Cour d'appel, 15 décembre 2020, Madame a. S. épouse MC F. c/ La SAM A
Abstract🔗
Procédure civile - Attestation - Nullité (oui) - Défaut de mentions légales - Attestation complémentaire de mise en conformité - Absence d'incidence.
Contrat de travail - Licenciement pour faute grave - Faute démontrée (oui) - Condamnation pénale de la salariée - Faits identiques reprochés dans le cadre du licenciement - Autorité de la chose jugée au pénal sur le civil
Résumé🔗
C'est à bon droit que le premier juge a déclaré nulle l'attestation au regard des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile relatives aux mentions exigées. Peu importe qu'une seconde attestation, dite « attestation complémentaire », « faisant corps avec la première » et qui « a pour seul objet de mettre celle-ci en conformité avec les dispositions de l'article 324 », précisent les mentions exigées par cet article qui manquaient dans la première attestation. Cette seconde attestation, qui ne relate aucun fait, est dépourvue d'utilité dès lors qu'elle se rapporte à une précédente attestation nulle. La décision déférée sera donc confirmée sur ce point.
L'appelante conteste son licenciement pour faute grave. Cependant, les faits reprochés dans le cadre de son licenciement sont les mêmes que ceux qui ont conduit à l'engagement d'une procédure pénale par son employeur et à sa condamnation pour usage de faux et abus de confiance. En conséquence, en application de la règle selon laquelle l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose aux juges civils, il convient de considérer que le licenciement est intervenu pour des motifs valables.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2020
En la cause de :
- Madame a. S. épouse MC F. demeurant et domiciliée X1à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- La Société Anonyme Monégasque dénommée A, dont le siège social est X2 à Monaco, prise en la personne de son Président Délégué en exercice demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail, le 27 juin 2019 ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 1er août 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000015) ;
Vu les conclusions déposées le 28 janvier 2020 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de la SAM A ;
Vu les conclusions déposées le 15 juin 2020 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Madame a. S. épouse MC F.;
À l'audience du 6 octobre 2020, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties et en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par a. S. épouse MC F. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 27 juin 2019.
Considérant les faits suivants :
a. S. épouse MC F. employée à compter de septembre 1999 à Monaco par la société anonyme monégasque A et exerçant en dernier lieu les fonctions de directrice du département vente et activités marketing, a été licenciée pour faute grave par lettre du 4 juin 2008.
Par acte d'huissier de justice du 30 octobre 2008 a. MC F. a fait assigner la SAM A devant le Bureau de conciliation du Tribunal du Travail, et suite à un procès-verbal de non conciliation du 1er décembre 2008, l'a attrait devant le Bureau de jugement à l'effet d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire à hauteur de 50% du montant des condamnations à intervenir :
- 52.679 euros, au titre de sommes dues pour l'année 2007,
- 65.359 euros, au titre des sommes dues pour l'année 2008,
- 13.436,14 euros, à titre d'indemnité de préavis,
- 1.399,59 euros à titre de congés payés sur préavis,
- 1.343 euros à titre d'indemnités de congédiement,
- 28.048,24 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 11.196,66 euros au titre de 50 jours de congés payés,
- des indemnités, sur la base de complément de salaires payés mais non déclarés de 15.408,33 euros,
- 30.816,66 euros à titre d'indemnités de préavis,
- 3.210,06 euros au titre des congés payés sur préavis,
- 3.081,66 euros d'indemnité de congédiement,
- 64.329,78 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 32.100,68 euros au titre des congés payés,
- des primes, calculées sur 1% du chiffre d'affaires de 2003 à 2008 selon contrat d'intéressement, pour un montant total de 2.090.000 euros,
- 2.000.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- la rectification des bulletins de salaire depuis le 1er juin 2003, sur la base du salaire effectif total,
- la régularisation auprès des divers organismes sociaux, des cotisations sur sommes non déclarées depuis le 1er juin 2003, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
- la désignation en tant que de besoin d'un expert-comptable, eu égard à la situation alléguée d'absence d'officialité des modes de rémunération au sein de la société pour se faire remettre tous documents nécessaires afin d'établir la matérialité du système de prime, la matérialité de compléments de salaires et rémunérations de toutes sortes, non déclarées et faire le compte exact entre les parties depuis date non prescrite et à tout le moins depuis 2003.
Par jugement du 25 février 2010, le Tribunal du Travail a sursis à statuer sur les demandes des parties jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement dans l'instance pénale portant le numéro PG 2008/2480 JI N° N5/09.
Par arrêt du 18 novembre 2013, la Cour d'appel Correctionnelle a :
« confirmé le jugement du Tribunal Correctionnel du 29 janvier 2013 en ce qu'il a déclaré coupable a. MC F. des faits d'usage de faux,
réformé le jugement du Tribunal Correctionnel du 29 janvier 2013 en ce qu'il a relaxé a. MC F. du chef d'abus de confiance ainsi que sur la répression et l'action civile,
et statuant à nouveau, a déclaré a. MC F. coupable des faits d'abus de confiance et l'a condamnée à une peine de cinq mois d'emprisonnement assortie du sursis et l'a condamnée à verser à la SAM A la somme de 48.138,42 euros au titre de dommages-intérêts pour son préjudice matériel,
débouté la SAM A de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ».
Soutenant rapporter la preuve de fausses déclarations de deux témoins dans le procès pénal, a. MC F. a présenté conformément aux dispositions de l'article 511 du Code de procédure pénale une requête en reprise du procès pénal.
La Cour de révision, suivant arrêt du 27 novembre 2017, a rejeté cette demande.
Parallèlement au dépôt de ses conclusions dans la reprise de l'instance pendante devant le Tribunal du Travail, a. MC F. par requête introductive d'instance du 29 mars 2018, et procès-verbal de non conciliation du 7 mai 2018, a saisi le Tribunal du Travail aux fins de :
« * voir ordonner une expertise comptable aux frais avancés partagés par les parties, et désigner à cet effet tel expert-comptable qu'il appartiendra avec pour mission de :
- se faire remettre tous documents nécessaires et de quelques natures que ce soit afin d'établir la matérialité du système de prime forfaitaire remboursable par compensation avec des dépenses à caractère personnel, ainsi que la matérialité des compléments de salaires et rémunérations de toutes sortes, non déclarées,
- puis faire le compte exact entre les parties depuis date non prescrite et à tout le moins depuis 2003, eu égard à la situation particulière de l'absence d'officialité des modes de rémunérations,
* voir ordonner une expertise dans le domaine informatique aux frais avancés partagés entre les parties et désigner à cet effet tel expert en informatique qu'il appartiendra avec pour mission de :
- se rendre dans les locaux de la société S. A. M. A accéder à l'ensemble du système informatique de cette société et y relever toute suppression ou anomalie informatique ayant pu permettre de modifier les données relatives à a. MC F.
- se faire remettre l'ordinateur personnel sur lequel Madame a. MC F. travaillait au sein de la S. A. M. A, examiner le contenu du disque dur, donner le compte rendu des fichiers relatifs à ses réclamations salariales et des mails y relatifs échangés avec Monsieur m. K. notamment durant les mois ayant précédé son licenciement,
- se rendre auprès du serveur de la société D afin de se faire remettre la transcription ou copies des mails échangés avec Monsieur m. K. entre les mois de mars et mai 2008 relatifs à sa situation d'employée et à la déclaration intégrale de ses salaires,
* voir instaurer une mesure d'enquête auprès des employés de la S. A. M. A afin de vérifier la réalité de la situation de dissimulation partielle ou totale des salaires et primes versés aux salariés de cette société,
- donner acte dans ce cas à a. MC F. de ce qu'elle se proposera de préciser ultérieurement les situations et identités des personnes qui seront entendues par voie d'enquête,
* voir ordonner une expertise financière et désigner à cet effet tel expert qu'il appartiendra avec pour mission de donner toutes précisions sur l'évolution du dollar US et de l'Euro entre 2004 et 2008 et ses incidences dans le domaine économique notamment sur la rémunération occulte et officielle des salariés de la S. A. M. A et de a. MC F. en particulier ».
Par jugement du 27 juin 2019 le Tribunal du Travail a statué ainsi qu'il suit :
« - Ordonne la jonction des instances portant les numéros 35 de l'année judiciaire 2008-2009 et 59 de l'année judiciaire 2017-2018,
- Prononce la nullité de l'attestation produite en pièce n°63 par Madame a. S. épouse MC F.
- Dit que le licenciement de Madame a. S. épouse MC F. par la société anonyme monégasque A repose sur une cause valable et n'est pas abusif,
- Déboute Madame a. S. épouse MC F. de toutes ses demandes,
- Condamne Madame a. S. épouse MC F. à payer à la S. A. M. A la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamne Madame a. S. épouse MC F. aux dépens du présent jugement ainsi que ceux réservés par la décision du 25 février 2010 ».
Pour statuer ainsi les premiers juges ont principalement retenu que :
- l'attestation (pièce n°63) doit être déclarée nulle pour manquement aux exigences de l'article 324-4° du Code de procédure civile ;
- il n'est pas possible de confirmer une attestation déclarée nulle sans reprendre intégralement les propos qui y sont contenus dans une nouvelle attestation, en sorte que la pièce 63 bis n'est d'aucune utilité pour la solution du litige ;
- les faits pour lesquels a. MC F. a été licenciée ont également été retenus par la juridiction pénale qui l'a condamnée à une peine d'emprisonnement assortie du sursis ;
- les nouvelles pièces produites par a. MC F. aux fins d'obtenir une reprise de son procès pénal ont été considérées par la Cour de Révision comme ne pouvant constituer des éléments nouveaux au sens de l'article 508 du Code de procédure pénale ;
- a. MC F. ne fournit aucun élément probant de nature à remettre en cause les faits pour lesquels elle a été licenciée puis condamnée pénalement en sorte que son licenciement doit être déclaré valable ;
- a. MC F. ne développe aucune argumentation de nature à démontrer le caractère abusif de son licenciement ;
- elle ne fournit aucun élément probant de nature à étayer ses demandes en paiement au titre de bonus, de mois de paiement en dollars non transférés en 2007, de frais de conversion de US$ en euros, de salaire non déclaré pour 4 jours en juin 2008 et au titre des primes ;
- il n'y a pas lieu d'ordonner les expertises sollicitées en matière comptable et informatique dès lors que l'expertise judiciaire n'est pas destinée à pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;
- la Cour de Révision n'a pas jugé suffisamment probantes les pièces nouvelles produites par a. MC F. laquelle a malgré tout maintenu la présente procédure, causant ainsi un préjudice moral et financier à la SAM A contrainte de supporter une procédure longue et injustifiée.
Suivant exploit du 1er août 2019, a. MC F. a interjeté appel du jugement susvisé rendu le 27 juin 2019, signifié le 4 juillet 2019.
Aux termes de cet exploit et de ses conclusions déposées le 15 juin 2020 elle demande à la Cour de :
la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,
débouter la SAM A de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts complémentaires pour appel prétendument abusif,
réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
prononcé la nullité des attestations produites par Madame P.(pièce 63 et 63bis),
dit que son licenciement repose sur une cause valable et n'est pas abusif,
l'a déboutée de toutes ses demandes,
l'a condamnée à payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,
dire et juger que les pièces numéros 63 et 63 bis forment un tout indivisible constituant l'attestation établie par Madame P.
rejeter l'exception de nullité de l'attestation de Madame P. (pièces n°63-63 bis),
sur le fond :
dire et juger que son licenciement pour faute grave ne repose sur aucun motif valable,
dire et juger que ce licenciement survenu dans des circonstances particulièrement brutales et sur la base de motifs fallacieux dissimulant des motifs inhérents à la personne de la salariée, revêt incontestablement un caractère abusif,
par voie de conséquence, réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
condamner SAM A à lui payer les sommes suivantes :
I- Salaires impayés pour l'année 2007 : 52.679 € se décomposant comme suit :
bonus fin d'année : 20.000 €,
conversion dollars fin d'année : 21.499 €,
deux mois de paiement en dollars non transférés :18.180 €,
à déduire dépenses personnelles : -7.000 €,
II- Salaires impayés pour l'année 2008 : 65.359 € se décomposant comme suit :
salaire avril et mai 2008 non déclarés en euros 6.250 x2 : 12.500 €,
salaire avril et mai 2008 non déclarés en US$ 9.090 x 2 : 18.180 €,
frais de conversion de US$ en euros (janv. à mars) : 7.634 €,
bonus basé sur les revenus de janvier à juin 2008 : 25.000 euros,
salaire non déclaré pour 4 jours en juin 2008 : 2.045 euros,
III- Indemnités légales officielles sur la base déclarée de 6.718,07 euros : 54.080,63 euros se décomposant comme suit :
indemnité de préavis (2 mois) : 13.436,14 euros,
congés payés sur préavis : 1.399,59 euros,
indemnité de congédiement : 1.343 €,
indemnité de licenciement sous déduction de l'indemnité de congédiement non cumulable : 28.048,24€,
congés payés (50 jours) : 11.196,66 euros,
IV - Indemnités réellement dues (sur la base de compléments de salaires payés mais non déclarés de 15.408,33 euros) : 130.457,18 euros
indemnité de préavis (2 mois) : 30.816,66 euros,
congés payés sur préavis : 3.210,66 euros,
indemnité de congédiement : 3.081,66 euros,
indemnité de licenciement sous déduction de l'indemnité de congédiement non cumulable : 64.329,78 euros,
congés payés (50 jours) : 32.100,68 euros,
V- Primes (calculées sur 1% chiffre d'affaires de 2003 à 2008 selon contrat d'intéressement) : 2.090.000 euros :
2003 : 270.000 €
2004 : 290.000 €
2005 : 330.000 €
2006 : 360.000 €
2007 : 400.000 €
2008 : 440.000 €
dommages-intérêts pour licenciement abusif : 2.000.000,00 euros,
soit un total général de 4.392.575,81 euros,
VI- Demandes complémentaires :
rectification des bulletins de salaire depuis le 1er juin 2003 sur la base du salaire effectif total,
régularisation auprès des organismes sociaux (CCSS, CAR, ASSEDIC, AG2R) des cotisations sur sommes non déclarées depuis le 1er juin 2003, sous astreinte de 500 € par jour de retard,
dire que les dites sommes représentant l'ensemble des condamnations qui seront prononcées à l'encontre de la SAM A porteront intérêts au taux légal depuis la date de la citation devant le bureau de conciliation soit le 30 octobre 2008 et jusqu'à complet paiement,
Avant dire droit au fond et uniquement si la Cour l'estimait nécessaire :
voir ordonner avant dire droit une expertise comptable aux frais avancés partagés par les parties, et désigner à cet effet tel expert-comptable qu'il appartiendra avec pour mission de :
se faire remettre tous documents nécessaires et de quelques natures que ce soit afin d'établir la matérialité du système de prime forfaitaire remboursable par compensation avec des dépenses à caractère personnel, ainsi que la matérialité des compléments de salaires et rémunérations de toutes sortes, non déclarées,
fournir tous éléments de preuve du non versement des salaires pendant six mois en 2007 et des preuves du salaire payé en 2008,
puis faire le compte exact entre les parties depuis date non prescrite et à tout le moins depuis 2003, eu égard à la situation particulière de l'absence d'officialité des modes de rémunération,
Parallèlement, voir ordonner avant dire droit une expertise dans le domaine informatique aux frais avancés partagés entre les parties, et désigner à cet effet tel expert en informatique qu'il appartiendra avec pour mission de :
se rendre dans les locaux de la société SAM A, accéder à l'ensemble du système informatique de cette société et y relever toute suppression ou anomalie informatique ayant pu permettre de modifier les données relatives à Madame a. MC F.
se faire remettre l'ordinateur personnel sur lequel Madame a. MC F. travaillait au sein de la société SAM A, examiner le contenu du disque dur, donner le compte rendu des fichiers relatifs à ses réclamations salariales et des mails y relatifs échangés avec Michael K. notamment durant les mois ayant précédé son licenciement,
se faire remettre l'ordinateur de Madame l. V. secrétaire de Monsieur K. examiner le contenu de son disque dur notamment toute la correspondance de Monsieur K. pouvant permettre d'éclairer le tribunal sur le présent litige,
se rendre auprès du serveur de la société D afin de se faire remettre la transcription ou copies des mails échangés avec Monsieur K. entre les mois de mars et mai 2008 relatifs à sa situation d'employée et à la déclaration intégrale de ses salaires,
Subsidiairement, si la Cour l'estimait nécessaire à la manifestation de la vérité :
avant dire droit :
instaurer une mesure d'enquête auprès des employés de la société SAM A afin de vérifier la réalité de la situation de dissimulation partielle ou totale des salaires et primes versés aux salariés de cette société,
donner acte dans ce cas à Madame a. MC F. de ce qu'elle se proposera de préciser ultérieurement les situations et identités des personnes qui seront entendues par voie d'enquête,
Tout aussi subsidiairement,
ordonner avant dire droit une expertise financière, et désigner à cet effet tel expert qu'il appartiendra avec pour mission de :
donner toutes précisions sur l'évolution du dollar US et de l'euro entre 2004 et 2008,
et ses incidences dans le domaine économique notamment sur la rémunération occulte et officielle des salariés de la société SAM A et de a. MC F. en particulier,
En tout état de cause :
débouter la société SAM A de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles et notamment de sa demande en dommages-intérêts pour appel prétendument abusif,
condamner la société SAM A aux entiers dépens tant de première instance que d'appel distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
À l'appui de ses demandes, a. MC F. fait valoir en substance que :
- elle a été engagée par m. K. dès 1989 pour développer la branche « croisière touristique » de la société A, alors basée à Bruxelles. A cette période elle n'était pas déclarée et percevait des rémunérations au moyen de règlements effectués par diverses entités offshore du groupe,
- à partir de 1999, deux ans après la centralisation des affaires du groupe à Monaco, m. K. l'a déclarée, lui imposant cependant que seul un tiers de son salaire soit officialisé,
- elle percevait la partie non déclarée des salaires sous formes de dépenses personnelles effectuées à partir de l'utilisation des cartes bancaires professionnelles du compte de la société,
- elle n'a jamais exercé une quelconque activité indépendante de consultant à l'égard d'une des sociétés du groupe C basée en Floride, susceptible de justifier cette rémunération faite en dollars US,
- sa perte de revenus induite en 2007/2008 par la chute du dollar US a été compensée par d'autres sources de revenus non officielles telles que primes et bonus,
- les dépenses à caractère personnel faisaient l'objet d'un traitement comptable spécial à travers un compte dénommé « allowances » dont M. R. directeur financier, a confirmé l'existence,
- les deux attestations n°63 et 63 bis forment un tout indivisible, la pièce 63 bis ayant régularisé l'attestation n°63 dépourvue de certaines mentions prescrites à peine de nullité ; par conséquent le Tribunal ne pouvait plus prononcer la nullité de cette attestation n°63,
- le juge civil conserve une totale autonomie pour apprécier les pièces soumises relatives au licenciement sur la base de faux motifs et ne peut pas être tenu par l'analyse faite par les juges du procès pénal,
- son licenciement a été décidé uniquement en réaction à sa demande de clarification de son mode de rémunération,
- la rupture de son contrat de travail a été brutale ; la restitution d'un coffre dont elle avait la clef et dans lequel elle conservait des documents personnels (notamment l'ensemble de ses bulletins de salaire) lui a été refusée et elle n'a pas pu récupérer des e-mails et disquettes informatiques qui se trouvaient sur son ordinateur,
- les versements provenant du compte de la société B n'avaient pour seul objectif que de dissimuler une partie des salaires versés au préjudice des organismes sociaux monégasques ;
- l'augmentation de 40.000 euros de son salaire annuel dont elle a bénéficié en 2004 et en 2008, censés « officiellement » provenir de « ses honoraires de consultant » payés par la société B correspondait en réalité à une augmentation de son salaire monégasque,
- c'est à compter du 14 février 2008 lorsqu'elle a demandé qu'une partie de cette rémunération occulte figure sur son bulletin de salaire, que m. K. a fait procéder à un pseudo audit par le cabinet E, à charge contre elle, pour soutenir la thèse d'un prétendu abus de confiance,
- l'audit réalisé sur la base des seules pièces fournies par f. M. chef comptable de la SAM A, et qui n'a fait que reprendre ces éléments sans aucune vérification sur place, manque d'objectivité et d'impartialité,
- les premiers juges ne pouvaient écarter les pièces nouvelles qu'elle a produites au seul motif que la Cour de Révision a refusé, au vu de ces pièces, la reprise du procès pénal,
- en considération des dernières déclarations de f. M. recueillies sur sommation interpellative d'huissier de justice du 14 avril 2014, le système de versements occultes de rémunérations par la SAM A ne peut plus être remis en question,
- la production du Grand Livre Comptable démontre que des dépenses d'ordre personnel ont bien été passées en comptabilité sous l'intitulé « Expense a. MC F.2004 »,
- l'attestation du directeur des Caisses Sociales de Monaco établit que M. R. était en arrêt longue maladie entre 2004 et 2007 et qu'il n'a donc pas pu attester d'éléments fiables au cours de l'enquête pénale,
- le licenciement pour faute grave intervenu dans ce contexte est dépourvu de motif valable et elle a droit au paiement des indemnités de congédiement et de licenciement ainsi qu'à l'indemnité compensatrice de préavis,
- elle a été licenciée pour des motifs fallacieux, la seule finalité étant de l'évincer car elle était devenue gênante en voulant mettre un terme au système de versement d'une rémunération non déclarée,
- l'employeur a agi avec brutalité en ayant recours à des faux témoignages et à un audit mensonger, et avec une intention de nuire en portant l'affaire au plan pénal pour la discréditer dans le milieu très fermé des croisiéristes,
- si la Cour s'estime insuffisamment éclairée elle peut ordonner une expertise comptable, une mesure d'enquête sur les lieux du travail ainsi qu'une expertise en informatique pour examiner le disque dur de son ordinateur et vérifier auprès du serveur central de la société D l'enregistrement des mails intervenus entre elle et m. K. pendant la période mars 2008-mai 2008,
- m. K. l'a évincée de la société pour confier son poste à sa fille, m. K. qui est intervenue dans la société dès novembre 2007 et qu'elle a dû former pour qu'elle prenne sa place à la Direction des ventes,
- elle n'a toujours pas retrouvé de travail dix ans après son licenciement, et a échoué dans sa tentative de créer sa propre entreprise de croisières du fait de la campagne de dénigrement orchestrée par m. K.
- sa santé a été altérée en raison du stress éprouvé après son licenciement et elle a subi un incommensurable préjudice tant matériel que moral,
- elle n'a fait qu'user du droit légitime de tout salarié licencié de saisir la juridiction compétente pour faire reconnaître que son licenciement repose sur de faux motifs et est abusif, et elle ne peut dès lors supporter une condamnation à des dommages-intérêts pour procédure abusive pas plus que pour appel abusif, celui-ci ne revêtant aucun caractère malveillant.
Suivant conclusions déposées le 28 janvier 2020, la société SAM A demande à la Cour de :
débouter a. MC F. de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
confirmer le jugement rendu par le Tribunal du Travail le 27 juin 2019 en toutes ses dispositions,
condamner a. MC F. au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,
condamner a. MC F. aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat défenseur sous sa due affirmation.
À l'appui, l'intimée soutient en substance que :
- l'attestation portant le numéro de pièce 63 est entachée de nullité pour non-conformité aux exigences de l'article 324-3°, 4° et 5° du Code de procédure civile,
- l'attestation, pièce 63 bis, conforme à l'article 324 du Code de procédure civile mais ne contenant aucune déclaration permettant d'informer valablement les juges du fond ne peut pallier la nullité de l'attestation non conforme communiquée préalablement,
- en tout état de cause, dans cette attestation, Madame P. n'a rien constaté personnellement et se contente de rapporter ce que lui avait dit a. MC F.
- l'appelante fait un véritable déni des condamnations pénales rendues à son encontre, alors que ce qui a été définitivement jugé par le juge répressif quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé s'impose au juge civil et a effet à l'égard de tous,
- un audit mené par le cabinet E sur les comptes du département « sales et marketing » dirigé par a. MC F. a révélé que celle-ci au moyen de la carte de crédit professionnelle avait sciemment détourné des sommes d'argent au préjudice de son employeur,
- a. MC F. n'a jamais produit le moindre document établissant l'existence d'un accord officieux avec m. K. pour considérer que les dites dépenses personnelles étaient une modalité de paiement d'une partie de sa rémunération, d'une prime annuelle ou d'une compensation de la dévalorisation du dollar,
- les nouvelles pièces produites sont contredites par les pièces de la procédure pénale et n'ont pas convaincu la Cour de Révision,
- le licenciement pour faute grave a été prononcé pour un motif valable,
- compte tenu des agissements d a. MC F. pénalement répréhensibles, celle-ci ne pouvait pas être maintenue plus longtemps dans l'entreprise,
- elle ne démontre pas le caractère abusif de son licenciement, ses allégations selon lesquelles elle aurait été évincée pour laisser la place à la fille de m. K. n'étant pas vérifiées, de même que celles s'agissant de vols de documents,
- les sommes versées par la société B l'ont été en règlement de l'activité de consultant d a. MC F. et n'étaient pas des salaires non déclarés par la SAM A,
- les déclarations de M. M. faites sur sommation interpellative du 14 avril 2014 alors que son licenciement était en cours, n'apportent aucune information pertinente sur le fait que les dépenses à caractère personnel d a. MC F. étaient autorisées et ne corroborent pas les explications de celle-ci sur le versement d'une rémunération occulte,
- les demandes en paiement d a. MC F. au titre de ses activités de consultant pour le compte de la société B, sise en Floride, sont étrangères aux présents débats, cette société n'ayant d'ailleurs pas été attraite en la cause,
- les sommes sollicitées au titre d'un complément de salaire au mois de juin 2008 sont infondées, dès lors qu'elle a perçu ce qui lui était dû, de même en ce qui concerne les congés payés,
- de nombreuses investigations ont eu lieu dans le cadre de l'instruction judiciaire (audition de témoins, production de la comptabilité et des documents bancaires) en sorte que les demandes d'expertises et d'enquête faites par a. MC F. sont dénuées de fondement dans le présent débat, de telles mesures ne pouvant palier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve,
- a. MC F. bien que condamnée par la juridiction pénale pour abus de confiance à l'égard de son employeur et usage de faux, a estimé devoir poursuivre la procédure judiciaire devant le Tribunal du travail. Cette procédure, ajoutée à celles diligentées par a. MC F. pour s'opposer au paiement des dommages-intérêts auxquels elle a été condamnée, l'ont contrainte à engager des frais tant devant les juridictions civiles que pénales, ce qui justifie la confirmation de la condamnation pour procédure abusive prononcée par le Tribunal du Travail mais aussi une condamnation supplémentaire à des dommages-intérêts pour appel abusif.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel a été formé dans les conditions de fond et de délai prévues par le Code de procédure civile, et doit être déclaré recevable ;
Sur les attestations
Attendu que l'article 324 du Code de procédure civile énonce que l'attestation doit, à peine de nullité :
1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;
2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;
3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêts avec les parties ;
4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;
5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;
6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature ;
Qu'il n'est pas contesté par a. MC F. que l'attestation établie le 7 septembre 2012 par i. P. (pièce n°63) ne répond pas aux exigences de l'article 324, 3°, 4° et 5° susvisé, et encourt de ce fait la nullité ;
Que pour contrer cet effet a. MC F. produit une pièce n°63 bis intitulée « attestation complémentaire » rédigée par i. P. le 3 avril 2018, qui déclare « Je confirme intégralement les termes de mon attestation manuscrite établie le 7 septembre 2012 . Je déclare que la présente attestation, qui doit faire intégralement corps avec la première attestation du 7 septembre 2012, a pour seul objet de mettre celle-ci en conformité avec les dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile », et apporte les précisions relatives aux mentions exigées par l'article 324 du Code de procédure civile ;
Que si le témoin entend faire de ces deux attestations un seul et même témoignage, il n'en demeure pas moins que la première attestation du 7 septembre 2012 est nulle au regard des exigences de l'article 324 précité et que l'attestation complémentaire réalisée près de 6 ans plus tard, le 3 avril 2008, ne relate aucun fait ;
Que dans ces circonstances c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré la première attestation comme étant nulle au regard des prescriptions non respectées de l'article 324 du Code de procédure civile, et la seconde comme dépourvue d'utilité dès lors qu'elle se rapporte à une précédente attestation nulle et ne fait état d'aucune relation de faits par le témoin ;
Qu'il s'ensuit que la décision déférée doit être confirmée sur ce point ;
Sur la validité du licenciement
Attendu qu'en application du principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal, la décision du juge répressif s'impose aux juridictions civiles en charge du contentieux de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, pour autant qu'il s'agisse des mêmes faits ;
Attendu qu a. MC F. a été licenciée le 4 juin 2008 dans les termes suivants :
« Par la présente, je vous informe de la rupture immédiate de votre contrat de travail pour faute grave.
En effet, le cabinet E a été récemment missionné afin d'examiner les dépenses du service « Sales & Marketing» et d'assurer de l'absence d'anomalies en l'espèce.
Je viens d'être destinataire du rapport de ce cabinet suite à l'audit qui a été réalisé, ce rapport étant accablant et faisant part de diverses anomalies vous concernant.
Ainsi, il a été notamment constaté que vous utilisiez à des fins personnelles des voyages payés par la société B en faisant établir par la société F des factures ne correspondant pas à une prestation réelle.
Il m'a été confirmé que ceci s'apparentait à un détournement avec bien entendu des incidences en matière pénale.
Il a également été vérifié certaines de vos notes de frais et il a été constaté que vous faisiez rembourser des dépenses personnelles par le biais de la société et que vous vous accordiez des avantages personnels par l'intermédiaire de la société sans aucune justification.
Ces agissements liés à votre activité au sein de la société rendent impossible votre maintien dans l'établissement et perturbent bien évidemment le bon fonctionnement de l'entreprise.
Votre licenciement est donc effectif dès présentation de cette lettre, sans préavis, ni indemnité de rupture ... » ;
Que les griefs disciplinaires retenus par l'employeur consistent en l'usage de fausses factures au nom de l'agence F pour justifier des voyages à des fins personnelles payés par la SAM A et en des agissements consistant à se faire rembourser par la société des dépenses personnelles et à s'accorder des avantages personnels par l'intermédiaire de la société sans aucune justification ;
Qu'il résulte des pièces produites que l'employeur a déposé plainte le 4 juin 2008 à l'encontre d a. MC F. l'enquête ayant donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire suivie du renvoi de la salariée devant la juridiction correctionnelle pour abus de confiance et usage de faux, faits commis entre 2004 et 2007 ;
Que la Cour d'appel Correctionnelle par arrêt du 18 novembre 2013 a déclaré a. MC F. coupable des faits :
- d'abus de confiance en considérant que celle-ci avait utilisé sans autorisation sa carte bancaire professionnelle pour s'acquitter de dépenses personnelles, avait utilisé dans le même but des avoirs émis au profit de la société et fait prendre en charge par cette dernière des frais de voyage personnels, alors que les fonds ne lui avaient été remis qu'au titre de son contrat de travail et pour l'usage lié à ce contrat,
- d'usage de faux, s'agissant de six factures de voyage à l'entête de l'agence F, la mentionnant comme passager unique, alors que les factures originales mentionnaient d'autres passagers, proches ou membres de sa famille, ce, pour lui servir de justificatifs de dépenses dans ses rapports avec son employeur et permettre le passage de ses dépenses en comptabilité ;
Que la condamnation pénale d a. MC F. de ces chefs est définitive en l'état de la décision de la Cour de Révision du 27 novembre 2017 qui a rejeté sa demande de reprise de procès en application des dispositions de l'article 508 du Code de procédure pénale ;
Qu'il ressort de ces éléments que les faits reprochés au titre du licenciement du 4 juin 2008 sont les mêmes que ceux qui ont conduit à l'engagement d'une procédure pénale ;
Que l'autorité de la chose jugée au pénal, attachée à l'arrêt rendu par la Cour d'appel Correctionnelle le 18 novembre 2013 oblige les juges civils à retenir comme établis les faits objet de la prévention et leur imputabilité à a. MC F.;
Qu a. MC F. conteste la validité des motifs de son licenciement au moyen des mêmes arguments développés devant la juridiction pénale pour contester les faits reprochés ;
Que ces éléments n'ont pas été retenus comme probants par le juge pénal et se révèlent tout aussi inopérants dans le présent débat au regard de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal ;
Qu'à ce même titre a. MC F. ne peut valablement alléguer de motifs fallacieux tenant, selon elle, à la volonté de son employeur de l'évincer de la société parce qu'elle remettait en cause le système de rémunération occulte au sein de la société et parce qu'il voulait mettre sa fille à sa place, étant précisé que le juge pénal a déjà répondu à ces arguments pour les écarter ;
Que c'est tout aussi vainement que l'appelante sollicite la prise en compte de pièces non produites devant le juge pénal, dès lors que la Cour de Révision qui les a examinées a considéré qu'elles ne pouvaient constituer des éléments nouveaux au sens de l'article 508 du Code de procédure pénale de nature à permettre une reprise du procès ;
Qu'il s'ensuit qu'en application de la règle selon laquelle l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose aux juges civils, il convient de considérer que le licenciement d a. MC F. est intervenu pour des motifs valables ;
Attendu qu'il appartient au juge civil d'apprécier si le comportement du salarié établi par la décision du juge répressif est de nature à caractériser une faute grave ;
Que la faute grave imputable au salarié est celle qui rend impossible son maintien dans l'entreprise, et ce, même pendant la durée du préavis ;
Qu'il résulte des éléments retenus qu a. MC F. responsable du département vente et activités marketing de la SAM A, a manifestement manqué aux obligations contractuelles de loyauté lui incombant, que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement reposent sur des manquements graves, pénalement répréhensibles, qui rendaient impossible son maintien à son poste, même pendant la durée du préavis ;
Qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit valable le licenciement fondé sur une faute grave ;
Que la faute grave emporte privation du préavis en application des dispositions de l'article 7 alinéa 2 de la loi n°729 du 16 mars 1963, ainsi que de toute indemnité de congédiement et de licenciement ;
Que par conséquent la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a déboutée a. MC F. de ses demandes en paiement de ces chefs ;
Sur le caractère abusif du licenciement
Attendu qu'il appartient à a. MC F. qui réclame des dommages-intérêts pour licenciement abusif, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec laquelle le congédiement a été donné ;
Que la salariée allègue de méthodes brutales employées par l'employeur pour parvenir à l'évincer ;
Que cependant le licenciement d a. MC F. est exempt de tout motif fallacieux, la salariée ayant échoué devant la juridiction répressive à démontrer que l'employeur avait engagé des poursuites contre elle en raison d'un désaccord sur les modalités de la rémunération et par ce qu'il avait l'intention de la remplacer par sa fille, m. K. laquelle n'a pas repris le poste d a. MC F.;
Qu'elle ne démontre pas en considération des agissements retenus à son encontre, pénalement répréhensibles, que son licenciement a été mis en œuvre de manière brutale, son éviction immédiate de l'entreprise étant justifiée par la faute grave ;
Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté a. MC F. de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
Sur les demandes en paiement
Attendu qu'il résulte de l'enquête pénale qu a. MC F. percevait entre 2004 et 2007 une rémunération composée d'une somme de 6.097,96 euros par mois pour son activité au sein de la SAM A, une somme de 120.000 dollars par an versée par la société B, ainsi qu'une autre somme annuelle de 40.000 euros versée par cette même société ;
Qu'il ressort de la décision rendue par la juridiction répressive que ces deux dernières sommes étaient versées à a. MC F. par la société B, qui abrite l'activité opérationnelle du Groupe C, au titre d'une rémunération parallèle à la rémunération principale, en vertu d'un « contrat de consultant » ;
Que le versement régulier de ces rémunérations complémentaires à sa rémunération salariée n'est pas contesté par a. MC F. qui a précisé devant le juge pénal que ces pratiques « connues du fisc américain » n'étaient « matérialisées par aucun contrat » ;
Que pour autant il n'est pas démontré qu'il s'agissait d'une rémunération occulte par la SAM A, comme l'allègue a. MC F.;
Que les documents bancaires produits dans le cadre de l'enquête ont établi la réalité du versement de cette rémunération par la société américaine B ;
Que les Caisses Sociales de Monaco ont à ce sujet indiqué aux enquêteurs « qu'aucun élément factuel n'a pu établir le versement de salaires dissimulés » ;
Que l'enquête pénale et les investigations réalisées n'ont pas démontré un prétendu versement partiel et occulte de cette rémunération par le paiement de dépenses personnelles comme le soutient a. MC F.;
Que si f. M. chef comptable, a pu lors de la sommation interpellative du 14 avril 2014 délivrée par a. MC F. faire état de l'existence au sein de la SAM A d'une rémunération occulte qui aurait été versée jusqu'en 2010 en espèces, il convient d'observer que ces déclarations ont été faites alors que f. M. était en procédure de licenciement lequel lui sera notifié le 18 avril 2014 ;
Que dans ces circonstances, ce témoignage n'est pas suffisamment probant pour attester d'un système de rémunérations occultes au sein de la SAM A, que l'enquête pénale et l'instruction judiciaire n'ont pas mis à jour ;
Qu'en tout état de cause, comme l'a analysé la Cour de Révision, les déclarations de f. M. ne permettent pas à a. MC F. de rapporter la preuve qu'elle aurait été autorisée à utiliser sa carte de crédit professionnelle pour payer des dépenses autres qu'à caractère strictement professionnel ;
Attendu qu'il convient de tenir compte de ces éléments pour apprécier le bien-fondé des diverses demandes en paiement de a. MC F.;
Attendu qu'elle sollicite le versement de bonus de fin d'année pour les années 2007 à 2008 en faisant valoir que celui-ci lui avait été versé régulièrement depuis son arrivée à Monaco en 1999 par compensation avec ses dépenses personnelles ;
Attendu que le système de rémunération occulte décrit par a. MC F. n'est pas démontré et que l'utilisation des fonds de la société pour des dépenses personnelles a été pénalement sanctionnée ;
Qu'il s'ensuit que les premiers juges ont de manière pertinente considéré que le système de compensation entre les dépenses personnelles de la salariée et le bonus revendiqué par a. MC F. à hauteur de 20.000 à 30.000 euros par an n'était pas prouvé ;
Que dès lors la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes au titre du bonus pour les années 2007 et 2008 ;
Attendu que la demande en paiement au titre de « 2 mois de paiement en dollars non transférés » pour 2007 et « des salaires avril et mai 2008 non déclarés en euros » ainsi que « des salaires avril et mai 2008 non déclarés en US$ » n'est pas documentée ;
Qu'au regard de la rémunération d a. MC F. effectuée par la SAM A d'une part et par la société B d'autre part au titre du contrat de consultant, a. MC F. ne démontre pas l'obligation de la SAM A au paiement de la somme réclamée, étant rappelé que la société B n'est pas en la cause ;
Que le même raisonnement doit être tenu pour la demande relative aux frais de conversion de US$ en euros ;
Qu'en conséquence, la décision de rejet de ces deux demandes en paiement doit recevoir confirmation ;
Attendu qu a. MC F. sollicite le paiement d'une somme de 2.045 euros concernant son salaire non déclaré pour quatre jours au mois de juin, sans justifier cette demande ;
Qu'en tout état de cause dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elle ait perçu de la SAM A une rémunération occulte, elle n'est pas fondée à solliciter une telle somme à l'encontre de la société intimée ;
Que l'employeur fait valoir à juste titre que le bulletin de salaire qui lui a été remis fait état du règlement de trois jours effectifs de travail pour le mois de juin 2008, aucune autre somme n'étant due en considération du licenciement pour faute grave prononcé le 4 juin 2008 ;
Que la décision déboutant a. MC F. de cette demande doit être confirmée ;
Attendu qu a. MC F. sollicite le paiement de 50 jours de congés payés pour une somme totale de 11.196,66 euros « calculée sur la base du salaire déclaré de 6.718,07 euros » et pour une somme de 32.100,68 euros « sur la base de compléments de salaires payés mais non déclarés » ;
Attendu que selon la loi n° 619 du 26 juillet 1956 fixant le régime des congés payés annuels, modifiée par les lois n° 752 du 2 juillet 1963 et n° 1.054 du 8 novembre 1982, le salarié qui au cours de la période suivant le 1er mai de l'année considérée justifie avoir été occupé chez le même employeur pendant un minimum d'un mois de travail effectif, a droit à un congé dont la durée est déterminée à raison de deux jours et demi ouvrables par mois de travail, sans que la durée de congé exigible puisse excéder 30 jours ouvrables ;
Que selon l'article 16 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, lorsque le contrat de travail est résilié avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il doit recevoir, au moment de la résiliation du contrat, pour la fraction du congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité de congé payé déterminée d'après les dispositions des articles 10, 11, 12, 13 et 15 ;
Que l'employeur ne conteste pas que le bulletin de salaire du mois de mai 2008 mentionne qu a. MC F. disposait d'un solde de congés payés de 25 jours pour l'exercice 2007/2008, comme cela figure sur le bulletin de salaire du mois d'avril 2008, auxquels ont été ajoutés les 25 jours de congés au titre de l'exercice suivant, soit effectivement 50 jours de congés dus ;
Que cependant il soutient qu a. MC F. au cours des années 2007 et 2008 avait pris la liberté de prendre des congés sans en informer sa hiérarchie, ni le service comptable ce qui a eu pour conséquence que ces jours pris sans autorisation n'ont pas pu être comptabilisés par la société ;
Qu'il verse à l'appui de cette argumentation l'attestation d a. L. directeur des ventes et marketing au sein de la SAM A, qui expose avoir secondé pendant plusieurs années a. MC F. et que celle-ci prenait toujours ses vacances, était souvent absente du bureau et qu'elle prenait davantage de jours de congés que la plupart des employés ;
Que l'employeur, qui détient les pouvoirs de gestion et de contrôle du temps de travail des salariés au sein de l'entreprise, ne produit aucune note relative aux modalités de prise des congés payés et aucun rappel à l'ordre qui aurait pu être adressé à a. MC F. sur ce point au cours de la période considérée 2007/2008 ;
Que dans ce contexte, le témoignage qu'il verse aux débats, d'une totale imprécision quant aux dates d'absence d a. MC F. et au nombre de jours concernés, est insuffisant à établir que celle-ci a été remplie de ces droits au titre des congés payés ;
Qu'il convient donc, infirmant en cela la décision déférée, de faire droit à la demande d a. MC F. au titre des congés payés sur la base du salaire versé par la SAM A et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 11.196,66 euros dont les modalités de calcul ne sont pas remises en cause par la SAM A ;
Que les intérêts au taux légal sur cette somme sont dus à compter du 30 octobre 2008, date de la citation devant le bureau de conciliation ;
Qu'en revanche, a. MC F. n'est pas fondée à solliciter auprès de la SAM A une indemnité de congés payés sur la base d'une rémunération occulte de 15.408,33 euros dont l'existence n'a pas été démontrée ;
Attendu qu a. MC F. sollicite le versement de primes sur chiffre d'affaires calculées sur la base de 1% du chiffre d'affaires, à compter de l'année 2003, soit la somme de 2.090.000 euros ;
Qu'elle fonde cette demande sur une transmission par télécopie du 22 mars 1994 (pièce 3) émanant de m. K. aux termes de laquelle il indiquait « je suis disposé à vous donner à la fin de chaque exercice civil, sous réserve que vous soyez toujours employée en janvier de chaque exercice suivant, 1% de la « valeur nette des croisières » définie par notre système informatique, que la société B réalise au-delà de US$ 14 millions annuellement » ;
Qu'elle admet que le paiement de ses supers bonus n'ont en fin de compte pas été réglés au motif que son employeur lui aurait promis de lui donner l'équivalent de ces montants en actions de sociétés du groupe C ;
Que selon ses propres déclarations a. MC F. a travaillé pour la société B à Miami en Floride d'octobre 1990 à octobre 1992, puis de 1992 à 1999 à Paris, puis ensuite à Monaco pour le compte de la SAM A ;
Qu'il s'évince de ces éléments, que le document du 22 mars 1994 est antérieur à la période pour laquelle a. MC F. a travaillé à Monaco où elle était rémunérée par la SAM A et par la société la société B au titre d'une activité de consultant ;
Qu'il n'est produit aucune pièce en faveur d'un contrat d'intéressement qui aurait été conclu entre a. MC F. et la SAM A ;
Que dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, a. MC F. ne démontre pas que la SAM A soit tenue à l'obligation de paiement de la prime qu'elle sollicite pour les années 2003 à 2008 ;
Que la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de cette demande ;
Sur les demandes d'expertises et d'enquête
Attendu que les faits qui ont conduit au licenciement d a. MC F. ont donné lieu à de nombreuses investigations notamment dans le cadre d'une information judiciaire ;
Que plusieurs membres de l'entreprise ont été entendus à cette occasion, dont notamment m. K., c. R. f. S. f. M. qu i. P. a été entendue en qualité de témoin lors du procès pénal devant la Cour d'appel ;
Que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande d'enquête sollicitée par a. MC F. ainsi que les demandes de mesures d'expertise en matière comptable, dans le domaine informatique et en matière financière, de telles mesures ne pouvant être ordonnées pour pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;
Sur la demande reconventionnelle
Attendu que si l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil en ce qui concerne l'établissement des faits fautifs ayant conduit au licenciement, il n'en demeure pas moins qu'il appartient au seul juge civil d'apprécier la qualification de faute grave justifiant l'éviction immédiate de l'entreprise et l'éventuel caractère abusif du licenciement dans sa mise en œuvre ;
Qu a. MC F. était en droit par ailleurs d'obtenir qu'il soit statué sur ses demandes en paiement au titre de son contrat de travail et sur ses demandes indemnitaires consécutives à la rupture de ce contrat ;
Que dès lors le maintien de la procédure initiée devant la juridiction prud'homale, après que la juridiction pénale a statué et que la Cour de Révision a rejeté la requête en reprise de procès, ne revêt pas de caractère abusif ;
Que par ailleurs si la SAM A allègue de difficultés d'exécution de la décision rendue par la Cour d'appel correctionnelle sur l'action civile, elle a cependant engagé les procédures nécessaires pour contraindre a. MC F. à exécuter la décision correctionnelle sur l'action civile ;
Que ce faisant, la SAM A n'est pas fondée à arguer dans la présente procédure d'un préjudice pour avoir été contraint de se défendre dans l'instance en référé engagée par Robert MC F. revendiquant la propriété de certains biens saisis, ce d'autant que le Tribunal de Première Instance, statuant dans cette affaire par jugement du 28 mai 2015, a débouté la SAM A de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Qu'en considération de ces éléments il convient, infirmant en cela la décision déférée, de débouter la SAM A de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Attendu qu a. MC F. obtient très partiellement gain de cause à l'issue de la procédure d'appel, en sorte que la SAM A ne démontre pas le caractère abusif de l'appel qu'elle a interjeté ;
Qu'elle doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;
Attendu qu a. MC F. qui succombe majoritairement en ses demandes doit être condamnée aux entiers dépens ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevable l'appel formé par a. MC F. à l'encontre du jugement du Tribunal du travail rendu le 27 juin 2019,
Infirme ce jugement en ce qu'il a débouté a. MC F. de sa demande en paiement de la somme de 11.196,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et en ce qu'il l'a condamnée à la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau de ces chefs :
Condamne la SAM A à payer à a. MC F. la somme de 11.196,66 euros au titre de l'indemnité de congés payés,
Dit que cette somme est due avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2008, date de la citation devant le bureau de conciliation,
Déboute la SAM A de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Confirme la décision déférée en toutes ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SAM A de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne a. MC F. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Catherine LEVY, Conseiller, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 15 DÉCEMBRE 2020, par Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur Général Adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.