Cour d'appel, 30 mars 2021, La SAM MAREX et autres c/ la Société CAROLI BAT

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Jonction - Lien de connexité - Intérêt d'une bonne administration de la justice (oui) ; Appel-nullité - Recours exceptionnel et subsidiaire - Conditions cumulatives : excès de pouvoir et absence de toute autre voie de recours - Notion d'excès de pouvoir - Recevabilité (non) - Effet dévolutif (non)

Résumé🔗

Les deux procédures sont liées par un lien de connexité tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice qu'elles soient jointes pour statuer sur l'ensemble des demandes par une seule et même décision. Les deux instances, qui concernent les mêmes parties et la même décision, sont en état d'être jugées, les parties ayant conclu longuement dans chacune d'elles à des fins identiques.

Aux termes de l'article 423 du Code de procédure civile, seuls les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire, ou ceux qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l'instance peuvent être immédiatement frappés d'appel. Les autres décisions ne peuvent l'être qu'après le jugement sur le fond et conjointement avec l'appel de celui-ci. Néanmoins, la jurisprudence offre la possibilité aux parties de former un recours, à titre exceptionnel et subsidiaire, par la voie de l'appel-nullité, à l'encontre d'une décision qui serait entachée d'un excès de pouvoir, à l'égard de laquelle aucune autre voie de recours n'est offerte dans l'immédiat pour sanctionner rapidement le vice dénoncé.

L'usage de cette voie de recours prétorienne suppose donc la réunion de deux conditions cumulatives : un excès de pouvoir et l'absence de toute autre voie de recours.

La notion d'excès de pouvoir s'entend des situations dans lesquelles le juge use de prérogatives que la loi ne lui a pas attribuées ou, à l'inverse, refuse d'exercer les compétences que la loi lui reconnaît. La violation des règles de droit n'est pas constitutive d'un excès de pouvoir. La méconnaissance du principe du contradictoire ne relève pas davantage de cette qualification. L'ouverture prétorienne d'une voie de recours sous la forme de l'appel-nullité ne peut conduire à contourner l'appréciation stricte de l'excès de pouvoir, alors que l'appel différé contre les jugements qui ne tranchent pas une partie du principal et qui ne mettent pas fin à l'instance poursuit également le but légitime reconnu par la Cour européenne des droits de l'Homme, d'accélération des procédures de première instance pour les voir juger dans un délai raisonnable.

Si la Cour est saisie de tous les points en litige par l'effet dévolutif du recours prévu par l'article 429 du Code de procédure civile, cette connaissance n'en est pas moins subordonnée à l'annulation préalable de la décision critiquée et a fortiori à la recevabilité de la voie de recours exercée, sauf à constituer une voie de contournement. Tel est précisément le sens de l'abondante jurisprudence du pays voisin produite aux débats (notamment Cour de cassation chambre commerciale 15 mai 2001 et 17 décembre 2003, Cour de cassation chambre civile 19 mai 2016, cour d'appel de Paris 11 octobre 2016 et 11 octobre 2017).


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 30 MARS 2021

I - En la cause n° 2020/000060 (appel et assignation du 2 décembre 2019) :

1- La SAM MAREX, Société Anonyme Monégasque à objet civil inscrite au Registre Spécial des Sociétés Civiles sous le N° 15 SC 17791, dont le siège social est sis, X1 C/O ENGECO SAM, Athos Palace, 98000 MONACO, agissant poursuites et diligences de son Président Délégué en exercice, Monsieur a. C. ainsi que de son Administrateur Délégué, Monsieur g. C. domiciliés en cette qualité audit siège ;

La SCI DREAMLANDS, Société Civile Immobilière inscrite au Registre Spécial des Sociétés Civiles sous le n° 16 SC 17895, dont le siège social est sis C/O SAM DHARMA, X298000 MONACO, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, Monsieur j-b. P. domicilié en cette qualité audit siège, et demeurant X5 98000 Monaco ;

La Société ESPERANZA, Société Civile Immobilière inscrite au Registre Spécial des Sociétés Civiles sous le n° 16 SC 18074, dont le siège social est sis « X3», X4 98000 MONACO, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, Monsieur p. P. domicilié en cette qualité audit siège et demeurant également à ladite adresse ;

Ayant toutes trois élu domicile en l'Étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTES,

d'une part,

contre :

La Société CAROLI BAT (anciennement dénommée SOCIÉTÉ MONÉGASQUE D'ETUDES ET DE TRAVAUX, en abrégé SMETRA), Société Anonyme Monégasque au capital de 230.000 €, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 72 S 01346, dont le siège social est sis X6 MC 98000 MONACO, prise en la personne de son Président Délégué en exercice, domicilié és-qualités audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABADALNO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

La Société DES ENTREPRISES J-B. P. & FILS, Société Anonyme Monégasque inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 56 S 00353, dont le siège social est sis « X3», X4 98000 MONACO, prise en la personne de son Président Administrateur Délégué en exercice, Monsieur p. P. domicilié en cette qualité audit siège ;

La Société ENTREPRISE GÉNÉRALE DE CONSTRUCTION (EN. GE. CO), Société Anonyme Monégasque au capital de 300.300 €, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 89 S 02456, dont le siège social est sis X1 Athos Palace, 98000 MONACO, prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice, Monsieur Pierre C. domicilié en cette qualité audit siège ;

La Société M. P. GROUP, Société Anonyme Monégasque au capital de 160.000 € inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 05 S 4326, dont le siège social est sis « X7», X8 MC 98000 MONACO, prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice, Monsieur j-b. P. domicilié en cette qualité audit siège ;

La Société DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER, Société Anonyme Monégasque au capital de 150.000 € inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 16 S 07116, dont le siège social est sis X9 c/o SCI Colfal II, Le Mercator, 98000 MONACO, prise en la personne de son Président Délégué en exercice, Monsieur p. P. domicilié en cette qualité audit siège ;

La Société DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER, Société Anonyme Monégasque au capital de 150.000 € inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 16 S 07017, dont le siège social est sis X9 c/o SCI Colfal II, Le Mercator, 98000 MONACO, prise en la personne de son Président Délégué en exercice, Monsieur p. P. domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant toutes les cinq élu domicile en l'Étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

La Société L'ANSE DU PORTIER, Société Anonyme Monégasque au capital de 150.000 € inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 14 S 06383, dont le siège social est sis X9 c/o SCI Colfal II, Le Mercator, 1er étage, 98000 MONACO, prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

La Société ANSE DU PORTIER, Société en Commandite par Actions au capital de 300.000 €, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 16 S 07048, dont le siège social est sis c/o la SAM J-B. P. & FILS, « X3», X4 98000 MONACO, prise en la personne de son gérant en exercice la SAM LOUXOR, elle-même représentée par son Président Délégué en exercice, Monsieur p. P. domicilié en cette qualité audit siège ;

La Société LOUXOR, Société Anonyme Monégasque au capital de 150.000 € inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n°16 S 06897, dont le siège social est sis c/o la SAM JB P.& FILS, « X3», X4 98000 MONACO, prise en la personne de son Président Délégué en exercice, Monsieur p. P. domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant toutes trois élu domicile en l'Étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocats plaidants Maître Sébastien PRAT et Maître Eve DUMINY, avocats au Barreau de Paris, substitués et plaidant par Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco ;

Monsieur p. P., né le 10 juin 1973 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant « X3», X4 98000 MONACO ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Louis FACCENDINI, avocat au Barreau de Nice ;

En présence de :

La Société SATRI, Société Anonyme Monégasque au capital de 1.000.000 €, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 80 S 1808, dont le siège social est sis « X10», X11 MC 98000 MONACO, prise en la personne de son Président Délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

NON COMPARANTE, NON REPRESENTÉE,

INTIMÉS,

d'autre part,

II - En la cause n° 2020/000078 (appel et assignation du 6 janvier 2020) ;

La société anonyme monégasque SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES j-B. P. & FILS, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro 56 S 00353, dont le siège social est sis « X3», X4 à MONACO, représentée par son Président Administrateur Délégué en exercice Monsieur p. P. demeurant ès-qualité audit siège ;

La société anonyme monégasque ENTREPRISE GÉNÉRALE DE CONSTRUCTION (ENGECO), inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro 89 S 02456, dont le siège social est sis X1 Athos Palace à MONACO, représentée par son Administrateur Délégué en exercice Monsieur Pierre C. demeurant ès-qualité audit siège ;

La société anonyme monégasque M. P. GROUP, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro 05 S 4326, dont le siège social est sis « X7», X8 à MONACO, représentée par son Administrateur Délégué en exercice, Monsieur j-b. P. demeurant ès-qualité audit siège ;

La société anonyme monégasque DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro 16 S 07116, dont le siège social est sis X9 c/o SCI COLFA II, Le Mercator, à MONACO, représentée par son Président Délégué en exercice Monsieur p. P. demeurant ès-qualité audit siège ;

La société anonyme monégasque DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro 16 S 07017, dont le siège social est sis X9 c/o SCI COLFA II, Le Mercator, à MONACO, représentée par son Président Délégué en exercice Monsieur p. P. demeurant ès-qualité audit siège ;

Ayant toutes les cinq élu domicile en l'Étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTES,

d'une part,

contre :

1- La société anonyme monégasque CAROLI BAT, anciennement dénommée SOCIÉTÉ MONÉGASQUE D'ETUDES ET DE TRAVAUX, en abrégé SMETRA, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro 72 S 01346, dont le siège social est sis X12à MONACO, représentée par son Président Délégué en exercice, demeurant ès-qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABADALNO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

2- La société anonyme monégasque à objet civil MAREX, inscrite au registre spécial des Sociétés Civiles sous le n° 15 SC 17791, dont le siège social est sis X1 c/o ENGECO SAM, Athos Palace, à MONACO, représentée par son Président Délégué en exercice Monsieur a. C. demeurant ès-qualité audit siège ;

3- La société civile immobilière DREAMLANDS, inscrite au Registre spécial des Sociétés Civiles sous le numéro 16 SC 17895, dont le siège social est sis c/o SAM DHARMA, X2à MONACO, représentée par son Gérant en exercice Monsieur j-b. P. demeurant ès-qualité audit siège et demeurant à MONACO X5;

La société civile SCI ESPERANZA, inscrite au registre spécial des Sociétés Civiles sous le numéro 16 SC 18074, dont le siège social est sis « X3», X4 à MONACO, représentée par son Gérant en exercice Monsieur p. P. demeurant ès-qualité audit siège et demeurant également à ladite adresse ;

Ayant toutes trois élu domicile en l'Étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

La société anonyme monégasque L'ANSE DU PORTIER, inscrite au répertoire du commerce et de l'industrie sous le numéro 14 S 06383, dont le siège social est sis X9 c/o SCI COLFAL II, Le Mercator, 1er étage, à MONACO, représentée par son Administrateur Délégué en exercice, demeurant ès-qualité audit siège ;

La société en commandite par actions ANSE DU PORTIER, inscrite au répertoire du commerce et de l'industrie sous le numéro 16 S 07048, dont le siège social est sis c/o SAM J-B. P. & FILS, « X3», X4 à MONACO, représentée par son Gérant en exercice la SAM LOUXOR, elle-même représentée par son Président Délégué en exercice, Monsieur p. P. demeurant ès-qualité audit siège ;

La société anonyme monégasque LOUXOR, inscrite au répertoire du commerce et de l'industrie sous le numéro 16 S 06897, dont le siège social est sis c/o SAM J-B. P. & FILS, « X3», X4 à MONACO, représentée par son Président Délégué en exercice Monsieur p. P. demeurant ès-qualité audit siège ;

Ayant toutes trois élu domicile en l'Étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocats plaidants Maître Sébastien PRAT et Maître Eve DUMINY, avocats au barreau de Paris, substitués et plaidant par Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco ;

Monsieur p. P., né le 10 juin 1973 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant « X3», X4 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Louis FACCENDINI, avocat au Barreau de Nice ;

En présence de :

- La société anonyme monégasque SATRI, inscrite au répertoire du commerce et de l'industrie sous le numéro 80 S 1808, dont le siège social est sis « X10», X11 à MONACO, représentée par son Président Délégué en exercice, demeurant ès-qualité audit siège ;

NON COMPARANTE, NON REPRESENTÉE,

INTIMÉS,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 24 octobre 2019 (R.507) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 2 décembre 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000060) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 6 janvier 2020 (enrôlé sous le numéro 2020/000078) ;

Vu les conclusions déposées les 27 avril 2020, 1er juillet 2020 et 10 juillet 2020 par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SAM MAREX, la SCI DREAMLANDS et la SCI ESPERANZA ;

Vu les conclusions déposées les 25 mai 2020 et 30 octobre 2020 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM CAROLI BAT ;

Vu les conclusions déposées les 26 juin 2020 et 1er juillet 2020 par Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES j-b. P. & FILS, la SAM ENTREPRISE GÉNÉRALE DE CONSTRUCTION (ENGECO), la SAM M. P. GROUP, la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER et la SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER ;

Vu les conclusions déposées le 16 juillet 2020 par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de la SAM L'ANSE DU PORTIER, la SCA ANSE DU PORTIER et la SAM LOUXOR ;

Vu les conclusions déposées le 16 juillet 2020 par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de p. P.;

À l'audience du 15 décembre 2020, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur les appels relevés par la SAM MAREX, la SCI DREAMLANDS, la SCI ESPERANZA, la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES j-b. P. & FILS, la SAM ENTREPRISE GÉNÉRALE DE CONSTRUCTION (ENGECO), la SAM M. P. GROUP, la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER et la SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 24 octobre 2019.

Considérant les faits suivants :

Par acte du 31 juillet 2018, la société CAROLI BAT (anciennement dénommée SOCIÉTÉ MONÉGASQUE D'ETUDES ET DE TRAVAUX, en abrégé SMETRA) a fait citer devant le Tribunal de première instance :

- la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES J-B P. & FILS,

- la SAM ENTREPRISE GÉNÉRALE DE CONSTRUCTION (ENGECO),

- la SAM M. P. GROUP,

- la SCI ESPERANZA,

- la SAM MAREX, a. C. président délégué en exercice de ladite société et g. C. administrateur délégué,

- la SCI DREAMLANDS, et j-b. P. ès-qualités de gérant de ladite société,

- la SAM L'ANSE DU PORTIER,

- la SCA ANSE DU PORTIER,

- la SAM LOUXOR,

- p. P.

- la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER,

- la SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER,

en présence de la SAM SATRI.

La société CAROLI BAT expose en substance qu'au printemps 2006, l'État de Monaco avait initié un projet d'extension de son territoire par la création d'un nouveau quartier implanté en mer, au droit de l'Anse du Portier, entre le port Hercule et la plage du Larvotto.

Antonio CAROLI, représentant les sociétés du groupe immobilier éponyme et p. P. représentant les sociétés de son propre groupe immobilier, convenaient de déposer une candidature commune par le biais d'une SAM FONCIÈRE MARITIME, accompagnée de la signature d'un pacte d'actionnaires, dans un but de solidarité, d'exclusivité et de non-concurrence sur ce projet.

Ce projet était suspendu par l'État de Monaco courant décembre 2008.

Le 3 mai 2013, l'État de Monaco faisait publier au Journal de Monaco un avis d'appel public à la concurrence relatif à la conception, au financement et à la réalisation d'une extension en mer du territoire monégasque, au droit de l'Anse du Portier, constituant un nouveau quartier dénommé «l'Anse du Portier ».

Les cinq plus importants groupes de construction et immobiliers monégasques présentant un caractère familial formaient alors un groupement d'entreprises comprenant :

- la SAM DES ENTREPRISES JB P. & FILS pour le groupe dirigé par p. P.

- la SAM CAROLI BAT (anciennement dénommée SMETRA) pour le groupe CAROLI,

- la SAM ENGECO, pour le groupe C.

- la SAM M. P. GROUP, pour le groupe M. P. dirigé désormais par j-b. P.

- la SAM SATRI pour le groupe MARZOCCO.

Ce groupement de constructeurs formalisait leurs engagements le 10 juillet 2013 aux termes d'un protocole d'accord, désignant la société JB P. & FILS en qualité de mandataire.

L'acte prévoyait des obligations d'agir solidairement, à titre exclusif et à parts égales dans tous les aspects du projet.

Il était ainsi prévu que serait attribué à chaque partie une part de 20 % de l'ensemble des travaux qui seraient le cas échéant confiés aux constructeurs et que ceux-ci se liaient par ce protocole de manière exclusive, s'interdisant de participer à quelque titre que ce soit au projet, en dehors du protocole d'accord.

Le 16 juillet 2013, chacune des cinq sociétés avaient signé un engagement de disponibilité, encore dénommé accord de confidentialité et d'exclusivité, actant leur participation à l'équipe candidate au projet, au sein d'un « Groupement de l'Anse du Portier », composé des sociétés BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS et de la SCA LE PORTIER HOLDING.

Courant janvier 2014, la candidature du « Groupement de l'Anse du Portier » était retenue.

La mise en œuvre du projet s'est déclinée dans une phase de négociation entre l'État de Monaco et le Groupement.

Trois phases de construction étaient définies :

- une phase de conception et de construction d'une infrastructure maritime, permettant de créer un terrain de 60.000 m² gagnés sur la mer,

- une deuxième phase de conception et de construction d'aménagements publics et privés,

- une dernière phase de conception et de construction des superstructures correspondant aux ouvrages privés devant, soit être remis à l'État, soit faire l'objet d'une commercialisation.

Le financement du projet comprenait deux volets :

- le premier pour le financement des travaux de construction de l'infrastructure maritime,

- le second pour la commercialisation des surfaces privées offertes à la vente.

Soutenant avoir rapidement été tenue dans l'ignorance de l'avancée des opérations au mépris des termes du protocole d'accord signé le 10 juillet 2013, la SAM CAROLI BAT a fait assigner la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES JB P. & FILS, la SAM EN. GE. CO, la SAM M. P. GROUP, la SCI ESPERANZA, la SAM MAREX, la SCI DREAMLANDS, la SAM L'ANSE DU PORTIER, la SCA ANSE DU PORTIER, la SAM LOUXOR, p. P. la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER, la SAM DES SUPERSTRUCTURES PORTIER, en présence de la SAM SATRI, devant le Tribunal de première instance aux fins de voir :

- avant dire droit au fond, ordonner la production par les sociétés défenderesses de divers documents, sous astreinte,

- au principal, prononcer la nullité pour cause illicite et/ou pour fraude de plusieurs accords ou engagements contractuels, s'agissant :

* de la souscription par les sociétés ESPERANZA, MAREX et DREAMLANDS au capital social et à l'émission obligataire de la SCA ANSE DU PORTIER,

* des acquisitions d'actions de la SAM LOUXOR par la SCI ESPERANZA et p. P.

* du contrat de société de la SAM MODA,

* du contrat dit MODA (maîtrise d'ouvrage délégué aux aménagements),

- qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve le droit de solliciter la nullité pour cause illicite/fraude d'autres protocoles ou contrats après production des pièces sollicitées,

- à titre subsidiaire, avant dire droit au fond sur l'évaluation de ses préjudices, instaurer une mesure d'expertise confiée à un collège d'experts,

- en tout état de cause, condamner in solidum les sociétés défenderesses à lui payer une somme provisionnelle de 200.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant des frais et honoraires de conseil outre celle de 500.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi.

Par jugement rendu le 24 octobre 2019, le Tribunal de première instance a :

« - écarté des débats les conclusions des sociétés ESPERANZA, MAREX, DREAMLANDS, SAM JB P. & FILS, SAM ENGECO, SAM M. P. GROUP, SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER et SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER en date du 5 juillet 2019,

- rejeté les exceptions de sursis à statuer présentées par la SCI ESPERANZA, la SAM MAREX, la SCI DREAMLANDS, p. P. la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES JB P. & FILS, la SAM ENGECO, la SAM M. P. GROUP, la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER, la SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER, la SAM L'ANSE DU PORTIER, la SCA ANSE DU PORTIER et la SAM LOUXOR,

- renvoyé la cause et les parties à l'audience du 4 décembre 2019 pour conclusions des parties, notamment sur les demandes d'appel en garantie formées par la SAM L'ANSE DU PORTIER, la SCA ANSE DU PORTIER et la SAM LOUXOR,

- réservé le surplus des demandes et les dépens en fin de cause ».

Pour statuer ainsi les premiers juges ont retenu pour l'essentiel que :

1) s'agissant des conclusions déposées par les défenderesses :

- un calendrier procédural a été fixé au cours de l'audience de mise en état,

- les conclusions prises par les sociétés défenderesses le 5 juillet 2019 ne contiennent aucune demande ou moyen nouveaux de nature à modifier de manière significative les termes des débats et qui n'auraient pu légitimement être présentés dans les délais fixés par le Tribunal,

- les conclusions des sociétés en date des 27 juin 2019, si elles reprennent la demande de sursis à statuer présentée par les autres défendeurs dans leurs écritures des 3 mai et 7 juin 2019, comprennent également une demande d'autorisation d'appel en garantie, sur laquelle les parties seraient invitées à conclure s'il n'était pas fait droit à la demande de sursis à statuer, de sorte qu'il n'est pas opportun de les écarter des débats dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, pour ne pas retarder inutilement l'examen au fond des demandes de la SAM CAROLI BAT ;

2) s'agissant de la demande de sursis à statuer

- l'instance civile pendante ne constitue pas l'action civile afférente aux délits dont se prétendent victimes les sociétés MAREX, DREAMLANDS et ESPERENZA aux termes de leur plainte avec constitution de partie civile en date du 11 janvier 2019, visée par les dispositions de l'article 3 du Code de procédure pénale,

- en l'absence de communication de la plainte pénale, les juges civils ne sont pas en mesure d'apprécier l'influence qu'est susceptible d'avoir la procédure pénale sur l'instance en cours et donc d'user de leur possibilité de surseoir à statuer,

- aucun obstacle légal n'empêche la communication de la plainte pénale puisque la crainte d'une violation du secret de l'instruction ne peut être alléguée pour s'y opposer, dès lors que la plainte émanant des parties est en leur possession, que les conseils de l'inculpé et de la partie civile peuvent se faire délivrer copie des pièces de la procédure en application de l'article 178 du Code de procédure pénale et que le secret de l'instruction n'est pas opposable à la partie civile et à son avocat.

Par exploit délivré le 2 décembre 2019 enrôlé sous le n° 2020/000060, la SCI DREAMLANDS, la SCI ESPERANZA et la SAM MAREX ont formé appel-nullité du jugement avant dire droit au fond rendu le 24 octobre 2019, non signifié.

Aux termes de leur assignation et de conclusions déposées les 27 avril 2020 et 1er juillet 2020 dans l'instance n° 2020/000060, la SCI DREAMLANDS, la SCI ESPERANZA et la SAM MAREX demandent à la Cour, au visa des dispositions des articles 180 et 181, 424 alinéa 2, 429 et 433 du Code de procédure civile, de l'article 6 §1 de la CEDH et de jurisprudence en pareille matière, de :

- les déclarer recevables en leur appel-nullité du jugement avant dire droit du 24 octobre 2019 et les disant bien fondées,

- prononcer l'annulation du jugement avant dire droit en ce qu'il heurte un principe fondamental de procédure, celui tenant à l'égalité des armes, composante du droit au procès équitable ainsi que de toutes décisions subséquentes,

En tout état de cause,

- ordonner le sursis à statuer de l'instance sur l'assignation du 31 juillet 2018, en l'état de la production de la plainte pénale à la Cour d'appel par la SCI ESPERANZA le 29 mai 2020, dont l'incidence sur la procédure civile actuellement pendante devant le Tribunal de première instance ne saurait être contestée,

- constater que Messieurs a. C. et g. C. ont été assignés en leur seule qualité de représentants légaux de la SAM MAREX et que celle-ci a régulièrement constitué avocat-défenseur,

- constater que Monsieur j-b. P. a été assigné en sa seule qualité de représentant légal de la SCI DREAMLANDS et que celle-ci a régulièrement constitué avocat-défenseur,

En conséquence,

- dire et juger que la procédure se poursuivra uniquement au contradictoire des sociétés,

- débouter la SAM CAROLI BAT de sa demande de dommages-intérêts d'un montant de 10.000 euros à l'encontre de chacune des sociétés appelantes,

- condamner tous contestants aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Bernard BENSA, avocat défenseur, sous sa due affirmation.

Par écritures déposées le 10 juillet 2020 dans l'instance n° 2020/000078, ces mêmes sociétés demandent à la Cour, au visa des mêmes dispositions légales et conventionnelles et de la jurisprudence y afférent, de :

- déclarer les sociétés appelantes recevables en leur appel-nullité du jugement avant dire droit du 24 octobre 2019 et les disant bien fondées,

- ordonner la jonction de l'instance d'appel introduite par l'acte d'appel nullité du 2 décembre 2019 (n° de rôle 2020/000060) et de l'instance d'appel introduite par l'acte d'appel nullité du 6 janvier 2020 (n° de rôle 2020/000078),

- prononcer l'annulation du jugement avant dire droit en ce qu'il heurte un principe fondamental de procédure, celui tenant à l'égalité des armes, composante du droit au procès équitable ainsi que de toutes décisions subséquentes,

- ordonner le sursis à statuer de l'instance sur l'assignation du 31 juillet 2018, en l'état de la production de la plainte pénale à la Cour d'appel par la SCI ESPERANZA le 29 mai 2020, dont l'incidence sur la procédure civile actuellement pendante devant le Tribunal de première instance ne saurait être contestée,

- débouter la SAM CAROLI BAT de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société CAROLI BAT aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Bernard BENSA, avocat défenseur, sous sa due affirmation.

Aux termes de leurs écritures, elles font valoir en premier lieu que la jurisprudence ouvre une voie de recours par le biais de l'appel-nullité contre les excès de pouvoir ou lorsque le jugement viole un principe essentiel de procédure, lequel obéit comme tout appel aux dispositions des articles 424 alinéa 2 et 429 du Code de procédure civile, posant le principe de l'effet suspensif et dévolutif de l'appel.

Elles avancent que la dévolution s'opère pour le tout dès lors que l'objet du présent litige est indivisible.

Elles en déduisent que l'appel-nullité emporte dessaisissement du Tribunal de première instance et que la Cour d'appel doit statuer sur l'entier litige dans le cas d'une demande d'annulation du jugement, quelle que soit sa décision sur la nullité.

Elles soutiennent en deuxième lieu que les sociétés défenderesses se sont parfaitement conformées au calendrier de procédure fixé par le Tribunal, relevant que les conclusions en réplique du 5 juillet 2019 ont été déposées avant la date de clôture du 8 juillet 2019, dans le respect des règles processuelles énoncées par les articles 180 et 181 du Code de procédure civile.

Elles prétendent que si la notion de « clôture » est inconnue du Code de procédure civile monégasque, elle peut s'inscrire dans le cadre d'un « contrat de procédure » comme c'est le cas en l'espèce, la date en ayant été acceptée par l'ensemble des parties.

Elles en déduisent que les parties défenderesses étaient à même de déposer des écritures en réponse à celles déposées par CAROLI BAT, tant que la date butoir du 8 juillet 2019 n'était pas expirée et que les premiers juges ne pouvaient les rejeter aux prétendus motifs d'un dépôt hors délai ou « de l'absence de demande ou moyen nouveau de nature à modifier de manière significative les termes des débats et qui n'auraient pu légitimement être présentés dans les délais fixés par le tribunal », d'autant que les conclusions ainsi rejetées, contenaient bien une demande nouvelle tendant à la production à titre subsidiaire de la plainte litigieuse.

Elles affirment qu'en refusant d'examiner les demandes ainsi formées, les premiers juges ont méconnu le principe de l'égalité des armes, composante du procès équitable, les plaçant dans une situation de net désavantage par rapport à la SAM CAROLI BAT.

Elles ajoutent encore que si le Tribunal avait rejeté les écritures régularisées le 5 juillet 2019 par l'ensemble des sociétés appelantes pour dépôt tardif, en faisant une stricte application des dispositions de l'article 181 du Code de procédure civile, il devait en faire de même pour celles déposées par CAROLI BAT le 8 juillet 2019, hors calendrier et qui plus est à la date de clôture.

Elles justifient en troisième lieu de la nécessaire évocation de la demande de sursis à statuer par la Cour d'appel en faisant valoir, d'une part que celle-ci est en état d'être jugée du fait de la transmission à l'ensemble des parties de la plainte avec constitution de partie civile par la SCI ESPERANZA suivant courrier en date du 29 mai 2020, d'autre part que le renvoi de l'affaire devant les premiers juges en cas d'annulation du jugement aboutirait inévitablement à retarder le prononcé d'une décision sur ce point.

Elles rejettent le moyen tiré du double degré de juridiction qui ferait obstacle à l'évocation en relevant que les premiers juges se sont déjà prononcés sur l'exception de sursis à statuer et objectent que les courriers adressés à Madame le Président du Tribunal les 2 et 3 juillet 2019, qui ne peuvent être assimilés à des conclusions, ne sauraient justifier du respect de l'égalité des armes.

Elles contestent que leur demande subsidiaire de production de la plainte puisse être qualifiée de nouvelle en cause d'appel, alors qu'elle a bien été présentée en première instance.

Elles avancent également que la communication à la Cour d'appel de la plainte du 11 janvier 2019 confirme son incidence certaine sur la procédure initiée par la SAM CAROLI BAT, d'autant que les trois conditions requises pour l'application du principe selon lequel « le criminel tient le civil en l'état » sont réunies.

Elles prétendent qu'il appartiendra aussi à la Cour d'examiner les demandes subsidiaires par elles formulées dans leurs conclusions du 5 juillet 2019, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel et de l'indivisibilité de l'objet du litige, quelle que soit sa décision sur la nullité.

Elles contestent enfin avoir usé de manière abusive de leur droit d'ester en justice, au droit au procès équitable énoncé par l'article 6 §1 de la CEDH.

Par exploit délivré le 6 janvier 2020 enrôlé sous le n° 2020/000078, la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES JB P. & FILS, la SAM ENGECO, la SAM M. P. GROUP, la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER, la SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER ont formé appel-nullité du jugement avant dire droit au fond rendu le 24 octobre 2019, non signifié.

Aux termes de leur assignation, elles demandaient à la Cour de les déclarer recevables et bien fondées en leur appel-nullité, de prononcer la nullité du jugement avant dire droit et de renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de première instance, en condamnant tous contestant aux entiers dépens d'appel.

Aux termes de conclusions récapitulatives déposées le 26 juin 2020 (instance 2020/000078) et 1er juillet 2020 (instance 2020/000060) les sociétés appelantes demandent désormais à la Cour, au visa des dispositions des articles 181, 429 et 433 du Code de procédure civile, 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, de :

- les déclarer recevables et bien fondées dans leur appel-nullité à l'encontre du jugement avant dire droit précité,

- ordonner la jonction de l'instance d'appel introduite par l'acte d'appel-nullité du 2 décembre 2019 et de l'instance d'appel introduite par l'acte d'appel-nullité du 6 janvier 2020,

- prononcer la nullité du jugement avant dire droit en ce qu'il est contraire à l'article 181 du Code de procédure civile et au principe fondamental du droit au respect du principe contradictoire et au principe fondamental du droit à un procès équitable,

- ordonner le sursis à statuer dans l'instance civile introduite par la société CAROLI BAT par assignation du 31 juillet 2018 jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué dans le cadre de la procédure pénale afférente à la plainte avec constitution de partie civile déposée le 11 janvier 2019 par la SCI DREAMLANDS, la SCI ESPERANZA et la SAM MAREX,

- débouter la société CAROLI BAT de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société CAROLI BAT aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Géraldine GAZO, avocat défenseur, sous sa due affirmation.

Au soutien de leurs prétentions, elles développent pour l'essentiel que :

- elles peuvent demander immédiatement par la voie de l'appel, la nullité d'une décision qui serait contraire à la loi ou heurterait un principe fondamental du droit,

- le calendrier procédural fixé par le Tribunal le 3 avril 2019 prévoyait un délai jusqu'au 8 juillet 2019, qualifié de date de clôture, permettant à l'ensemble des parties de répondre ou répliquer aux conclusions sur le sursis à statuer,

- en rejetant les deux jeux de conclusions déposés le 5 juillet 2019 au visa de l'article 181 alinéa 1 du Code de procédure civile, le Tribunal a rendu un jugement contraire à la loi dès lors que les conclusions ont été déposées dans les délais qu'il a fixés,

- il ne pouvait pas plus les écarter au motif qu'elles ne contenaient aucune demande nouvelle ni moyen nouveau, et ce d'autant moins qu'en réponse aux conclusions de la SAM CAROLI BAT du 1er juillet 2019, les sociétés demanderesses à l'exception de sursis à statuer ont sollicité, à titre subsidiaire que le Tribunal ordonne la communication de la plainte afin que leur conseil ne puisse se voir reprocher d'avoir violé le secret professionnel par un tiers visé par ladite plainte et plus subsidiairement, que cette communication soit effectuée par le Procureur général,

- ce faisant, les premiers juges ont également porté atteinte à un principe fondamental du droit, en l'occurrence celui du respect du contradictoire consacré par l'article 6 §1 de la CEDH,

- le Tribunal a considéré à tort qu'elles pouvaient verser aux débats leur plainte pénale du 11 janvier 2019 sans crainte de commettre le délit de violation du secret de l'instruction alors que cette plainte vise nommément une tierce personne à l'instance civile qui pourrait leur reprocher une telle violation en application de l'article 31 du Code de procédure pénale.

Par écritures en réponse déposées dans les deux instances les 25 mai 2020 et 30 octobre 2020, la société CAROLI BAT demande à la Cour de :

Au principal,

- rejeter l'appel-nullité des sociétés ESPERANZA, MAREX et DREAMLANDS dans l'instance n° 2020/000060 et des sociétés SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES JB P. & FILS, SAM ENGECO, SAM M. P. GROUP, SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER et SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER dans l'instance n°2020/000078 et les en débouter,

- déclarer en conséquence irrecevable l'appel du jugement avant dire droit au fond du 24 octobre 2019,

À titre subsidiaire,

- déclarer les sociétés ESPERANZA, MAREX et DREAMLANDS d'une part, les sociétés SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES JB P. & FILS, la SAM ENGECO, la SAM M. P. GROUP, la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER, la SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER d'autre part, irrecevables et mal fondées en leurs demandes nouvelles formulées par conclusions du 24 avril 2020 et du 1er juillet 2020, pour les premières, et 26 juin 2020 pour les secondes,

À titre plus subsidiaire,

- débouter lesdites sociétés de leur exception de sursis à statuer et de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause, renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de première instance,

- condamner chacune d'elles au paiement d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,

- les condamner aux entiers dépens de l'appel nullité, en ce compris tous frais et accessoires, dont distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Elle objecte en substance que le jugement entrepris, qui n'a pas tranché une partie du principal en se prononçant seulement sur la recevabilité des conclusions adverses déposées hors délai et sur l'exception de sursis à statuer fondée sur l'article 3 du Code de procédure pénale, n'est pas appelable immédiatement et ne pourra l'être qu'avec le jugement à intervenir sur le fond, au regard des dispositions de l'article 423 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'appel-nullité à l'encontre d'un jugement non immédiatement appelable n'est admis par la jurisprudence que dans quatre hypothèses et que les moyens tirés au cas présent de la violation de la loi et du non-respect du principe du contradictoire ne sont pas fondés.

Elle affirme en effet que le rejet des conclusions déposées hors calendrier procédural est parfaitement conforme à la loi, par référence aux dispositions de l'article 181 alinéa 1er du Code de procédure civile et ne caractérise pas une rupture du principe de l'égalité des armes, qui suppose de ne pas placer une partie dans une situation de net désavantage, d'autant qu'il est demeuré sans incidence sur la décision des premiers juges.

Elle justifie ensuite du rejet des nouvelles demandes formées par les sociétés appelantes, soit la jonction et le sursis à statuer, en faisant observer, au visa des dispositions de l'article 429 du Code de procédure civile, que la saisine de la Cour est délimitée par l'acte d'appel, et le cas échéant, les conclusions d'appel incident de l'intimé, de sorte que l'appel est limité en l'espèce à la seule question de la nullité du jugement entrepris et au renvoi de la cause et des parties devant les premiers juges figurant dans l'assignation du 6 janvier 2020, sans que les appelantes puissent valablement se prévaloir de l'effet dévolutif de l'appel et son prétendu caractère indivisible.

Elle ajoute que la communication le 29 mai 2020 par la société ESPERANZA de la plainte pénale du 11 janvier 2019 est sans conséquence sur les limites de l'appel nullité interjeté le 6 janvier 2020.

Elle estime inopérante l'affirmation selon laquelle la Cour d'appel serait saisie de l'entier litige et donc de l'exception de sursis à statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, laquelle repose sur une transposition erronée de la jurisprudence française dès lors que les textes sont rédigés en des termes différents, l'article 429 du Code de procédure civile ne prévoyant pas que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement.

Elle s'oppose également à toute évocation par la Cour d'appel dès lors d'une part, que l'appel est limité à l'annulation du jugement querellé et au renvoi de l'affaire devant le Tribunal de première instance, d'autre part que les parties ne s'accordent pas sur ce point, enfin que la prétendue évolution du litige depuis l'exploit d'appel nullité, caractérisé par la communication de la plainte pénale, ne justifie pas que la Cour évoque l'exception de sursis à statuer.

Si la Cour entendait néanmoins statuer sur l'exception de sursis à statuer, elle soutient que les premiers juges ont rejeté à bon droit cette exception et que la communication tardive de la plainte du 11 janvier 2019 ne remet pas en cause le bien-fondé de leur décision.

Elle affirme en effet que le secret de l'instruction n'est pas opposable à la partie civile ni à son avocat, alors que l'avocat peut être relevé par son client du secret professionnel, peu importe que la plainte pénale vise un tiers à la procédure civile.

Elle ajoute que la communication spontanée de cette plainte le 29 mai 2020 démontre de manière flagrante que les sociétés ESPERANZA, MAREX et DREAMLANDS et les sociétés appelantes ont tout fait pour éviter d'en dévoiler le contenu, en se réfugiant derrière un faux prétexte.

Elle souligne qu'en tout état de cause la communication tardive de la plainte pénale du 11 janvier 2019 est insuffisante à fonder un sursis à statuer, en l'absence de production du réquisitoire aux fins d'informer et de tout élément relatif au statut actuel de cette procédure.

Elle objecte également que l'issue de cette plainte est sans incidence sur l'instance civile pendante, dès lors que l'objet de la plainte n'est pas identique, qu'elle n'a aucune chance de prospérer à son encontre.

Elle a prétendu que l'appel interjeté dans un but dilatoire est infondé et empreint d'une mauvaise foi caractérisée, pour tenter de suspendre le cours normal de l'instance et nuire à dessein à ses intérêts ainsi qu'au cours de la justice.

Par écritures identiques dans les deux instances, datées du 16 juillet 2020, la SAM L'ANSE DU PORTIER, la SCA ANSE DU PORTIER et la SAM LOUXOR demandent à la Cour de :

- dire et juger recevables et bien fondés les appels-nullité formés à l'encontre du jugement du Tribunal de première instance du 24 octobre 2019 suivant actes d'appel et d'assignation des 2 décembre 2019 et 6 janvier 2020,

- prononcer la nullité du jugement,

- dire et juger recevable et bien fondée la demande de sursis à statuer présentée devant les premiers juges par les sociétés appelantes,

- ordonner par conséquent le sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive de la procédure pénale afférente à la plainte avec constitution de partie civile datée du 10 janvier 2019,

- condamner tout contestant aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christophe BALLERIO, avocat défenseur, sous sa due affirmation.

Elles soutiennent pour l'essentiel que la décision de première instance n'est pas susceptible de faire l'objet d'un appel immédiat et viole frontalement les dispositions de l'article 181 du Code de procédure civile et le principe cardinal de la contradiction, de sorte qu'elle est susceptible de faire l'objet d'un appel-nullité.

Elles avancent en effet :

* d'une part, que les sociétés, en répliquant le 5 juillet 2019, se sont parfaitement conformées au calendrier de procédure fixé par le Tribunal qui en fixant une clôture au 8 juillet entendait permettre à l'ensemble des parties de conclure avant cette date,

* d'autre part, que les motifs retenus par les premiers juges confirment clairement que les demandes qu'elles avaient présentées à titre subsidiaire au Tribunal (ordonner la production de la plainte ou inviter le Procureur général à en transmettre une copie aux parties) étaient de nature à modifier de manière significative les termes du débat.

Elles prétendent également que le droit à un procès équitable, consacré par l'article 6 §1 de la CEDH, comporte les principes de la contradiction et de l'égalité des armes qui commandent que chaque partie puisse répliquer aux objections présentées par son adversaire dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de désavantage par rapport à ce dernier, de sorte qu'en écartant des débats les conclusions régularisées le 5 juillet 2019, alors que ces conclusions avaient été signifiées pour répondre aux objections présentées quatre jours plus tôt par la société CAROLI BAT, avant la clôture et dans le strict respect du calendrier de procédure, le Tribunal a tout à la fois violé le principe de la contradiction et celui de l'égalité des armes en plaçant les sociétés défenderesses dans une situation de net désavantage, leur imposant un déséquilibre procédural d'autant plus flagrant qu'il a déclaré recevables les conclusions de CAROLI BAT régularisées le 8 juillet 2019.

Elles font encore observer qu'en écartant des débats les conclusions déposées le 5 juillet 2019, le Tribunal s'est affranchi de statuer sur les demandes subsidiaires dont il avait été valablement saisi par ces conclusions signifiées avant la date de la clôture.

En conséquence de l'annulation encourue, elles affirment que la Cour peut, et doit, statuer sur la demande de sursis à statuer dont elle est saisie par l'effet dévolutif de l'appel, qui s'opère nécessairement pour le tout et alors que l'objet du litige est indivisible au sens de l'article 429 du Code de procédure civile.

Elles se prévalent à défaut, de la faculté d'évoquer cette demande, qui relève d'une bonne administration de la justice au sens de l'article 433 du Code précité.

Elles rappellent enfin que toute juridiction dispose, en toutes matières, de la possibilité d'ordonner un sursis à statuer dans un souci de bonne administration de la justice, notamment quand l'issue d'une instance pendante devant une autre juridiction est de nature à influer sur la solution du litige.

Elles exposent également que CAROLI BAT fondant sa demande principale sur le contenu du pacte d'actionnaires conclu le 18 mars 2016, le sort que réservera le juge pénal à cette pièce peut conduire à l'écarter des débats s'il l'estime volée, démontrant par la même que l'issue de la procédure pénale en cours est de nature à exercer une influence déterminante sur l'issue de l'action introduite par CAROLI BAT.

Par écritures identiques déposées dans les deux instances le 16 juillet 2020, p. P. demande à la Cour, au visa des dispositions des articles 181, 429 et 433 du Code de procédure civile, 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, de :

- ordonner la jonction de l'instance d'appel introduite par l'acte d'appel-nullité du 2 décembre 2019 et de l'instance d'appel introduite par l'acte d'appel-nullité du 6 janvier 2020,

- prononcer la nullité du jugement avant dire droit en ce qu'il est contraire à l'article 181 du Code de procédure civile et au principe fondamental du droit au respect du principe contradictoire et au principe fondamental du droit à un procès équitable,

- ordonner le sursis à statuer dans l'instance civile introduite par la société CAROLI BAT par assignation du 31 juillet 2018 jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué dans le cadre de la procédure pénale relative à la plainte avec constitution de partie civile déposée le 11 janvier 2019 par la SCI DREAMLANDS, la SCI ESPERANZA et la SAM MAREX,

- condamner la société CAROLI BAT aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat défenseur, sous sa due affirmation.

Il soutient pour l'essentiel que la voie de l'appel-nullité est recevable en l'état de la violation des dispositions de l'article 181 du Code de procédure civile, le Tribunal ne pouvant rejeter des conclusions communiquées dans des délais qu'il a lui-même fixés.

Il avance qu'en prévoyant que la procédure serait clôturée le 8 juillet 2019, le Tribunal a clairement signifié que l'ensemble des parties avaient la possibilité si elles le souhaitaient de « reconclure » en réponse ou en réplique jusqu'à cette date.

Il conteste l'allégation de la société CAROLI BAT selon laquelle cette date de clôture serait contraire au principe du contradictoire et au droit à un procès équitable au motif qu'elle aurait été privée de la faculté de conclure en dernier, en faisant observer qu'elle a répliqué le 8 juillet 2019, sans qu'aucun défendeur à l'exception ne sollicite le rejet de ses écritures.

Il ajoute que les parties pouvaient conclure à nouveau sur le sursis à statuer jusqu'au 8 juillet 2019 tel que fixé par le Tribunal, sans que la recevabilité de leurs écritures ne soit subordonnée à la présentation de demandes ou moyens nouveaux de nature à modifier de manière significative les termes du débat.

S'agissant de l'article 6 §1 de la CEDH, il prétend que l'atteinte portée au respect du contradictoire est d'autant plus caractérisée que le Tribunal avait lui-même veillé à ce que ce principe soit respecté en prévoyant une date de clôture de la procédure et qu'il s'est abstenu, en écartant à tort les conclusions déposées, de se prononcer sur les demandes de production de pièce qui lui étaient présentées.

Il conteste l'instauration entre les parties d'un débat contradictoire postérieur aux écritures déposées le 1er juillet 2019 par la société CAROLI BAT, qui résulterait d'un échange de correspondances des conseils des sociétés DREAMLANDS, ESPERANZA et MAREX adressé au Tribunal le 2 juillet 2019 et de la société CAROLI BAT le 3 juillet 2019, alors que les autres avocats-défenseurs des parties n'ont pas participé à ces envois de courriers et qu'il n'en est pas fait état dans la décision entreprise, ces correspondances n'étant pas assimilables à des conclusions.

Il affirme que le refus du Tribunal d'examiner les demandes nouvelles contenues dans les conclusions du 5 juillet 2019, notamment celle visant à ordonner la communication de la plainte avec constitution de partie civile, a généré un net désavantage au détriment des défendeurs, au profit de la société CAROLI BAT, encore accentué par la recevabilité de ses propres conclusions en réplique du 8 juillet 2019, induisant une violation de l'égalité des armes.

Il soutient que l'ensemble des demandeurs à l'exception de sursis à statuer entendaient que la plainte du 11 janvier 2019 soit remise au tribunal et que les conclusions du 5 juillet 2019, écartées des débats, expliquaient, en réponse aux conclusions de CAROLI BAT du 1er juillet 2019 demandant le rejet de cette exception en l'absence de production de la plainte, les raisons pour lesquelles les avocats défenseurs des sociétés DREAMLANDS, ESPERANZA et MAREX considéraient qu'ils risquaient de s'exposer eux-mêmes à une plainte avec constitution de partie civile pour violation du secret professionnel de la part de Delphine P., nommément visée dans la plainte précitée mais tiers à l'instance civile.

Il affirme la recevabilité de la demande de sursis à statuer devant la Cour en faisant observer que l'annulation du jugement induirait nécessairement la recevabilité des conclusions déposées le 5 juillet 2019, qui ne constitueraient pas de ce fait des demandes nouvelles.

Il fait observer que la demande subsidiaire de production de la plainte est en tout état de cause devenue sans objet, en l'état de sa communication par la SCI ESPERANZA.

Il invoque l'indivisibilité de l'objet du litige, en l'occurrence savoir si la juridiction saisie doit ou non surseoir à statuer, pour justifier que la Cour tranche cette question en cas d'annulation du jugement, soulignant de surcroit qu'elle est parfaitement en mesure de statuer en l'état de la production de la plainte déposée le 11 janvier 2019.

Si la Cour estimait ne pouvoir se prononcer sur l'exception, au motif qu'en vertu des appels nullité, la dévolution du litige est limitée à la seule annulation du jugement, il invoque son pouvoir d'évocation fondée sur les dispositions de l'article 433 du Code de procédure civile, relevant que la question du sursis à statuer est manifestement en état d'être jugée et qu'il est souhaitable dans le cadre d'une bonne administration de la justice qu'elle en fasse usage.

Il justifie du bien-fondé de la demande de sursis à statuer en expliquant que les demandes de la société CAROLI BAT sont fondées sur un pacte d'actionnaires confidentiel de la SCA ANSE DU PORTIER auquel elle n'est pas partie, de sorte que la plainte avec constitution de partie civile déposée entre les mains d'un juge d'instruction contre elle et Delphine P. REISS pour vol, abus de confiance et recel présente un lien direct et a une incidence sur la présente action.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Sur la jonction

Attendu que les deux procédures enrôlées sous les n° 2020/000060 et n° 2020/000078 sont liées par un lien de connexité tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice qu'elles soient jointes pour statuer sur l'ensemble des demandes par une seule et même décision ;

Qu'en effet en l'espèce, la SCI DREAMLANDS, la SCI ESPERANZA et la SAM MAREX d'une part, la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES JB P. & FILS, la SAM ENGECO, la SAM M. P. GROUP, la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER, la SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER d'autre part, ont respectivement formé un appel-nullité par exploits délivrés le 2 décembre 2019 et le 6 janvier 2020 à l'encontre du même jugement rendu le 24 octobre 2019 par le Tribunal de première instance, enrôlé pour le premier sous le numéro 2020/000060 et pour le second sous le numéro 2020/000078 ;

Que les deux instances, qui concernent les mêmes parties et la même décision, sont en état d'être jugées, les parties ayant conclu longuement dans chacune d'elles à des fins identiques ;

Qu'il y a donc lieu d'accueillir la demande de jonction des deux instances ;

Sur la recevabilité des appels-nullité

Attendu qu'aux termes de l'article 423 du Code de procédure civile, seuls les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire, ou ceux qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l'instance peuvent être immédiatement frappés d'appel ;

Que les autres décisions ne peuvent l'être qu'après le jugement sur le fond et conjointement avec l'appel de celui-ci ;

Que néanmoins, la jurisprudence offre la possibilité aux parties de former un recours, à titre exceptionnel et subsidiaire, par la voie de l'appel-nullité, à l'encontre d'une décision qui serait entachée d'un excès de pouvoir, à l'égard de laquelle aucune autre voie de recours n'est offerte dans l'immédiat pour sanctionner rapidement le vice dénoncé ;

Que l'usage de cette voie de recours prétorienne suppose donc la réunion de deux conditions cumulatives :

- un excès de pouvoir,

- l'absence de toute autre voie de recours ;

Que la notion d'excès de pouvoir s'entend des situations dans lesquelles le juge use de prérogatives que la loi ne lui a pas attribuées ou, à l'inverse, refuse d'exercer les compétences que la loi lui reconnaît ;

Attendu qu'au cas présent, les appelantes soutiennent que leur appel-nullité est recevable pour être dirigé à l'encontre d'un jugement avant dire droit qui viole un principe essentiel de procédure, en l'occurrence le principe du contradictoire ce qui les a placées dans une situation de net désavantage par rapport à leur adversaire et a porté atteinte à l'égalité des armes dans le cadre d'un procès équitable ;

Qu'il est incontestable que le jugement critiqué qui a déclaré irrecevables des conclusions des parties et rejeté la demande de sursis à statuer qui lui était soumise, sans mettre fin à l'instance, n'est pas susceptible d'appel, ni d'aucune autre voie de recours prévue par les textes, de manière immédiate ;

Que le dernier calendrier de procédure instauré à l'audience de mise en état du 3 avril 2019 prévoyait les échéances suivantes :

- 3 mai 2019 pour les conclusions de Maître Bernard BENSA,

- 7 juin 2019 pour les conclusions des autres défendeurs,

- 1er juillet 2019 pour les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO,

- clôture au 8 juillet 2019,

avec une fixation de l'affaire à l'audience du 11 juillet 2019 pour évoquer la demande de sursis à statuer et l'ensemble des exceptions de procédure ;

Que Maître Arnaud ZABALDANO a déposé le 8 juillet 2019 des conclusions tendant notamment au rejet des écritures adverses en date des 27 juin et 5 juillet précédent, qu'il estimait tardives ;

Que le Tribunal a déclaré recevables les conclusions du 8 juillet 2019 précitées et écarté des débats celles déposées le 5 juillet 2019, relevant expressément qu'elles « ne contiennent aucune demande nouvelle ou moyen nouveau de nature à modifier de manière significative les termes des débats et qui n'auraient pu légitimement être présentés dans les délais fixés par le Tribunal » et prenant soin de souligner que « la demande tendant à ce que le Tribunal de première instance ordonne la production de la plainte pénale déposée par les sociétés ESPERANZA, MAREX et DREAMLANDS, formulée dans les conclusions du 5 juillet 2019, aurait en effet pu être présentée préalablement sans difficulté. Il n'existe par ailleurs aucun élément nouveau postérieur à la date butoir donnée aux parties pour conclure, ou de découverte tardive et légitime d'un élément antérieur décisif » ;

Que pour contester la décision ainsi rendue, le conseil des sociétés ESPERANZA, MAREX et DREAMLANDS d'une part, et celui des SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES JB P. & FILS, la SAM ENGECO, la SAM M. P. GROUP, la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER, la SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER d'autre part, entendent utilement se prévaloir de la « clôture » de la procédure fixée au 8 juillet 2019 dans le cadre du contrat de procédure convenu à l'audience du 3 avril 2019, quand bien même pareille notion ne figure pas en droit processuel monégasque ;

Qu'en effet, dans un tel contexte, les sociétés appelantes invoquent tout à la fois une violation de la loi, une atteinte portée au principe du contradictoire et une violation de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges ayant à tort écarté les conclusions déposées le 5 juillet 2019 au visa de l'article 181 alinéa 1 du Code de procédure civile, au mépris du calendrier de procédure établi, comprenant une date de clôture au 8 juillet suivant et les empêchant par la même de répliquer aux écritures adverses déposées le 1er juillet précédent ;

Que toutefois, la violation des règles de droit n'est pas constitutive d'un excès de pouvoir ;

Que la méconnaissance du principe du contradictoire ne relève pas davantage de cette qualification ;

Qu'il en est de même du grief tiré d'une violation de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au procès équitable, énonçant que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi » ;

Qu'enfin, l'ouverture prétorienne d'une voie de recours sous la forme de l'appel-nullité ne peut conduire à contourner l'appréciation stricte de l'excès de pouvoir, alors que l'appel différé contre les jugements qui ne tranchent pas une partie du principal et qui ne mettent pas fin à l'instance poursuit également le but légitime reconnu par la Cour européenne des Droits de l'Homme, d'accélération des procédures de première instance pour les voir juger dans un délai raisonnable ;

Qu'en conséquence, à défaut de justifier d'un excès de pouvoir entachant la décision critiquée, les appels-nullité formés, seuls recours possibles en l'espèce, doivent être déclarés irrecevables, sans suivre plus avant les parties dans le détail foisonnant de leurs argumentaires, largement fondés sur des principes jurisprudentiels relatifs à la notion d'excès de pouvoir, non transposables au cas d'espèce ;

Attendu pour le surplus, que la SCI ESPERANZA, la SAM MAREX et la SCI DREAMLANDS demandent à la Cour de statuer « sur l'exception de sursis à statuer ainsi que sur les autres demandes non examinées par le Tribunal de première instance du fait du rejet des conclusions déposées le 5 juillet 2019 » en vertu de l'effet dévolutif de l'appel qui la saisit de l'entier litige et ce, « quelle que soit le sort qu'elle entendra réserver sur l'appel-nullité » (sic) ;

Que toutefois si la Cour est saisie de tous les points en litige par l'effet dévolutif du recours prévu par l'article 429 du Code de procédure civile, cette connaissance n'en est pas moins subordonnée à l'annulation préalable de la décision critiquée et a fortiori à la recevabilité de la voie de recours exercée, sauf à constituer une voie de contournement ;

Que tel est précisément le sens de l'abondante jurisprudence du pays voisin produite aux débats (notamment Cour de Cassation Chambre commerciale 15 mai 2001 et 17 décembre 2003, Cour de Cassation Chambre civile 19 mai 2016, Cour d'appel de Paris 11 octobre 2016 et 11 octobre 2017) ;

Qu'au regard des développements qui précèdent et de l'irrecevabilité prononcée, la demande présentée en ce sens par la SCI ESPERANZA, la SAM MAREX et la SCI DREAMLANDS ne peut être examinée ;

Sur les demandes de dommages-intérêts

Attendu que l'irrecevabilité de l'appel-nullité, qui ne constitue pas une voie de recours autonome, ne fait pas obstacle à la condamnation d'une partie à des dommages-intérêts ;

Attendu que si l'exercice des voies de droit constitue un droit fondamental, il n'en est pas pour autant absolu et peut être sanctionné en cas d'abus, lequel est caractérisé notamment lorsque la procédure est particulièrement infondée, téméraire ou malveillante ;

Qu'au cas présent, la société CAROLI BAT réclame la condamnation :

- d'une part, de la SCI ESPERANZA, la SAM MAREX et la SCI DREAMLANDS,

- d'autre part de la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES JB P. & FILS, la SAM ENGECO, la SAM M. P. GROUP, la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER, la SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER,

au paiement par chacune d'elles de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Qu'elle soutient que l'appel-nullité interjeté est non seulement infondé mais empreint d'une mauvaise foi caractérisée, dans un but dilatoire et pour nuire à ses intérêts, alors qu'il l'a contrainte à engager de frais et honoraires de conseil pour faire valoir ses droits devant la Cour d'appel, ce que contestent les sociétés appelantes ;

Que cependant, nonobstant l'issue donnée à la présente instance, le caractère abusif de la voie de recours exercée n'est pas démontré, aux termes de débats juridiques nourris entre les parties, à la hauteur des enjeux qui les opposent ;

Que la SAM CAROLI BAT sera déboutée de ses demandes à ce titre ;

Sur les dépens

Attendu que succombant en leurs prétentions, les sociétés ESPERANZA, MAREX et DREAMLANDS, d'une part et la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES JB P. & FILS, la SAM ENGECO, la SAM M. P. GROUP, la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER, la SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER d'autre part, seront condamnées pour moitié chacune aux dépens d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonne la jonction de la procédure enrôlée sous le numéro 2020/000078 à celle portant le numéro de rôle 2020/000060,

Déclare irrecevables les appels-nullité formés :

- d'une part, par les sociétés ESPERANZA, MAREX et DREAMLANDS,

- d'une part, par la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES JB P. & FILS, la SAM ENGECO, la SAM M. P. GROUP, la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER, la SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER,

Déboute la SAM CAROLI BAT de ses demandes de dommages-intérêts pour appel abusif,

Condamne les sociétés ESPERANZA, MAREX et DREAMLANDS, d'une part, la SAM SOCIÉTÉ DES ENTREPRISES JB P. & FILS, la SAM ENGECO, la SAM M. P. GROUP, la SAM DES AMÉNAGEMENTS DU PORTIER, la SAM DES SUPERSTRUCTURES DU PORTIER d'autre part, pour moitié chacune aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Madame Claire GHERA, Conseiller, Madame Catherine LEVY, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 30 MARS 202 1, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur Général Adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.

  • Consulter le PDF