Cour d'appel, 29 septembre 2020, Madame m-j. P. c/ La SAM A

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Abstract🔗

Société – Président Administrateur délégué – Rémunération – Remboursement des frais professionnels - Société – Apporteur d'affaires – Commissions

Résumé🔗

m-j.P. s'est trouvée révoquée de ses fonctions d'administrateur suivant délibération de «  l'assemblée générale ordinaire réunie extraordinairement le 10 novembre 2014  ». m-j.P. réclame le paiement à son profit de la somme de 9.801,51 euros en remboursement de frais de déplacement et d'hébergement professionnels, qu'elle prétend avoir exposés sur ses deniers personnels pour les besoins de la mise en place de la société. L'appelante, défaillante dans l'administration de la preuve, ne peut prétendre au moindre remboursement sous couvert de frais professionnels, de sorte que la décision entreprise mérite infirmation de ce chef. Pour le surplus, la SAM A a pu à bon droit opérer compensation des sommes dont l'appelante avait bénéficié par l'usage de la carte professionnelle de la société mise à sa disposition et par le biais de remboursements opérés en sa faveur, avec le montant de la rémunération lui revenant en sa qualité de Président Administrateur délégué pour sa période d'exercice, laquelle ne constitue pas un salaire au sens des dispositions de l'article 7 de la loi n° 739, en l'absence de tout lien de subordination découlant de ses fonctions au sein de la société intimée.

si m-j.P. réclame le versement de commissions correspondant à 75 % des honoraires réglés par les clients qu'elle prétend avoir apportés à la société, les premiers juges ont relevé à juste titre qu'aucun contrat écrit ni aucune délibération de l'assemblée générale des actionnaires n'est venu consacrer le principe d'une quelconque rémunération complémentaire sous la forme de commissions, d'honoraires ou de rétrocessions à son bénéfice. m-j.P.ne démontre pas sa qualité d'apporteur d'affaires, notamment de la société M, au profit de la SAM A, de nature à générer à son profit le versement de commissions au pourcentage de 75 %, d'honoraires ou de rétrocessions.

Nonobstant la défaillance de l'appelante à justifier des diligences dont elle se prévaut, ses demandes fondées sur la théorie du mandat tacite ou apparent et sur la gestion d'affaire, ne peuvent prospérer. En effet, outre l'absence de tout commencement de preuve par écrit d'un tel mandat, la Cour entend rappeler que la notion jurisprudentielle du mandat apparent tend à protéger le tiers, en lui permettant d'opposer ses droits et obligations au mandant, engagé par les actes du mandataire, dont il a pu croire, en l'état des apparences, qu'il était dûment habilité à représenter le mandant, ce qui à l'évidence ne correspond pas au cas d'espèce.

De la même manière, l'appelante ne peut valablement fonder ses prétentions sur la notion de gestion d'affaires, telle que découlant des dispositions des articles 1218 et 1219 du Code civil, au motif qu'il existerait un «  quasi-contrat  » entre elle-même et sa cliente, la société M, susceptible d'être opposée à la SAM A au regard des développements précédents concernant la relation d'affaires de la société M avec p.I. sous l'égide de la SAM A qu'elle représentait.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2020

En la cause de :

  • - Madame m-j. P., de nationalité suisse, née à Genève (Suisse), le 21 septembre 1974, domiciliée à Monaco, X1 ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - La Société A, société anonyme monégasque au capital de XXX euros, en dissolution, ayant son siège social au X2 à Monaco, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le numéro XX, et dont le siège de la liquidation a été fixé au X3, c/o la société B, 98000 Monaco, prise en la personne de son liquidateur, Monsieur a. B. domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 21 décembre 2017 (R. 2024) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 19 mars 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000105) ;

Vu l'arrêt avant dire droit en date du 22 janvier 2019 ;

Vu les conclusions déposées les 26 mars 2019 et 29 mai 2020 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM A ;

Vu les conclusions déposées le 10 décembre 2019 par Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur, au nom de Madame m-j. P.;

À l'audience du 16 juin 2020, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Madame m-j. P. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 21 décembre 2017.

Considérant les faits suivants :

Résidente genevoise de nationalité suisse, m-j. P. expose qu'elle collaborait depuis 2009 au sein de la SA C, en qualité de gérante de fortune, et s'est vue proposer par des collaborateurs et actionnaires d'une société de droit français, la SAS D, dont r. M. également principal actionnaire de la SA C de participer à la création d'une société de droit monégasque, la SAM A.

Cette nouvelle société anonyme de gestion de portefeuilles a été immatriculée au registre du commerce et de l'industrie de Monaco le 29 janvier 2014, avec pour activité, le conseil et l'assistance, la réception et la transmission d'ordres sur les marchés financiers, portant sur des valeurs mobilières ou des instruments financiers à court terme, pour le compte de tiers.

Elle avance qu'il lui a été immédiatement proposé d'occuper les fonctions de président administrateur délégué, de responsable de la stratégie économique, de responsable SICCFIN, de « Compliance Officer » et d'apporteur d'affaires au sein de cette future société et qu'il a été convenu dans le même temps qu'elle percevrait, en qualité d'apporteur d'affaires, la même rémunération qu'au sein de la société SA C, et qu'elle recevrait, en sus de ses commissions, des indemnités pour ses fonctions de président délégué.

Le 10 janvier 2014, le Conseil d'administration l'a désignée en qualité de président délégué.

Par décision de l'assemblée générale du 5 mars 2014, sa rémunération annuelle a été fixée à 120.000 euros.

Elle prétend avoir été rapidement confrontée à de multiples difficultés humaines ainsi qu'à des soucis d'ordre technique et matériel nuisant à la bonne marche de la SAM A, dont elle a fait état par écrit, à la demande de la Commission de contrôle des activités financières devant laquelle elle a été convoquée courant octobre 2014 pour s'expliquer sur les irrégularités constatées dans le fonctionnement de celle-ci.

Elle indique avoir été révoquée de ses fonctions d'administrateur de la SAM A par décision d'assemblée générale du 10 novembre 2014, au motif, contesté, qu'elle aurait suggéré aux employés la création d'une société concurrente sur l'Ile Maurice.

Estimant avoir été dupée et révoquée sous un prétexte fallacieux, m-j. P. a, par courrier recommandé de son conseil en date du 2 février 2015, mis en demeure la SAM A d'avoir à lui payer la somme de 103.333,33 euros au titre des indemnités de président délégué calculées prorata temporis du 1er janvier au 10 novembre 2014.

Le 2 mars 2015, un chèque établi par la SAM A lui a été adressé par conseils interposés, d'un montant de 44.324,30 euros, correspondant à sa rémunération en qualité de président délégué, déduction faite des sommes déjà versées à hauteur de 30.000 euros et d'une somme de 23.526 euros correspondant à des dépenses réalisées sous sa signature, contestées par la société.

Faute d'accord entre les parties quant aux montants qui lui seraient dus, m-j. P. a fait assigner la société anonyme A par exploit d'huissier en date du 28 octobre 2015, aux fins d'obtenir sa condamnation, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement à son profit des sommes suivantes :

  • - 29.009,33 euros au titre du solde d'indemnités de président délégué,

  • - 9.801,51 euros en remboursement de frais de déplacement et d'hébergement,

  • - 192.340,96 euros au titre de commissions décomposées comme suit :

    • 1.391,60 euros au titre de la quote-part lui revenant sur les honoraires versés par la société E,

    • 173.128 euros au titre de la quote-part lui revenant sur les honoraires versés par la société F,

    • 17.821,36 euros au titre de la quote-part lui revenant sur les commissions trimestrielles « quaterly fees » rétrocédées par la banque sur les achats et ventes de titres,

  • - 219.970,02 USD au titre de commissions décomposées comme suit :

    • 37.134,30 USD au titre de la quote-part lui revenant sur les commissions de courtage libellées en US dollars,

    • 68.850,20 USD au titre de la quote-part lui revenant sur les commissions initiales « upfront fees SAS D Funds » des fonds

    • la SAS D,

    • 94.170,40 USD correspondant à l'intégralité des rétrocessions dues pour les investissements totaux effectués dans les fonds de la SAS D,

    • 19.815,12 USD correspondant à l'intégralité des rétrocessions du produit structuré G,

  • - 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Par jugement rendu le 21 décembre 2017, Tribunal de première instance a :

  • - déclaré nulle l'attestation délivrée le 4 mai 2014 par n. V. produite par m-j. P. sous le numéro 32,

  • - condamné la société anonyme A à payer à m-j. P. la somme de 5.385,10 euros au titre des frais de déplacement et d'hébergement avancés pour la constitution de la SAM A,

  • - débouté les parties du surplus de leurs demandes,

  • - ordonné la compensation totale des dépens.

Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu essentiellement que :

  • - l'attestation communiquée en pièce n° 32 par m-j. P. ne respecte pas les exigences posées par l'article 324 2° du Code de procédure civile pour ne pas être écrite en son entier de la main de son auteur,

  • - au titre de sa rémunération en sa qualité de président délégué, m-j. P. n'a présenté aucune requête aux fins de compulsoire ni aucune demande incidente dans le cadre de la présente instance, tendant à la communication des rapports de visite ou de compte-rendu de réunion censés justifier de ses dépenses professionnelles contestées, qui seraient détenus par la société défenderesse en suite de sa révocation,

  • - concernant le paiement des frais de déplacement et d'hébergement avancés pour la constitution de la SAM A, dont le principe du remboursement aurait été accepté sur production de justificatifs, les dépenses sans lien direct avec l'objet d'un déplacement professionnel normal méritent d'être déduits de la somme totale réclamée,

  • - concernant le paiement des diverses commissions en sa qualité d'apporteur d'affaires, aucun contrat écrit ni aucune assemblée générale des actionnaires n'a formalisé le principe d'une quelconque rémunération complémentaire sous la forme de commissions, d'honoraires ou de rétrocessions, pas plus que ne se trouvent justifiés de prétendus accords entre les parties prolongeant le bénéfice des avantages dont elle bénéficiait en tant qu'apporteur d'affaires au sein de la SA C

  • - le rejet partiel de ses prétentions empêche m-j. P. de prétendre au versement de dommages-intérêts pour résistance abusive,

  • - les prétentions de m-j. P. étant partiellement fondées la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive n'a pas lieu de prospérer,

  • - les conditions de l'article 202 alinéa 1 du Code de procédure civile ne sont pas réunies pour accorder le bénéfice de l'exécution provisoire.

Souhaitant obtenir communication de divers documents détenus par des tiers qu'elle estime utiles à sa défense, m-j. P. a présenté une requête aux fins de compulsoire le 30 mars 2018, rejetée par ordonnance rendue le 3 avril 2018 par Madame le Président du Tribunal de première instance, au motif que la juridiction de fond était déjà saisie du différend opposant les parties.

Suivant exploit d'appel et d'assignation en date du 19 mars 2018, m-j. P. a interjeté appel partiel, demandant à la Cour de :

  • - l'accueillir en son appel,

  • - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAM A à lui payer la somme de 5.385,10 euros,

  • - le réformer pour le surplus et statuant à nouveau,

  • - ordonner avant-dire-droit au fond, la communication par la SAM A représentée par son liquidateur, l'ensemble des documents qu'elle a conservés prouvant les droits de l'appelante à commissions et rémunérations sur la clientèle apportée par elle au sein de la SAM A, et notamment de multiples pièces dont elle a fourni le détail dans ses écritures,

En toute hypothèse,

  • - condamner la SAM A à lui verser les sommes suivantes :

  • 29.009,33 euros au titre du solde de ses indemnités de Président-Délégué telles que votées en assemblée générale le 10 janvier 2014,

  • 4.416,41 euros en remboursement des frais de déplacement et d'hébergement payés au moyen de ses deniers personnels mais pour le compte et dans l'intérêt exclusif de la SAM A en formation,

  • 192.340,96 euros et 219.970,02 USD au titre de commissions décomposées comme suit :

    • * 1.391,60 euros au titre de la quote-part lui revenant sur les honoraires versés par la société E,

    • * 173.128 euros au titre de la quote-part lui revenant sur les honoraires versés par la société F,

    • * 17.821,36 euros au titre de la quote-part lui revenant

  • sur les commissions trimestrielles « quaterly fees » rétrocédées par la banque sur les achats et ventes de titres,

    • * 37.134,30 USD (US dollars) au titre de la quote-part lui revenant sur les commissions de courtage libellées en US dollars,

    • * 68.850,20 USD (US dollars) au titre de la quote-part lui revenant sur les commissions initiales « upfront fees » des fonds de la SAS D,

    • * 94.170,40 USD (US dollars) correspondant à l'intégralité des rétrocessions dues pour les investissements totaux effectués dans les fonds de la SAS D,

    • * 19.815,12 USD (US dollars) correspondant à l'intégralité des rétrocessions du produit structuré G,

  • - condamner la SAM A à lui payer une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

  • - débouter l'intimée de toutes prétentions contraires,

  • - condamner la société intimée aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris tous frais et accessoires, tels que les frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traduction éventuels, dont distraction au profit de Maître f M.

Aux termes de ses conclusions du 25 octobre 2018, l'appelante a complété ses demandes de la manière suivante :

  • - l'accueillir en son exception de communication comme étant recevable et bien fondée, sans égards pour les prétentions contraires de l'intimée,

  • - ordonner également avant dire droit au fond, la communication par la SAM A de nouveaux documents, se trouvant également entre les mains de tiers.

Par arrêt rendu le 22 janvier 2019, la Cour de céans, statuant sur l'exception de communication de pièces, a :

  • - déclaré les appels recevables,

  • - déclaré recevable l'exception de communication de pièces présentée par m-j. P.

  • - rejeté ladite exception,

  • - renvoyé la cause et les parties à l'audience du 29 janvier 2019 pour fixation d'un calendrier sur le fond,

  • - condamné m-j. P. aux dépens de l'incident, distraits au profit de Maître ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Aux termes de conclusions ultérieures, déposées le 10 décembre 2019, m-j. P. demande à la Cour de :

  • - l'accueillir en son exploit d'appel et assignation comme recevable en la forme, au fond l'y déclarant fondée,

  • - débouter la SAM A de l'intégralité de ses demandes,

  • - infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la SAM A à lui payer la somme de 5.385,10 euros et le confirmer de ce chef,

En conséquence, statuant à nouveau,

  • - condamner la SAM A à lui payer les sommes suivantes :

  • 29.009,33 euros au titre du solde de ses indemnités de Président Administrateur Délégué telles que votées en assemblée générale le 10 janvier 2014,

  • 4.416,41 euros en remboursement des frais de déplacement et d'hébergement payés au moyen de ses deniers personnels mais pour le compte et dans l'intérêt exclusif de la SAM A en formation,

  • 192.340,96 euros et 219.970,02 USD au titre de commissions décomposées comme suit :

    • * 1.391,60 euros au titre de la quote-part lui revenant sur les honoraires versés par la société E,

    • * 173.128 euros au titre de la quote-part lui revenant sur les honoraires versés par la société F,

    • * 17.821,36 euros au titre de la quote-part lui revenant sur les commissions trimestrielles « quaterly fees » rétrocédées par la banque sur les achats et ventes de titres,

    • * 37.134,30 USD (US dollars) au titre de la quote-part lui revenant sur les commissions de courtage libellées en US dollars,

    • * 68.850,20 USD (US dollars) au titre de la quote-part lui revenant sur les commissions initiales « upfront fees » des fonds de la SAS D,

    • * 94.170,40 USD (US dollars) correspondant à l'intégralité des rétrocessions dues pour les investissements totaux effectués dans les fonds de la SAS D,

    • * 19.815,12 USD (US dollars) correspondant à l'intégralité des rétrocessions du produit structuré G,

  • - condamner la SAM A à lui payer une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient en substance à titre liminaire que :

  • - les nouvelles pièces dont elle se prévaut démontrent de façon incontestable l'existence du « contrat/ mandat tacite /apparent (selon les articles 1823, 1824 du Code civil ), du « gentlemen agreement » entre parties collaborant depuis des années ou du mandat apparent que les actionnaires avaient conclu entre eux, sur le même modèle que celui pratiqué pendant cinq années à Genève au sein de la SA C »,

  • - le contenu de l'attestation rédigée en sa faveur par Monsieur V. régularisée en la forme, conforte ses demandes,

  • - la procédure de liquidation désormais suivie contre la SAM A démontre le rôle central qu'elle y jouait grâce à l'apport financier de sa clientèle historique et que les craintes émises dans son rapport adressé à l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public J étaient fondées,

  • - elle a pour sa part rebondi malgré sa révocation injustifiée, se trouvant depuis 2015 à la tête de sa propre société de conseil qui ne cesse de prospérer.

Se prévalant de l'existence d'un mandat tacite/apparent, elle fait valoir, au visa des dispositions des articles 1823 et 1824 du Code civil que :

  • - tous ses rôles ont été clairement définis dans le dossier de constitution de la SAM A ainsi que dans son plan de financement et de développement et approuvés par l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public J,

  • - sa rémunération globale était inhérente au projet et aux projections chiffrées soumises à l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public J en vue de l'obtention de l'agrément,

  • - l'ensemble des actionnaires l'avaient bien validée en approuvant le « business plan » et le budget inclus dans le dossier de constitution, défendu en commission de contrôle et finalement approuvé par l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public J,

  • - il est admis de jurisprudence constante que des relations apparentes permettent, à défaut de documents, de reconnaître l'existence de liens juridiques entre les parties,

  • - l'attestation de Monsieur V. prouve sans équivoque les relations d'affaires entretenues avec elle et la rémunération inhérente à ces relations,

  • - la copie du contrat d'engagement et son annexe émanant de s. S. MA. démontrent également le rôle d'apporteur d'affaires rémunéré que tout gérant se voyait octroyer au sein de la SAM A,

  • - s'agissant de sa rémunération, l'intimée ne pouvait valablement pratiquer de compensation et par la même déduire de la rémunération qui lui était due la somme de 23.526 euros pour des frais professionnels prétendument non justifiés, au regard des disposions de l'article 7 de la loi n° 739 sur le salaire,

  • - les dépenses invoquées présentent toutes un caractère strictement professionnel et ont été exposées dans l'intérêt exclusif de la société, ainsi qu'il en est justifié,

  • - le montant de sa rémunération en tant que Président Administrateur Délégué n'a rien d'extravagant et se situe même dans une fourchette basse, en regard de la moyenne ressortant de l'étude réalisée par la société de recrutement K,

  • - s'agissant du montant des commissions lui revenant, l'attestation régularisée de son client et la copie du contrat d'engagement de l'ancienne gérante de la SAM A illustrent les rémunérations octroyées aux gérants et apporteurs d'affaires d'une société financière, composées selon les usages de la profession des honoraires, des frais de gestion annuelle (ou management fees) et des commissions L.

Elle considère également que les éléments de la cause permettent de retenir l'existence d'une gestion d'affaire, constitutive d'un quasi-contrat régi par l'article 1218 du Code civil.

Elle souligne que si le mandat signé entre la SAM A et la société M n'a pas été produit à la Cour, la production de la lettre de résiliation de ce même mandat en sa faveur et l'historique de sa relation d'affaire avec la société M démontrent l'existence du mandat signé et la volonté du client de poursuivre sa relation d'affaire avec elle et non avec la SAM A, sans elle-même en son sein.

Elle fait observer que si ses anciens co-actionnaires prétendent que le client M a été apporté à la société par Monsieur I. et qu'il lui a fait signer le mandat, il n'est pas inutile de relever que ce dernier n'a intégré la SAM A qu'en septembre 2014 alors que ledit client générait des commissions au sein de la SAM depuis avril 2014.

Elle déplore l'embarras de l'intimée qui faute de pouvoir contredire le contenu de l'attestation de Monsieur V. tente de le discréditer à titre personnel.

La SAM A a déposé des conclusions au fond et d'appel incident le 26 mars 2019.

Aux termes de ses dernières écritures intitulées récapitulatives et en réponse déposées le 29 mai 2020, elle demande à la Cour de :

  • - débouter m-j. P. des fins de son appel et le déclarer infondé,

  • - confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il :

    • a mis à sa charge le paiement à m-j. P. de la somme de 5.385,10 euros au titre des frais de déplacement et d'hébergement dont elle aurait fait l'avance pour la constitution de la SAM A,

    • l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

    • a fait masse des dépens,

  • - réformer ledit jugement de ces trois chefs,

  • - constater et au besoin dire et juger qu'elle n'a pas accepté de prendre à sa charge les frais de déplacement et d'hébergement dont m-j. P. aurait fait l'avance pour la constitution de la SAM A,

  • - débouter en conséquence m-j. P. de sa demande en paiement au titre des frais de déplacement et d'hébergement dont elle prétend avoir fait l'avance pour la constitution de la société,

  • - déclarer nulle l'attestation communiquée par la partie adverse sous les numéros 67 et 67 bis ou l'écarter des débats,

  • - condamner m-j. P. au paiement des dommages-intérêts suivants :

    • 30.000 euros pour procédure abusive,

    • 10.000 euros en réparation du préjudice résultant du caractère abusif et dilatoire de son exception de communication de pièces rejetée par arrêt du 22 janvier 2019,

    • 30.000 euros pour appel abusif,

  • - condamner m-j. P. aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Elle objecte en préalable, d'une part que les propos de l'appelante relatifs à la situation actuelle de la SAM A, ses actionnaires, ses employés et Monsieur M. constituent des digressions hors sujet, d'autre part que la critique dirigée contre le jugement dont appel ne repose que sur des affirmations nullement étayées.

Concernant les frais non professionnels déduits de la rémunération d'administrateur délégué de l'appelante, elle prétend que ni les courriers précontentieux (qui ne reposent que sur ses propres affirmations), ni l'absence avérée de rapports de visite, ne sont susceptibles de remettre en cause l'appréciation des premiers juges, s'agissant qui plus est de frais de déplacement et de séjour s'inscrivant dans le cadre de prétendues démarches commerciales, dont la réalité et l'intérêt pour la société ne sont pas établis.

Elle soutient que la rémunération d'administrateur délégué de l'appelante ne constitue pas un salaire de sorte que ne relevant pas de l'article 7 de la loi n° 739, cette dernière ne peut valablement s'opposer à la compensation qu'elle a opérée.

Concernant les commissions réclamées, elle affirme qu'aucun accord, écrit ou verbal, n'a été convenu entre les parties et qu'il n'existe aucun document susceptible d'en justifier.

Elle fait observer que l'appelante reconnaît elle-même n'être en possession d'aucun document probant, démontrant ainsi que ses demandes ne reposent sur aucun fondement sérieux.

Elle estime qu'elle ne peut davantage se prévaloir de « la loi et la confidentialité des affaires » alors qu'elle a été en mesure de produire 63 pièces en première instance, complétées de 7 nouvelles pièces en cause d'appel.

L'argument selon lequel elle n'aurait conservé aucune copie, n'imaginant pas être révoquée, n'est pas plus crédible alors qu'étant juriste de formation, elle évoque dans ses écritures de rapides difficultés rencontrées peu après la constitution de la société, ce qui aurait dû susciter de sa part une prudence élémentaire.

Elle réfute l'existence d'un contrat d'apporteur d'affaires la liant à m-j. P. faisant observer que :

  • le courriel de Monsieur M. du 20 août 2014, dont l'objet concerne les « contrats d'apporteurs d'affaires SA C/SAM A », ne vise pas m-j. P. à titre personnel mais lui est adressé en sa qualité d'Administrateur délégué de la SAM A,

  • associée et mandataire social de la SAM A, m-j. P. n'en a jamais été salariée, de sorte qu'elle n'a jamais bénéficié du système de rémunération prévu dans le contrat de travail type,

  • l'attestation initiale de n. V. produite en pièce adverse n° 32, qui n'est pas entièrement écrite, datée et signée de la main de son auteur encourt la nullité par application des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile,

  • la nouvelle attestation, produite sous les n° 67 et 67 bis, est tout aussi contestable, faute pour n. V. d'en être l'auteur intellectuel.

  • en tout état de cause, elle souligne d'une part que la société M a signé un mandat avec la SAM A, et non avec m-j. P. d'autre part que le paiement de commissions sur honoraires ou rétrocessions de sa part n'est pas du ressort de ce client, enfin que les propres commissions que la société M aurait entendu verser à l'appelante lui sont inopposables et indifférentes,

  • m-j. P. ne pouvait prétendre percevoir une quelconque commission sur les avoirs de la société M, non seulement parce que la SAM A et l'appelante ne sont jamais convenues d'un tel accord, mais également parce que les commissions étaient déjà versées au conseiller salarié qui avait apporté ce client et gérait ses avoirs.

Elle conteste avec force l'existence d'un « mandat tacite/apparent » entre elle et m-j. P. qui fonderait ses demandes en paiement de commissions, alors qu'en l'absence de commencement de preuve par écrit elle ne peut tenter d'en administrer la preuve par voie d'attestation.

À supposé établi un tel commencement de preuve, le mandat aurait nécessairement été accompli à titre gratuit en application de l'article 1825 du Code civil.

La notion jurisprudentielle de mandat apparent n'a vocation qu'à protéger les tiers, lesquels en l'espèce n'ont jamais douté avoir contacté avec la SAM A.

La notion de gestion d'affaires, exclusive de tout mandat, ne peut davantage fonder la demande en paiement de commissions d'apporteur d'affaires de m-j. P. dès lors que la société M a confié à la SAM A un mandat de conseil en investissement et de transmission d'ordres et que m-j. P. n'a pas apporté ni géré ce client.

S'agissant des frais de déplacement et d'hébergement prétendument engagés pour les besoins de la constitution de la société, elle conteste tout engagement de la société à lui rembourser des frais « professionnels » supportés avant sa constitution, lesquels n'ont d'ailleurs pas donné lieu à une reprise des engagements souscrits au nom de la société en formation.

Elle fait observer que la présence et le séjour de m-j. P. à Monaco à cette période n'était pas requis, la société N étant chargé des formalités nécessaires à la création de la société.

Elle avance enfin que la preuve du caractère « professionnel » des dépenses dont s'agit n'est pas rapportée.

Pour soutenir le caractère abusif des procédures engagées par m-j. P. et le préjudice en résultant pour elle, l'intimée fait valoir que les errements judiciaires de cette dernière n'ont fait que retarder inutilement l'issue de cette affaire qu'elle subit depuis le 28 octobre 2015 et l'empêche de procéder à la clôture de sa liquidation amiable.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

  • Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu que m-j. P. demande à la Cour, au terme de ses dernières écritures, de la déclarer recevable en son appel formalisé par exploit délivré le 19 mars 2018 ;

Que toutefois, la Cour a déjà considéré que les appels, régularisés dans les délais et formes prescrits par la loi étaient réguliers et recevables aux termes de son précédent arrêt statuant sur l'exception de communication de pièces, rendu le 22 janvier 2019 ;

Que cette demande se trouve donc sans objet ;

  • Sur la validité de l'attestation communiquée par m-j. P. sous les n° 67 et 67 bis :

Attendu que la SAM A poursuit la nullité de la nouvelle attestation de n. V. soutenant qu'il n'est pas acquis avec certitude qu'il en serait l'auteur matériel et intellectuel ;

Attendu que m-j. P. entend démontrer que cette pièce a bien été rédigée de la main de n. V. par des photographies, communiquées en pièce n° 68, censées le montrer en train de rédiger ledit document à Madrid, avec le stylo de couleur verte qu'elle possède ;

Que pour autant, les affirmations de l'appelante quant aux circonstances de rédaction de l'attestation litigieuse sont sans emport sur sa validité intrinsèque et ne sauraient en tout état de cause être valablement corroborées par la photocopie de prises de vue, non datées et dont les conditions réelles d'obtention ne peuvent être vérifiées ;

Que pour le surplus, les premiers juges ont écarté des débats l'attestation initiale délivrée par n. V. au constat que ce témoignage n'a pas été écrit de la main de son auteur, ce que reconnaissait d'ailleurs m-j. P. dans ses écritures du 9 novembre 2016 ;

Qu'il n'est pas démontré que la nouvelle attestation produite par m-j. P. pour régulariser la précédente déposition, n'aurait pas été écrite, datée et signée par n. V. qui se dit par ailleurs informé de sa production en justice et des sanctions pénales encourues le cas échéant ;

Que certes le corps du texte est rédigé en anglais tandis que l'identité et les mentions finales sont rédigées en français ;

Que néanmoins, l'attestant fournit à cet égard toutes explications utiles à titre préliminaire, en précisant avoir recopié « en français le modèle transmis par les avocats de Mme M. J P. et au bas de l'attestation, le texte en français présent dans le modèle d'attestation » ;

Que le texte ainsi recopié s'entend à l'évidence des mentions habituelles figurant sur le modèle des attestations et non sur le corps de celle-ci, comme suspecté à tort par l'intimée ;

Que l'attestation produite en pièce 67 et 67 bis se trouve donc établie dans le respect des dispositions formelles édictées par l'article 342 du Code de procédure civile ;

Qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de l'écarter des débats ;

Que pour le surplus, les suspicions concernant l'authenticité intellectuelle de son contenu relèvent de sa force probante, à l'examen de laquelle la Cour se livrera au fond ;

  • Sur le paiement de la rémunération de m-j. P. en sa qualité de Président Administrateur délégué et le remboursement des frais professionnels :

Attendu qu'aux termes de l'article 1162 du Code civil, « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » ;

Attendu qu'au cas présent, suivant délibération du Conseil d'administration en date du 10 janvier 2014, les actionnaires de la SAM A nouvellement constituée ont désigné m-j. P. en qualité d'administrateur délégué ;

Que l'assemblée générale des actionnaires réunie le 5 mars 2014, a approuvé :

  • - d'une part, l'établissement et l'approbation des principaux contrats salariés et la fixation des salaires annuels y afférent,

  • - d'autre part, l'établissement de la rémunération de m-j. P. en tant que Président Administrateur délégué à 120.000 euros ;

Que m-j. P. s'est trouvée révoquée de ses fonctions d'administrateur suivant délibération de « l'assemblée générale ordinaire réunie extraordinairement le 10 novembre 2014 » ;

Qu'il est constant que le 2 mars 2015 la SAM A a émis un chèque à son bénéfice pour un montant de 44.324,30 euros, correspondant à sa rémunération due pour la période du 17 janvier au 10 novembre 2014, déduction faite de sommes déjà versées à hauteur de 30.000 euros, et d'une somme de 23.526 euros, correspondant à des dépenses effectuées sous la signature, contestée, de la SAM A ;

Que m-j. P. réclame le paiement à son profit de la somme de 9.801,51 euros en remboursement de frais de déplacement et d'hébergement professionnels, qu'elle prétend avoir exposés sur ses deniers personnels pour les besoins de la mise en place de la société ;

Qu'il est acquis aux débats que ni l'assemblée générale constitutive des actionnaires réunie le 10 janvier 2014, ni celle du 5 mars 2014 n'ont arrêté de dispositions spécifiques relatives au remboursement de ces frais ;

Que pour autant, la demande de précisions adressée par la SAM A à m-j. P. suivant courrier du 16 décembre 2014, relativement à des « dépenses effectuées sous sa signature sans justificatif ou sans rapport direct avec l'activité de la société », pour un montant de 9.728 euros identifié par le commissaire aux comptes, qui seraient considérées comme constituant des dépenses personnelles dont elle serait redevable à la société en l'absence de réponse de sa part, démontre a contrario leur prise en compte éventuelle par la société, sous réserve de la production de justificatifs ;

Que ce courrier est accompagné de deux annexes listant précisément, pour la première, les dépenses effectuées au moyen de la carte bancaire professionnelle mise à la disposition de m-j. P. et pour la seconde, les dépenses engagées sur les fonds personnels de celle-ci dont elle a obtenu le remboursement de la part de la société ;

Que l'examen des pièces figurant sous l'annexe I révèle que les dépenses contestées ont été engagées entre le 9 juin 2014 et le 29 septembre 2014, soit en tout état de cause après la constitution de la société actée par l'Assemblée générale constitutive du 10 janvier 2014, de sorte que l'appelante ne peut valablement soutenir que ces dépenses ont été rendues nécessaires pour les besoins de la création de la société ou seraient liées à la constitution, leur conférant de facto un caractère professionnel ;

Que l'annexe II contient diverses factures, dont certaines non datées (frais de taxi) ou antérieures à la constitution de la société ;

Que toutefois, comme relevé de manière pertinente par la SAM A, sur confirmation de son comptable la société N, la prise en charge de tels frais engagés préalablement à la constitution définitive en Principauté d'une société par l'un de ses membres fondateurs, fait habituellement l'objet d'un Conseil d'administration ou d'une Assemblée générale afin qu'ils soient reconnus, comptabilisés et remboursés au fondateur qui les a généralement avancés ;

Que la société N précise que dans pareil cas, ce Conseil ou l'Assemblée générale décharge en général le fondateur de ses actions menées pendant la phase de constitution de la société, tandis que lesdites sommes peuvent être soit remboursées directement par la société, soit portées directement au crédit du compte courant du Fondateur ;

Qu'au cas présent, force est de constater qu'aux termes de la 6ème résolution du procès-verbal de l'assemblée générale constitutive du 10 janvier 2014, les actionnaires de la SAM A ont reconnu que « tous actes préparatoires en vue de la constitution de la société ont été exactement accomplis » et donné « à la fondatrice une décharge spéciale en ce qui la concerne » ;

Que l'absence de toute mention relative au sort des frais qui auraient été alors supportés par m-j. P. tend à confirmer que l'appelante n'avait aucune dépense à faire valoir à ce stade des relations sociales ;

Que pour le surplus, force est de constater que m-j. P. ne justifie, pas plus qu'en première instance, du caractère professionnel des frais dont elle se prévaut ;

Que ses explications fournies dans la lettre du 10 mars 2015, en réponse au courrier du 16 décembre 2014 qui lui a été adressé, relatant de manière sommaire le contexte des dépenses exposées, ne saurait suffire à lui seul à justifier de leur utilité pour la société et par la même de leur nature professionnelle ;

Que m-j. P. est également malvenue à se prévaloir des courriers précontentieux dont elle est l'auteur pour assoir le caractère professionnel des frais en cause ;

Que ce faisant, l'appelante, défaillante dans l'administration de la preuve, ne peut prétendre au moindre remboursement sous couvert de frais professionnels, de sorte que la décision entreprise mérite infirmation de ce chef ;

Que pour le surplus, la SAM A a pu à bon droit opérer compensation des sommes dont l'appelante avait bénéficié par l'usage de la carte professionnelle de la société mise à sa disposition et par le biais de remboursements opérés en sa faveur, avec le montant de la rémunération lui revenant en sa qualité de Président Administrateur délégué pour sa période d'exercice, laquelle ne constitue pas un salaire au sens des dispositions de l'article 7 de la loi n° 739, en l'absence de tout lien de subordination découlant de ses fonctions au sein de la société intimée ;

Que la décision sera donc confirmée sur ce point ;

  • Sur le paiement de commissions en qualité d'apporteur d'affaires :

Attendu que si m-j. P. réclame le versement de commissions correspondant à 75 % des honoraires réglés par les clients qu'elle prétend avoir apportés à la société, les premiers juges ont relevé à juste titre qu'aucun contrat écrit ni aucune délibération de l'assemblée générale des actionnaires n'est venu consacrer le principe d'une quelconque rémunération complémentaire sous la forme de commissions, d'honoraires ou de rétrocessions à son bénéfice ;

Qu'en effet, seule sa rémunération annuelle, en qualité de président administrateur délégué, a été fixée à hauteur de 120.000 euros par l'assemblée générale du 5 mars 2014 ;

Qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir que sa rémunération globale, telle qu'elle l'entend, a été validée par l'ensemble des actionnaires en approuvant le « business plan » et le budget inclus dans le dossier de constitution de la société, approuvé par l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public J, lesquels n'ont pas été communiqués ;

Que l'appelante ne peut utilement se prévaloir du « contrat de consultant et de gérant de fortune indépendant », précédemment établi entre la SA C et elle-même, au demeurant non daté ni signé, alors que les fonctions exercées ne sont pas comparables avec celles occupées au sein de la SAM A ;

Qu'il ne peut davantage être tiré d'enseignement du « Guide » interne à la SA C définissant les pourcentages de rétrocessions à la SA C au titre des 4 fonds de la SAS D, s'agissant d'une société distincte ;

Que l'offre d'engagement de s. MA. en qualité de conseillère senior, datée du 10 avril 2014, à l'entête de la SAM A n'éclaire pas plus la Cour quant aux réclamations de l'appelante ;

Qu'en effet, si la rémunération prévue dans ce contrat est composée d'une partie fixe et d'une partie variable, ne pouvant excéder 65% du produit net encaissé (PNE) sur la clientèle conseillée et se trouvant comprise entre 50 % et 65 % de ce PNE en fonction du montant des actifs de la clientèle, ce calcul ne peut être transposé en faveur de m-j. P. dont le statut d'associé et les fonctions de mandataire social dans la société sont sans rapport ;

Que l'extrait du site internet « T » relative à la directive S comme l'étude portant sur les rémunérations à Monaco en 2018 sont également dénués de toute pertinence pour établir les prétentions de l'appelante, s'agissant de documents de portée générale dont il ne peut être tiré aucun enseignement crédible quant aux conditions de rémunérations de l'appelante ;

Que par ailleurs, le courriel de r. M. daté du 20 août 2014 dont celle-ci se prévaut, est rédigé en ces termes :

« Préalablement aux premières facturations qui interviendront à la fin de ce trimestre, il devient nécessaire de formaliser les accords entre la SA C et la SAM A.

Pour ma part je pense qu'il est préférable de signer des conventions croisées d'apport d'affaire plutôt que des contrats de conseil, dans la mesure ou les rétrocessions à des apporteurs d'affaires sont permises et très habituelles, à la fois à Monaco et en Suisse.

Cela t'avait, je crois, été confirmé lorsqu'il s'est agi de proposer un contrat d'apporteur à j. et f.

Nous pouvons travailler ensemble sur la rédaction du « corps juridique » de ces conventions...

Je te laisse me revenir sur ce sujet afin que nous puissions formaliser ces conventions avant la fin du trimestre . » ;

Que l'objet visé dans son entête concerne les « contrats d'apporteur d'affaire SA C/SAM A » ;

Qu'il s'évince clairement de ce document que m-j. P. en a été destinataire en sa qualité de Président Administrateur délégué de la SAM A, et non à titre personnel et que les accords et conventions qui y sont visés concernent exclusivement MAG et la SAM A, comme le confirment d'ailleurs la convention d'apporteur d'affaire et le contrat d'agent externe signés entre ces deux sociétés le 10 novembre 2014 ;

Que pour le surplus, m-j. P. revendique l'apport à la société de son client la société M, générant des commissions et honoraires à son entier bénéfice selon les simples règles rémunératoires d'usage ;

Qu'à cet égard, l'attestation délivrée par n. V. administrateur et bénéficiaire économique de la société M confirme que celui-ci a signé début 2014 un « mandat conseil » en faveur de la SAM A, « dans le but de suivre m-j. P... et de lui confier la gestion du portefeuille de la société M » ;

Que certes les pièces adverses n° 53 à 54 bis révèlent que la société M a révoqué le 14 mars 2014 un précèdent mandat de gestion confié à la société R pour la gestion de ses avoirs auprès de la société Q ;

Que les pièces suivantes 55 et 55 bis démontrent que cette même société a annulé le mandat de conseil confié à la SAM A suivant courrier du 30 mars 2015 ;

Que toutefois, ces pièces ne permettent pas d'établir le bien fondé des réclamations financières de l'appelante dès lors que le mandat de gestion confié à la SAM A, dont il s'avère qu'il a été signé le 28 mars 2014, a été établi en faveur de cette société et aucunement au profit direct et personnel de m-j. P.;

Que si l'attestant précise « avoir signé des mandats à Genève et à Monaco aux mêmes conditions, à savoir une commission globale de 1% par an débitée sur ses portefeuilles », ce dernier ne peut par contre s'avancer sur les conditions de répartition de cette commission au sein des sociétés mandataires ;

Que le choix ultérieur de la société M d'autoriser le débit sur son compte ouvert dans les livres de la société Q, d'une commission de conseil de 1% p. a sur ses avoirs à payer trimestriellement à m-j. P. comme cela ressort du courrier adressé à cette banque le 30 mars 2015, soit après sa révocation de la SAM A le 10 novembre 2014, est strictement sans incidence sur les prétentions actuelles de l'appelante dont elle ne justifie d'aucune manière ;

Qu'enfin, les propos de n. V. découlant des attestations successives délivrées sous sa signature produites par l'appelante, dans des conditions dont l'intimée a pu à juste titre souligner le caractère douteux et critiquable, se révèlent contraires en fait avec l'attestation qu'il avait délivrée le 25 mai 2016 en faveur de l'intimée, démontrant clairement que la société M a été apportée à la SAM A en avril 2014 par l'entremise de p. I. lequel était son conseiller financier depuis 2007, avant de rejoindre la SAM A ;

Que le document interne à la SAM A, intitulé « Annexe VI rapport d'identification de la clientèle », établi le 8 août 2014 (pièce n° 15 de l'intimée) confirme de plus fort que la société M a été introduite auprès de la SAM A par p. I. dont il était le « relationship manager » de 2007 à 2014 ;

Que m-j. P. ne pouvait ignorer cet état de fait, au regard de l'offre d'engagement par la SAM A en qualité de « conseiller senior salarié, en charge du suivi et du développement d'une clientèle privée à compter de juillet 2014 », qu'elle a adressée à ce dernier le 25 avril 2014, sous sa signature ;

Que ce contrat de travail prévoyait d'ailleurs les commissions auxquelles p. I. pouvait prétendre du chef de ce client, évoluant entre 50 et 65 % du produit net encaissé, montant peu compatible avec une rétrocession supplémentaire de commissions au profit de l'appelante à hauteur de 75 % ;

Que si le mandat de conseil entre ce nouveau client (la société M) et la SAM A a été signé dès le 28 mars 2014, sous la signature de m-j. P. es-qualité de Président Administrateur délégué de la société qu'elle représentait, il n'en demeure pas moins qu'après avoir apporté ce client à la SAM A, p. I. a assuré la gestion de ses avoirs dès qu'il a pu rejoindre la SAM A après avoir été libéré de ses obligations envers son précédent employeur, la société P, tel que cela ressort sans équivoque des pièces 12, 14, 16, 17, 28, 29 et 30 produites par l'intimée ;

Que l'attestation rédigée le 20 décembre 2016 par p. I. confirme de plus fort la réalité de ces relations, étant encore relevé que la révocation du mandat de conseil confié à la SAM A par la société M le 30 mars 2015 a été suivi du licenciement de son gérant de fortune au mois de mai suivant, soit plus de quatre mois après la révocation de l'appelante de ses fonctions au sein de la SAM A accréditant à nouveau la thèse des relations privilégiées entretenues entre la société M et p. I. dont a bénéficié la SAM A ;

Que pour le surplus, aux termes de son email du 14 août 2014 (pièce n° 22 de l'intimée), m-j. P. s'exprime dans les termes suivants : « j'ai ouvert une relation de la SAM A d'un client du Mozambique avec la société ZZ et vais en ouvrir une autre sous peu avec la société TT. Donc je commence également à développer pour la SAM A » ;

Que la Cour observe d'une part qu'elle ne fait pas état à cette occasion de la société M, d'autre part, qu'elle ne produit aux débats aucun justificatif relatif à ces nouveaux clients ;

Qu'enfin, la photocopie (pièce n° 19 de l'intimée) des documents intitulés « Relevé de compte à la demande établi le 7 juillet 2015 », émanant de la SA U, société que m-j. P. rattache à sa clientèle, qui révèle des virements en faveur de la SAM A les 30 octobre 2014, 29 décembre 2014, 20 mars 2015 et 12 mai 2015, dont les deux premiers sont identifiés comme étant des honoraires de gestion, ne permet pas davantage d'assoir ses prétentions, alors que :

  • - aucun élément ne permet de rattacher la gestion des avoirs de cette société à l'appelante personnellement,

  • - seul le premier virement identifié a été réalisé au temps de la présence de m-j. P. au sein de la SAM A, les trois suivants étant intervenus postérieurement à sa révocation de ses fonctions, survenue le 10 novembre 2014 ;

Qu'en l'état de l'ensemble de ces éléments, m-j. P. ne démontre pas sa qualité d'apporteur d'affaires, notamment de la société M, au profit de la SAM A, de nature à générer à son profit le versement de commissions au pourcentage de 75 %, d'honoraires ou de rétrocessions ;

Qu'enfin, nonobstant la défaillance de l'appelante à justifier des diligences dont elle se prévaut, ses demandes fondées sur la théorie du mandat tacite ou apparent et sur la gestion d'affaire, ne peuvent prospérer ;

Qu'en effet, outre l'absence de tout commencement de preuve par écrit d'un tel mandat, la Cour entend rappeler que la notion jurisprudentielle du mandat apparent tend à protéger le tiers, en lui permettant d'opposer ses droits et obligations au mandant, engagé par les actes du mandataire, dont il a pu croire, en l'état des apparences, qu'il était dûment habilité à représenter le mandant, ce qui à l'évidence ne correspond pas au cas d'espèce ;

Que de la même manière, l'appelante ne peut valablement fonder ses prétentions sur la notion de gestion d'affaires, telle que découlant des dispositions des articles 1218 et 1219 du Code civil, au motif qu'il existerait un « quasi-contrat » entre elle-même et sa cliente, la société M, susceptible d'être opposée à la SAM A au regard des développements précédents concernant la relation d'affaires de la société M avec p. I. sous l'égide de la SAM A qu'elle représentait ;

Attendu que dès lors, la Cour, qui n'est pas tenue de suivre davantage l'appelante dans le détail de son argumentaire, constate d'une part, l'absence de démonstration par m-j. P. de sa qualité d'apporteur d'affaires, d'autre part, l'absence de contrat écrit, de délibération d'assemblée générale des actionnaires ou de tout document révélant un accord entre les parties, de nature à justifier le principe d'une rémunération complémentaire, sous forme de commissions au taux de 75 %, d'honoraires ou de rétrocessions, venant s'ajouter à sa rémunération annuelle en qualité de Président Administrateur délégué non salarié fixée par procès-verbal d'assemblée générale du 5 mars 2014 à hauteur de 120.000 euros ;

Que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;

  • Sur les demandes de dommages-intérêts :

Attendu que les dommages-intérêts prévus par l'article 234 du Code de procédure civile, susceptibles d'être demandés et alloués indépendamment des dépens, conformément aux dispositions de l'article 1229 du Code civil, supposent la double démonstration d'une faute et d'un préjudice ;

Que l'exercice des voies de droit est un droit fondamental ;

Que si ce droit n'est pas absolu, il ne peut être sanctionné qu'en cas d'abus, lequel est caractérisé lorsque la procédure ne repose sur aucun élément précis et qu'elle est particulièrement infondée, téméraire ou malveillante ;

Attendu qu'en l'espèce, l'appelante, qui succombe en ses prétentions, ne peut prétendre à l'allocation de dommages-intérêts pour résistance abusive de son adversaire, de sorte que sa demande est en voie de rejet ;

Que la SAM A réclame quant à elle le versement de dommages-intérêts, tout à la fois pour procédure abusive, caractère abusif et dilatoire de l'exception de communication de pièces rejetée par arrêt du 22 janvier 2019 et appel abusif ;

Que l'intimée soutient que les errements judiciaires de m-j. P. lui ont causé un préjudice, en l'empêchant de procéder à la clôture de sa liquidation amiable dans l'attente de l'issue finale de l'instance, générant des frais auxquels s'ajoutent les frais et honoraires d'avocat exposés pour faire valoir ses droits en justice ;

Qu'il ne peut pour autant être considéré comme fautif le fait pour m-j. P. d'avoir refusé l'offre transactionnelle qui lui était présentée, ni d'avoir cherché à obtenir la communication de pièces qu'elle estimait nécessaires au soutien de son action, pas plus que d'avoir changé de conseil en cours de procédure ;

Que si m-j. P. s'est obstinée à défendre ses prétentions, il n'est pour autant pas démontré qu'elle ait agi abusivement ou dans l'intention de nuire à son adversaire ;

Que les demandes formulées par la SAM A ne peuvent de ce fait prospérer ;

  • Sur les dépens :

Attendu que succombant en ses prétentions, m-j. P. sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare sans objet la demande de m-j. P. aux fins d'être déclarée recevable en son appel,

Déboute la SAM A de sa demande de rejet des pièces adverses numérotées 67 et 67 bis,

Confirme le jugement rendu le 21 décembre 2017 par le Tribunal de première instance, sauf en ce qu'il a :

  • - condamné la SAM A à payer à m-j. P. la somme de 5.385,10 euros au titre des frais de déplacement et d'hébergement avancés pour la constitution de la SAM A,

  • - ordonné la compensation totale des dépens,

L'infirme de ces chefs et statuant à nouveau,

Déboute m-j. P. de sa demande de remboursement des frais de déplacement et d'hébergement avancés pour la constitution de la SAM A et des frais professionnels invoqués,

Le complétant,

Déboute m-j. P. de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Déboute la SAM A de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et appel abusif et dilatoire,

Condamne m-j. P. aux dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2020, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur général, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.

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