Cour d'appel, 20 avril 2021, Monsieur s. P. c/ Monsieur p. C.

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Abstract🔗

Désistement d'instance - Désistement d'action - Distinction - Demande reconventionnelle - Instance liée (oui) - Acceptation de la partie adverse mais maintien de la demande reconventionnelle - Désistement parfait (non) - Procédure abusive - Intention de nuire, malveillance ou erreur équipollente au dol (oui) - Préjudice (oui) - Demandes reconventionnelles présentées en cause d'appel - Recevabilité (oui)

Résumé🔗

Le désistement d'instance entraînant l'extinction de celle-ci alors que le désistement d'action implique la disparition du droit d'agir, en ce qu'il porte sur le droit lui-même et anéantit toute possibilité de faire valoir ce dernier en justice.

Dans la mesure où l'instance était liée, par le fait que la demande a entraîné la création d'un rapport juridique entre les parties, le désistement, pour produire ses effets, requerrait l'acceptation du défendeur. En effet, dès ses conclusions du 9 janvier 2018, p. C. avait conclu au fond et présenté une demande reconventionnelle aux fins de condamnation de s. P. au paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Le défendeur n'a pas renoncé à sa demande reconventionnelle, il n'existe pas d'acceptation pure et simple du désistement de s. P. au sens où il n'existe pas de consentement que les choses soient remises en l'état où elles seraient s'il n'y avait pas eu de demande. En conséquence, la Cour étant saisie comme indiqué de demandes de reformation de jugement querellé en toutes ses dispositions par s. P., il y a lieu à infirmation du chef de déclaration du caractère parfait du désistement avec toutes conséquences de droit. Statuant à nouveau, la Cour constate que le désistement n'a pas produit ses effets, que l'instance se poursuit et que la juridiction devant vider sa saisine, il convient de juger que s. P. n'entend pas formellement maintenir ses demandes initiales et ne produit aucune pièce à l'appui de celles-ci.

L'exercice d'une action en justice est un droit fondamental et l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol. En l'espèce, si l'introduction de l'instance devant le Tribunal du travail par s. P. à l'encontre d'un dirigeant qui n'était manifestement pas son employeur, mais le dirigeant de la société avec laquelle il avait signé un contrat de travail, ne peut être en elle-même qualifiée d'abusive, l'évidence de l'erreur commise peut dégénérer en abus de droit du fait d'un maintien, inexpliqué et pendant plusieurs mois, de l'instance dont s'agit.

Les demandes en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif et en paiement de frais de l'instance d'appel sont recevables en application des dispositions combinées des articles 382 et 431 du Code de procédure civile, puisque, d'une part, elles procèdent de la même cause que la demande principale au sens du premier de ces textes, pour être liée à l'exercice des voies de droits afférentes à la présentation d'une demande en justice et où, d'autre part, ces demandes sont relatives à des dommages et intérêts et frais pour un éventuel préjudice subi depuis le jugement dont appel, critère de recevabilité limité des demandes nouvelles en cause d'appel, au sens du second texte.

Le désistement de s. P. ne produisant pas tous ses effets, l'article 412, alinéa 2 du Code de procédure civile qui met les dépens à la charge du désistant ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce. Chacune des parties succombant respectivement de quelques chefs il y a lieu de dire que chacune d'elles conservera la charge de ses dépens, de première instance et d'appel.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 20 AVRIL 2021

En la cause de :

- Monsieur s. P., né le 27 juin 1965 à Sant'Angelo Lodigiano (Italie), de nationalité italienne, demeurant et domicilié X1 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Clyde BILLAUD, avocat en cette même Cour ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- Monsieur p. C., demeurant et domicilié X2 à Monaco, et actuellement sans résidence ni domicile connus ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du travail, le 13 février 2020 ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 17 juin 2020 (enrôlé sous le numéro 2021/000011) ;

Vu les conclusions déposées le 14 décembre 2020 par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de p. C. ;

Vu les conclusions déposées le 8 février 2021 par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de s. P. ;

À l'audience du 23 mars 2021, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par s. P. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail du 13 février 2020.

Considérant les faits suivants :

Le 2 avril 2013, s. P. a été embauché en qualité de négociateur immobilier, suivant contrat à durée indéterminée, par la SARL HAKA CORP, exerçant sous l'enseigne « Mirage Estate Monaco » exploitant un fonds de commerce d'agence immobilière, représentée par son gérant p. C. Sa rémunération était en partie calculée à la commission en fonction de sa participation aux transactions ou de la présentation de biens immobiliers et/ou de prospects.

Il est constant que la relation de travail a pris fin le 30 septembre 2014.

Arguant de ce qu'une commission lui restait due suite à une vente effectuée le 27 janvier 2015, dont il n'avait eu connaissance que postérieurement à son départ de la société HAKA CORP, s. P. a saisi le bureau de conciliation du Tribunal du travail le 27 novembre 2017 des demandes en paiement des sommes suivantes à l'encontre de p. C. :

  • 27.708 euros, « en forme de salaire pour la commission sur l'affaire Mme M. B. SCI MATA Acquisition appartement »,

  • 20.000 euros pour dommages et intérêts.

p. C. s'est présenté en conciliation le 11 décembre 2017 mais aucun accord n'ayant pu être trouvé entre les parties, un procès-verbal de non-conciliation a été dressé à la même date. L'affaire a été renvoyée devant le Bureau de jugement.

Par jugement en date du 13 février 2020, le Tribunal du travail, a statué ainsi : Prenant acte de l'accord manifesté par les parties,

  • constate que Monsieur s. P. s'est désisté de l'action et de l'instance introduites par ses soins, selon requête en date du 27 novembre 2017 parvenue au Tribunal de Travail le même jour, et que Monsieur p. C. a accepté ce désistement tout en maintenant sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

  • déclare en conséquence ce désistement parfait avec toutes conséquences de droit ;

  • rappelle qu'en vertu du principe de l'unicité de l'instance édicté par l'article 59 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, ce désistement d'action et d'instance interdit au demandeur d'introduire devant la présente juridiction de nouvelles demandes, sauf si leurs causes sont nées à son profit ou n'ont été connues de lui que postérieurement à l'introduction de la demande primitive ;

  • condamne Monsieur s. P. à payer à Monsieur p. C. la somme de 3.000 euros (trois mille euros) de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

  • condamne Monsieur s. P. aux dépens du présent jugement.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont estimé que du fait de conclusions au fond et d'une demande reconventionnelle du défendeur, le désistement devait, pour produire ses effets, être accepté par p. C. et que tel avait été le cas sans ambiguïté, aux termes de ses conclusions en date du 13 juin 2019.

S'agissant des dommages et intérêts, ils ont estimé que dès le 10 janvier 2018, p. C. avait déposé des conclusions dans lesquelles il avait indiqué qu'il n'avait jamais été à titre personnel l'employeur de s. P. et que ce dernier avait au demeurant par la suite introduit une autre instance devant le Tribunal du travail à l'encontre de la société HAKA CORP, ayant le même objet. Le Tribunal du travail en a conclu que p. C. s'était ainsi trouvé contraint d'exposer des frais, pour assister à toutes les audiences de mise en état et de plaidoiries, lesquels devaient être correctement indemnisés par l'allocation d'une somme de 3.000 euros de dommages et intérêts.

Suivant exploit en date du 17 juin 2020, s. P. a interjeté appel du jugement susvisé du 13 février 2020, dont il a sollicité la réformation en toutes ses dispositions, demandant à la Cour de :

  • constater que Monsieur P. s'est désisté de son instance initiée suivant demande en date du 27 novembre 2017 à l'encontre de Monsieur p. C. enregistrée sous le numéro RG N°31 bis-2017/2018,

  • débouter Monsieur p. C. de sa demande de dommages et intérêts,

  • condamner Monsieur p. C. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de cet exploit d'appel, s. P. fait valoir les arguments suivants :

1/ Devant le bureau de conciliation, le 11 décembre 2017 p C. avait proposé de mettre un terme au litige contre le paiement d'une somme de 5.000 euros, ce qu'il avait refusé.

2/ Dans le cadre de l'instance ayant conduit au jugement déféré du 13 février 2020, c'était par conclusions du 9 mai 2019 qu'il avait sollicité que soit constaté son seul désistement d'instance et non d'action à l'encontre de p. C. Le jugement encourt donc la censure de ce chef, les premiers juges ayant statué ultra petita.

3.1/ S'agissant du chef de condamnation à des dommages et intérêts, il estime que conscient de son erreur sur l'identification de son réel employeur, il avait initié une procédure contre la société HAKA CORP dès le 26 janvier 2018, par convocation devant le Bureau de conciliation du Tribunal du travail, avec pour objet les mêmes demandes que celles présentées à l'encontre de p. C. Aucun accord n'avait pu intervenir et un procès-verbal de non-conciliation avait été dressé le 19 février 2018, aux termes d'une audience où p. C. s'était présenté pour la société HAKA CORP.

C'était en outre p. C. qui avait refusé la jonction des deux instances par ses conclusions du 17 mai 2018.

De plus, s. P. affirme qu'il n'avait appris que le 29 juin 2018, par la lecture du Journal de Monaco, que p. C. avait été remplacé dans ses fonctions de gérant de la société HAKA CORP suite à sa démission, par décision des associés du 5 novembre 2017 et qu'il avait cédé l'ensemble de ses parts dans la société le 15 novembre 2017. L'appelant s'étonne en conséquence de ce que ce dernier n'ait pas fait part de ces éléments dès la tentative de conciliation du 11 décembre 2017 et qu'il se soit présenté aux intérêts de HAKA CORP le 19 février 2018.

3.2/ Les premiers juges auraient fondé à tort la condamnation à son encontre sur de supposés frais engagés par p. C. alors qu'ils avaient été saisis d'une demande aux fins de paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive. En l'espèce, s. P. estime que son droit d'agir en justice n'aurait pas dégénéré en abus.

3.3/ En tout état de cause, sur le plan juridique, une demande au titre de frais irrépétibles ou équivalent ne peut être reçue en droit monégasque et dans le domaine des faits, l'intimé ne justifierait nullement d'éléments pouvant justifier de l'allocation de la somme telle que fixée par le Tribunal du travail. À cet égard, p. C. n'avait pas constitué avocat et n'avait pas été présent lors de toutes les audiences de mise en état, le conseil de s. P. lui ayant notamment adressé ses conclusions du 13 mai 2019 par courrier.

p. C., intimé, a conclu le 14 décembre 2020 et entend pour sa part voir la Cour :

  • dire et juger que c'est à bon droit que le Tribunal du travail a condamné Monsieur P. à verser à Monsieur C. la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

  • rejeter la demande d'infirmation du jugement rendu par le Tribunal du travail le 13 février 2020,

  • confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

  • dire et juger que l'appel de Monsieur P. est abusif et en conséquence le condamner à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef,

  • condamner Monsieur P. à verser à Monsieur C. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de ses frais de justice ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions il rappelle que ce ne serait que le 9 mai 2019, soit près de dix-huit mois après le début de la procédure, que s. P. avait présenté des conclusions de désistement.

1/ Sur le chef du jugement relatif au désistement d'action, p. C. fait valoir que les conclusions du 9 mai 2019, par lesquelles s. P. aurait sollicité le constat de son désistement d'instance et non d'action ne sont pas produites en cause d'appel. L'intimé estime que, quoi qu'il en soit, il a de ce chef été attrait devant la Cour « pour de pures questions de terminologie » (sic) et estime que l'appel est donc abusif, le jugement devant être confirmé sur ce point.

2.1/ Sur le chef de jugement relatif à la condamnation à la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, l'intimé fait valoir que s. P. avait saisi un avocat-défenseur dès l'année 2018 et qu'il aurait ainsi pu se désister plus rapidement de l'instance engagée à tort à son encontre. La cession des parts sociales et le changement de dirigeant de la société HAKA CORP serait totalement indifférents en l'espèce et la procédure initiée par s. P. serait bien abusive, puisque malgré trois jeux d'écritures en défense devant le Tribunal du travail en date des 10 janvier 2018, 17 mai 2018 et 13 juin 2019, s. P. avait maintenu ses demandes.

2.2/ Sur le plan de la qualification juridique, l'intimé précise que dans ses conclusions devant le Tribunal du travail en date du 13 juin 2019, il avait bien sollicité de : « Condamner M. P. au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre du préjudice financier et moral subi du fait de l'engagement et du maintien pendant plus de 16 mois d'une procédure devant le Tribunal du travail ».

3/ Au soutien de sa demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, p. C. fait valoir qu'il avait été porté atteinte à son honneur et à sa réputation pour avoir été attrait à tort devant le Tribunal du travail et que cette dégénérescence fautive du droit d'agir en justice de s. P. s'était poursuive en cause d'appel, générant un nouveau préjudice.

4/ En outre, devant la juridiction du second degré, il avait été contraint de constituer avocat-défenseur, justifiant sa demande en paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des frais de justice.

Par conclusions du 8 février 2021, s. P. a maintenu les termes de son acte d'appel et a sollicité que les demandes présentées en cause d'appel par p. C. soient déclarées irrecevables, dans la mesure où elles ne procéderaient pas de la même cause, au sens de l'article 382 du Code de procédure civile.

En tout état de cause, s. P. estime, d'une part, que son appel n'est constitutif d'aucun abus ni d'une quelconque intention de nuire et d'autre part que p. C. entend, une fois de plus en cause d'appel, présenter une demande au titre des frais irrépétibles, notion inconnue du droit monégasque.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel interjeté par s. P. dans les conditions de délais et de forme prévues par la loi doit être déclaré recevable ;

1/ Sur le désistement de s. P.

Attendu qu'aux termes de l'article 412, alinéa 1er du Code de procédure civile, le désistement, lorsqu'il aura été accepté, emportera de plein droit consentement que les choses soient remises en l'état où elles seraient s'il n'y avait pas eu de demande ;

  1. 1/ Qu'en l'espèce, si l'appelant ne verse pas aux débats les conclusions de désistement qu'il a présentées devant le premier juge en date du 9 mai 2019, l'intimé a produit quant à lui devant la Cour les conclusions qu'il a lui-même présentées en défense en première instance le 13 juin 2019, en réponse au désistement de s. P. et il indique qu'il est uniquement question d'un désistement d'instance et non d'action ;

Que surtout, le Tribunal du travail a indiqué lui-même en page 3 du jugement querellé du 13 février 2020 que P. avait entendu se désister de l'instance initiée à l'encontre de p. C. ;

Qu'en conséquence, en indiquant dans le dispositif du jugement, que s. P. s'est désisté de l'action et de l'instance introduites par ses soins, les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences de leurs propres constatations ;

Que contrairement à ce qu'indique l'intimé, loin de constituer une simple question de terminologie, la problématique est relative à des conséquences juridiques distinctes, le désistement d'instance entraînant l'extinction de celle-ci alors que le désistement d'action implique la disparition du droit d'agir, en ce qu'il porte sur le droit lui-même et anéantit toute possibilité de faire valoir ce dernier en justice ;

Qu'il convient donc de réformer le jugement de ce chef ;

  1. 2/ Attendu d'autre part que comme l'ont justement indiqué les premiers juges, dans la mesure où l'instance était liée, par le fait que la demande a entraîné la création d'un rapport juridique entre les parties, le désistement, pour produire ses effets, requerrait l'acceptation du défendeur ;

Qu'en effet, dès ses conclusions du 9 janvier 2018, p. C. avait conclu au fond et présenté une demande reconventionnelle aux fins de condamnation de s. P. au paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que les premiers juges ont indiqué que p. C. avait accepté le désistement et ce, sans ambiguïté tel qu'il ressort de ses écritures en date du 13 juin 2019 ;

Mais attendu qu'au sein de ses conclusions, p. C. comparaissant en personne devant le Tribunal du travail, indique en page 2 que « sur le principe, il accepte le désistement d'instance formulée par M. P. dans ses conclusions du 9 mai 2019 et, sur le fond, il maintient le principe de sa demande de dommages et intérêts pour un montant de 3.000 euros, dont il laisse le soin au Tribunal du travail de fixer le quantum » ;

Que dans la mesure où le défendeur n'a pas renoncé à sa demande reconventionnelle, il n'existe pas d'acceptation pure et simple du désistement de s. P. au sens où il n'existe pas de consentement que les choses soient remises en l'état où elles seraient s'il n'y avait pas eu de demande ;

Qu'en conséquence, la Cour étant saisie comme indiqué de demandes de reformation de jugement querellé en toutes ses dispositions par s. P. il y a lieu à infirmation du chef de déclaration du caractère parfait du désistement avec toutes conséquences de droit ;

Que statuant à nouveau, la Cour constate que le désistement n'a pas produit ses effets, que l'instance se poursuit et que la juridiction devant vider sa saisine, il convient de juger que s. P. n'entend pas formellement maintenir ses demandes initiales et ne produit aucune pièce à l'appui de celles-ci ;

Qu'il sera donc débouté de ses demandes de condamnation à l'encontre de p. C.;

2/ Sur la demande reconventionnelle de p. C. aux fins de paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts

Attendu que la demande reconventionnelle de p. C. était bien basée sur l'unique fondement de l'abus du droit d'agir en justice ;

Que l'exercice d'une action en justice est un droit fondamental et que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol ;

Qu'en l'espèce, si l'introduction de l'instance devant le Tribunal du travail par s. P. à l'encontre d'un dirigeant qui n'était manifestement pas son employeur, mais le dirigeant de la société avec laquelle il avait signé un contrat de travail, ne peut être en elle-même qualifiée d'abusive, l'évidence de l'erreur commise peut dégénérer en abus de droit du fait d'un maintien, inexpliqué et pendant plusieurs mois, de l'instance dont s'agit ;

Que tel est bien le cas en l'espèce dans la mesure où, d'une part, la simple lecture du document intitulé « contrat de travail » produit en pièce n°1 par l'appelant lui-même fait apparaître très explicitement la société HAKA CORP comme employeur de s. P. et où d'autre part, dès le mois de janvier 2018, l'appelant, dès cette date assisté d'un avocat-défenseur allait introduire une autre instance, ayant pour objet les mêmes demandes, devant le Tribunal du travail, à l'encontre de la société HAKA CORP ;

Que par suite, il a présenté une demande de jonction qui ne pouvait à l'évidence pas prospérer puisque fondée sur la possibilité pour p. C. de fournir un « éclairage » (sic) dans l'instance liée avec la société HAKA CORP, alors que les voies de droit à cet égard sont encadrées par le Code de procédure civile, dans le titre XIV du Livre II ;

Qu'à compter du refus de la jonction, le 17 mai 2018, près d'une année s'est écoulée, sans que s.P.ne prenne position, dans une instance où il n'a au final jamais déposé de conclusions aux fins de condamnation à paiement de p. C. ;

Que le changement de dirigeant de la société HAKA CORP. tout comme les modifications de ses porteurs de parts sont indifférents en l'espèce ;

Qu'en conséquence un abus dans le maintien de l'instance engagée à tort contre p. C. est bien caractérisé à l'encontre de s. P. ;

Attendu sur le préjudice en découlant pour p. C. que la Cour constate que l'intimé, qui s'est défendu en personne devant le Tribunal du travail, ne verse aucune pièce justificative aux débats et qu'il ne peut donc être retenu que le préjudice moral lié au maintien dilatoire de la procédure par s. P. ce qui l'a amené notamment à conclure à trois reprises et à demeurer à l'excès dans un lien d'instance sans motif légitime ;

Que la Cour estime devoir l'indemniser à hauteur de la somme de 1.000 euros, le jugement du Tribunal du travail étant ainsi réformé sur le quantum de ce chef ;

3/ Sur les demandes reconventionnelles de p. C. en cause d'appel

Attendu que ces demandes en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif et en paiement de frais de l'instance d'appel sont recevables en application des dispositions combinées des articles 382 et 431 du Code de procédure civile, puisque, d'une part, elles procèdent de la même cause que la demande principale au sens du premier de ces textes, pour être liée à l'exercice des voies de droits afférentes à la présentation d'une demande en justice et où, d'autre part, ces demandes sont relatives à des dommages et intérêts et frais pour un éventuel préjudice subi depuis le jugement dont appel, critère de recevabilité limité des demandes nouvelles en cause d'appel, au sens du second texte ;

Attendu sur le fond que s. P. triomphant, au moins partiellement, en son appel, l'exercice de cette voie de recours ne peut donc être qualifiée d'abusive et p. C. sera donc débouté de sa demande de condamnation au paiement d'une somme de 5.000 euros ;

Attendu qu'aucune disposition ne permet à la Cour de faire droit à une demande de condamnation au titre des frais de justice présentée par un intimé, sans constat d'une faute de l'appelant et que p. C. sera donc débouté de cette demande de ce chef ;

4/ Sur les dépens

Attendu que le désistement de s.P.ne produisant pas tous ses effets, l'article 412 alinéa 2 du Code de procédure civile qui met les dépens à la charge du désistant ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce ;

Attendu que chacune des parties succombant respectivement de quelques chefs il y a lieu de dire que chacune d'elles conservera la charge de ses dépens, de première instance et d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare s. P. recevable en son appel,

Confirme le jugement du Tribunal du travail en date du 13 février 2020 en ce qu'il a constaté que s. P. s'est désisté de l'instance introduite par ses soins selon requête en date du 27 novembre 2017 et que p. C. a accepté ce désistement tout en maintenant sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;

Le réforme pour le surplus, Statuant à nouveau,

Dit que le désistement d'instance de s.P.ne peut en conséquence produire effet faute d'acceptation pure et simple par p. C.

Déboute s. P. de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de p. C.

Condamne s. P. à payer à p. C. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Y ajoutant,

Déclare p. C. recevable en ses demandes reconventionnelles présentées en cause d'appel,

Au fond l'en déboute,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 20 AVRIL 2021, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur général adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.

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