Cour d'appel, 2 février 2021, Madame a F c/ Madame m-e. B. épouse T. et les SAM B et D
Abstract🔗
Procédure civile – Attestation - Article 324 du Code de procédure civile.
Cession d'actions - Don manuel - Nécessité d'un acte authentique (non) - Validité de la donation indirecte (oui) - Nullité des actes litigieux (non)
Résumé🔗
La légataire universelle de la défunte, par ailleurs filleule de cette dernière, conteste les conditions dans lesquelles auraient été rédigés quatre actes portant transfert de parts au profit de deux associés des deux sociétés qu'elle avait créées, actes soumis à la signature de sa marraine peu avant son décès. Elle a entrepris d'en poursuivre la nullité et d'obtenir la réintégration des actions correspondantes à la succession, sous astreinte.
Il n'y a pas lieu de rejeter des débats une attestation produite par la légataire universelle au motif que cette dernière ne mentionnerait pas l'intérêt au procès de son rédacteur dès lors que cette attestation mentionne expressément l'absence d'intérêt au procès de son auteur. L'analyse personnelle par la partie adverse du contenu de cette attestation s'avère sans emport pour caractériser la violation alléguée des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile. Par ailleurs, le propre d'une attestation est de venir appuyer la position de son bénéficiaire.
En l'espèce, les cessionnaires sont bien actionnaires des deux sociétés concernées. Les actes en cause comportent une demande de transfert d'actions dans le respect des dispositions statutaires. Ce transfert a été transcrit sur les registres correspondant, comme en témoignent les mentions figurant dans le Registre de transferts de chacune des deux sociétés. Par ailleurs, les simples doutes de la légataire universelle poursuivante relatifs à l'authenticité de la signature de la cédante figurant sur les bordereaux de transfert sont sans emport, tenant l'analyse pertinente à laquelle se sont livrés les premiers juges à cet égard, d'autant qu'elle n'allègue pas de l'existence d'un faux ou n'en tire aucune conséquence juridique conséquence juridique. Au surplus, la première lettre litigieuse des deux signatures en cause est en tout point semblable à celle figurant dans les paraphes et la signature apposés sur le testament authentique instituant la requérante en qualité de légataire universelle. Ces bordereaux de transfert ont donc bien été signés de la main de la cédante, dont le discernement ou le consentement n'est pas remis en cause et qui a établi un testament authentique en faveur de la requérante le lendemain de ces actes. La signature de la cessionnaire justifie de son acceptation concomitante de la gratification qui lui était faite à titre de bénéficiaire. Ces actes juridiques écrits sont donc parfaits par l'échange de consentements qui s'y trouve consacré. Le transfert des actions a également été effectué dans le respect des formes statutaires comme en témoignent les deux certificats d'actions nominatives produits aux débats, qui portent bien chacun la signature de deux administrateurs. La chronologie des divers actes témoigne de l'acceptation de la bénéficiaire avant le décès de la cédante. En l'absence de prix figurant dans ces actes, la cession est intervenue à titre gratuit. L'intention libérale de la cédante ressort clairement des actes de transfert en l'état de la remise des certificats de titres nominatifs le même jour par la cédante au siège de la société, induisant sa dépossession immédiate et son dépouillement irrévocable de ses propres titres d'actions pour permettre l'émission des nouveaux titres nominatifs au profit de la bénéficiaire, sans contrepartie. L'ensemble de ces éléments établit la réalité d'une donation indirecte, matérialisée par deux cessions d'actions à titre gratuit accompagnées d'une demande de transfert dans le registre ad hoc de chacune des deux sociétés et de la remise de ses propres certificats de titre suivie de l'émission par chacune des sociétés des nouveaux titres nominatifs. Les actes en cause échappent ainsi au formalisme de l'acte authentique. Par ailleurs, l'existence de ces actes de cession exclut par ailleurs le recours à la théorie du don manuel. Si la légataire peut contester les actes en cause par tout moyen, les doutes et suspicions venant alimenter les prétendues incohérences qu'elle avance sont insuffisants, en l'absence de tout élément probant, pour remettre en cause la sincérité et la validité des actes querellés. La cessionnaire était également de longue date l'un des plus proches collaborateurs de la défunte, quand bien même cette dernière n'aurait pas dévoilé ses intentions de la porter à sa succession professionnelle auprès de ses autres salariés et associés. Il résulte également des attestations produites qu'aucun associé n'a jamais eu à s'acquitter de la moindre somme en échange d'actions. La défunte n'était nullement tenue d'informer son notaire de cette opération, ni de la mentionner dans son testament, s'agissant de biens immédiatement sortis de son patrimoine par l'effet de ses propres décisions, qu'elle ne pouvait donc plus transmettre à sa légataire. La cessionnaire ne peut être accusée de mensonge ou de manipulation en raison de son ignorance des dispositions testamentaires pouvant venir contrarier le fonctionnement des sociétés, alors que la défunte était propriétaire des murs. L'aspect fiscal de l'opération, jugé désavantageux pour les cessionnaires de la part de la légataire s'avère sans emport sur sa réalité, son authenticité et la volonté de son auteur. Il en va de même de l'obligation déclarative qui pèserait sur le cessionnaire au plan fiscal en sa qualité de ressortissant français. Aucun argument ne peut non plus être tiré de l'absence de mention manuscrite portée sur les actes de transfert, alors que l'échange des signatures, dont l'authenticité est acquise, formalise l'accord des parties et leur consentement à l'acte. Cet élément doit être mis en perspective avec l'état de santé de la cédante, sortie de l'hôpital la veille, où elle était suivie pour une longue maladie dont elle est décédée dix jours plus tard. Le testament authentique reçu le lendemain de la cession contestée, pris sous la dictée du notaire au domicile de la testatrice, ne comporte également que le paraphe et la signature de la défunte.
L'opération litigieuse caractérise donc une donation indirecte, valablement consentie, de sorte que la légataire universelle est déboutée de ses demandes.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 2 FÉVRIER 2021
En la cause de :
- Madame a F, célibataire, sans profession, née le 19 octobre 1983 à Paris (12ème), de nationalité française, demeurant X1en Italie (18012) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
1/Madame m-e. B. épouse T., née le 20 septembre 1951 à Toulon (France), de nationalité française, demeurant X2 06000 Nice, France ;
2/La société anonyme monégasque B, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro X, dont le siège social est situé X1 à Monaco, prise en la personne de son Président Administrateur Délégué, Monsieur p. H. domicilié en cette qualité audit siège ;
3/La société anonyme monégasque D, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro X, dont le siège social est situé X2 à Monaco, prise en la personne de son Président Administrateur Délégué, Madame m-e. T. domiciliée en cette qualité audit siège ;
Ayant toutes trois élu domicile en l'Étude de Maître s. FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉES,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 5 juillet 2018 (R. 6339) ;
Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 17 octobre 2018 (enrôlé sous le numéro 2019/000030) ;
Vu l'arrêt avant dire droit en date du 26 septembre 2019 ;
Vu les conclusions déposées les 28 janvier 2020 et 4 août 2020 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de Madame a F;
Vu les conclusions déposées les 5 mai 2020 et 14 octobre 2020 par Maître s. FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de Madame m-e. B. épouse T. de la société anonyme monégasque B et de la société anonyme monégasque D ;
À l'audience du 24 novembre 2020, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par Madame a F à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 5 juillet 2018.
Considérant les faits suivants :
s C. est décédée le 28 janvier 2015, laissant pour lui succéder sa filleule, a. F. instituée légataire universelle par testament authentique du 20 janvier 2015, à charge pour elle de délivrer un legs particulier portant sur l'appartement dont elle était propriétaire, sis X à MONACO.
De son vivant, la de cujus avait constitué, pour l'exercice de son activité professionnelle, deux sociétés anonymes de droit monégasque dont elle était l'actionnaire majoritaire, dénommées :
- la SAM B, créée le 6 février 2004, pour l'exercice de son activité d'agent général de compagnies d'assurances,
- la SAM D pour l'exercice de son activité d'agent immobilier et de syndic de copropriété.
Elle partageait l'actionnariat de ces sociétés avec ses salariés.
S'étonnant des conditions dans lesquelles auraient été rédigés quatre actes en date du 19 janvier 2015, portant transfert de parts de ces deux sociétés par s C. au profit de deux de ses associés, p. H. et e B. épouse T. soumis à la signature de sa marraine peu avant son décès, a. F. a entrepris d'en poursuivre la nullité et d'obtenir la réintégration des actions correspondantes à la succession, sous astreinte.
Par jugement contradictoire rendu le 5 juillet 2018, en présence de la SAM D et de la SAM B, le Tribunal de première instance a :
- déclaré nulle l'attestation délivrée par m-e. B. épouse T.
- débouté a. F. de ses demandes tendant à voir déclarer nuls les actes sous seing privé du 19 janvier 2015, portant cession d'actions avec demande de transfert de la SAM D et de la SAM B au profit de m-e. B. épouse T.
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné a. F. aux dépens, distraits au profit de Maître s. FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu en substance que :
- l'intérêt personnel au litige de m-e. B. épouse T. partie à la procédure, induit qu'elle ne peut valablement attester en sa faveur et que son attestation qui encourt la nullité au regard de l'article 324 du Code de procédure civile, doit être écartée des débats,
- il appartient à la juridiction d'apprécier la portée probatoire des autres attestations critiquées par la demanderesse, au regard du lien de subordination de leurs auteurs et de la véracité de leurs propos,
- la critique élevée par m-e. B. épouse T. à l'encontre de l'attestation rédigée par c. B. touche au fond, sans que se trouve invoqué un manquement aux dispositions légales précitées,
- les actes litigieux datés du 19 janvier 2015 consistent en deux documents dactylographiés, dans lesquels la SAM B y est désignée comme « la société émettrice » dans l'un, la SAM D dans l'autre et m-e. B. épouse T. comme le cessionnaire, comportant mention de la remise de certificats de titres et de demandes de transfert, suivis des dates, signatures, et de la mention de bons pour transfert,
- l'authenticité des signatures n'est pas sérieusement discutée par a. F. et à l'examen comparé des actes, il doit être retenu que les bordereaux de transfert signés au profit de m-e. B. épouse T. le 19 janvier 2015 l'ont bien été par s C. sans qu'il soit par ailleurs soutenu que son discernement aurait été altéré ou son consentement vicié,
- au regard des statuts, les actions sont librement transmissibles ou cessibles entre actionnaires, la transmission s'opérant en vertu d'un transfert inscrit sur les registres de la société,
- ce transfert ayant été signé par le cédant, il a été constaté qu'à la date du 19 janvier 2015 s C. a transmis à m-e. B. épouse T. les actions énumérées à ces actes,
- m-e. B. épouse T. étant signataire de l'acte en qualité expresse de cessionnaire, son acceptation concomitante est acquise,
- en l'absence de prix, il s'agit d'une cession à titre gratuit,
- chacun des actes comprend également une demande de transfert d'actions dans le registre ad hoc de chacune des deux sociétés, formalité conforme à l'article 6 des statuts, identique pour les deux sociétés, qui permet tout à la fois de porter à la connaissance de la société la cession d'actions, l'identité du nouvel actionnaire et d'émettre des titres d'actions,
- les certificats nominatifs de s C. ont été remis à la société, confirmant la cession en ce qu'elle s'est immédiatement dépossédée de ses propres titres d'actions pour permettre l'émission des nouveaux titres nominatifs au profit du bénéficiaire,
- les attestations évolutives délivrées par A. L., commissaire aux comptes des deux sociétés concernées, ne sont pas de nature à modifier l'appréciation qui doit être faite des actes du 19 janvier 2015, d'autant que s'agissant d'actes juridiques écrits, ils sont parfaits par le consentement, non contesté, de celui qui s'engage, en l'occurrence s C. et il ne peut être rapporté de preuve contre et outre leur contenu par simple témoignage en application de l'article 1188 du Code civil,
- l'existence de ces actes portant cession exclut le recours à la théorie du don manuel,
- au regard de l'ensemble de ces éléments, s C. a consenti une donation à m-e. B. épouse T. matérialisée par deux cessions d'actions à titre gratuit accompagnées d'une demande de transfert dans le registre ad hoc de chacune des deux sociétés, de la remise de ses propres certificats de titres suivie de l'émission par chacune des sociétés des titres nominatifs correspondants, qui a pris effet immédiatement entre le cédant et le cessionnaire,
- la date effective à laquelle ont été émis les certificats nominatifs est indifférente puisqu'elle n'est pas de nature à modifier la qualification de la cession,
- il est cohérent avec l'immédiateté de ce transfert que s C. n'ait pas mentionné les dites cessions dans le testament notarié du 20 janvier 2015 par lequel elle instituait a. F. légataire universelle, les actions cédées ne se trouvant plus dans son patrimoine par l'effet de ses propres décisions,
- en sa qualité de légataire universelle, en l'état de l'importante valeur économique des biens cédés et alors que l'attestation du commissaire aux comptes, a. LE., était de nature à introduire un questionnement sur la nature de la libéralité consentie par la défunte, a. F. a pu se méprendre sur la portée de ses droits, de sorte que son action, menée sans incident dilatoire ni excès, ne présente pas de caractère dilatoire.
Par assignation délivrée le 17 octobre 2018, a. F. a interjeté appel parte in qua à l'encontre du jugement rendu le 5 juillet 2018, signifié le 18 septembre 2018.
Aux termes de son exploit et d'écritures déposées le 23 avril 2019, a. F. a demandé à la Cour, à titre principal, d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente d'une décision à intervenir dans le cadre de l'information suivie devant le juge d'instruction des chefs de faux et usage de faux en écriture privées, de commerce ou de banque, escroquerie et tentative d'escroquerie, sollicitant à titre subsidiaire que lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve de conclure sur le fond.
Par écritures en réponse déposées les 18 février 2019 et 18 juin 2019, m-e. B. épouse T. la SAM B et la SAM D ont conclu au rejet de cette demande comme étant sans objet et demandé que soit alloué à m-e. B. épouse T. l'entier bénéfice de ses demandes, fins et conclusions qui s'y trouvent développées.
Par arrêt rendu le 26 septembre 2019, la Cour d'Appel a débouté a. F. de sa demande aux fins de sursis à statuer, ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état pour fixation d'un calendrier de procédure, en réservant les droits des parties, retenant essentiellement que, s'il se trouve établi qu'une action publique a été mise en mouvement par la saisine d'un juge d'instruction, il n'est pas démontré que l'information ouverte concerne les mêmes faits que ceux dont les juridictions civiles ont à connaître, ni que la procédure pénale se trouve toujours en cours.
Par conclusions « sur exception de communication de pièces » déposées le 28 janvier 2020, a. F. a demandé à la Cour, au visa des dispositions des articles 274 du Code de procédure civile et 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, avant dire droit au fond, qu'il soit fait injonction à m-e. B. épouse T. de produire la déclaration de donation à laquelle elle a procédé suite à la gratification dont elle prétend avoir été rendue bénéficiaire par s C. tout en lui donnant acte de ce qu'elle se réserve de conclure sur le fond, les parties étant renvoyées pour ce faire.
Par écritures déposées le 5 mai 2020, les intimées ont conclu au rejet de l'exception de communication de pièces, soutenant en substance :
- qu'il s'agit d'une obligation déclarative à visée strictement fiscale, sans incidence sur la validité de la donation,
- que l'obligation de déclaration fiscale serait le cas échéant déclenchée par la reconnaissance judiciaire de la donation indirecte,
- que le point de départ du délai d'un mois dont est assortie l'obligation de déclaration n'est pas lié à la date du don manuel mais à celle de sa révélation à l'administration, de sorte qu'à ce jour la donation n'a fait l'objet d'aucune démarche déclarative.
Suivant courrier du 13 mai 2020, a. F. prenant acte de l'absence de déclaration des donations dont les intimées prétendent avoir été bénéficiaires, a informé la Cour de ce qu'elle se désistait de sa demande de communication de pièces, désormais dépourvue d'intérêt.
Par conclusions récapitulatives déposées le 4 août 2020, a. F. a demandé à la Cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel parte in qua, et de :
À titre principal :
- réformer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a prononcé la nullité de l'attestation de Madame B. épouse T. et écarté la demande de nullité de l'attestation de Madame B.
- constater que les donations n'ont pas été réalisées dans les formes prévues par la loi,
En conséquence,
- dire et juger que les donations alléguées sont nulles pour vice de forme,
- dire et juger que les titres n'ont jamais quitté le patrimoine de Mademoiselle C. et qu'ils ont été transmis à Mademoiselle F. par l'effet des dispositions testamentaires,
- dire et juger que Mademoiselle F. est propriétaire des :
173 actions de la société B SAM,
3.000 actions de la société D SAM,
objets des actes de transfert du 19 janvier 2015,
- ordonner, au besoin sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la transcription du transfert des titres au profit de Mademoiselle F. dans les livres des sociétés précitées.
À titre subsidiaire, elle conclut aux mêmes fins, au constat que les donations indirectes alléguées n'ont pu être acceptées du vivant de Mademoiselle C. et qu'il appartient en conséquence à la Cour de dire et juger qu'elles sont inexistantes.
Elle conclut en tout état de cause au débouté de m-e. B. épouse T. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et à sa condamnation aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
En soutien de ses prétentions, elle fait valoir à titre liminaire que le vœu formulé dans son attestation par Madame B. ne caractérise pas un intérêt au procès, d'autant qu'étant retraitée, elle ne travaille plus pour les SAM en cause.
Elle met ensuite en exergue de nombreuses incohérences et mensonges qui ressortent en premier lieu des attestations successives délivrées par Monsieur LE., confirmés par la sommation interpellative de Maître AUREGLIA-CARUSO, alors encore qu'il est peu crédible que Mademoiselle C. n'ait pas pris en compte l'aspect fiscal de l'opération, une donation impliquant une imposition supérieure à un transfert par voie successorale.
Elle relève que la nullité de la propre attestation de m-e. B. épouse T. a été prononcée par les premiers juges, décision qui mérite confirmation en l'absence d'appel formé à ce titre.
Elle soutient que les attestations des salariés qui prétendent avoir assisté à la signature de l'acte de transfert sont incohérentes dès lors qu'il est établi par ailleurs que Mademoiselle C. ne voulait voir personne et que l'acte dont s'agit ne mentionne pas leur présence.
Elle observe que seule une partie des documents nécessaires pour parvenir à une donation parfaite a été signée par Mademoiselle C. les certificats d'actions nominatives ne l'ayant prétendument pas été du fait de son hospitalisation, alors qu'elle était sortie la veille de l'établissement public de droit monégasque I. .
Elle prétend encore que :
- les actes de transfert ne peuvent matérialiser une donation indirecte, faute de respecter les règles de formes prescrites par l'article 798 du Code civil exigeant l'établissement d'un acte authentique,
- aucune donation indirecte n'est caractérisée, en l'absence d'acte parfait susceptible de servir de support à la donation et d'intention libérale de Mademoiselle C. de transférer l'intégralité de ses deux sociétés à deux actionnaires, alors qu'elle pouvait en toute logique transmettre l'entreprise familiale à sa filleule qui avait toutes les compétences requises pour en assurer la pérennité.
Elle réfute toute position prédominante de Monsieur H. et Madame T. au sein des sociétés dans lesquelles Mademoiselle C. avait à cœur de maintenir l'égalité entre salariés.
Elle avance que l'absence de date certaine de signature des différents actes s'oppose à la reconnaissance d'une donation valablement réalisée avant le décès de Mademoiselle C. dès lors que le transfert de propriété du titre nominatif n'est formellement réalisé qu'au moment de l'immatriculation sur le registre des transferts et que les registres n'ont pu être remplis le 19 janvier 2015.
Elle fait valoir que les éléments produits aux débats démontrent l'absence de volonté de Mademoiselle C. de se dessaisir immédiatement et irrévocablement et l'absence d'acceptation du bénéficiaire avant le décès de la donatrice et affirme qu'elle pouvait rapporter la preuve des mentions figurant sur les actes de transfert par tous moyens, critiquant les premiers juges en ce qu'ils ont méconnu la portée de l'article 1188 du Code civil qui ne s'applique qu'aux parties à l'acte et non aux tiers, tels les héritiers ou ayants-cause des parties.
Elle poursuit par ailleurs la nullité des donations indirectes au visa des articles 799 et 805 du Code civil, en invoquant l'absence d'acceptation de la donation par son bénéficiaire, du vivant du donateur, dès lors que les bordereaux ne devant être remis aux donataires qu'en cas de décès de Mademoiselle C. ceux-ci n'ont pas pu avoir connaissance de sa volonté avant cette échéance et par la même accepter les donations en temps utile, nonobstant les attestations adverses produites, jalonnées d'incohérences.
Elle conteste subsidiairement :
- d'une part, la stipulation pour autrui invoquée par m-e. B. épouse T. pour justifier le cas échéant la validité des dons manuels malgré la remise postérieure au décès, soulignant l'absence de lien contractuel l'unissant à Monsieur L. qui n'a pas la qualité de promettant et n'a souscrit aucune obligation ou engagement envers celui-ci,
- d'autre part, le mandat verbal qu'aurait consenti Mademoiselle C. à Monsieur L. pour procéder à la remise du don manuel, insuffisant à en assurer la validité, faute de remise de la chose donnée avant le décès de celle-ci.
En l'absence de don valable, les titres litigieux, qui n'ont pas quitté le patrimoine de Mademoiselle C. lui ont été transmis par l'effet de la dévolution successorale, de sorte qu'elle doit en être déclarée propriétaire, sans que son appel ne puisse être jugé abusif.
Par conclusions intitulées « de synthèse et en réponse » déposées le 14 octobre 2020, portant appel incident, m-e. B. épouse T. la SAM D et la SAM B ont demandé à la Cour de :
- débouter a. F. des fins de son appel comme étant infondé,
- infirmer le jugement en date du 5 juillet 2018 en ce qu'il a débouté m-e. B. épouse T. de sa demande tendant à voir prononcer, par application de l'article 324 du Code de procédure civile, la nullité du témoignage de c. B. versé aux débats par a. F. sous le n° 17,
Statuant à nouveau,
- déclarer le témoignage de c. B. nul et par voie de conséquence l'écarter des débats,
- confirmer le jugement du 5 juillet 2018 en toutes ses autres dispositions,
Y ajoutant,
- condamner a. F. à payer à m-e. B. épouse T. la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,
- condamner a. F. aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, distraits au profit de Maître s. FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit.
Elles font valoir en premier lieu que si l'attestation de Madame B. a pu être déclarée nulle dans la présente instance, elle ne souffre par contre d'aucun vice de forme dans celle qui oppose l'appelante à p. H. se trouvant établie au profit d'un tiers.
Elles prétendent que le transfert de titres a constitué le support manuel d'une donation indirecte, à tout le moins réalisée par le jeu d'une stipulation pour autrui.
Pour affirmer l'existence de donations entre vifs parfaitement valables, elles réfutent en premier lieu les accusations gratuites et inopportunes qui nourrissent l'étonnement de l'appelante en relevant que :
- le transfert des actions a été réalisé selon les conseils du notaire,
- il n'a pas été fait obstruction à l'information du notaire en charge de la succession auquel l'ensemble des documents réclamés a été communiqué par Maître LICARI, leur conseil,
- l'appelante n'a pas usé de la procédure d'inscription en faux civil pour dissiper ses doutes sur l'authenticité de la signature de Mademoiselle C. sur les bordereaux de transfert,
- il n'est pas contesté que cette dernière jouissait de ses pleines capacités mentales lors de l'établissement de son testament le 20 janvier 2015, en sorte que le transfert des actions intervenu la veille par voie de donation l'a bien été selon sa volonté et sous ses directives,
- en cédant ses actions à titre gratuit, Mademoiselle C. a pris en considération ses propres obligations de donateur monégasque, sans se préoccuper particulièrement de l'incidence fiscale de son choix sur les donataires, démontrant de plus fort que ce mode de transmission procédait de son seul choix,
- la situation financière des sociétés à la fin de l'année 2014 était déficitaire et leur pérennité reposait sur les produits du mandat d'agent général de s C. et ses apports personnels, sans lesquels la valeur des actions des sociétés était proche de 0,
- la validité des cessions d'actions n'est pas subordonnée à la déclaration qu'aurait à en effecteur le cessionnaire au plan fiscal en qualité de ressortissant français.
En second lieu, elles contestent tout vice de forme, dès lors que :
- un acte authentique ne s'avère pas nécessaire s'agissant d'une donation indirecte, dont l'intention libérale résulte des circonstances de l'espèce, et qui se trouve sous-tendue par un acte neutre, en l'occurrence le transfert des titres nominatifs,
- aucune mention manuscrite du donateur n'avait besoin d'être portée sur l'acte de cession, les signatures du cédant et du cessionnaire se suffisant à elles-mêmes,
- l'authenticité de la signature de s C. figurant sur les bordereaux de transfert, identique à celle portée sur le testament et le codicille postérieurs de quelques jours, ne peut être sérieusement contestée.
En troisième lieu, elles soutiennent l'intention libérale de la donatrice, qui était saine d'esprit, et qui a délibérément choisi, à la veille d'établir son testament, de faire donation de ses actions de son vivant à ses deux plus proches collaborateurs et d'exclure ces biens de sa succession.
Contestant les témoignages contraires, elles objectent que le fait que chaque salarié soit associé dans les sociétés ne permet nullement de démentir la volonté de s C. de faire de p. H. et m-e. B. ses successeurs, alors qu'ils étaient ses deux plus proches collaborateurs et que sa confiance envers eux n'a jamais faibli.
Elles soulignent que s C. n'a jamais fait payer les parts attribuées à ses salariés dans les sociétés.
En quatrième lieu, s'agissant de la date de la donation, elles font observer que les bordereaux de transfert datés du 19 janvier 2015 établissent la date effective de la remise, alors que le transfert a été inscrit pour chaque cession sur le registre adéquat des sociétés et qu'un certificat d'actions nominatives a été remis à m-e. B. à même date, démontrant de plus fort la tradition des actions constitutive d'un don manuel rendant inutile l'établissement d'un acte authentique.
Elles déplorent ensuite que l'appelante attaque injustement la probité de Monsieur LE..
S'agissant de la portée probatoire des actes de cession, elles affirment que les premiers juges n'ont pas méconnu la portée de l'article 1188 du Code civil alors d'une part, que l'appelante est légataire universelle de s C. et non héritier réservataire, d'autre part qu'elle n'est pas tiers au contrat en sa qualité d'ayant-cause à titre universel.
À supposer qu a. F. soit admise à prouver contre l'écrit, il lui appartiendrait de rapporter la preuve non seulement que les cessions ne sont pas intervenues le 19 janvier 2015 mais encore à une date postérieure au décès.
Elles affirment encore que les différents témoins ne sont pas contradictoires sur les faits ni incohérents dans leur récit du déroulement de la journée du 19 janvier 2015 et que l'acceptation des donataires est concomitante aux donations comme en témoigne leur signature apposée sur les bordereaux de cession sous la date du 19 janvier 2015, antérieurement au décès de s C.
Elles déduisent de l'échange de consentements intervenu à cette date que la donation est parfaite par application des dispositions de l'article 805 du Code civil.
Si par extraordinaire, la Cour venait à considérer que la remise des certificats d'actions nominatives serait intervenue postérieurement au décès et que les donations ne seraient pas valables, il y aurait lieu de retenir l'existence d'une stipulation pour autrui, laquelle ne nécessite pas d'acceptation préalable, de sorte que la remise pouvait valablement intervenir après le décès sans que la donation indirecte n'en soit affectée.
Elles soutiennent à cet égard que :
- Monsieur LE. a pleinement compris le rôle que lui assignait s C. et l'a délibérément accepté en procédant à la tradition manuelle des titres nominatifs par l'inscription du transfert dans le registre adéquat et la remise des bordereaux signés par cette dernière à m-e. B. épouse T.
- s'il avait reçu mandat verbal de ne remettre l'objet qu'après le décès, de sorte que selon l'appelante il n'a pu le faire avant, il est néanmoins démontré que la tradition effective des titres nominatifs est intervenue avant le décès.
Enfin pour s'opposer à la demande de réintégration des titres dans le patrimoine de s C. elles font observer que l'appelante qui entend s'en revendiquer propriétaire au titre de son legs universel, n'a pas sollicité, au mépris des statuts, son agrément en qualité d'associée auprès du Conseil d'administration et que ses agissements, résolument contraires à l'intérêt social, démontrent l'absence de tout affectio societatis, venant contredire sa volonté et sa capacité de présider aux destinées des sociétés.
Au soutien de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif, elles invoquent les différents moyens dilatoires dont a usé l'appelante pour retarder l'issue du litige (exception de sursis à statuer rejetée, exception de communication de pièces élevée puis abandonnée) alors que les premiers juges lui ont clairement explicité la portée de ses droits.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que les « demandes » figurant au dispositif des écritures de l'appelante, aux fins de voir « constater » ne constituent pas des prétentions mais des moyens auxquels il sera répondu dans le corps du présent arrêt ;
Que les dispositions non appelées du jugement querellé sont désormais définitives, s'agissant de la déclaration de nullité de l'attestation de m-e. B. épouse T. et du rejet de la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par les défenderesses ;
Attendu enfin qu a. F. s'étant désistée de son incident de communication de pièces, il lui en sera donné acte ;
Sur la nullité de la pièce n° 17 produite par a. F.
Attendu que les intimées poursuivent la nullité du témoignage de c. B. versé aux débats par a. F. en pièce n° 17 et demandent qu'il soit écarté des débats, au motif que son auteur n'a pas déclaré son intérêt au procès, au mépris de l'exigence posée par l'article 324 du Code de procédure civile ;
Attendu cependant, que l'examen de cette pièce démontre que son auteur a expressément spécifié en ligne 6 se trouver « sans intérêt au procès » ;
Qu'il a donc été satisfait à l'exigence formelle posée par l'article précité ;
Que pour le surplus, l'analyse personnelle du contenu de cette attestation par m-e. B. qui perçoit un dénigrement systématique et un profond ressentiment à son endroit et considère que « le trait est si grossier qu'il prive le témoignage de toute objectivité », dans le contexte du licenciement de son auteur qui l'en tient responsable avec p. H. (pages 22 et 23 de leurs dernières écritures), est inopérante pour caractériser la violation alléguée ;
Que l'argument selon lequel « la conclusion du témoignage de Madame B. sonne comme l'aveu de l'intérêt qui le sous-tend » et « son attestation est rédigée pur aider l'action de Mlle F... en sorte que le témoin manifeste clairement un intérêt au procès » est également sans emport, le propre même d'une attestation étant de venir appuyer la position de son bénéficiaire ;
Que ce faisant, les premiers juges ont à bon droit rejeté la demande de nullité présentée ;
Sur les actes de transfert de titres
Attendu que les parties s'opposent, comme en première instance, sur la nature et la portée de deux actes signés par s C. à la date du 19 janvier 2015, portant transfert de titres de chacune des deux sociétés au profit de m-e. B. épouse T.;
Qu a. F. considère que les actions d'une SAM, constituées de titres nominatifs non matérialisés, biens incorporels, ne pouvaient pas faire l'objet d'une tradition matérielle et par la même d'un don manuel ;
Qu'elle reproche aux premiers juges d'avoir contourné l'exigence d'un acte authentique et l'impossibilité de procéder à un don manuel, en retenant l'existence d'une donation indirecte que les actes de transfert ne sauraient matérialiser, faute d'avoir caractérisé l'intention libérale de s C.;
Attendu qu'il revient donc à la Cour de restituer à ces actes leur exacte qualification pour connaître le formalisme auquel ils se trouvaient astreints ;
Qu'aux termes de l'article 761 du Code civil, on ne peut disposer de ses biens à titre gratuit, que par donation entre vifs ou par testament, dans les formes prescrites ;
Que l'article 762 énonce que la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte ;
Que l'article 798 suivant dispose que « Tout acte de donation entre vifs devra être passé devant notaire, et il en sera dressé minute, à peine de nullité » ;
Que les dispositions de cet article du Code civil monégasque, similaires à celles figurant à l'article 931 du Code civil français autorisent la transposition en droit monégasque des solutions jurisprudentielles posées par la Cour de Cassation, tel que l'ont retenu les premiers juges ;
Qu'à cet égard, si tout acte portant donation exige l'établissement d'un acte authentique, échappe néanmoins au caractère impératif de ce formalisme, notamment la donation indirecte ;
Que ce type de donation, qui ne prend pas la forme d'un contrat de donation, repose sur un acte neutre qui tend au même objectif, en l'occurrence gratifier un tiers, sans contrepartie ;
Que pour constituer une donation indirecte, l'acte en cause doit, comme toute libéralité, emporter dépouillement irrévocable du donateur, traduire son intention libérale et comporter l'acceptation du bénéficiaire ;
Qu'au cas présent, l'analyse exhaustive des deux actes dressés le 19 janvier 2015 révèle que :
- les 2 sociétés intimées sont désignées dans ces documents comme « la société émettrice », s C. comme le « cédant » et m-e. B. épouse T. comme le « cessionnaire »,
- le cédant « remet ce jour au siège de la société 1 certificat(s) de 3.000 titre(s) nominatif(s) » et « 2 certificat(s) de 173 titre(s) nominatif(s) », avec la précision de leur numéro pour chacun des deux actes,
- une demande de transfert y est formulée par le cédant dans les termes suivants « je demande le transfert au nom du cessionnaire ci-dessous identifié à qui je l'(es) ai vendu ce jour » ;
Que figure ensuite la mention de la date du 19 janvier 2015, suivie de la signature du cédant et de celle du cessionnaire, complétées d'un bon pour transfert du nombre d'actions spécifique à chaque acte ;
Qu'au regard de l'article 7 des statuts (§ Forme des actions et 7a) ) :
- les actions sont librement transmissibles ou cessibles entre actionnaires,
- la transmission des actions s'opère en vertu d'un transfert inscrit sur les registres de la société,
- le transfert est signé par le cédant et le cessionnaire ou leur représentant ;
Qu'au cas présent, il est constant que s C. et m-e. B. épouse T. sont bien actionnaires au sein des deux sociétés concernées ;
Que les actes critiqués comportent une demande de transfert d'actions dans le respect des dispositions statutaires précitées ;
Que ce transfert a été transcrit sur les registres correspondant, comme en témoignent les mentions figurant sous les numéros d'ordre 19 et 42 du Registre de transferts de chacune des deux sociétés ;
Que l'argument tiré par l'appelante de ce que l'opération juridique transportant la propriété du titre nominatif n'est formellement réalisée qu'au moment de l'immatriculation sur le registre des transferts est donc inopérant, cette inscription portant la date du 19 janvier 2015, démontrant la continuité des formalités accomplies ;
Que les simples doutes émis par l'appelante quant à l'authenticité de la signature de s C. figurant sur les bordereaux de transfert sont sans emport, tenant l'analyse pertinente à laquelle se sont livrés les premiers juges à cet égard, que la Cour reprend à son compte, d'autant qu a. F. pas plus qu'en première instance, n'allègue un faux ou n'en tire de conséquence juridique, en formant une quelconque demande à ce titre ;
Qu'au demeurant, la Cour observe que la première lettre litigieuse des deux signatures en cause, est en tout point semblable à celle figurant dans les paraphes et la signature apposées par s C. sur le testament authentique dressé le lendemain, 20 janvier 2015, qui ne fait l'objet d'aucune critique de la part d a. F. qui s'y trouve instituée légataire universelle ;
Que les premiers juges ont donc pu retenir à bon droit que ces bordereaux de transfert ont été signés de la main de s C. dont il n'est par ailleurs pas allégué que son discernement aurait été altéré ou son consentement vicié, d'autant qu'elle a établi un testament authentique en faveur de l'appelante le lendemain de ces actes ;
Que la signature de m-e. B. épouse T. qui figure sur ces actes en qualité de cessionnaire justifie à suffisance de son acceptation concomitante de la gratification qui lui était faite à titre de bénéficiaire ;
Qu'en vertu de l'article 805 du Code civil, ces actes juridiques écrits sont donc parfaits de par l'échange de consentements qui s'y trouve consacré ;
Que pour le surplus, le transfert sur lequel les parties se sont accordées implique d'une part, de porter à la connaissance de la société la cession d'actions et l'identité du nouvel actionnaire, d'autre part, de procéder à l'émission des titres d'actions constitués par des certificats nominatifs numérotés, extraits d'un registre à souche de la société, qui doivent être signés de deux administrateurs et matérialisent la propriété des actions ;
Qu'à cet égard, force est de constater qu'il a également été procédé dans le respect des formes statutaires comme en témoignent les deux certificats d'actions nominatives produits aux débats sous les pièces 51 et 52 des intimées, qui portent bien chacun la signature de deux administrateurs, en l'occurrence :
- Monsieur H. et Monsieur S. pour la SAM B,
- m-e. B. épouse T. et m R. pour la SAM D ;
Que la signature de m-e. B. épouse T. en sa qualité d'administrateur-délégué illustre de plus fort sa connaissance et son acceptation pleine et entière de la cession effectuée à son profit ;
Qu'aucune disposition n'exigeait la signature de s C. sur ces derniers documents ;
Que l'opération de transfert finalisée par son inscription sur les registres ad hoc de la personne morale émettrice et la délivrance de nouveaux titres nominatifs, alors que l'ensemble des documents porte la date du 19 janvier 2015, témoignent encore de l'acceptation du bénéficiaire avant le décès de s C.;
Qu'aucun élément adverse ne vient démontrer que ces acte auraient été signés à une date autre que celle qui y figure ;
Qu'il n'est pas contesté qu'en l'absence de prix figurant dans ces actes, la cession est intervenue à titre gratuit ;
Que l'intention libérale de s C. ressort clairement des actes de transfert en l'état de la remise des certificats de titres nominatifs le même jour par le cédant au siège de la société, induisant sa dépossession immédiate et son dépouillement irrévocable de ses propres titres d'actions pour permettre l'émission des nouveaux titres nominatifs au profit du bénéficiaire, sans contrepartie ;
Qu'il s'ensuit que par des motifs exempts de toute critique, les premiers juges ont pu considérer que s C. a consenti une donation indirecte à m-e. B. épouse T. matérialisée par deux cessions d'actions à titre gratuit accompagnées d'une demande de transfert dans le registre ad hoc de chacune des deux sociétés et de la remise de ses propres certificats de titre suivie de l'émission par chacune des sociétés des nouveaux titres nominatifs correspondants ;
Qu'en l'état de la qualification retenue, les actes en cause échappent au formalisme de l'acte authentique ;
Que l'existence d'actes portant cession exclut par ailleurs le recours à la théorie du don manuel, rendant sans emport les développements des parties sur ce point ;
Que pour autant, a. F. conteste avec force les cessions ainsi intervenues, en mettant en exergue ce qu'elle considère constituer des incohérences dont elle entend justifier par diverses attestations ;
Que sur ce point, les premiers juges ont considéré à tort qu'elle ne pouvait rapporter de preuve contre et outre le contenu des actes par simple témoignage, en vertu des dispositions de l'article 1188 du Code civil ;
Qu'en effet la défense de prouver par témoins résultant de l'article précité ne concerne que les parties signataires de l'écrit, de sorte que pareille interdiction ne peut être opposée au tiers à la cession qu'est a. F. agissant en vertu d'un droit propre en sa qualité de légataire universelle ;
Qu'il lui est donc permis de contester par tout moyen la sincérité des actes qu'on lui oppose ;
Qu'elle s'appuie pour nourrir ses contestations sur les attestations de m-a. B-D. et c. B. toutes deux anciennes salariées des sociétés C. et sur les déclarations évolutives et contradictoires d'A. L., commissaire aux comptes des deux sociétés concernées ;
Que certes, l'indication par ce dernier dans une attestation délivrée le 1er août 2015 de ce qu'il aurait rédigé les actes de transfert de parts sur la demande de s C. à charge de les transmettre aux bénéficiaires « en cas de décès de sa personne » pour venir en modifier le sens et la portée une première fois par une attestation complémentaire dressée le 8 juillet 2016, précisant que ces actes ont été dressés en présence de Madame B. qui a accepté les transferts en sa faveur, de Madame B. de Monsieur r. B. et de Monsieur M puis, tenant l'interprétation qui a été faite en justice de ses deux premières attestations, d'en compléter à nouveau le contenu par une nouvelle déposition datée du 11 février 2019, ébranle la sincérité de ces propos et par la même la force probante qui s'y trouve attachée ;
Que néanmoins, nonobstant les propos évolutifs d'A. L., les attestations établies par o M et r. B. et les déclarations de c. B. recueillies dans le procès-verbal de constat dressé 5 juillet 2016 par huissier de justice confirment de manière concordante et parfaitement circonstanciée, tout à la fois :
- d'une part, la volonté exprimée par s C. de procéder à la cession de ses parts au profit de p. H. et d'Evelyne B. pour leur donner tout pouvoir de diriger les sociétés,
- d'autre part, le déroulement de la journée du 19 janvier 2015, au cours de laquelle les actes de cession ont été dressés à son domicile,
sans être démenties par les pièces adverses ;
Que la présence de r. B. au domicile de s C. ce jour-là ne caractérise aucune anomalie, c. B. attestant pour l'appelante, indiquant elle-même qu'il « faisait la navette courrier » ;
Que pour sa part, Martine R. rédactrice sinistre, hospitalisée à l'établissement public de droit monégasque I. du 8 juillet au 1er août 2014 en même temps que s C. révèle dans son attestation que si cette dernière refusait toute visite ou appel téléphonique de son personnel durant son hospitalisation, m-e. B. et c. B. étaient « les seules personnes habilitées à venir la voir durant cette période » ;
Que l'interdiction de voir s C. que m-e. B. aurait relayée en janvier 2015 auprès des personnels, dont c. B. et m-a. B-D. se font l'écho dans leur attestation respective, loin d'affaiblir les déclarations précitées, s'inscrit donc dans le même souhait de préserver son intimité selon les instructions données par cette dernière ;
Que par ailleurs, nonobstant les contestations émises par l'appelante à cet égard, la proximité entretenue par s C. avec c. B. justifiant de sa présence au domicile de la défunte le 19 janvier 2015, se trouve explicitée par les fonctions qu'elle occupait auprès d'elle, relatées dans ses propos retranscrits dans le procès-verbal de constat dressé à sa demande le 1er avril 2016 par Maître NOTARI, huissier de justice, et confirmée par le legs particulier que la défunte lui a réservé aux termes de son testament authentique dressé le 20 janvier 2015 ;
Qu a. F. est particulièrement malvenue à contester la sincérité de ce témoignage aux motifs que c. B.« a une connaissance très limitée du français » et qu'elle est employée par la SAM D, tout comme son fils, alors d'une part que ses déclarations spontanées consignées par un huissier de justice présentent toutes les garanties propres à en assurer l'authenticité et que les éléments supposés venir le contredire émanent également d'employés des sociétés de la défunte ;
Que bien plus, l'appréciation portée dans son attestation par c. B. quant aux capacités d'expression et de compréhension de c. B. qui s'exprime selon elle « de façon fort confuse » et lui « semble loin d'être en mesure de comprendre toutes les nuances des conversations », outre le fait qu'elle constitue un jugement de valeur déplacé, ne fait que rapporter une impression personnelle de son auteur, sans valeur probante ;
Que pour le surplus, les déclarations de c. B. relatives à l'évolution des sociétés depuis leur constitution, la place de chacun des associés, son interprétation de l'arrivée d'un nouvel agent d'assurance en la personne de Monsieur S. les termes qui lui ont été rapportés concernant un incident survenu le 17 septembre 2013, le déroulé de la réunion du 27 janvier 2015 à l'initiative de m-e. B. et p. H. les propos et les intentions qu'elle leur prête, l'évocation des réunions du 19 février 2015 puis de celle de septembre 2015, ne constituent pas des éléments déterminants, s'agissant d'évènements antérieurs ou postérieurs sans rapport direct avec l'établissement des actes de cession, pour certains survenus après le décès même de s C. alors que le sentiment personnel de l'intéressée sur ce qui aurait été logique de la part de cette dernière (page 9 de son attestation) est tout aussi inopérant ;
Que les doutes et suspicions venant alimenter les prétendues incohérences avancées par l'appelante sont insuffisants, en l'absence de tout élément probant, pour remettre en cause la sincérité et la validité des actes querellés ;
Que malgré les dénégations de l'appelante, le statut prépondérant reconnu à m-e. B. ressort des décisions adoptées au cours de la délibération du premier Conseil d'administration de la SAM D en date du 3 février 2004, concédant à cette dernière la qualité d'administrateur-délégué aux côtés de s C. président-délégué, toutes deux munies de pouvoirs équivalents pour assurer la gestion courante de la société, alors que Madame D. également nommée administrateur-délégué ne se voyait attribuer que des pouvoirs spéciaux ;
Qu'il ressort également de l'attestation établie par Martine R. ci-dessus évoquée, que m-e. B. jouissait d'un accès privilégié à s C. durant son hospitalisation ;
Que ces éléments tendent à démontrer qu'elle était de longue date l'un de ses plus proches collaborateurs, quand bien même elle n'aurait pas dévoilé ses intentions de la porter à sa succession professionnelle auprès de ses autres salariés et associés ;
Que s'agissant des doutes émis par l'appelante quant à l'intention libérale de s C. il résulte des attestations de d. W. et de m. C D. qu'aucun des associés de cette dernière n'a jamais eu à s'acquitter de la moindre somme en échange d'actions, dont elle leur a « systématiquement fait donation », attitude venant renforcer l'intention libérale de l'auteur de la cession en s'inscrivant dans un enchainement logique et chronologique non démenti et affiché de longue date ;
Que par ailleurs, la Cour ne relève dans l'attitude de s C. aucune incohérence à répartir son patrimoine personnel et professionnel de façon différente ;
Qu'elle n'avait pas davantage à informer particulièrement son notaire de l'opération à laquelle elle venait de procéder, ni à en faire mention dans son testament, s'agissant de biens immédiatement sortis de son patrimoine par l'effet de ses propres décisions, qu'elle ne pouvait donc plus transmettre à sa légataire ;
Qu'à l'inverse, les précautions prises par p. H. et m-e. B. lors de la réunion tenue le 27 janvier 2015, après le décès de s C. déclarant, selon les propos rapportés par m-a. B-D. « ne pas connaître les dispositions de Mlle C. et attendre vraisemblablement un testament » ne révèlent pas de mensonge ou de manipulation de leur part, ces derniers se trouvant pour leur part dans l'ignorance des dispositions testamentaires pouvant venir contrarier le fonctionnement des sociétés, alors que s C. était propriétaire des murs ;
Que par ailleurs, l'aspect fiscal de cette opération, jugé désavantageux pour les cessionnaires de la part de l'appelante n'est pas davantage de nature à remettre en cause sa réalité, son authenticité ni la volonté de son auteur ;
Qu'il en va de même de l'obligation déclarative qui pèserait sur le cessionnaire au plan fiscal en sa qualité de ressortissant français ;
Qu'il ne peut pas plus être tiré argument de l'absence de mention manuscrite portée sur les actes de transfert, alors que l'échange des signatures, dont l'authenticité est acquise, formalise l'accord des parties et leur consentement à l'acte ;
Que cet élément doit être mis en perspective avec l'état de santé de s C. sortie de l'hôpital la veille, 18 janvier 2015, où elle était suivie pour une longue maladie dont elle est décédée le 28 janvier 2015 ;
Que d'ailleurs, le testament authentique reçu le lendemain, 20 janvier 2015, pris sous la dictée du notaire au domicile de la testatrice, ne comporte également que le paraphe et la signature de s C.;
Qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments, que l'opération de transfert, finalisée par son inscription sur les registres ad hoc de la personne morale émettrice et la délivrance de nouveaux titres nominatifs, caractérise une donation indirecte, valablement consentie ;
Qu'au regard des développements qui précèdent, la controverse alimentée par a. F. sur la base de suspicions personnelles nourries de son étonnement quant aux conditions et à la rapidité avec laquelle l'opération de cession des actions a pu être menée ne saurait emporter la conviction de la Cour, de sorte que la décision entreprise sera confirmée ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour appel abusif
Attendu que si l'exercice des voies de droit constitue un droit fondamental, il n'est pas pour autant absolu et peut être sanctionné en cas d'abus, lequel est caractérisé notamment lorsque la procédure est particulièrement infondée, téméraire ou malveillante ;
Qu'au cas présent, m-e. B. épouse T. invoque le caractère abusif de l'appel poursuivi, considérant l'action vexatoire et injustifiée au regard des différents moyens dilatoires mis en œuvre pour retarder l'issue du litige ;
Que si l'appelante a effectivement présenté une demande de sursis à statuer dont elle a été déboutée puis formé un incident de communication de pièces dont elle s'est désistée au regard de la réponse qui lui a été apportée par la partie adverse, il n'est toutefois pas démontré qu'elle ait agi de manière malveillante ou téméraire dans le cadre de la défense de ses droits ;
Que la demande présentée à ce titre sera rejetée ;
Sur les dépens
Attendu que succombant en ses prétentions, a. F. sera condamnée aux dépens du présent appel, distraits au profit de Maître FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Donne acte à a. F. de son désistement d'incident de communication de pièces,
Confirme le jugement rendu le 5 juillet 2018 par le Tribunal de première instance en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute m-e. B. épouse T. la SAM D et la SAM B de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne a. F. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître s. FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Claire GHERA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, Madame Catherine LEVY, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 2 FEVRIER 2021, par Madame Claire GHERA, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur général, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.