Cour d'appel, 16 février 2021, Monsieur r. C P. c/ La société A

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Abstract🔗

Contrat – Tiers – Opposabilité (non) – Obligation de paiement (non)

Résumé🔗

Les premiers juges ont à bon droit rappelé que par application des dispositions de l'article 1162 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Force est en l'espèce de constater que même si les pièces produites établissent que p. C. de la société A a la qualité de Président de la société B, le principe tiré de l'effet relatif des conventions ne permet pas d'imputer à une société tierce au contrat, en l'espèce la société intimée H. le défaut de règlement d'une facture qui était due à une autre entité, la société B. Les premiers juges apparaissent avoir à bon droit estimé qu'en demandant à la société A de régler la facture de la société B sans justifier des éventuels accords passés entre le demandeur et le défendeur, voire entre les trois parties, r.C P.ne leur permettait pas de vérifier au fond si sa créance était certaine. Il n'est pas davantage justifié en cause d'appel de la réalité de tels accords qui, seuls, permettraient de rendre opposable à la société H. le contrat de mandat liant la société B à r.C P.et, par voie de conséquence, de la déclarer tenue au paiement de la facture litigieuse.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2021

En la cause de :

  • - Monsieur r. C P., commerçant (n° RCI 08P07411), demeurant et domicilié X1 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

  • - La société de droit italien A, dont le siège social se trouve Via X2- 55047 QUERCETA (Lu-Italie), prise en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège ;

NON COMPARANTE ;

INTIMÉE,

EN PRÉSENCE DE :

  • La SOCIÉTÉ ANONYME D À MONACO, en abrégé « D », dont le siège social se trouve X3 à Monaco, prise en la personne de son Président délégué demeurant en cette qualité audit siège, TIERS-SAISI ;

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 28 mai 2020 (R.3795) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 2 juillet 2020 (enrôlé sous le numéro 2021/000016) ;

À l'audience du 19 janvier 2021, vu la production de ses pièces par le conseil de l'appelant ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par r. C P. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 28 mai 2020.

Considérant les faits suivants :

Exposant être créancier de la société de droit italien A, r. C P. a déposé le 26 août 2019 une requête tendant, sur le fondement des articles 491 et suivants du Code de procédure civile, à être autorisé à frapper d'indisponibilité temporaire à hauteur de la somme de 13.219,20 euros les fonds pouvant être détenus par la SOCIÉTÉ ANONYME D pour le compte de cette personne morale et à pratiquer une saisie-arrêt sur toutes sommes pouvant être détenues par la société D pour le compte de la société A.

Aux termes d'une ordonnance en date du 13 septembre 2019, le Président du Tribunal de première instance de Monaco a fait droit à cette requête.

Suivant exploit d'huissier en date du 1er octobre 2019, r. C P. a formé la saisie-arrêt ainsi autorisée et obtenu de la société D tiers-saisi, la déclaration prévue par l'article 500-1 du Code de procédure civile.

Par le même acte, r. C P. a régulièrement fait assigner devant le Tribunal de première instance la société A à son siège social italien en validation de cette saisie-arrêt et en paiement du montant de ses causes, en signifiant au tiers-saisi une injonction d'avoir à compléter, au besoin, sa déclaration originaire, conformément aux dispositions des articles 500-1, 500-3 et 500-4 du Code de procédure civile.

r. C P. faisait valoir en substance qu'il exploite un bureau d'études ayant pour mission l'aide et l'assistance en matière commerciale, administrative, technique et de design concernant des projets de construction et/ou d'aménagement de complexes hôteliers ou de tourisme, de résidences privées, et qu'en cette qualité il a été mandaté par la société B, dépendant elle-même de la société A, afin de réaliser de multiples prestations dans le cadre du chantier D-Hôtel G ; il exposait avoir adressé à la société B une facture n° 113 A d'un montant de 13.171,20 euros du 3 août 2018 qu'elle n'avait pas payée malgré des courriers de relance des 13 décembre 2018 et 8 février 2019, outre une mise en demeure du 15 juillet 2019 demeurée infructueuse.

Devant les premiers juges, la société A n'a pas comparu et le Tribunal de première instance a, par jugement de défaut en date du 28 mai 2020 :

« - débouté r. C P. de sa demande en paiement à l'encontre de la société A ;

- ordonné, en conséquence, la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 1er octobre 2019 entre les mains de la SOCIÉTÉ D ;

- condamné r. C P. aux entiers dépens de l'instance ».

Les premiers juges ont en substance retenu que le demandeur ne justifie pas du lien unissant la société B et la société A sans davantage établir les éventuels accords qui auraient pu être passés entre les parties notamment p. C. travaillant pour la société H. et par ailleurs Président de la société B.

Suivant exploit en date du 2 juillet 2020, Monsieur r. C P. a interjeté appel du jugement susvisé à l'effet de voir infirmer le jugement entrepris et dire et juger que Monsieur r. C P. est bien fondé à poursuivre la société H. afin d'obtenir le paiement de la facture de la société B demeurée impayée et condamner celle-ci à lui régler la somme de 13.219,20 euros tout en validant la saisie-arrêt du 1er octobre 2019 pratiquée entre les mains de la société D et condamner en outre la société H. à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier subi ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelant fait valoir pour l'essentiel au soutien de son appel que :

  • - le véritable donneur d'ordre est en réalité la société H. le lien étroit de cette entité avec la société B expliquant que ces dernières étaient souvent présentées comme une seule personne morale,

  • - la société H. détient en réalité 100% de la société B,

  • - les pièces produites établissent que ces deux entités n'en font qu'une en sorte que compte-tenu des accords passés entre ces personnes morales Monsieur r. C P. est fondé à solliciter auprès de l'une d'elles, c'est-à-dire la société H. le règlement de la facture de l'autre entité qu'est la société B.

La société H., bien que régulièrement touchée par l'acte d'appel et assignation le 17 août 2020, n'a pas comparu ni personne pour elle, en sorte qu'il y a lieu de statuer par arrêt réputé contradictoire à son encontre.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel formé dans les conditions de forme et de délai prévues par le Code de procédure civile doit être déclaré recevable ;

Attendu que r. C P. se prévaut du défaut de règlement d'une facture n° 113 A d'un montant de 13.171,20 euros établie le 3 août 2018 en contrepartie d'une prestation réalisée dans le cadre du chantier D./Hôtel G en sa qualité d'exploitant de bureau d'études, au titre de laquelle il a été mandaté par la société B ;

Attendu qu'il est établi qu'un contrat de mandat a été signé avec la société B le 12 juillet 2016 aux fins d'exécuter notamment les formalités fiscales afférentes à des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée à Monaco ainsi que des formalités inhérentes à l'immatriculation en Principauté, l'attestation de la Direction des Services Fiscaux du 5 août 2016 certifiant que cette entité est en effet assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en Principauté de Monaco et une mise en demeure ayant été adressée par la même direction le 18 avril 2019 à cette société B pour une somme de 10.580 euros au titre de sa déclaration de TVA ;

Attendu que des courriers de relance ont été adressés à p. C. de la société H. les 13 décembre 2018 et 8 février 2019 outre une mise en demeure du 15 juillet 2019 également restée infructueuse ;

Que d'autres courriels de relance ont été adressés à Monsieur p. C. de la société H. les 11 septembre 2018, 13 décembre 2018, 8 février 2019 et 3 juillet 2019 aux termes duquel l'appelant rappelait que la somme réclamée de 13.171,20 euros concernait son activité de représentant fiscal auprès de la société B, dont il est le Président et ce, dans le cadre du chantier D/Hôtel G ;

Mais attendu que les premiers juges ont à bon droit rappelé que par application des dispositions de l'article 1162 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ;

Que force est en l'espèce de constater que même si les pièces produites établissent que p. C. de la société A a la qualité de Président de la société B, le principe tiré de l'effet relatif des conventions ne permet pas d'imputer à une société tierce au contrat, en l'espèce la société intimée H. le défaut de règlement d'une facture qui était due à une autre entité, la société B ;

Attendu que les premiers juges apparaissent avoir à bon droit estimé qu'en demandant à la société A de régler la facture de la société B sans justifier des éventuels accords passés entre le demandeur et le défendeur, voire entre les trois parties, r. C P. ne leur permettait pas de vérifier au fond si sa créance était certaine ;

Attendu qu'il n'est pas davantage justifié en cause d'appel de la réalité de tels accords qui, seuls, permettraient de rendre opposable à la société H. le contrat de mandat liant la société B à r. C P. et, par voie de conséquence, de la déclarer tenue au paiement de la facture litigieuse ;

Attendu que la décision déférée sera en conséquence confirmée en ce que r. C P. a été débouté de sa demande en paiement et en ce qu'a été ordonnée la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 1er octobre 2019 ;

Attendu que r. C P. qui succombe, sera débouté de sa demande de dommages intérêts à l'encontre de la société H. et condamné aux entiers dépens de l'instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire à l'encontre de la société H.

Déclare recevable l'appel formé par r. C P.

Au fond, l'en déboute,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 28 mai 2020,

Déboute r. C P. de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne r. C P. aux entiers dépens de l'instance,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Claire GHERA, Conseiller, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 16 FÉVRIER 202 1, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur Général adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.

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