Cour d'appel, 29 septembre 2020, Monsieur j. H. c/ La SAM A

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Abstract🔗

Contrat de travail – Licenciement pour faute grave – Motif valable (oui) – Caractère abusif (non)

Résumé🔗

La faute grave est caractérisée par tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de celui-ci dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. En l'espèce, j.H. soutient qu'il n'a pas eu l'intention de commettre un vol au préjudice de l'entreprise et reproche aux premiers juges de ne pas avoir mis en corrélation la faute qui lui est reprochée avec le caractère minime du préjudice invoqué ne portant selon lui que sur la somme de 16,50 euros correspondant au prix public et 8 euros correspondant au prix de revient de la consommation. Il est établi que Monsieur j.H. a fait bénéficier sa mère de consommations réglées à hauteur de 50 % et son fils d'un hamburger mis sur la table 100 % offert par l'employeur. Mais la gravité de la faute sous-tendant ce licenciement n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en résulte. Monsieur j.H. qui disposait d'une ancienneté de 17 ans, ne pouvait ignorer la pratique consistant à octroyer aux salariés de la SAM A le bénéfice d'une réduction de 50 % sur les consommations et repas pris sur place, une telle réduction n'étant aucunement applicable à leurs proches. En faisant bénéficier sa mère et son fils, non seulement de la réduction de 50 % mais également de la table 100 % offerte par l'employeur, Monsieur j.H. a commis une faute justifiant la rupture du contrat de travail dès lors qu'il a profité de ses fonctions ou de ses prérogatives pour s'octroyer un avantage financier à l'insu de son employeur. Il est par ailleurs établi qu'aucune affluence particulière ne s'est produite dans l'établissement le jour des faits, le planning produit aux débats récapitulant le nombre de tables que ce salarié a servi le 24 mai 2017 soit en moyenne une dizaine au maximum, alors même que Monsieur j.H. avait été en repos 3 jours les 20, 21 et 22 mai 2017 et n'avait travaillé que 3 h 35 la veille, c'est-à-dire le 23 mai 2017. La preuve d'aucun stress ou fatigue particulière n'apparaît dès lors rapportée qui aurait pu être à l'origine d'une distraction de ce salarié lors de la commission des faits. Les premiers juges ont en définitive à bon droit estimé que le licenciement de Monsieur j.H. apparaissait fondé sur un motif valable et une faute grave et l'ont justement débouté de ses demandes financières, la décision déférée devant être confirmée de ce chef.

Si l'appelant soutient qu'il a été en réalité licencié en raison de ses absences répétées pour cause de maladie professionnelle, force est de constater qu'il ne produit pas davantage en cause d'appel des éléments de nature à étayer un quelconque lien entre ses absences et la rupture de la relation de travail. Les premiers juges ont dès lors à bon droit estimé que le licenciement n'est pas fondé sur un motif fallacieux et ne présente donc pas, dans son principe, un caractère fautif pouvant ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier. S'agissant par ailleurs des conditions de mise en œuvre de la rupture, que l'appelant reproche à son employeur d'avoir fait preuve de précipitation et de légèreté blâmable à l'occasion de son licenciement. Il résulte néanmoins des pièces produites qu'alors qu'aucune obligation légale ne le prescrit, la SAM A a convoqué Monsieur j.H. à un entretien préalable par courrier remis en main propre du 30 mai 2017, pour le lendemain à 10 heures, lui notifiant par la même une mesure de mise à pied à titre conservatoire avec effet immédiat. En considération de la gravité de la faute, précédemment mise en exergue, aucune précipitation n'apparaît résulter des modalités de la mise en œuvre de ce licenciement intervenu par courrier du 2 juin 2017. S'agissant par ailleurs de la demande formée par Monsieur j.H. tendant à l'octroi de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, pour n'avoir pas été informé par son employeur de la possibilité de se faire assister d'une personne de son choix lors de l'entretien préalable, les premiers juges ont à bon droit rappelé qu'aucune procédure particulière ne contraint à cet égard l'employeur, l'entretien préalable n'étant au demeurant pas même obligatoire en droit monégasque. Aucune faute ne saurait en conséquence être reprochée à la SAM A dans la mise en œuvre de la rupture et la décision déférée sera dès lors confirmée en toutes ses dispositions, l'appelant étant débouté des fins de son appel.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2020

En la cause de :

  • - Monsieur j. H., né le 18 février 1978 à Clermont-Ferrand, de nationalité française, développeur de site internet, demeurant et domicilié à Roquebrune-Cap-Martin (06190), « X1», X1;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n°XX, par décision du Bureau du 17 septembre 2019

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Clyde BILLAUD, avocat en cette même Cour ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

  • - La Société Anonyme Monégasque A, dont le siège social est sis X2 à Monaco, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le n°YY, prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du travail, le 11 juillet 2019 ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 28 octobre 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000040) ;

Vu les conclusions déposées les 14 janvier 2020 et 29 juin 2020 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de la SAM A ;

Vu les conclusions déposées le 4 mars 2020 par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j. H.;

À l'audience du 14 juillet 2020, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur j. H. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail du 11 juillet 2019.

Considérant les faits suivants :

Monsieur j. H. embauché par la société anonyme monégasque A, par contrat à durée indéterminée à compter du 10 octobre 2000, en qualité de Responsable de salle, s'est vu remettre une lettre en main propre le 30 mai 2017 aux termes de laquelle il a été convoqué à un entretien en vue d'un licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire à effet du ler juin 2017 à 10 heures.

Aux termes d'un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 2 juin 2017, Monsieur j. H. a été licencié pour faute grave, son employeur lui reprochant un vol à son préjudice.

Par requête en date du 4 décembre 2017, reçue au greffe le 6 décembre 2017, Monsieur j. H. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • indemnité de préavis (2 mois) : 3.908,76 euros,

  • indemnité de licenciement : 6.248,97 euros,

  • rappel sur salaire : 470,97 euros,

  • non-respect de la procédure de licenciement : 5.000 euros,

  • indemnité pour licenciement abusif :

  • réparation préjudice matériel : 68.750 euros,

  • préjudice moral : 20.000 euros,

  • régularisation bulletin de salaires et documents administratifs, attestation PE, sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

  • intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement à intervenir : mémoire,

  • exécution provisoire,

  • entiers frais et dépens : mémoire.

Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement et le Tribunal du travail a, par jugement en date du 11 juillet 2019 :

  • - dit que le licenciement de Monsieur j. H. par la société anonyme monégasque A est fondé sur un motif valable et n'est pas abusif,

  • - débouté Monsieur j. H. de toutes ses demandes,

  • - débouté la société anonyme monégasque A de sa demande reconventionnelle,

  • - condamné Monsieur j. H. aux dépens du présent jugement.

Au soutien de cette décision, les premiers juges ont en substance observé que le fait pour le salarié d'avoir profité de ses fonctions pour faire bénéficier sa mère et son fils d'avantages offerts par l'employeur caractérisait une faute d'autant plus grave qu'il avait déjà fait l'objet d'une observation pour le même motif. Ils ont par ailleurs considéré qu'aucun motif fallacieux n'avait été avancé par l'employeur et qu'aucune faute n'avait été commise dans la mise en œuvre du licenciement qui ne présentait donc pas un caractère abusif.

Suivant exploit en date du 28 octobre 2019, Monsieur j. H. a interjeté appel du jugement susvisé, signifié le 27 septembre 2019 dont il a sollicité la réformation, demandant à la Cour de :

  • - dire et juger que le licenciement par la SAM A ne repose pas sur un motif valable et revêt un caractère abusif,

Par conséquent,

  • - condamner la SAM A au paiement à son profit des sommes suivantes :

    • indemnité compensatrice de préavis : 3.908,76 euros,

    • indemnité de licenciement : 6.248,97 euros,

    • rappel de salaires : 470,97 euros,

    • non-respect de la procédure de

    • licenciement : 5.000 euros,

    • lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter de la saisine des premiers juges,

  • - condamner la SAM A au paiement à son profit des sommes suivantes pour licenciement abusif :

    • réparation du préjudice matériel : 68.750 euros,

    • préjudice moral : 20.000 euros,

  • - ordonner la régularisation des bulletins de salaire et documents administratifs, attestation PE sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à venir,

  • - ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

  • - condamner la SAM A aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de l'ensemble de ses écritures, j. H. soutient pour l'essentiel que :

  • - il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs de rupture et de la faute grave,

  • - les premiers juges ont erronément estimé que le fait pour lui d'avoir profité de ses fonctions et de ses prérogatives pour vouloir s'octroyer des avantages, notamment financiers, à l'insu de son employeur constituait une raison valable et grave de rupture du contrat de travail,

  • - il lui est en réalité reproché, alors que sa mère et son fils consommaient à table le 24 mai 2017, d'avoir commis un vol pour avoir passé en comptabilité le hamburger consommé par son fils en 100 % offert,

  • - l'employeur pratique de façon usuelle une remise de 50 % pour les membres du personnel sur les consommations et repas pris sur place - famille consommant dans l'établissement,

  • - les premiers juges auraient dû comparer la gravité de la faute reprochée et le caractère très limité du préjudice invoqué par l'employeur soit une perte potentielle de 16,50 euros sur le prix public et de 8 euros sur le prix de revient des articles consommés,

  • - la qualification de vol se définit habituellement comme la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui et son intention qui n'était pas de voler n'a pas été prise en compte, ni le caractère isolé de cet incident,

  • - il a procédé à l'ensemble des manipulations requises par l'entreprise pour mettre le plat de son fils sur la table offerte et il a payé l'addition lui-même,

  • - les faits se sont produits le 24 mai 2017, soit la veille du week-end de Grand-Prix, alors même qu'en raison d'une insuffisance d'effectifs, il devait gérer seul vingt tables au lieu de dix en temps normal, devant même assurer le service du soir,

  • - au cours du mois de mai 2017 les amplitudes horaires prévues par le contrat de travail ont été largement dépassées notamment à l'occasion du Grand prix électrique qui avait eu lieu au début du mois de mai,

  • - les premiers juges n'ont pas pris en considération l'aspect isolé de cet incident, ni le contexte de sa survenance, alors même qu'aucun reproche ne lui avait été fait durant ses 17 ans de service pour le même employeur et qu'aucun antécédent n'avait été constaté,

  • - la lettre de référence établie par son employeur le 18 décembre 2015 démontre la réalité de ses qualités professionnelles en mentionnant notamment qu'il est un employé efficace, autonome et très apprécié de la clientèle, ce dont les premiers juges n'ont tiré aucune conséquence,

  • - il conteste avoir reçu le document intitulé « warning note » produit sous la pièce 7 par l'employeur et analysé par ce dernier comme un avertissement, alors même que la preuve de sa notification en main propre n'est pas rapportée,

  • - son ancien employeur est au demeurant toujours client de la société qu'il a constituée sous l'enseigne G dans le domaine de la création et le développement de sites Internet ce qui révèle qu'aucune perte de confiance n'est intervenue,

  • - son licenciement ne repose dès lors ni sur une faute grave ni sur un motif valable mais il présente un caractère abusif dès lors qu'il repose sur un motif fallacieux lié à ses absences pour cause de maladie professionnelle au cours des années des mois précédents la rupture du contrat de travail,

  • - l'employeur s'est en effet empressé de le licencier pour faute grave pour ne pas avoir à assurer le versement d'indemnités légales non négligeables au regard de son ancienneté,

  • - la mise en œuvre de la rupture est également fautive en ce qu'il a été mis à pied pour vol ce qui a exclu son maintien dans l'entreprise après 10 années d'ancienneté, une telle façon de procéder s'avérant brusque et disproportionnée en l'état de ses compétences professionnelles reconnues par son employeur.

La SAM A, intimée, entend pour sa part voir confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

  • - dit que le licenciement de Monsieur j. H. est fondé sur un motif valable et n'est pas abusif,

  • - débouté Monsieur j. H. de l'ensemble de ses demandes,

condamné Monsieur j. H. aux dépens,

  • - et, relevant appel incident, entend voir infirmer cette décision en ce que la SAM A a été déboutée des fins de sa demande reconventionnelle,

et, statuant à nouveau,

  • - condamner Monsieur j. H. au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Y ajoutant,

  • - condamner Monsieur j. H. au paiement de la somme de 4.300 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes et aux termes de l'ensemble de ses écritures, la SAM A expose pour l'essentiel que :

  • - Monsieur H. n'avait pas le droit de faire bénéficier les membres de sa famille d'une réduction de 50 % sur leurs consommations,

  • - la remise de 50 % sur les consommations invoquée par Monsieur j. H. ne s'applique en effet à titre personnel qu'aux employés de l'établissement et non aux membres de leur famille ou à leurs connaissances, en sorte que Monsieur j. H. ne pouvait pas en faire profiter ses proches,

  • - cet employé qui était parfaitement au courant de cette règle a néanmoins sans autorisation et de façon délibérée comptabilisé le plat consommé par son fils sur une table 100 % offerte appartenant au propriétaire de l'établissement,

  • - Monsieur j. H. détenait en sa qualité de responsable de salle une carte magnétique lui permettant de faire des modifications et des corrections pendant le service et il a ainsi retiré de façon réfléchie le hamburger consommé par son fils de l'addition puis transféré le plat sur la table 100 % offerte,

  • - si les faits se sont déroulés le 24 mai 2017, la veille du week-end de Grand-Prix, l'affluence était cependant normale et ce salarié revenait de 3 jours de repos, jusqu'au 22 mai, ayant travaillé que 3 h 35 le 23 mai et ayant débuté son service à 11 heures le 24 mai,

  • - l'établissement n'était confronté à aucun problème de sous-effectif, un seul serveur gérant la section 0 au rez-de-chaussée les lundi 22 mai, mardi 23 mai et mercredi 24 mai,

  • - durant son service, Monsieur j. H. a encaissé vingt-huit factures sur plus de 6 heures de service, gérant ainsi au maximum, une dizaine de tables,

  • - les faits reprochés se sont déroulés à un moment où le salarié ne subissait aucun stress particulier, ayant même eu le temps d'exercer une activité parallèle en services informatiques, ce qui révèle l'absence totale de surmenage,

  • - Madame PO. co-dirigeante de l'établissement avait décidé d'offrir le café à la mère de Monsieur j. H. or ce dernier a commandé un café gourmand,

  • - le bon de commande mentionne un cheeseburger à 16,50 euros, une salade H à 16 euros et un café gourmand à 5 euros, le détail de la facture faisant apparaître un solde de 16 euros réglé en espèces ce qui confirme que ni le cheeseburger ni le café gourmand n'ont été réglés,

  • - en 2007, Monsieur j. H. a reçu un avertissement pour avoir commandé sa boisson avec sa carte responsable alors qu'il devait utiliser la carte d'un manager,

  • - si l'appelant fait état de la lettre de référence du mois de décembre 2015, il convient de préciser qu'elle a été établie dans un contexte particulier et à la demande du salarié, dans le cadre d'une procédure judiciaire concernant la garde de son enfant,

  • - Monsieur j. H. a gravement contrevenu à l'obligation de loyauté inhérente à la relation de travail, la perte de confiance de l'employeur étant en l'espèce étayée par de nombreux éléments matériels objectifs,

  • - l'employeur a au demeurant aidé Monsieur j. H. dans son projet de création d'entreprise bien avant les faits qui se sont produits en mai 2017 et le stockage des données du serveur de l'entreprise lui a été confié lorsqu'il a créé la société papillon Web,

  • - le licenciement est donc fondé sur un motif valable et sur une faute grave en suite du vol commis par le salarié à son préjudice,

  • - la rupture du contrat de travail ne présente aucun caractère abusif puisqu'elle n'est intervenue ni avec brutalité, ni avec une légèreté blâmable, mais en réponse à un comportement particulièrement critiquable,

  • - en tout état de cause, l'appelant ne justifie pas du préjudice financier qu'il allègue et ce, ni dans son principe, ni dans son montant, et il ne démontre pas davantage la réalité du préjudice moral invoqué, à défaut d'établir la réalité du syndrome anxio-dépressif réactionnel allégué,

  • - l'employeur a été attrait en la cause de manière abusive par son ancien salarié licencié pour faute grave en raison d'un vol et s'est trouvé dans l'obligation d'assurer sa défense en justice en sorte que le jugement déféré sera réformé et que sa demande de dommages-intérêts sera admise à concurrence de 5.000 euros,

  • - la procédure d'appel présente également un caractère abusif et l'a contraint à engager de nouveaux frais pour assurer la défense de ses intérêts en sorte qu'une somme complémentaire de 4.300 euros de dommages-intérêts lui sera également accordée en réparation de cet appel abusif.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels principal et incident ont été formés dans les conditions de forme et de délai prévues par le Code de procédure civile et doivent être déclarés recevables ;

  • Sur le motif du licenciement et la gravité de la faute :

Attendu que les premiers juges ont à bon droit rappelé qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture comme de la faute grave alléguée ;

Attendu que Monsieur j. H. a été licencié pour faute grave suivant courrier en date du 2 juin 2017 lui faisant grief d'avoir commis un vol dans les termes ci-après : «(...) Le 24 mai 2017 votre mère et votre fils viennent déjeuner dans notre restaurant. Il s'avère que nous avons découvert le 30/05/2017 que vous aviez offert le burger de votre fils en le transférant sans autorisation, sur la table 100 % offert du patron d. R.

Ce fait est donc considéré comme du vol, car au moment de l'addition il ne figurait donc plus sur la note de votre mère. Cette faute rend impossible votre maintien dans l'entreprise » ;

Attendu que la faute grave est caractérisée par tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de celui-ci dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis ;

Qu'en l'espèce, j. H. soutient qu'il n'a pas eu l'intention de commettre un vol au préjudice de l'entreprise et reproche aux premiers juges de ne pas avoir mis en corrélation la faute qui lui est reprochée avec le caractère minime du préjudice invoqué ne portant selon lui que sur la somme de 16,50 euros correspondant au prix public et 8 euros correspondant au prix de revient de la consommation ;

Attendu qu'il est établi que Monsieur j. H. a fait bénéficier sa mère de consommations réglées à hauteur de 50 % et son fils d'un hamburger mis sur la table 100 % offert par l'employeur ;

Mais attendu que la gravité de la faute sous-tendant ce licenciement n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en résulte ;

Attendu que Monsieur j. H. qui disposait d'une ancienneté de 17 ans, ne pouvait ignorer la pratique consistant à octroyer aux salariés de la SAM A le bénéfice d'une réduction de 50 % sur les consommations et repas pris sur place, une telle réduction n'étant aucunement applicable à leurs proches ;

Qu'il résulte en outre des pièces produites que ce salarié avait déjà fait l'objet le 11 août 2007 d'une remarque de la part de son employeur en relation avec l'utilisation inappropriée de sa carte à l'occasion des consommations prises dans l'entreprise ;

Qu'ainsi, en faisant bénéficier sa mère et son fils, non seulement de la réduction de 50 % mais également de la table 100 % offerte par l'employeur, Monsieur j. H. a commis une faute justifiant la rupture du contrat de travail dès lors qu'il a profité de ses fonctions ou de ses prérogatives pour s'octroyer un avantage financier à l'insu de son employeur ;

Qu'il est par ailleurs établi qu'aucune affluence particulière ne s'est produite dans l'établissement le jour des faits, le planning produit aux débats récapitulant le nombre de tables que ce salarié a servi le 24 mai 2017 soit en moyenne une dizaine au maximum, alors même que Monsieur j. H. avait été en repos 3 jours les 20, 21 et 22 mai 2017 et n'avait travaillé que 3 h 35 la veille, c'est-à-dire le 23 mai 2017 ;

Que la preuve d'aucun stress ou fatigue particulière n'apparaît dès lors rapportée qui aurait pu être à l'origine d'une distraction de ce salarié lors de la commission des faits ;

Attendu que les premiers juges ont en définitive à bon droit estimé que le licenciement de Monsieur j. H. apparaissait fondé sur un motif valable et une faute grave et l'ont justement débouté de ses demandes financières, la décision déférée devant être confirmée de ce chef ;

  • Sur le caractère abusif du licenciement :

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, que toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts, la preuve de l'abus incombant à celui qui l'invoque ;

Qu'il appartient dès lors à Monsieur j. H. de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné ;

Que ce salarié sollicite en l'espèce l'octroi de la somme de 68.750 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Attendu que le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de l'employeur qui l'invoque ;

Que si l'appelant soutient qu'il a été en réalité licencié en raison de ses absences répétées pour cause de maladie professionnelle, force est de constater qu'il ne produit pas davantage en cause d'appel des éléments de nature à étayer un quelconque lien entre ses absences et la rupture de la relation de travail ;

Que les premiers juges ont dès lors à bon droit estimé que le licenciement n'est pas fondé sur un motif fallacieux et ne présente donc pas, dans son principe, un caractère fautif pouvant ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier ;

Attendu, s'agissant par ailleurs des conditions de mise en œuvre de la rupture, que l'appelant reproche à son employeur d'avoir fait preuve de précipitation et de légèreté blâmable à l'occasion de son licenciement ;

Qu'il résulte néanmoins des pièces produites qu'alors qu'aucune obligation légale ne le prescrit, la SAM A a convoqué Monsieur j. H.à un entretien préalable par courrier remis en main propre du 30 mai 2017, pour le lendemain à 10 heures, lui notifiant par la même une mesure de mise à pied à titre conservatoire avec effet immédiat ;

Attendu qu'en considération de la gravité de la faute, précédemment mise en exergue, aucune précipitation n'apparaît résulter des modalités de la mise en œuvre de ce licenciement intervenu par courrier du 2 juin 2017 ;

Que s'agissant par ailleurs de la demande formée par Monsieur j. H. tendant à l'octroi de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, pour n'avoir pas été informé par son employeur de la possibilité de se faire assister d'une personne de son choix lors de l'entretien préalable, les premiers juges ont à bon droit rappelé qu'aucune procédure particulière ne contraint à cet égard l'employeur, l'entretien préalable n'étant au demeurant pas même obligatoire en droit monégasque ;

Qu'aucune faute ne saurait en conséquence être reprochée à la SAM A dans la mise en œuvre de la rupture et la décision déférée sera dès lors confirmée en toutes ses dispositions, l'appelant étant débouté des fins de son appel ;

  • Sur l'appel incident :

Attendu que Monsieur j. H. a pu valablement se méprendre sur la portée de ses droits, étant observé en effet que ni son action initiale, ni l'appel présentement formé ne présente un caractère fautif dès lors qu'il n'est pas établi l'existence qui lui serait imputable d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol ;

Attendu que le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce que la SAM A a été déboutée de sa demande de dommages-intérêts, cette société devant également être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Attendu que Monsieur j. H. qui succombe en son appel sera condamné aux dépens d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels principal et incident,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal du travail le 11 juillet 2019,

Déboute les parties de l'ensemble de leurs prétentions,

Condamne Monsieur j. H. aux entiers dépens d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2020, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur général, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.

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