Cour d'appel, 6 avril 2021, Madame f. C. épouse V. c/ Madame j. A.
Abstract🔗
Aliments - Article 174 du Code civil - Action à l'encontre de l'un des codébiteurs - Recevabilité de l'action (oui) - État de besoin de la mère - Preuve non rapportée de son insolvabilité par l'enfant poursuivi
Résumé🔗
Le créancier d'aliment n'est aucunement tenu d'engager une action à l'encontre de tous les codébiteurs, ni de préciser la situation des autres coobligés, la dette d'aliments étant une dette personnelle. L'action engagée par la mère à l'encontre de sa fille aînée est donc recevable.
La mère, âgée de 94 ans, justifie de son état de besoin dès lors qu'elle ne peut faire face à ses dépenses mensuelles d'un montant mensuel total de 5 184,14 euros, dont 4 462,14 euros eu titre de ses frais d'hébergement dans une maison de retraite, auxquels s'ajoutent d'autres frais de vêture, de podologue, de coiffeur, d'aide à la dépendance et de médicaments non remboursés et qu'elle n'a pour ressources qu'une somme mensuelle de 271,20 euros, prestation dite « argent de poche », ainsi qu'une prestation d'autonomie de 4,90 euros par jour. Par ailleurs, elle n'a jamais perçu l'indemnité exceptionnelle d'un montant de 140 000 euros mise à la charge de son ex-mari dans le cadre de leur procédure de divorce. Les procédures qu'elle a engagées à son encontre ne lui ont permis que de recouvrer une fraction des sommes dues. Si elle a perçu 300 000 euros au titre de la liquidation des intérêts communs des époux et la somme de 50 000 euros reçue en partage dans le cadre de la succession de ses parents, ces sommes ont nécessairement été absorbés par le coût de son hébergement à la résidence depuis 10 ans. Par ailleurs, elle justifie devoir une somme de 88 242,53 euros au titre des frais d'hébergement impayés.
Il appartient ainsi à la fille poursuivie de justifier de son état de fortune, ce qu'elle ne fait pas. Elle dispose de revenus dont elle s'abstient de justifier le montant. Elle est associée avec son père dans une SCI ayant acquis cinq biens immobiliers d'une valeur totale de 987 000 euros. Elle ne justifie pas non plus du versement d'une pension à son père. Elle n'établit pas davantage le montant de ses autres charges.
La cour met en conséquence à sa charge le versement à sa mère d'aliments à hauteur de 1 728 euros par mois. Cette somme est due à compter de l'assignation devant le Tribunal de première instance de Monaco.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 6 AVRIL 2021
En la cause de :
- Madame f. C. épouse V., née le 24 mai 1948 à Monaco, de nationalité française, demeurant et domiciliée X1- 06500 MENTON ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Gérard BAUDOUX, avocat au barreau de Nice ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Madame j. A., née le 23 septembre 1926 à Monaco, de nationalités française et italienne, demeurant X2 à Monaco ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 398 BAJ 19, par décision du Bureau du 28 mars 2019
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 28 mai 2020 (R.3764) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 13 juillet 2020 (enrôlé sous le numéro 2021/000008) ;
Vu les conclusions déposées les 21 octobre 2020 et 14 janvier 2021 par Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, au nom de j. A.;
Vu les conclusions déposées le 30 novembre 2020 par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de f. C. épouse V.;
À l'audience du 19 janvier 2021, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par f. C. épouse V. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 28 mai 2020.
Considérant les faits suivants :
Du mariage de G. C. et j. A. sont issues deux enfants : f. et c. respectivement nées en 1948 et 1959.
j. A. donnait par ailleurs naissance en 1953 à une autre enfant issue d'une liaison adultère : c.
Par jugement en date du 7 mai 2009, le Tribunal de première instance de Monaco annulait le lien de filiation entre G. C. et c. C. à la demande de cette dernière.
Par jugement du 22 octobre 2009, le Tribunal de première instance de Monaco prononçait la séparation de corps des époux C. A. aux torts exclusifs de l'épouse, et condamnait G. C. à verser à j. A. une pension alimentaire de 1.500 euros par mois au titre du devoir de secours.
Par jugement du 7 mai 2015, ce même Tribunal convertissait en divorce la séparation de corps des époux C. A. et condamnait G. C. à verser à j. A. une indemnité exceptionnelle de 140.000 euros sur le fondement de l'article 205-2 alinéa 2 du Code civil.
Par jugement du 10 janvier 2020, le Tribunal judiciaire de Nice ordonnait l'exequatur du jugement du 7 mai 2015 du Tribunal de première instance de Monaco. G. C. interjetait appel de ce jugement devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, la procédure étant toujours en cours.
Par exploit d'huissier délivré le 31 mai 2019, j. A. faisait assigner sa fille aînée, f. C. épouse V. aux fins de la voir condamner à lui verser la somme mensuelle de 5.200 euros à titre d'aliments, sur le fondement de l'article 174 du Code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par jugement du 28 mai 2020, le Tribunal de première instance de Monaco statuait en ce sens :
- rejette la fin de non-recevoir soulevée par f. C. épouse V. et déclare j. A. recevable en son action,
- condamne f. C. épouse V. à payer à j. A. la somme mensuelle de 1.728 euros (mille sept cent vingt-huit euros) au titre de l'obligation alimentaire,
- dit que cette somme sera payable d'avance, avant le cinq de chaque mois, au domicile de la créancière, avec indexation au 1er janvier de chaque année sur l'indice des prix de détail à la consommation des ménages urbains publiés par l'I. N. S. E. E., l'indice de base étant celui en cours au jour de la présente décision,
- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamne f. C. épouse V. aux entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de l'administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011.
Les premiers juges retenaient en substance que :
- les articles 174 et 177 du Code civil n'imposaient pas au demandeur d'intenter une action commune contre tous les débiteurs d'aliments de sorte que l'action de j. A. à l'encontre de f. C. épouse V. qui ne contribuait pas spontanément à l'entretien de sa mère contrairement à ses deux sœurs, était recevable,
- au vu des pièces versées aux débats, j. A. était dans l'impossibilité de faire face à ses dépenses en l'absence de ressources de sorte qu'elle se trouvait en état de besoin au sens de l'article 174 du Code civil,
- f. C. épouse V. s'abstenait de verser le moindre justificatif de ses revenus et charges, de sorte qu'elle était mal fondée à invoquer sa prétendue impécuniosité pour se soustraire à son obligation alimentaire,
- f. C. épouse V. était ainsi condamnée à contribuer à l'entretien de sa mère dont la somme était diminuée à 1.728 euros par mois dans la mesure où les deux autres filles contribuaient déjà à l'entretien de leur mère.
Le jugement était signifié par acte d'huissier du 17 juin 2020.
Par exploit d'huissier en date du 13 juillet 2020, f. C. épouse V. interjetait appel du jugement.
Aux termes de cet exploit et de ses conclusions du 30 novembre 2020, f. C. épouse V. demandait à la Cour de :
- la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement du Tribunal de première instance en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau,
À titre principal,
- constater que n'a été attrait à la procédure que f. C. épouse V.
- constater que n'ont pas été attraites à la procédure les deux autres filles de j. A.
- déclarer la demande de j. A. irrecevable,
À titre subsidiaire, si la Cour déclarait recevable l'action de j. A.
- constater que j. A. ne justifie pas de son état de besoin,
- constater que c. DE R. et c G. ne justifient pas d'un versement de leur obligation alimentaire, pas plus que leurs facultés contributives,
- les enjoindre de produire aux débats les relevés de compte bancaire attestant pour c. DE R. du prélèvement mensuel de la maison médicalisée de j. A. et pour c G. de sa participation par moitié à ces frais,
- constater que les capacités contributives de f. C. épouse V. ne lui permettent pas d'assumer une contribution d'un montant de 1.728 euros par mois,
En conséquence,
- débouter j. A. de l'intégralité de ses demandes,
À titre infiniment subsidiaire,
- si j. A. devait justifier devant la Cour de céans d'un réel état de besoin justifiant une contribution, au regard de ses charges et revenus, et des capacités contributives de ses sœurs, au vu des capacités contributives de chacun des obligés alimentaires,
- fixer la contribution de f. C. épouse V. au titre de l'obligation alimentaire à la somme de 500 euros mensuels et déclarer cette proposition satisfactoire,
Sur l'appel incident,
- débouter j. A. de ses demandes incidentes comme étant non fondées,
- débouter j. A. de sa demande de dommages et intérêts,
En tout état de cause,
- condamner j. A. aux entiers frais et dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
f. C. épouse V. soulevait l'irrecevabilité de l'action de j. A. aux motifs que l'intimée, qui n'avait pas attrait dans la procédure ses deux autres filles, n'avait pas le choix de diriger son action à l'encontre de l'un de ses enfants, l'article 174 du Code civil prévoyant que tous les enfants devaient des aliments à leurs parents. Elle soulignait à cet égard que la preuve d'une quelconque contribution de ses deux sœurs à l'entretien de leur mère n'était pas établie.
f. C. épouse V. affirmait également qu'en fixant à sa charge un tiers de la somme totale réclamée par j. A. par équité, les premiers juges avaient fait une interprétation erronée de l'article 177 du Code civil qui disposait que les aliments n'étaient accordés que de la fortune de celui qui les doit. Ils auraient dû dès lors apprécier les capacités contributives des trois filles de j. A. avant de fixer préalablement sa participation. L'action de j. A. était dès lors irrecevable.
A titre subsidiaire, f. C. épouse V. concluait au rejet des demandes de j. A.
Elle soutenait que l'action de sa mère était motivée par sa volonté de lui « faire payer » son soutien à son père lors de la procédure de divorce.
Elle contestait l'état de besoin de j. A. soulignant que :
- j. A. avait perçu dans le cadre de la liquidation de la communauté les sommes suivantes :
* 290.905 euros suite à la vente d'un bien immobilier commun en 2014,
* 331.639 euros au titre de la liquidation du régime matrimonial,
* 50.000 euros à la suite d'un partage intervenu en 2013,
- j. A. percevait une somme de 2.798,84 euros dans le cadre d'une procédure de saisie des pensions de son ex-mari,
- son père avait déjà versé à j. A. la somme de 15.000 euros à raison de 300 euros par mois,
- j. A. avait fait pratiquer une saisie-arrêt des comptes bancaires de G. C.
- f. C. épouse V. qui n'était pas ainsi sans ressources ne justifiait pas de son état de besoin.
Madame f. C. épouse V. demandait par ailleurs d'enjoindre à :
- c. DE R. de produire les relevés du compte bancaire d'août 2018 démontrant qu'elle avait bien réglé le montant de l'hébergement de leur mère par prélèvement,
- c G. de justifier qu'elle abondait pour moitié le compte bancaire de sa sœur de la moitié de la somme de 4.462 euros,
- ses sœurs de justifier de leurs revenus et charges afin de déterminer le montant de l'obligation alimentaire conforme aux facultés contributives de chacune des filles de j. A.
f. C. épouse V. soutenait enfin ne disposer d'aucune retraite, d'aucun bien immobilier ni de fortune personnelle, être actuellement opposée à son mari dans une instance de divorce difficile et contentieuse et héberger et assumer seule sa petite-fille depuis octobre 2020.
Ses revenus et ses charges ne lui permettait pas à ses dires de régler la somme de 1.728 euros mise à sa charge.
Elle demandait à titre infiniment subsidiaire de fixer le montant de sa contribution à l'obligation alimentaire à la somme mensuelle de 500 euros.
f. C. épouse V. s'opposait par ailleurs à la demande de j. A. de lui allouer un secours alimentaire à compter de la signification de l'assignation, rappelant que la demande de la partie adverse était fondée sur ses besoins résultant de son hébergement en maison de retraite et que le compte bancaire de j. A. présentait un solde créditeur en avril 2019.
Elle concluait enfin au rejet de la demande de dommages et intérêts, faute d'éléments établissant un quelconque abus de droit dans son appel.
Par conclusions des 21 octobre 2020 et 14 janvier 2021, j. A. demandait à la Cour de :
Sur l'appel principal :
- déclarer l'appel principal recevable mais non fondé,
- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et en conséquence :
- confirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il n'a pas fixé le point de départ du secours alimentaire à compter de l'assignation,
Sur l'appel incident :
- déclarer l'appel incident recevable et fondé et en conséquence :
- fixer le point de départ du secours alimentaire à compter de l'assignation ou à tout le moins à la date du jugement de première instance,
En tout état de cause,
- condamner f. C. épouse V. à payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,
- condamner f. C. épouse V. aux entiers frais et dépens de l'instance au profit de l'administration qui en poursuivra le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011.
j. A. exposait n'avoir pu récupérer dans le cadre des procédures d'exécution qu'elle avait mises en place qu'une somme de 11.760,56 euros à valoir sur l'indemnité exceptionnelle de 140.000 euros due par G. C. et sur la somme de 6.594,84 euros au titre des pensions alimentaires impayées.
Elle soutenait par ailleurs que G. C. avait organisé avec la complicité de sa fille f. C. épouse V. son insolvabilité en cédant l'ensemble de ses biens mobiliers et immobiliers à l'appelante et à la SCI GAFER dont ils étaient les seuls associés. Elle avait ainsi fait pratiquer une saisie-arrêt des parts de cette société civile.
Etant toutefois sans revenus ni ressources, j. A. soutenait dépendre depuis février 2018 de l'aide matérielle de ses deux autres filles.
En raison de son état de santé déficient, elle était hébergée au sein de la maison de retraite médicalisée X2depuis 10 ans, ses charges mensuelles s'élevant à 5.184,14 euros.
Ses deux filles cadettes ne parvenant pas à faire face seules à ces charges, elle avait été ainsi contrainte d'engager cette action à l'encontre de f. C. épouse V.
Elle soutenait que son action était recevable en vertu de l'article 174 du Code civil qui n'imposait nullement au demandeur d'intenter une action commune à l'encontre de tous les débiteurs d'aliment ; elle ajoutait que f. C. épouse V. était la seule de ses trois filles à ne pas participer à ses charges et à ne pas avoir complété le dossier transmis par la Direction de l'Action et de l'Aide Sociales permettant de calculer le montant de l'aide sociale à laquelle elle pouvait prétendre.
j. A. affirmait par ailleurs être dans un état de besoin, soutenant que :
- elle n'avait reçu qu'un capital de 331.638,98 euros lors de la liquidation du patrimoine de la communauté comprenant 290.905 euros représentant une part du produit de la vente d'un bien immobilier commun en 2014 et 50.000 euros provenant d'un partage du produit de la vente d'un autre bien commun en date du 22 mars 2013,
- elle avait épuisé ce capital depuis sa perception,
- elle était sans ressources depuis février 2018 et entièrement à la charge de ses deux autres filles, qui réglaient directement les factures de son hébergement,
- elle restait redevable d'une somme de 88.242,53 euros au titre de ses frais d'hébergement,
- elle avait une prestation d'autonomie de 4,90 euros par jour attribuée par la Direction de l'Action et de l'Aide Sociales et directement perçue par le Centre Hospitalier Princesse Grace dont dépendait sa maison de retraite,
- elle avait obtenu une somme de 271,20 euros de la Direction de l'Action et de l'Aide Sociales au titre de « son argent de poche »,
- elle ne percevait pas de versement au titre du forfait hébergement en l'absence de retour par f. C. épouse V. du dossier de l'aide sociale à la Direction de l'Action et de l'Aide Sociales.
j. A. affirmait par ailleurs que f. C. épouse V. qui avait toujours travaillé, continuait de gérer un garage à Roquebrune-Cap-Martin ; elle était par ailleurs associée gérante de quatre sociétés civiles immobilières qui étaient propriétaires de plusieurs biens immobiliers dans la région.
Elle demandait au titre de son appel incident de lui allouer ce secours alimentaire depuis la signification de l'assignation en raison de sa situation et de la réticence inacceptable de f. C. épouse V. qui refusait d'exécuter volontairement les condamnations prononcées à son encontre.
Elle sollicitait enfin la condamnation de f. C. épouse V. au paiement de dommages et intérêts pour appel abusif, cette dernière ayant interjeté appel pour s'exonérer de ses obligations et ne pas verser les sommes mises à sa charge sans soulever de moyen nouveau ou verser de nouvelles pièces.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que les appels régulièrement formés dans les conditions de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile, doivent être déclarés recevables ;
Sur la recevabilité de l'action de j. A.
Attendu que l'article 174 du Code civil dispose : « Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou aux autres ascendants qui sont dans le besoin. La succession de l'époux prédécédé en doit, dans le même cas, à l'époux survivant. Le délai pour les réclamer est d'un an à partir du décès et se prolonge, en cas de partage, jusqu'à son achèvement. La pension alimentaire est prélevée sur l'hérédité. Elle est supportée par tous les héritiers et, en cas d'insuffisance, par tous les légataires particuliers, proportionnellement à leur émolument.
Toutefois, si le défunt a expressément déclaré que tel legs sera acquitté de préférence aux autres, il sera fait application de l' article 794 du Code civil . »
Que l'article 177 du Code civil dispose que les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ;
Qu'il ne résulte pas des dispositions de ces articles l'obligation pour le créancier d'aliment d'engager une action à l'encontre de tous les codébiteurs ni de préciser la situation des autres coobligés, la dette d'aliments étant une dette personnelle ;
Qu'il s'ensuit que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action de j. A.;
Sur la demande d'aliments
Attendu que la Cour rappelle que le présent litige oppose f. C. épouse V. à j. A. de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner les demandes de l'appelante d'enjoindre à c. DE R. et c G. qui ne sont pas parties à la procédure, de justifier de leur contribution aux charges de leur mère ;
Attendu que l'article 177 du Code civil dispose que les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ;
Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que j. A. se trouvait en état de besoin au sens de l'article précité ;
Qu'il résulte en effet des pièces versées aux débats que les ressources de j. A. ne lui permettent pas d'assurer normalement sa subsistance ;
Qu'au vu du bulletin de situation du 28 avril 2019, j. A. est hébergée dans la résidence A Qietudine depuis le 5 juillet 2010, cet hébergement étant justifié par son état de santé, ainsi que l'a retenu le juge du divorce ;
Que le montant mensuel de ses frais d'hébergement s'élève à la somme de 4.462,14 euros, auxquels s'ajoutent d'autres frais de vêture, de podologue, de coiffeur, d'aide à la dépendance et de médicaments non remboursés, soit une somme de 5.184,14 euros que f. C. épouse V. ne conteste pas au demeurant ;
Que j. A. âgée de 94 ans, et qui n'a jamais exercé d'activité professionnelle, ainsi que l'a relevé le juge du divorce dans son jugement du 7 mai 2015, a pour ressources une somme mensuelle de 271,20 euros, prestation dite « argent de poche », depuis le 1er octobre 2019 ainsi qu'une prestation d'autonomie de 4,90 euros par jour, directement versée à la maison de retraite, que lui verse la direction de l'Action et l'Aide sociales de la Principauté de Monaco ainsi qu'en attestent les courriers de cette direction des 24 octobre et 30 décembre 2019 ;
Attendu par ailleurs que le jugement du 7 mai 2015 indique que j. A. n'a aucun patrimoine, mobilier ou immobilier, propre ;
Que f. C. épouse V. fait toutefois état de la perception par j. A. de capitaux, versant aux débats quatre actes notariés de vente de biens immobiliers au profit de la société H en date des 24/07/2007, 30/07/2007, 05/09/2009 et 28/08/2014 pour des montants de 720.000 euros, 350.000 euros, 430.000 euros et 700.000 euros ainsi qu'un acte notarié de partage du 22 mars 2013 ;
Attendu qu'il ressort des stipulations des actes notariés des 24/07/2007, 30/07/2007, 05/09/2009 que les biens vendus ont été reçus par G. C. en héritage de ses parents dans le cadre des opérations de partage avec son frère de sorte qu'il s'agit de biens propres lui appartenant et sur lesquels il n'est pas établi que j. A. a perçu la moindre somme ;
Qu'il résulte toutefois du relevé de compte du notaire du 16 décembre 2014 que le produit de la vente du bien immobilier réalisée le 28 août 2014 d'un montant de 700.000 euros a été réparti entre G. C. et j. A. cette dernière ayant recueilli la somme totale de 290.905,37 euros ;
Qu'il ressort au surplus d'un acte notarié de partage du 22 mars 2013 portant sur un bien sis à Tende que G. C. a versé à j. A. une soulte de 50.000 euros payée comptant ;
Que j. A. qui soutient n'avoir perçu qu'une somme de 40.733,61 euros sur les 50.000 euros en raison du paiement de charges d'un montant de 3.679,52 euros et de frais de saisie de 5.586,87 euros, ne justifie pas de ses dires ;
Qu'aux termes du jugement du 7 mai 2015, les premiers juges ont toutefois retenu que j. A. n'avait recueilli qu'une somme totale de 331.639,18 euros à l'issue de la liquidation de la communauté ;
Qu'il n'est pas par ailleurs contesté que G. C. n'a pas réglé à j. A. le montant de l'indemnité exceptionnelle de 140.000 euros allouée par le jugement du Tribunal de première instance de Monaco en date du 7 mai 2015 ;
Que j. A. a en effet dû faire pratiquer une saisie-arrêt des comptes bancaires de G. C. par acte d'huissier en date du 12 juin 2020 pour recouvrer le montant de son indemnité exceptionnelle de 140.000 euros et les frais d'article 700 du Code de procédure civile français de 1.500 euros, le décompte de la créance établi par l'huissier de justice ne mentionnant aucun versement réalisé par l'ex-époux au titre de ces sommes au jour de la saisie ;
Que les comptes bancaires saisis présentaient un solde créditeur de 16.000 euros ;
Que j. A. indique avoir également dû entreprendre des voies d'exécution pour recouvrer le solde impayé de sa pension alimentaire de 6.594,84 euros ;
Qu'elle verse aux débats l'ordonnance de troisième attribution du Juge de Paix de Monaco en date du 20 février 2018 confirmant d'une demande de saisie pour recouvrer le montant de cette somme ;
Attendu que f. C. épouse V. soutient que j. A. a récupéré une somme de 15.000 euros au titre des saisies qu'elle a effectuées sur les biens de G. C. et notamment sur ses pensions de retraite, ce que conteste j. A. qui fait état d'une somme de 11.760,56 euros ;
Attendu toutefois que l'examen des ordonnances de saisie-arrêt du Juge de Paix de Monaco ne permet de constater que l'attribution d'une somme de 2.798,84 euros sur le montant des pensions de retraite de G. C. à laquelle s'ajoute celle de 2.801,16 euros représentant le montant d'un chèque que j. A. attribue à G. C.;
Qu'en tout état de cause, en raison de son admission dans la maison médicalisée depuis le 5 juillet 2010, le capital de plus de 300.000 euros issu de la liquidation des intérêts communs des époux et la somme de 50.000 euros reçue en partage ont nécessairement été absorbés par le coût de l'hébergement de j. A. à la résidence X2depuis 10 ans ;
Que les sommes saisies, qui ne dépassent pas selon f. C. épouse V.15.000 euros, ne permettent pas non plus à j. A. de faire face à ses dépenses courantes mensuelles, eu égard au coût de son hébergement de plus de 4.000 euros par mois, ni au montant de sa dette de 88.242,53 euros représentant les frais d'hébergement impayés depuis janvier 2020 et dont le montant est attesté par l'agent comptable du Centre Hospitalier Princesse Grace le 7 janvier 2021 ;
Que la Cour observe à ce titre que j. A. ne peut valablement faire état de la participation de ses deux autres filles à ses charges dans la mesure où elle justifie devoir une somme de 88.242,53 euros au titre des frais d'hébergement impayés depuis janvier 2020 ;
Qu'il n'est au demeurant versé aucun élément de preuve objectif de ce soutien financier de ses deux autres enfants ;
Qu'il résulte néanmoins des pièces versées aux débats que j. A. justifie de son état de besoin dans la mesure où ses ressources mensuelles ne lui permettent pas de faire face à ses frais de subsistance ;
Qu'il appartient dès lors au débiteur d'aliment d'établir son état de fortune ;
Attendu que les premiers juges ont relevé que f. C. épouse V. s'abstenait de verser le moindre justificatif de ses revenus et charges ;
Qu'il résulte des pièces versées aux débats par j. A. que f. C. épouse V. a exercé des activités professionnelles dans la mesure où elle a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nice, pour avoir exploité un établissement de poterie du 26/05/2000 au 06/05/2004, date de sa radiation, et une entreprise dénommée les secrets d'Anaïs du 18/12/2014 au 10/03/2017 ;
Qu'aux termes d'une interview du 27 février 2019 sur YouTube, f. C. épouse V. a déclaré gérer avec sa fille un garage automobile à Roquebrune-Cap-Martin recevant chaque jours plus de 50 véhicules depuis plus de 20 ans ;
Que bien qu'elle affirme ne disposer d'aucune pension de retraite, f. C. épouse V. qui a travaillé et qui est domiciliée en France, ne produit aucun relevé d'imposition de l'administration fiscale française attestant de ses dires ;
Qu'elle ne verse aucun élément attestant d'une procédure de divorce en cours avec son mari ni de ce qu'elle lui a réclamé une pension alimentaire, faute de revenus ;
Attendu par ailleurs qu'aux termes de ses conclusions, f. C. épouse V. affirme que ses revenus et ses charges actuelles ne lui permettent pas de verser, en sus de la contribution qu'elle apporte à son père, la somme de 1.728 euros mise à sa charge par les premiers juges ;
Que f. C. épouse V. admet ainsi disposer de revenus dont elle s'abstient de justifier du montant ;
Que f. C. épouse V. dispose au surplus d'un patrimoine dans la mesure où elle est associée avec son père dans la SCI GAFER, laquelle a acquis cinq biens immobiliers d'une valeur totale de 987.000 euros ;
Que la contribution qu'elle dit apporter à son père et dont elle ne rapporte pas au demeurant la moindre preuve apparaît peu crédible dans la mesure où son père, qui perçoit des pensions de retraite, a vendu ses biens propres pour un montant de plus d'un million d'euros ;
Que si a. P. atteste résider depuis le 1er octobre 2020 au domicile de sa grand-mère, f. C. épouse V. elle ne certifie nullement d'une quelconque prise en charge de ses frais par cette dernière ;
Que les tickets de cartes bancaires réglant des frais de carburant, de péages, et les tickets de caisse portant sur des achats de fournitures scolaires et de chaussures n'établissent nullement qu'ils ont été réglés par f. C. épouse V. et qu'ils correspondent à des dépenses faites par a. P.;
Qu'il convient ainsi de constater que f. C. épouse V. ne verse en appel aucun élément de preuve sur le montant de ses revenus et de ses charges, sa carence dans la charge de la preuve de son état de fortune ne pouvant la dispenser de son obligation alimentaire envers sa mère ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges ;
Qu'eu égard au montant des dépenses courantes mensuelles de j. A. et en l'absence de tout élément de preuve de l'absence de fortune de f. C. épouse V. c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné cette dernière à verser à sa mère des aliments à hauteur d'une somme de 1.728 euros ;
Sur l'appel incident
Attendu que j. A. demande de fixer le point de départ du secours alimentaire à compter de l'assignation du 31 mai 2019 ou à tout le moins à compter du jugement de première instance, ce à quoi s'oppose f. C. épouse V. qui souligne l'existence d'un solde créditeur du compte bancaire de l'intimée au mois d'avril 2019 ;
Attendu toutefois que le solde créditeur du compte bancaire de j. A. était de 0 euro au 26 mars 2019, la somme de 2.801,19 euros créditée sur le compte le 1er avril 2019 provenant d'un versement fait par G. C. en exécution des condamnations prononcées à son encontre ;
Attendu par ailleurs que le capital dont disposait j. A. a été nécessairement absorbé par les frais d'hébergement bien avant l'assignation du 31 mai 2019, eu égard à leurs montants mensuels et à la date à laquelle j. A. est entrée dans la maison de retraite médicalisée ;
Que l'état de besoin de j. A. dépourvue de tous revenus existait dès l'assignation de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de fixation des aliments à l'encontre de f. C. épouse V. à compter du 31 mai 2019 ;
Attendu que l'exercice d'une voie de recours constitue un droit ;
Que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration d'une faute ou d'une intention malveillante ;
Que j. A. ne rapportant pas la preuve d'une quelconque faute ou d'une intention malveillante de la partie adverse, elle est par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour appel infondé et dilatoire ;
Que f. C. épouse V. qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare les appels recevables,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de première instance en date du 28 mai 2020,
Y ajoutant,
Dit que f. C. épouse V. doit la somme de 1.728 euros au titre des aliments à compter du 31 mai 2019,
Déboute j. A. de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,
Condamne f. C. épouse V. aux dépens d'appel, distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Claire GHERA, Conseiller, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 6 AVRIL 202 1, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur général adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.