Cour d'appel, 1 décembre 2020, Madame i. K. c/ Monsieur r T

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Abstract🔗

Donations - Qualification - Donation entre époux (oui) - Donation révocable (oui)

Résumé🔗

La donation litigieuse, ayant eu lieu entre époux et pendant le mariage, est révocable en application de l'article 951 du Code civil. L'acte sous seing privé conclu avant le mariage ne constitue qu'une promesse de donation puisque aucune tradition effective n'est intervenue le jour de la conclusion de cet accord et que cet acte n'a pas été reçu par un notaire, condition imposée par l'article 798 du Code civil pour la validité d'une donation entre vifs.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 1 er DÉCEMBRE 2020

En la cause de :

  • - Madame i. K. divorcée T., née le 20 janvier 1977 à Saint Pétersbourg (Russie), de nationalité russe, demeurant « X1 », X1 98000 Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - Monsieur r T, né le 5 août 1961 à Breda - Pays-Bas, de nationalité néerlandaise, exerçant la profession d'entrepreneur, demeurant X2 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 4 juillet 2019 (R. 6032) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 9 août 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000026) ;

Vu les conclusions déposées les 20 décembre 2019 et 21 juillet 2020 par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur r. T.;

Vu les conclusions déposées le 5 mai 2020 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de Madame i. K. divorcée T.;

À l'audience du 13 octobre 2020, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Madame i. K. divorcée T. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 4 juillet 2019.

Considérant les faits suivants :

Monsieur r T et Madame i M. K. ont contracté mariage à Monaco le 25 août 2017.

r. T. le 5 décembre 2017, a remis à son épouse une somme de 2.500.000 euros par le biais d'un chèque crédité le 11 décembre 2017 sur le compte d i. K.

Le 21 février 2018, r. T. et i. K. ont chacun déposé une requête en divorce devant le Tribunal de première instance de Monaco.

r. T. a, par requête déposée le 8 mars 2018, saisi le Président du Tribunal de première instance de Monaco d'une demande d'autorisation aux fins de pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de la SA A et de l'établissement B pour avoir garantie de la somme de 2.500.000 euros, tout en invoquant la révocation de la donation consentie à son épouse et en exposant que la somme concernée par cette libéralité pouvait être dissipée.

Aux termes d'une ordonnance en date du 8 mars 2018 rectifiée le 19 mars 2018, le Président du Tribunal de première instance de Monaco a autorisé r. T. à faire pratiquer une telle saisie-arrêt.

Par acte de saisie-arrêt, assignation et injonction aux tiers saisis en date du 21 mars 2018, r. T. a signifié la mesure pratiquée aux établissements bancaires concernés et a fait assigner Madame i. K. devant le Tribunal de première instance de Monaco.

L'établissement bancaire B a déclaré détenir au nom de Madame i M. un compte présentant un solde créditeur de 176.797,78 euros, outre un compte joint avec Madame g. P. présentant un solde créditeur de 102.463,91 euros et enfin un compte titres également joint estimé à 12.054,94 euros.

La SAM A a quant à elle indiqué détenir au nom de i M. un solde créditeur d'un montant de 95.266 euros, tout en précisant par déclaration complémentaire en date du 28 mars 2018, que les avoirs bloqués au jour de la saisie s'élevaient en réalité à 95.258,09 euros.

Monsieur r. T. a demandé au Tribunal de première instance, aux termes de l'ensemble de ses écritures, que :

« - la saisie-arrêt pratiquée soit déclarée bonne,

- la condamnation de i. K. au paiement de la somme de 2.500.000 euros, montant évalué provisoirement,

- qu'il soit dit que les établissements bancaires saisis pourront valablement se libérer entre ses mains des sommes qu'ils détiennent pour le compte d i. K. ainsi que la condamnation de cette dernière aux dépens,

- dire que l'acte du 28 juillet 2017 est une simple promesse de donation et est indépendant du don manuel consenti à son épouse et que cette promesse est nulle,

- dire que la révocation du don manuel de 2.500.000 euros est valable et qu'il fait état d'un principe certain de créance,

- déclarer irrecevable la demande de i. K. d'ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 21 mars 2018 à concurrence de la moitié de la somme se trouvant sur le compte joint ouvert dans les livres de la banque B et de dire que cette saisie-arrêt est valable pour l'intégralité de la somme,

- dire qu'il n'a pas commis de faute dans l'exercice de son droit d'agir en justice,

- condamner i. K. au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes ».

Suivant jugement en date du 4 juillet 2019, le Tribunal de première instance a :

  • - dit que la somme remise par r. T. à i M. K. le 5 décembre 2017 constitue une donation entre époux soumise au régime de l'article 951 du Code civil,

  • - condamné i M. K. à payer à r. T. la somme de 2.500.000 euros correspondant au montant de la donation révoquée par Monsieur T.

  • - déclaré recevable la demande subsidiaire de mainlevée partielle de la saisie-arrêt présentée par i M. K. et au fond l'en déboute,

  • - déclaré régulière et valide, avec toutes conséquences de droit, la saisie-arrêt pratiquée le 21 mars 2018 entre les mains de l'établissement bancaire B et de la SAM A, à concurrence des montants précités en principal, intérêts, frais et droits de greffe ou accessoires,

  • - dit que le tiers-saisi se libèrera valablement des sommes qu'il détient pour le compte de i M. K. par le versement qu'il en opérera entre les mains de r. T.

  • - débouté r. T. de sa demande de dommages et intérêts,

  • - condamné i M. K. aux entiers dépens de l'instance.

Les premiers juges ont en substance retenu que la disposition libérale insérée dans le contrat de mariage relative au régime instauré par celui-ci ne portait que sur les droits des époux pendant la durée de l'union sans organiser son devenir lors de la dissolution du mariage, en sorte qu'il ne pouvait en être déduit l'irrévocabilité des donations consenties. Ils ont par ailleurs considéré que la somme remise par l'époux le 5 décembre 2017 à Madame i M. K. caractérisait une donation indépendante de celle prévue par la convention du 28 juillet 2017 relevant des dispositions de l'article 951 du Code civil, caractérisant dès lors une donation entre époux ultérieurement révoquée. Ils ont enfin observé qu'aucun élément ne permettait d'établir que les fonds saisis n'étaient pas la propriété de Madame i M. K. déboutant en conséquence cette dernière des fins de sa demande de mainlevée partielle de la saisie-arrêt pratiquée.

Suivant exploit en date du 9 août 2019, Madame i M. K. a interjeté appel du jugement susvisé à l'effet de le voir réformé et de voir la Cour, statuant à nouveau :

  • - constater que les époux sont liés par un contrat de mariage de séparation de biens,

  • - constater qu'ils ont régularisé en parallèle un contrat notarié entre futurs époux emportant donation à son profit,

  • - dire et juger que cette donation faite hors mariage et hors contrat de mariage est une donation ordinaire entre vifs passée devant notaire,

  • - dire et juger en conséquence qu'elle est irrévocable en application des articles 762 et 798 du Code civil,

  • - débouter Monsieur T. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

  • - ordonner la mainlevée immédiate de la saisie-arrêt pratiquée le 21 mars 2018 sur les comptes bancaires ouverts dans les livres des sociétés A et B avec toutes conséquences de droit,

  • - condamner Monsieur T. à lui payer la somme de 15.000 euros, somme portée par conclusions ultérieures à la somme de 50.000 euros, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Et, à titre infiniment subsidiaire dans le cas où la Cour d'appel estimerait par impossible y avoir lieu de la condamner au paiement des causes de la saisie-arrêt pratiquée le 21 mars 2018 :

  • - ordonner la mainlevée de cette saisie-arrêt à concurrence de la moitié de la somme se trouvant sur le compte joint ouvert dans les livres de la banque B au jour de la saisie avec toutes conséquences de droit,

  • - condamner Monsieur T. aux entiers dépens.

Au soutien de cet appel et aux termes de l'ensemble de ses écritures, Madame i M. K. fait pour l'essentiel valoir que :

  • - la donation faite entre vifs entre les époux est irrévocable et Monsieur T. ne dispose d'aucun principe certain de créance à son encontre,

  • - les époux ont en effet signé le 28 juillet 2017 deux actes notariés distincts, le contrat de mariage avec séparation de biens d'une part et, d'autre part, un contrat entre futurs époux emportant donation entre vifs à son profit,

  • - les dispositions de l'article 1236 du Code civil permettent de prévoir dans le cadre du régime matrimonial légal monégasque de la séparation de biens que les époux peuvent faire leurs conventions matrimoniales comme ils le jugent à propos, chaque époux étant habilité à conserver un droit acquis avant le mariage résultant d'un acte de disposition,

  • - il a été de la commune intention des parties de régulariser en parallèle de leur contrat de mariage, le 28 juillet 2017, une convention ayant pour but d'aménager le régime matrimonial prévoyant notamment la souscription d'un prêt personnel de 2.500.000 euros en vue de l'acquisition d'un bien immobilier versé par Monsieur T. au profit de son épouse,

  • - cette donation consentie avant et hors mariage revêt bien le caractère d'un droit acquis résultant d'un acte de disposition entre vifs, étant précisé qu'en page 4 de ce contrat il était prévu que, dans l'hypothèse d'un divorce, Madame i M. K. ne devrait pas rembourser cette somme qui lui resterait acquise,

  • - le contrat de mariage et la donation entre futurs époux sont des actes authentiques passés devant notaire ayant force probante et qui apparaissent exécutoires jusqu'à inscription de faux,

  • - si l'époux a effectivement versé à i M. K. la somme de 2.500.000 euros par chèque du 5 décembre 2017, cette donation avait été consentie et acceptée par acte authentique antérieurement à leur mariage en date du 28 juillet 2017, le fait que le paiement soit intervenu postérieurement étant sans effet sur sa qualification,

  • - le contrat entre les futurs époux a été régularisé par le notaire de Monsieur T. et caractérise un acte notarié respectant les prescriptions de l'article 798 du Code civil,

  • - cette donation régulière entre vifs apparaît irrévocable et l'époux ne dispose dès lors d'aucune créance à son encontre,

  • - la décision entreprise est contestable en ce qu'il a été jugé que la somme remise caractérisait une donation indépendante relevant de l'article 951 du Code civil en fonction d'un courriel du 3 décembre 2017 causant en réalité, conformément à l'acte authentique, la remise des fonds pour l'achat d'un appartement par l'épouse,

  • - un simple courriel ne peut tenir lieu de contrat au lieu et place d'un acte authentique régularisé entre les mêmes parties portant sur le même montant et avec un objet identique, étant précisé que les fonds ont bien été affectés à l'acquisition de l'appartement par i M. K.

  • - la décision entreprise sera dès lors réformée et Monsieur T. débouté des fins de sa demande de remboursement de la somme de 2.500.000 euros.

Monsieur r. T. intimé, entend pour sa part, aux termes de l'ensemble de ses écritures, voir débouter l'appelante de l'ensemble de ses prétentions et conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a :

  • - dit que la somme remise par ses soins à i M. K. le 5 décembre 2017 constitue une donation entre époux soumise au régime de l'article 951 du Code civil,

  • - condamné i M. K. à lui payer la somme de 2.500.000 euros correspondant au montant de la donation révoquée par ses soins,

  • - déclaré recevable la demande subsidiaire de mainlevée partielle de la saisie-arrêt présentée par i M. K. mais infondée en déboutant cette dernière,

  • - déclaré régulière et valide avec toutes conséquences de droit la saisie-arrêt pratiquée le 21 mars 2018 entre les mains de l'établissement B et de la SAM A à concurrence des montants précités en principal, intérêts et frais,

  • - dit que le tiers saisi se libérera valablement des sommes qu'il détient pour le compte de i M. K. par le versement qu'il en opérera entre ses mains.

Relevant par ailleurs appel incident, Monsieur r. T. entend voir infirmer le jugement déféré en ce qu'il a été débouté de sa demande de dommages-intérêts et condamner i M. K. à lui payer la somme de 100.000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de l'ensemble de ses conclusions, Monsieur r. T. expose les moyens suivants :

  • - la donation qu'il a effectuée au profit de son épouse le 5 décembre 2017 s'analyse en une donation entre époux, par nature révocable, totalement indépendante de la donation envisagée dans l'accord signé entre les futurs conjoints,

  • - l'acte sous-seing privé conclu entre les parties le 28 juillet 2017, avant leur mariage et hors contrat de mariage, s'analyse en réalité en une promesse de donation faite par l'époux à Madame i M. K. étant précisé que le paiement de la somme d'argent devait être constitutif d'un prêt en vue de l'achat d'un appartement que l'épouse ne serait pas tenue de rembourser pour éviter d'avoir à payer des droits de donation,

  • - il ne peut s'agir en réalité d'une donation qu'en cas de remise effective des fonds et il y a eu en l'espèce une simple promesse de donation en l'absence de tradition effective immédiate,

  • - toute donation doit être passée par acte authentique sous peine de nullité ce qui n'est pas le cas de l'acte sous-seing privé du 28 juillet 2017 qui apparaît nul en raison de l'absence de toute forme authentique,

  • - les actes du 28 juillet 2017 ont été passés sur le territoire de la Principauté de Monaco et nullement devant un notaire de la place, exerçant ses fonctions sur le territoire de la Principauté,

  • - la tradition du don manuel correspondant à la remise effective du chèque de 2.500.000 euros n'est intervenue qu'au mois de décembre 2017 et a donc bien été effectuée durant le mariage,

  • - l'article 1164 du Code civil dispose que l'acte authentique est celui qui a été reçu par les officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé avec les solennités requises, les textes d'application sur le notariat prévoyant que les notaires sont les seuls fonctionnaires publics susceptibles de donner le caractère authentique aux actes et contrats des parties,

  • - Me p. VAN O. n'est pas un officier public exerçant ses fonctions de notaire sur le territoire monégasque en sorte qu'aucun caractère authentique ne saurait être attaché aux actes conclus à Monaco devant lui le 28 juillet 2017,

  • - il n'apparaît pas davantage établi que Madame i M. K. était sur le point d'acquérir un appartement et procéder à l'achat au moyen du don manuel consenti par son époux,

  • - l'acte sous-seing privé du 28 juillet 2017 ne caractérise dès lors qu'une promesse de donation totalement indépendante du don manuel effectué le 5 décembre 2017 postérieurement au mariage,

  • - il en résulte que cette donation faite pendant le mariage apparaît toujours révocable, une telle faculté de révocation caractérisant un droit souverain discrétionnaire et absolu que l'époux a exprimé dans sa requête en saisie-arrêt,

  • - le comportement de l'intimé ne caractérise pas une attitude fautive dès lors qu'il n'a jamais fait preuve d'une intention malveillante et de mauvaise foi envers son épouse en sorte que la demande de dommages-intérêts sera rejetée,

  • - Madame i M. K. s'obstine en parfaite connaissance de la réalité de sa créance à en contester le principe, ce qui lui fait grief puisqu'il se trouve empêché d'obtenir le versement des fonds bloqués lors de la saisie pratiquée tant que la procédure est pendante, en sorte que cette attitude lui cause un préjudice qui doit être réparé par l'octroi de dommages-intérêts.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels, tant principal qu'incident, régulièrement formés dans les formes et délais prévus par le Code de procédure civile, doivent être déclarés recevables ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 762 du Code civil que la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte, tandis que l'article 951 du Code civil prévoit que toute donation faite entre époux pendant le mariage, quoique qualifiée entre vifs, sera toujours révocable, l'article 798 du Code civil disposant enfin que tout acte de donation entre vifs doit être passé devant notaire, à peine de nullité ;

Attendu qu'il résulte des faits constants de l'espèce que Monsieur T. et Madame K. qui se sont mariés le 25 août 2017 à Monaco avaient, antérieurement à cette union, soit le 28 juillet 2017, conclu un accord entre époux sur les conséquences financières de leur union matrimoniale suivant acte établi à Monaco ;

Attendu que l'appelante -excipant d'une part du contrat de mariage de séparation de biens signé le 28 juillet 2017 devant Maître AUREGLIA-CARUSO à Monaco et, d'autre part, de ce contrat entre futurs époux emportant selon elle donation à son profit qui aurait été passé le même jour par devant Maître p. VAN O. notaire d'un cabinet néerlandais- estime que le versement effectué par son époux le 5 décembre 2017 d'une somme de 2.500.000 euros caractérise une donation irrévocable entre futurs époux prévue par l'acte notarié du 28 juillet 2017, et non une donation entre époux qui serait révocable ;

Attendu que le 28 juillet 2017 un contrat de mariage a en effet été conclu par les époux devant Maître AUREGLIA-CARUSO, Notaire à Monaco, ce contrat instituant le régime légal monégasque de la séparation de biens ;

Attendu que l'acte par ailleurs conclu entre les parties le 28 juillet 2017, avant leur mariage et hors contrat de mariage, stipule en son article 12 que les futurs époux ont convenu qu i. achèterait un appartement au X3, situé à Beausoleil, dont le prix d'achat total de l'appartement chiffré à 2.500.000 euros, serait fourni par R à i. initialement sous forme de prêt, l'article 14 stipulant également qu'en cas de divorce avant leur cinquième anniversaire de mariage, l'épouse ne serait pas obligée de rembourser le prix d'achat de l'appartement et le mari ne serait pas contraint de lui verser une somme supplémentaire ;

Que la volonté de l'époux r. T. se trouve par ailleurs explicitée aux termes d'un courriel daté du 3 décembre 2017, contresigné sous sa forme papier tant par Madame i M. que par ses soins, détaillant diverses règles inhérentes à l'organisation de la relation matrimoniale et à ses conditions matérielles et financières et précisant également, s'agissant de l'appartement précité, que l'époux envisage « d'émettre un chèque de 2,5 millions d'euros à l'ordre d i. afin de lui permettre d'acheter l'appartement qu'elle désire, dès lors qu'il n'est situé ni au Royaume-Uni ni à Monaco » ;

Qu'il résulte des pièces produites que ce chèque d'un montant de 2.500.000 euros a bien été émis le 5 décembre 2017 par r. T. au profit de Madame i M. puis effectivement encaissé le 7 décembre 2017 ;

Attendu que Madame K. estime pour sa part que le fait que le chèque ait été remis puis encaissé pendant le cours du mariage est sans incidence sur les droits qu'elle a acquis antérieurement, faisant de cette libéralité une donation hors mariage régulière et irrévocable, dès lors que le contrat entre les futurs époux a été régularisé par devant un notaire néerlandais, Me p. VAN O.;

Attendu, sur la nature juridique de l'acte sous-seing privé du 28 juillet 2017, que la décision entreprise a légitimement considéré qu'il s'agissait d'une promesse de donation et non d'une donation obéissant au régime de l'article 762 du Code civil et au formalisme de l'article 798 du Code civil ;

Qu'il est en effet acquis, et non au demeurant contesté, qu'aucune tradition effective n'est intervenue le jour de la conclusion de cet accord entre les futurs époux d'une part, alors d'autre part que cet acte n'a pas été reçu par un officier public ayant le droit d'instrumenter en Principauté de Monaco sous le formalisme prescrit par le droit du for ;

Qu'il s'induit dès lors des dispositions combinées de l'article 1165 du Code civil et de l'ordonnance du 4 mars 1886 sur le notariat que cet accord entre futurs époux caractérise un acte sous-seing privé ne respectant pas le formalisme des donations entre vifs alors qu'aucune tradition réelle de la somme de 2.500.000 euros n'étant intervenue, la dépossession du donateur rendant irrévocable une telle libéralité n'apparaît pas établie ;

Qu'à cet égard, il a été à bon droit rappelé par la décision entreprise qu'il n'était pas démontré que la remise de cette somme soit intervenue dans le cadre de la mise en œuvre de la condition prévue dans l'acte du 28 juillet 2017 tendant à l'acquisition de l'appartement précisément désigné et situé à Beausoleil, le courriel adressé le 3 décembre 2017, soit avant l'émission du chèque, révélant une intention décorrelée de celle ayant présidé à la promesse de donation ;

Attendu qu'il en résulte que les premiers juges ont justement considéré que le don de cette somme d'argent de 2.500.000 euros est intervenu entre époux pendant le mariage et apparaît donc toujours révocable, la volonté de révocation ayant été en l'espèce exprimée par la requête en saisie-arrêt présentée au Président du Tribunal de première instance révélant à cet égard la volonté dénuée d'équivoque de Monsieur T.;

Attendu que la décision déférée sera de ce chef confirmée ;

Attendu s'agissant de la demande de mainlevée partielle de la saisie-arrêt que l'appelante reproche à Monsieur T. d'avoir saisi la somme de 102.463,91 euros inscrite au crédit du compte joint qu'elle avait ouvert avec Madame g. P. dans les livres de l'établissement bancaire B, estimant que la banque, tiers-saisi, aurait dû cantonner cette saisie à sa quote-part, soit la moitié des avoirs portés au crédit ;

Attendu qu'il est versé aux débats une copie de la convention d'ouverture de ce compte joint conclue avec Madame g. P. le 21 juin 2006, les premiers juges ayant à bon droit estimé que dans le cadre d'un tel compte joint, l'établissement bancaire est débiteur de la totalité du solde du compte à l'égard de chacun des co-titulaires, Madame K. apparaissant ainsi recevable à présenter une demande de mainlevée portant sur tout ou partie des sommes saisies ;

Que s'agissant d'un compte joint, l'établissement bancaire demeure débiteur de la totalité du solde de ce compte à l'égard de chacun de ses co-titulaires, les effets de la saisie portant sur la totalité du solde créditeur qui s'y trouve attaché, à charge pour l'un ou l'autre des titulaires du compte joint d'établir que ce solde est constitué de fonds provenant de l'autre partie ;

Attendu qu'en l'espèce il n'apparaît pas plus justifié en cause d'appel qu'en première instance que les fonds saisis n'appartiendraient pas à Madame K. force étant à cet égard de rappeler les termes de l'ordonnance de référé rendue le 7 novembre 2018 ayant débouté Madame K. et Madame P. des fins de leur demande de mainlevée partielle de cette saisie-arrêt ;

Attendu en définitive que le jugement entrepris sera confirmé également en ce qu'il a été fait droit à la demande de validation de la saisie arrêt pratiquée le 21 mars 2018 entre les mains de l'établissement bancaire B et de la SAM A ;

Attendu sur l'appel incident formé par Monsieur T. tendant à l'octroi de dommages-intérêts, qu'il n'apparaît pas établi que la résistance opposée par Madame K. à la suite de la révocation de donation par ses soins, procède d'une faute ou présente un caractère abusif, ni qu'elle lui ait occasionné un préjudice particulier, en sorte que cette demande a été à bon droit rejetée ;

Attendu que le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 4 juillet 2019 sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions et l'appelante condamnée aux entiers dépens d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevables les appels principal et incident,

Au fond, en déboute respectivement Madame i. K. et Monsieur r. T. et confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 4 juillet 2019,

Condamne aux entiers dépens d'appel Madame i. K. et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Claire GHERA, Conseiller, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 1 er DÉCEMBRE 2020, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur général adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.

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