Cour d'appel, 13 avril 2021, La SARL A c/ Monsieur p. S.
Abstract🔗
Contrat de travail – Licenciement – Motif valable (non) – Caractère abusif (oui)
Résumé🔗
Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la gravité de la faute invoquée. Les premiers juges ont à cet égard à bon droit rappelé que la faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Il est de la sorte loisible à l'employeur de retenir certaines fautes professionnelles antérieures, pour apprécier de façon globale le comportement du salarié et évaluer de façon objective la gravité des faits qui lui sont reprochés. p. S. a été licencié pour faute grave par lettre du 2 octobre 2017 faisant référence à une insuffisance professionnelle sur un chantier, outre au non-respect de ses obligations contractuelles. Par ailleurs, l'employeur a ultérieurement reproché à p. S. le retard pris dans l'exécution du chantier, estimant son comportement inadapté à un avancement régulier et normal des travaux. L'insuffisance professionnelle se trouve caractérisée par l'inaptitude du salarié à assumer ses fonctions, voire son incompétence pour exercer sa prestation de travail dans les conditions que l'employeur pouvait légitimement attendre en exécution du contrat les liant. Les premiers juges ont légitimement observé que lesdits excès ne concernaient pas spécifiquement p. S. en sorte qu'il n'était pas possible de lui imputer de tels dysfonctionnements relevant du comportement personnel de ces employés. Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a condamné la SARL A à payer à p. S. les sommes de 3.778,96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 377,89 euros au titre des congés payés afférents au préavis aucune critique n'étant émise à l'encontre de ce chef de la décision du tribunal du travail.
En l'espèce, p. S.ne démontre, ni n'allègue, avoir été licencié pour un autre motif que celui visé dans la lettre de licenciement et ne fait état d'aucun motif fallacieux justifiant l'indemnisation d'un quelconque préjudice financier consécutif à la rupture de son contrat de travail. En revanche, s'agissant du contexte ayant présidé à la notification du licenciement, qu'il résulte des pièces produites que la SARL A a licencié p. S. par courrier en date du 2 octobre 2017, remis en main propre, sans aucun délai de prévenance. Les premiers juges ont à bon droit observé que l'employeur ne justifiait pas de la nécessité dans laquelle il se serait trouvé de mettre immédiatement un terme au contrat de travail de p. S. dès lors que la faute grave n'a pas été démontrée. Il en résulte que la mise en œuvre du licenciement a été soudaine et empreinte de légèreté en sorte qu'il doit être fait droit à la réparation du préjudice moral qui en est résulté et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui aurait été la conséquence d'un licenciement abusif dans son principe. La situation personnelle induite par cette rupture mise en œuvre avec précipitation et que p. S. n'a absolument pas pu anticiper, doit ouvrir droit à la réparation du préjudice moral subi par celui-ci.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 13 AVRIL 2021
En la cause de :
- La société à responsabilité limitée dénommée A, dont le siège social est X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Monsieur p. S., demeurant X2 à Menton (06500) France ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n°X, par décision du Bureau des 18 janvier 2018 et 31 juillet 2020
Ayant primitivement élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat en cette même Cour, puis en celle de Maître Xavier-Alexandre BOYER, devenu depuis lors avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du travail, le 13 mai 2020 ;
Vu l'exploit d'appel et assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 25 juin 2020 (enrôlé sous le numéro 2021/000017) ;
Vu les conclusions déposées le 16 novembre 2020 par Maître Thomas GIACCARDI, alors avocat-défenseur de p. S. et celles déposées le 19 février 2021 par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur, au nom de cette même partie ;
Vu les conclusions déposées le 12 janvier 2021 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SARL A ;
À l'audience du 9 mars 2021, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la SARL A, à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail du 13 mai 2020.
Considérant les faits suivants :
p. S. embauché par contrat à durée indéterminée le 21 septembre 2015 par la SARL A, en qualité de peintre, a reçu un avertissement par lettre remise en main propre le 8 mai 2017.
Aux termes d'un courrier recommandé avec accusé de réception, remis également en main propre, en date du 2 octobre 2017, p. S. a été licencié pour faute grave.
Suivant requête en date du 12 novembre 2018, reçue au greffe le 13 novembre 2018, p. S. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
- dire et juger son licenciement non fondé sur un motif valable et abusif,
- condamner la SARL A à lui payer les sommes suivantes :
2.361,85 euros à titre d'indemnité de licenciement,
2.267,37 euros à titre d'indemnité de congédiement,
3.778,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
1.037,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
377,89 euros au titre des congés payés afférents au préavis,
15.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- dire et juger que les condamnations porteront intérêts à compter de la citation devant le Bureau de conciliation,
- condamner la SARL A aux dépens.
À défaut de toute conciliation, l'affaire était renvoyée devant le Bureau de jugement du Tribunal du travail.
Suivant jugement mixte en date du 13 mai 2020, le Tribunal du travail a :
- prononcé la nullité des attestations produites par la SARL A en pièces n° 12 et 13 ;
- dit que le licenciement de p. S. par la SARL A n'est pas fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif ;
- condamné la SARL A à payer à p. S. les sommes suivantes :
3.778,96 euros en brut à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents à hauteur de 377,89 euros en brut, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2018, date de convocation devant le Bureau de conciliation ;
10.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;
Et, avant-dire-droit sur l'indemnité de licenciement, l'indemnité de congédiement et l'indemnité compensatrice de congés payés ;
Ordonné la réouverture des débats et :
- enjoint aux parties de préciser et de détailler le calcul par elles opéré pour obtenir les sommes correspondant à l'indemnité de licenciement et à l'indemnité de congédiement, en tenant compte des observations formulées par le Tribunal au titre de la Convention Collective applicable et en produisant les bulletins de salaire de p. S. du 1er décembre 2016 au 31 octobre 2017 ;
- enjoint à la SARL A de produire un décompte de la Caisse des Congés Payés du Bâtiment détaillant les sommes éventuellement versées à p. S. au titre des congés payés ;
- dit que les parties concluront sur ces points selon le calendrier suivant :
* le VENDREDI 3 JUILLET 2020 Maître Xavier-Alexandre BOYER, pour le compte de p. S.;
* le MERCREDI 16 SEPTEMBRE 2020 Maître Joëlle PASTOR-BENSA, pour le compte de la SARL A ;
* le JEUDI 8 OCTOBRE 2020 pour plaidoiries,
- rappelé que sont de droit exécutoires les jugements qui ordonnent la remise de certificats de travail, bulletins de paie ou de toute autre pièce que l'employeur est légalement tenu de délivrer, ainsi que le paiement de salaires ou accessoires de salaire, en application des dispositions de l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 ;
- condamné la SARL A aux dépens.
Aux termes de cette décision, les premiers juges ont en substance retenu que les éléments de la cause ne permettaient pas de démontrer la réalité de l'insuffisance professionnelle de p. S. ni de caractériser la faute grave et le motif valable ayant présidé à la mesure de licenciement mis en œuvre à son encontre. En l'état de la contestation inhérente aux modalités de calcul de l'indemnité de licenciement, les premiers juges ont ordonné la réouverture des débats pour enjoindre aux parties de préciser et de détailler le calcul qu'elles opèrent de ce chef ainsi qu'en ce qui concerne les sommes dues au titre des congés payés.
Suivant exploit en date du 25 juin 2020, la SARL A, a interjeté appel du jugement susvisé signifié le 29 mai 2020 dont elle a sollicité la réformation en toutes ses dispositions, demandant à la Cour de :
Faisant ce que les premiers juges auraient dû faire,
- dire et juger que le licenciement de p. S. par la SARL A pour faute grave repose sur un motif valable et ne revêt pas un caractère abusif,
- débouter p. S. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- subsidiairement et uniquement pour le cas où par impossible la Cour devrait retenir l'existence d'un préjudice moral il conviendrait de ramener des dommages-intérêts à de plus justes proportions,
- condamner p. S. aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de cet exploit d'appel et de l'ensemble de ses écritures judiciaires la SARL A fait valoir pour l'essentiel que :
- les premiers juges ont à tort prononcé la nullité des attestations de k. G. et de t. S. pour prétendue non-conformité avec les prescriptions de l'article 324 du Code de procédure civile dès lors d'une part que les mentions figurant sur l'attestation G. permettent de déterminer la profession du témoin et de vérifier que celui-ci n'a aucun lien avec la SARL A et n'a donc aucun intérêt au procès et, d'autre part que si l'attestation S. ne porte pas mention de l'article 103 du Code pénal il n'en demeure pas moins que le témoin a indiqué connaître les sanctions pénales encourues en cas de fausse attestation,
- l'insuffisance professionnelle de p. S. était avérée dès lors que son attitude sur les chantiers n'était pas correcte et qu'il accusait de nombreux retards à l'arrivée sur les chantiers outre des départs prématurés, une lettre d'avertissement lui ayant été adressée à cet effet le 31 mars 2017,
- ce comportement inadapté s'est aggravé à l'occasion du chantier de l'immeuble « Y », l'employeur ayant été en mesure d'apprécier l'absence totale d'implication de son salarié qui ne respectait pas les horaires de travail et sa mauvaise volonté à réaliser dans les règles de l'art les tâches imparties,
- l'attestation, déclarée à tort nulle, émanant de k. G. est accablante puisqu'il évoque les plaintes des riverains, le chantier présentant non seulement du retard mais apparaissant sale et en désordre,
- M. S. a rédigé une nouvelle attestation conforme aux exigences de l'article 324 du Code de procédure civile aux termes de laquelle il évoque le retard du chantier, le caractère non assidu des ouvriers dont Monsieur S. avait la charge ou leur présence assis sur l'échafaudage en train de fumer et discuter et la saleté des lieux,
- d'autres éléments probants sont également versés aux débats notamment une lettre de mise en garde adressée par l'administrateur des Domaines maître de l'ouvrage en date du 3 juillet 2017 s'inquiétant du non-respect des délais compte tenu de l'avancement actuel des travaux,
- le courrier d'une résidente en date du 10 août 2017 fait également état de désagréments volontairement causés par les ouvriers de la SARL A dont Monsieur S. travaillant sur la façade de l'immeuble et accédant à sa terrasse pour y laisser des mégots de cigarettes et y installer un micro-ondes branché sur sa prise électrique personnelle,
- le chantier n'a finalement pu être achevé que début octobre 2017 soit avec plus de deux mois de retard, le procès-verbal de réception mentionnant des réserves et l'enquête de satisfaction client faisant état d'avis très négatifs,
- cette accumulation de griefs justifie amplement la qualification de faute grave donnée aux faits commis par p. S. ne permettant pas la poursuite du lien de travail durant la période de préavis sans compromettre la bonne marche et la notoriété de l'entreprise,
- c'est donc à tort que les premiers juges ont fait droit aux demandes du salarié en estimant que son licenciement ne reposait pas sur un motif valable, le jugement entrepris devant être réformé de ce chef,
- s'agissant du caractère abusif de la rupture, les premiers juges n'ont pas tenu compte d'un avertissement précédent qui ne faisait pourtant l'objet d'aucune contestation, l'absence de convocation à un entretien préalable n'apparaissant pas fautive dès lors qu'elle n'est pas prévue par la loi monégasque,
- le Tribunal aurait dû exclure tout caractère abusif et ne pas retenir une quelconque précipitation dans la mise en œuvre du licenciement, la décision déférée devant être également réformée de ce chef.
p. S., intimé, entend pour sa part voir :
- prononcer la nullité de la pièce n° 16 pour non-respect des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile,
À titre principal,
- confirmer le jugement mixte rendu le 13 mai 2020 par le Tribunal du travail en ce qu'il a prononcé la nullité des pièces n° 12 et 13 pour non-respect des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile,
- confirmer le jugement mixte rendu le 13 mai 2020 par le Tribunal du travail en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de p. S. n'est pas fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif,
- confirmer le jugement mixte redu le 13 mai 2020 par le Tribunal du travail en ce qu'il a condamné la SARL A à payer à p. S. les sommes suivantes :
3.778,96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis avec intérêt au taux légal à compter du 14 novembre 2018, date de convocation devant le Bureau de conciliation,
377,89 euros au titre des congés payés afférents au préavis avec intérêt au taux légal à compter du 14 novembre 2018, date de convocation devant le Bureau de conciliation,
10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour juge que le licenciement de p. S. est fondé sur un motif valable,
- dire et juger que le licenciement de p. S. ne repose pas sur une faute grave,
- condamner la SARL A à payer à p. S. les sommes suivantes :
944,74 euros au titre de l'indemnité de congédiement,
3.778,96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- dire et juger que p. S. est bien fondé à solliciter le paiement des sommes suivantes :
1.037,96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
377,89 euros au titre des congés payés afférents au préavis,
En tout état de cause,
- dire et juger que les condamnations porteront intérêts à compter de la citation devant le Bureau de conciliation,
- enjoindre à la SARL A de procéder à la rectification du certificat du travail en ce que la date de sortie de p. S. mentionnée au 29 septembre 2017 est erronée,
- condamner la SARL A aux entiers dépens.
Aux termes de l'ensemble de ses écritures, p. S. fait valoir pour l'essentiel que :
- l'attestation produite par la SARL A sous le n° 12 apparaît nulle ainsi que l'ont retenu les premiers juges dès lors qu'il existait bien un lien d'intérêt entre le témoin et l'entreprise qui aurait dû être mentionné dans l'attestation,
- l'attestation produite par la SARL A sous le n° 13 est également nulle pour défaut de mention expresse de l'article 103 du Code pénal,
- l'attestation adverse produite pour la première fois en cause d'appel sous la pièce n° 16 ne fait pas davantage référence aux dispositions de l'article 103 du Code pénal ni ne fait mention du lien de subordination existant entre Monsieur S. et la SARL A, en sorte que sa nullité est également encourue,
- s'agissant du licenciement, l'employeur lui reproche à la fois une insuffisance professionnelle et une mauvaise exécution délibérée de ses tâches sur le chantier de l'immeuble « Y » qui lui apparaît d'ores et déjà contradictoires puisque ces griefs sont mutuellement exclusifs l'un de l'autre,
- en effet, soit il s'agit d'un manque d'aptitude professionnelle soit d'une mauvaise exécution délibérée qui procède alors d'un manque de volonté, l'ensemble de ces griefs étant en tout état de cause contesté,
- le retard qui a en réalité été pris dans l'exécution du chantier de l'immeuble « Y » est imputable à une mauvaise évaluation par la SARL A du nombre d'ouvriers requis pour réaliser les travaux commandés par l'administration des domaines, seuls deux salariés dont Monsieur S. ayant été affectés à ce chantier comportant la réfection de l'intégralité des façades et ce, dans un délai de 3 mois,
- il est strictement impossible à seulement deux ouvriers d'accomplir dans un délai aussi bref les tâches consistant à monter un échafaudage de plus de 15 mètres sur quatre façades puis à nettoyer, décaper, réparer, traiter et peindre les façades, installer des gardes corps et à démonter l'échafaudage,
- Monsieur S. n'avait pas les compétences requises, ayant été embauché en qualité de peintre coefficient 190 au sein de l'entreprise,
- il n'a cessé d'indiquer à la SARL A qu'il n'était pas qualifié pour monter un échafaudage et ses réclamations sont restées vaines, aucun élément probant n'ayant été produit par l'employeur pour contredire cette affirmation,
- les retards dans la livraison du chantier ne sont donc pas dus à une insuffisance professionnelle ou à la mauvaise volonté de Monsieur S. mais trouvent leur origine dans les propres manquements de l'employeur,
- les attestations produites sont dénuées de valeur probante en raison de leur caractère très général et insuffisamment circonstancié,
- s'agissant de l'utilisation privative de la terrasse d'un résident lors des pauses déjeuner, l'employeur ne prouve pas ce grief pris à l'appui de la rupture,
- une carence probatoire est avérée en ce qui concerne le manque d'hygiène qui lui est reproché sur le chantier, alors même que le fait de fumer occasionnellement pendant la journée sur un chantier en extérieur ne saurait caractériser un motif valable de licenciement,
- il n'est pas davantage établi que les défauts et non- conformité des travaux aux règles de l'art lui soient imputables, les réserves formulées dans le procès-verbal de réception ne pouvant fonder son licenciement pour faute grave,
- l'employeur qui n'a au demeurant pas réagi immédiatement à la suite des plaintes reçues concernant l'avancement du chantier ou le comportement des ouvriers a au contraire souhaité conserver Monsieur S. à son service jusqu'à l'issue des travaux,
- il conviendra de confirmer la décision déférée en ce qui concerne les condamnations au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférents,
- la SARL A ne lui ayant pas remis un certificat de travail modifié ni fait part de sa position il conviendra d'enjoindre cet employeur de lui remettre ce document,
- le caractère abusif de la rupture est amplement démontré puisqu'il n'avait aucune possibilité d'anticiper la décision qui a été prise par l'employeur de façon soudaine et avec une grande légèreté dès lors qu'il n'a pas été convoqué à un entretien préalable.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel interjeté par la SARL A dans les conditions de délais et de forme prévues par la loi doit être déclaré recevable ;
Sur la régularité des attestations produites par la SARL A en pièces n° 12 et 13 :
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile que « l'attestation doit, à peine de nullité :
1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;
2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;
3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;
4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;
5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;
6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. » ;
Attendu que l'attestation établie par k. G. versée aux débats sous la pièce n° 12 mentionne au titre de la profession exercée par k. G. que ce dernier est gérant, sans autre précision sur le nom de sa société ;
Attendu néanmoins que la mention précise de la profession de l'auteur d'un témoignage constitue une condition de régularité d'une attestation et qu'en l'espèce la simple référence à la qualité de gérant de k. G. ne permet pas à la juridiction saisie de procéder au contrôle nécessaire de la validité de ce témoignage ;
Que ladite attestation mentionne par ailleurs une absence d'intérêt avec la SARL A alors que k. G. indique être intervenu sur le chantier « Z » avec la SARL A et s'être rendu sur le chantier de l'immeuble « Y » pour ramener ou récupérer des échafaudages ;
Que les premiers juges en ont à bon droit déduit que ce témoin allait récupérer des échafaudages appartenant à la SARL A, ce qui révélait l'existence d'une relation professionnelle voire d'une simple collaboration ou communauté d'intérêt entre le témoin, k. G. et l'employeur la SARL A ;
Que la décision déférée sera dès lors confirmée en ce que la nullité de l'attestation produite en pièce n° 12 par la SARL A a été prononcée ;
Attendu s'agissant de l'attestation établie par t. S. produite sous la pièce n° 13, que celle-ci ne fait pas référence aux dispositions de l'article 103 du Code pénal alors que l'article 324-5° du Code de procédure civile susvisé prévoit la mention manuscrite apposée par le témoin selon laquelle l'attestation est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;
Qu'aucune référence implicite à d'éventuelles sanctions ne saurait se substituer à une telle précision expressément prévue par la loi, en sorte que les premiers juges ont à bon droit annulé l'attestation produite en pièce 13, le jugement déféré devant être confirmé de ce chef ;
Attendu que la SARL A communique en cause d'appel une nouvelle attestation établie par Monsieur S. versée aux débats sous le n° de pièce 16 ;
Que force est néanmoins de constater que cette attestation ne fait pas davantage référence aux dispositions de l'article 103 du Code pénal et se trouve libellée de façon identique à la pièce n° 13 précédemment annulée ;
Qu'il est par ailleurs constant que le témoin S. déclare ne pas être lié au bénéficiaire de l'attestation par une relation de subordination alors que la SARL A indique pour sa part dans son acte d'appel que ce dernier serait devenu l'un de ses salariés, en sorte que le défaut de mention de ce lien de subordination apparaît également irrégulier ;
Que pour l'ensemble de ces raisons, l'attestation produite sous la pièce n° 16 sera également annulée ;
Sur le motif du licenciement :
Attendu qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la gravité de la faute invoquée ;
Que les premiers juges ont à cet égard à bon droit rappelé que la faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis ;
Qu'il est de la sorte loisible à l'employeur de retenir certaines fautes professionnelles antérieures, pour apprécier de façon globale le comportement du salarié et évaluer de façon objective la gravité des faits qui lui sont reprochés ;
Attendu que p. S. a été licencié pour faute grave par lettre du 2 octobre 2017 faisant référence à une insuffisance professionnelle sur un chantier, outre au non-respect de ses obligations contractuelles ;
Attendu par ailleurs que l'employeur a ultérieurement reproché à p. S. le retard pris dans l'exécution du chantier, estimant son comportement inadapté à un avancement régulier et normal des travaux ;
Attendu que si l'employeur démontre que les travaux concernant de l'immeuble « Y » n'ont pas été achevés, comme initialement prévu au 31 juillet 2017, il lui appartient de rapporter la preuve d'éléments objectifs et concrets de nature à établir l'insuffisance professionnelle ou les manquements de p. S. à l'origine de ce délai excessif ;
Qu'à cet égard, l'insuffisance professionnelle se trouve caractérisée par l'inaptitude du salarié à assumer ses fonctions, voire son incompétence pour exercer sa prestation de travail dans les conditions que l'employeur pouvait légitimement attendre en exécution du contrat les liant ;
Attendu qu'il résulte à cet égard du contrat de travail et des bulletins de salaire de p. S. que celui-ci a été embauché en qualité de peintre et n'était donc ni habilité ni expérimenté pour monter ou démonter des échafaudages de grande hauteur comme l'était celui de l'immeuble « Y » dont l'une des façades surplombe en outre un axe routier ;
Que force est de constater que par courrier recommandé du 10 octobre 2017 Monsieur S. a indiqué à son employeur qu'il n'était pas qualifié pour monter un échafaudage alors qu'il ne résulte d'aucune des pièces produites que certains des personnels formés aient procédé au montage ou seraient intervenus sur le chantier de l'immeuble « Y », les attestations produites ayant en réalité été établies après la réalisation des travaux litigieux, soit le 9 juin 2017 ;
Que le courrier critique adressé par l'Administration des Domaines à la SARL A, le 3 juillet 2017 ne peut dès lors mettre en évidence que l'inadéquation des moyens mis en œuvre par l'employeur la SARL A pour réaliser les travaux de ravalement de façade dans les délais requis ;
Attendu s'agissant du courriel en date du 10 août 2017 et du courrier en date du 1er septembre 2017 émanant de locataires d'un appartement situé en rez-de-jardin de X3 concerné par le ravalement de façade, que ces pièces évoquent le comportement peu courtois et tout à fait inadapté d'ouvriers de la société A, laissant des déchets sur les terrasses et branchant même leur micro-onde sur la prise extérieure des locataires ;
Mais attendu que les premiers juges ont légitimement observé que lesdits excès ne concernaient pas spécifiquement p. S. en sorte qu'il n'était pas possible de lui imputer de tels dysfonctionnements relevant du comportement personnel de ces employés ;
Attendu s'agissant par ailleurs des réserves dont il a été fait état dans le procès-verbal de réception du 2 octobre 2017 concernant notamment les gardes corps des fenêtres et les joints carrelage que ces éventuels manquements ne peuvent pas davantage être imputés à p. S. qui n'est pas intervenu seul sur le chantier concerné et ne s'était vu confier aucune mission de contrôle des tâches ou même de chef d'équipe ;
Attendu que les griefs par ailleurs émis par l'employeur reposent en grande partie sur les témoignages de Messieurs G. et S. dont les attestations ont été déclarées nulles en sorte que les seuls éléments probants versés aux débats par la SARL A ne permettent pas d'établir que p. S. ait commis une faute grave de nature à justifier son licenciement immédiat lequel ne repose pas davantage sur un motif valable en sorte que la décision déférée sera de ce chef confirmée ;
Que le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a condamné la SARL A à payer à p. S. les sommes de 3.778,96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 377,89 euros au titre des congés payés afférents au préavis aucune critique n'étant émise à l'encontre de ce chef de la décision du tribunal du travail ;
Sur le caractère abusif de la rupture :
Attendu que par application des dispositions de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts ;
Attendu que l'employeur peut commettre une faute dans l'exercice de son droit de résiliation du contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans le contexte de sa mise en œuvre ;
Attendu qu'il incombe au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve ;
Attendu qu'en l'espèce p. S. ne démontre, ni n'allègue, avoir été licencié pour un autre motif que celui visé dans la lettre de licenciement et ne fait état d'aucun motif fallacieux justifiant l'indemnisation d'un quelconque préjudice financier consécutif à la rupture de son contrat de travail ;
Attendu en revanche, s'agissant du contexte ayant présidé à la notification du licenciement, qu'il résulte des pièces produites que la SARL A a licencié p. S. par courrier en date du 2 octobre 2017, remis en main propre, sans aucun délai de prévenance ;
Que les premiers juges ont à bon droit observé que l'employeur ne justifiait pas de la nécessité dans laquelle il se serait trouvé de mettre immédiatement un terme au contrat de travail de p. S. dès lors que la faute grave n'a pas été démontrée ;
Qu'il en résulte que la mise en œuvre du licenciement a été soudaine et empreinte de légèreté en sorte qu'il doit être fait droit à la réparation du préjudice moral qui en est résulté et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui aurait été la conséquence d'un licenciement abusif dans son principe ;
Attendu que la situation personnelle induite par cette rupture mise en œuvre avec précipitation et que p. S. n'a absolument pas pu anticiper, doit ouvrir droit à la réparation du préjudice moral subi par celui-ci ;
Que les premiers juges ont légitimement tenu compte de divers éléments d'appréciation tenant notamment à l'âge de p. S. lors de la notification de son licenciement soit 34 ans et de sa faible ancienneté au sein de l'entreprise soit 2 ans et deux mois, pour évaluer équitablement à la somme de 10.000 euros le montant des dommages et intérêts devant lui être alloués ;
Attendu que le jugement entrepris du Tribunal du travail sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions et la SARL A condamnée aux dépens d'appel ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel recevable,
Annule l'attestation produite sous le numéro de pièce 16 produite en cause d'appel par la SARL A pour non-respect des dispositions de l'article 324 du code de procédure civile,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal du travail le 13 mai 2020,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SARL A aux dépens d'appel, distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 13 AVRIL 202 1, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur général adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.