces manœuvres dolosives constituent une faute de nature à engager la responsabilité délictuelle de Madame M.;
En conséquence,
À titre Principal
- condamner Madame M. à verser à Monsieur T. la somme de 13.349 euros en réparation du préjudice matériel subi ;
À titre subsidiaire
- prononcer la nullité de l'acte de cession des parts sociales du 21 juin 2016 avec toutes conséquences de droit ;
En tout état de cause
- débouter Madame M. de ses demandes, fins et conclusions ;
- la condamner à verser à Monsieur n. T. une somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- condamner Madame M. aux entiers dépens distraits au profit de Maitre s. FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Il soutient, pour l'essentiel, que :
- le mail qui lui a été adressé le 21 juin 2016 à 11h10 par h. M. consistant en une renonciation à toute action contre elle, est un faux car il ne correspond pas aux graphismes habituels des mails échangés entre les parties, et notamment avec celui du même jour envoyé à 10h07,
- que le mail précité n'apparaît que dans le fil de la conversation d h. M. ce qui prouve qu'il a été ajouté et non envoyé à l'appelant,
- l'intimée verse en pièces 17/18 des mails de la même date à une heure d'intervalle censés émaner de son propre ordinateur, alors que leur présentation est anormalement différente,
- h. M. a volontairement dissimulé les dettes de la société qui ont été aggravées par ses dépenses personnelles et non par les charges fixes de la société alors qu'il lui avait expressément demandé d'être mis au courant de l'état du passif et subordonné son adhésion au projet de cession de parts à l'estimation de l'état du passif de la société,
- qu'à son message envoyé le 12 mai 2016 sur l'état du passif, l'intimée lui répondait par SMS du 16 juin 2016 qu'« il y avait des honoraires de constitution en souffrance pour un montant d'environ 4.000 € », « et un petit découvert sur le compte »,
- il n'a jamais eu d'échange sur l'état financier de la SARL A avant la cession des parts, se fiant aux déclarations de l'intimée, qui, seule, était en contact avec l'expert-comptable dans la mesure où elle avait la gestion de la société,
- il n'a pu obtenir le jour de la signature de l'acte de cession les documents relatifs aux dettes de la société à la société B,
- il a découvert le jour de la signature de l'acte de cession en sa faveur que les dettes de la société ne s'élevaient pas à 9.000 euros comme annoncé par la cédante, mais à 14.783 euros, somme qui a été réglée par lui à hauteur de 10.000 euros et par h. M. qui s'était engagée à régler ladite somme au moyen de trois chèques,
- l'intimée lui a laissé un chèque de 779,40 euros destiné à combler le découvert du compte courant de la société, qui a été rejeté pour utilisation frauduleuse, n'ayant pu être encaissé du fait de la contestation de son émission par la signataire, la SAS C,
- la clause de garantie du passif et la clause limitative de responsabilité édictées au profit d h. M. n'ont pas été discutées entre les parties avant la signature de l'acte le 21 juin 2016,
- il s'est vu contraint de signer l'acte de cession sans avoir bénéficié d'un réel délai de réflexion qui lui a été refusé au motif qu'il avait déjà bénéficier d'un délai d'un mois pour réfléchir à l'acte,
- h. M. lui a menti en lui cachant certaines dépenses strictement personnelles mises à la charge de la SARL A, grevant ainsi ses résultats, et a ainsi vicié son consentement lors de la signature de l'acte de cession des parts sociales,
- le comportement malhonnête de l'intimée est attesté par sa première associée et cofondatrice de la SARL A, Madame s. S.
- le fait qu'il soit professionnel du droit ne lui a pas permis de se prémunir des manœuvres dolosives de son associée et ce en raison à la fois de leur relation de confiance et des procédés utilisés par cette dernière.
Il expose aussi qu'il a dépensé une somme globale de 13.349 euros afin de faire face aux règlements :
- de l'amende fiscale dont la SARL A était redevable pour une somme de 700 euros au titre d'une pénalité suite au non dépôt dans le délai imparti de la déclaration des résultats au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2013,
- des dettes sociales antérieures à la cession des parts sociales englobant la TVA pour un montant de 5.783 euros, somme non contestée par h. M.
- du découvert bancaire s'élevant à la somme de 1.366 euros comprenant des prélèvements à des fins personnelles ayant continué à s'effectuer jusqu'au 19 juillet 2016 (E, O), du paiement de la prime d'assurance du véhicule de marque Z appartenant en propre à l'intimée,
- de la facture du comptable de la société, Monsieur M. datant du 11 mai 2012, pour un montant de 4.387,68 euros.
n. T. ajoute qu'il a dû exposer des frais et honoraires de conseil pour faire valoir ses droits en justice, et que du fait de la mauvaise foi de l'intimée, et de la réelle situation comptable de la société, il a été dans l'impossibilité de gérer la société pendant sept mois et a dû finalement se résoudre à la dissoudre de façon anticipée.
À titre subsidiaire, il soutient aussi que ces manœuvres sont constitutives d'un dol dont la sanction est la nullité de l'acte de cession avec toutes conséquences de droit à savoir l'anéantissement rétroactif du contrat.
Par conclusions du 17 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et arguments des parties, h. M. demande à la Cour de :
« - confirmer le jugement entrepris,
- maintenir aux débats la pièce 17,
- débouter Monsieur T. de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Statuant à nouveau sur appel incident,
- condamner Monsieur T. à lui verser une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi,
- condamner en outre Monsieur T. au paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts supplémentaires pour appel abusif,
- condamner Monsieur T. aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
h. M. réplique en substance que :
- contrairement à ses dires, n. T. avait toute latitude auprès de la société B pour examiner les comptes de la société avant de s'engager dans le projet de rachat des parts, et pour poser des questions utiles aux professionnels lesquels, tenus à des obligations de conseils, d'information, et de sincérité des comptes et documents présentés, n'auraient pas manqué de signaler toute irrégularité et d'émettre toutes réserves,
- il résulte de la teneur de la communication du 16 juin 2016 (pièce adverse 6) entre les parties qu'elle s'est également référée à son cabinet comptable pour l'évaluation du montant du passif qui portait uniquement sur trois postes bien spécifiques, la TVA, les honoraires du cabinet comptable et le découvert bancaire, ce que l'appelant pouvait vérifier,
- elle n'a pas utilisé des moyens de paiement appartenant à la SARL A après la cession des parts et fait volontairement perdurer des prélèvements irréguliers sur le compte de la SARL A concernant notamment l'utilisation du badge E dont le dernier passage est daté du 21 juin 2016 à 16h16 alors qu'elle était toujours propriétaire de ces parts et gérante de la société, et que le badge et les documents importants ont été remis le soir même à n. T.
- elle est disposée à rembourser la SARL A de sommes qui auraient été prélevées par erreur,
- contrairement aux affirmations de l'appelant, les échanges de mails et de SMS du 16 juin 2016 échangés entre les parties, soit cinq jours avant la date de cession des parts, démontrent que la clause de non garantie du passif avait été discutée préalablement entre eux,
- la pièce 17 n'est pas un faux car la fonction « faire suivre » dans un e-mail initial, en y ajoutant un nouveau message, est toujours possible dans tous les navigateurs ou logiciels de messagerie, ce qui est le cas en l'espèce, d'autant que si l'intimée avait eu la volonté d'insérer irrégulièrement une clause supplémentaire dans la cession de parts, elle n'aurait certainement pas dans son e-mail initial informé l'appelant du fait qu'elle envoyait le projet d'acte de cession à son conseil pour commentaires éventuels,
- l'appelant était parfaitement connu de la société B le jour de la signature de l'acte comme l'atteste une correspondance adressée à s. A, responsable de ladite société, en date du 14 février 2016 dans laquelle il est mentionné dans le contexte de la préparation du bilan 2015, la cession de parts de s. G.à n. T. intervenue en 2014 ainsi que l'autorisation d'exercer de ce dernier obtenue en mars 2015, et divers documents émanant de ladite société,
- le chèque de 779,40 euros a été obtenu régulièrement et remis à la SARL A par les organisateurs du salon « Y » organisé les 22, 23 et 24 avril 2016 au Palais des expositions de Nice auprès de la SAS C, et correspondait à un remboursement de 30% du tarif des stands proposé à l'ensemble des exposants en échange du maintien de leurs stands jusqu'à la fin du salon, et en leur demandant de différer les chèques de remboursement au 15 mai 2016, et que lorsque les exposants ont déposé des chèques de remboursement comme prévu initialement, tous les chèques sont revenus impayés pour motif d'utilisation frauduleuse, ce qui n'est pas de son fait,
- le montant de la TVA était connu au jour de la signature et à la disposition des parties et était constitutif du passif de la société, ce que l'appelant ne pouvait ignorer,
- le témoignage de Madame s. S versé aux débats par l'appelant est un faux dans sa totalité, car contrairement à ce qu'elle prétend, cette dernière n'a été associée de la SARL A que pendant six mois et n'a jamais assigné en justice ni intenté de procédure contre l'intimée.
h. M. souligne le caractère abusif de l'appel interjeté par n. T. qui, en tant que professionnel du droit exerçant depuis de nombreuses années, en particulier le conseil aux entreprises, ne pouvait ignorer que la cession de parts, signée sous les augures d'un cabinet d'experts-comptables honorablement connu sur la place qui n'avait soulevé aucune irrégularité ni émis absolument aucune réserve, était parfaitement régulière.
SUR CE,
Les appels tant principal qu'incident, interjetés dans les formes et délai prescrits, sont recevables ;
Sur le rejet de la pièce 17/18 produite au débat par h. M.
Attendu que n. T. prétend que le mail que lui a adressé l'intimée le 21 juin à 11h10, relatif au « rectificatif qu'entendait voir figurer dans l'acte de cession son conseil » et qui consistait à une renonciation de sa part à exercer toute action contre elle, est un faux document créé pour les besoins de la cause, au graphisme différent des mails échangés entre les parties, dont il n'a jamais eu connaissance ;
Mais attendu que pas plus qu'en première instance, l'appelant ne démontre que le mail litigieux est un faux, les éléments avancés quant au graphisme de ce courriel n'étant pas probants ;
Que dès lors, le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;
Sur le dol
Attendu qu'aux termes de l'article 971 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ;
Que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ;
Attendu que n. T. soutient que les agissements d h. M. afin de l'amener à signer l'acte de cession de parts sociales sont constitutifs d'un dol puisqu'elle lui aurait dissimulé l'exact passif de la société, ajouté de façon insidieuse une clause limitant la responsabilité de la cédante, juste avant la signature de l'acte de cession, laissé un chèque censé combler le découvert bancaire qui n'est pas encaissable et pressé la signature du contrat sans lui laisser un délai suffisant de réflexion ;
Mais attendu que n. T. a racheté le 27 août 2014 les parts sociales de l'ancienne associée à hauteur de 40% de la SARL A et qu'à ce titre, il avait toute latitude pour prendre connaissance des éléments financiers la concernant, notamment par le biais de l'expert-comptable de la société B, avant de signer le 21 juin 2016 l'acte de cession des parts sociales d h. M. acte sur lequel est mentionné dans le paragraphe « Effets » : « le cessionnaire étant actionnaire de la société depuis 2014, la situation de celle-ci est à sa pleine connaissance par la consultation des documents sociaux » ;
Que, par mail envoyé le 3 avril 2017 à l'appelant, qui s'interrogeait sur le paiement de la facture d'honoraires de M. M. expert-comptable, datant du 11 mai 2012, l'expert-comptable de la société, s. AR., lui répondait que cette facture figurait dans les documents qui lui avaient été transmis, ce qui démontre qu'il avait eu à sa disposition en temps utile tous les documents comptables de la société lui permettant d'apprécier la situation de trésorerie de la société ;
Qu'ainsi que l'a justement retenu le Tribunal de première instance, l'appelant semblait aussi avoir une connaissance approfondie de ces éléments comptables puisqu'il écrivait le 16 mai 2016 à son associée un long courrier dans lequel il détaillait le chiffre d'affaires et les frais fixes de la société en lui demandant des explications notamment, sur son propre niveau de facturation dans le fonctionnement de la société tout en lui reprochant de continuer à régler des dépenses avec les comptes de la société ;
Attendu que n. T. soutient en vain qu h. M. aurait ajouté de façon insidieuse une clause limitant sa responsabilité en qualité de cédante, juste avant le rendez-vous de signature, sans l'en avoir informé préalablement ;
Mais attendu que la Cour constate, en reprenant la chronologie des mails échangés entre les parties le 21 juin 2016, jour de la signature de l'acte de cession, qu h. M. envoyait à l'appelant un mail à 10h07 en lui communiquant en pièce jointe le projet de cession de parts modifié en lui indiquant « je viens également de l'envoyer à mon avocat pour commentaires éventuels. S'il y en a, je t'en ferai part immédiatement après les avoir reçu. », et un autre mail à 11h10 pour l'informer de ce que son conseil lui a fait ajouter dans le paragraphe « Effets », une clause relative à la renonciation par le cessionnaire de toute action contre la cédante en relation directe ou indirecte avec la présente cession, ce qui paraît revêtir une certaine cohérence ;
Que l'appelant verse lui-même aux débats un SMS envoyé à l'intimée le 12 mai 2016 en évoquant vouloir « une garantie de passif classique pour être sûr qu'il n'y a pas de choses à régler après ton départ (hors frais sociaux poste cession) », qui lui répond le 16 juin 2016, soit antérieurement à la signature de l'acte litigieux « que sur les conseils de son avocat, il ne lui sera pas possible de fournir une garantie de passif à cause de ton procès à venir et des éventuelles conséquences futures sur la société », et l'informe que, faisant le point avec la comptable pour les sommes couramment dues, celle-ci lui aurait dit « qu'entre la TVA à ce jour, leurs honoraires (il y avait des honoraires en souffrance de constitution pour un montant d'environ 4.000 €) et un petit découvert sur le compte, cela s'élève environ au montant de la cession de parts » ;
Qu'à l'issue du SMS échangé entre les parties le 16 juin 2016, h. M. proposait à l'appelant de lui racheter ses parts pour un euro symbolique, ce qui est repris également dans l'acte de cession du 21 juin 2016, alors que le prix initialement fixé était de 150 euros ;
Qu'il se déduit de ces éléments que le sujet avait déjà été abordé avant la signature du contrat, et ne pouvait être ignoré de n. T. qui, en tant que professionnel du droit, était parfaitement éclairé sur les conséquences de son engagement ;
Attendu que si n. T. soutient qu'il a signé l'acte de cession sans avoir bénéficié du délai de réflexion de 4,5 jours qu'il sollicitait auprès de l'intimée qui, par SMS du 16 juin, s'opposait à sa demande en indiquant qu'il avait déjà bénéficié d'un délai d'un mois, il s'avère qu'il en a bénéficié dans les faits, puisque l'acte de cession a été signé le 21 juin, soit 5 jours après le 16 juin ;
Attendu que n. T. ne produit pas aux débats, pas plus qu'en première instance, des éléments établissant qu h. M. lui aurait remis un chèque censé couvrir le découvert bancaire, en réalité non endossable, ne pouvant ignorer les conditions dans lesquelles le chèque lui avait été remis ;
Qu'en effet, h. M. justifie que ce chèque lui a été régulièrement remis par la SAS C, dans le cadre du salon « Y » organisé à Nice, les 22, 23, et 24 avril 2016, dans lequel elle avait réservé un stand d'exposition pour la somme totale de 2.598 euros et qu'en raison des prestations du salon et de son manque de fréquentation, la SAS C avait remboursé à l'ensemble des exposants par chèque 30% du tarif de leur stand, pour s'assurer de leur présence jusqu'à la fin du salon, en leur demandant de différer l'encaissement desdits chèques jusqu'au 15 mai 2016, pour s'opposer ultérieurement à leur encaissement, ce qu'elle ne pouvait savoir en remettant ce chèque fait au nom de la société à n. T. ;
Que de plus, l'appelant, propriétaire unique des parts de la société, a toute latitude pour participer à la procédure en cours intentée par la SAS C pour récupérer cette créance de la société ;
Attendu que le témoignage de s. S. relatant ses relations avec l'intimée, versé aux débats par l'appelant, est inopérant au regard de la procédure dont la Cour est saisie ;
Attendu que, contrairement aux dires de l'appelant qui reconnaît par ailleurs qu'il s'agit de sommes minimes, h. M. n'a pas utilisé les moyens de paiement de la société et maintenu des prélèvements personnels sur le compte de la SARL A après l'acte de cession des parts, ayant remis le badge E de la SARL A à l'appelant le soir de la cession, et que si les prélèvements E et O ont été certes faits sur le compte de la société le 1er août 2016, elle était encore gérante de la société lorsqu'elle a utilisé le badge et le mobile au nom de la société ;
Que de plus, par mails adressés au conseil de l'appelant le 6 août 2016, elle indiquait avoir pris soin de faire toutes les annulations et changements nécessaires dans les 2 jours de la cession, ajoutant que si des prélèvements ou paiements automatiques étaient intervenus postérieurement, il suffisait de lui en communiquer la nature et la preuve pour qu'elle régularise ces paiements auprès de la société, ce qui atteste de sa bonne foi ;
Qu'en conséquence, au regard de ces développements, il n'est pas établi qu h. M. a usé de manœuvres dolosives pour inciter n. T. à signer l'acte de cession des parts de la société SARL A le 21 juin 2016 ;
Que dès lors, le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;
Attendu que l'appelant sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive non justifiée ;
Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de dommages-intérêts d h. M. retenant que n. T. avait tenté de faire valoir ses droits qu'il estimait légitimes sans que cette démarche ne soit abusive ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Attendu que n. T. en interjetant appel, a manifestement fait un usage préjudiciable de son droit d'appel, au vu d'allégations dépourvues de toute pertinence déjà écartées en première instance par des motifs juridiquement pertinents, en toute mauvaise foi, ne pouvant ignorer que cette procédure serait vouée à l'échec, et mettant h. M. dans l'obligation d'exposer des frais pour sa défense ;
Que cette mauvaise foi est aussi caractérisée par une résistance abusive qui se manifeste alors qu'il est professionnel du droit par le refus injustifié d'accepter les conséquences de son engagement fait en toute connaissance de cause ;
Que dès lors, il sera condamné à payer à l'intimée la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;
Attendu qu'il convient de condamner l'appelant, partie succombante, aux dépens ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Confirme le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 10 octobre 2019 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne n. T. à payer à h. M. la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne n. T. aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Madame Claire GHERA, Conseiller, Madame Catherine LEVY, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 20 AVRIL 2021, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur Général Adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.