Cour d'appel, 21 juillet 2020, Madame j. V. c/ La SARL A et Monsieur g. L.
Abstract🔗
Intervention volontaire en cause d'appel – Liquidateur amiable d'une société – Recevabilité (oui) - Contrat de travail – Licenciement économique – Motif valable (non) – Caractère abusif (oui)
Résumé🔗
La personnalité morale d'une société dissoute subsiste pour les besoins de sa liquidation jusqu'à la clôture de celle-ci. Il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la SARL A du 22 juin 2015, qu'a été adoptée à l'unanimité des associés la dissolution anticipée de la société et sa mise en liquidation à compter du même jour, la société subsistant pour les besoins de la liquidation jusqu'à la clôture de celle-ci, et que l'assemblée a nommé g.L. en qualité de liquidateur de la société. La demande de j. V. a été introduite devant le bureau de conciliation du Tribunal du travail le 14 septembre 2015 soit antérieurement au vote de la clôture définitive de la liquidation amiable de la SARL A, intervenue lors de l'assemblée générale extraordinaire du 21 septembre 2015. Il s'ensuit que la personnalité morale de la SARL A subsiste tant qu'il n'a pas été statué définitivement sur les demandes formulées à son encontre par j. V. nonobstant la mention au registre des sociétés de la radiation de la SARL A le 22 septembre 2015. Si, lors de ses premières conclusions d'intervention volontaire du 3 décembre 2019, g. L. a justifié son intervention volontaire par le fait que la SARL A ne disposait plus de la personnalité juridique en raison de sa radiation, force est de constater que dans ses dernières écritures déposées le 5 mai 2020, il demande à la Cour de prendre acte de ce qu'il intervient pour appuyer les demandes formulées par la SARL A. j. V. n'est pas fondée à soutenir l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de g. L. lequel en sa qualité de liquidateur amiable, peut intervenir à l'instance en cause d'appel pour appuyer la demande de la SARL A, en application des dispositions de l'article 432 alinéa 2 du Code de procédure civile. Il convient donc de déclarer g. L. recevable en son intervention volontaire aux côtés de la SARL A.
La rupture du contrat de travail pour un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression d'emploi rendue nécessaire par l'existence de difficultés économiques réelles ou l'existence effective de la restructuration de l'entreprise pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, constitue un licenciement économique. Si le juge ne peut apprécier la pertinence de la décision prise par l'employeur, il lui appartient néanmoins de contrôler la réalité du motif économique et l'effectivité de la suppression du poste. Il incombe à l'employeur, qui a la charge de la preuve de la réalité et de la validité du motif de licenciement, de démontrer par des éléments objectifs susceptibles de pouvoir être vérifiés par le juge que la rupture était fondée sur un motif non inhérent à la personne de la salariée, résultant d'une suppression de son emploi consécutive à des difficultés économiques. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, ses difficultés économiques s'apprécient au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise. Le secteur d'activité du groupe est théoriquement celui qui correspond à la branche d'activité dont relève l'entreprise qui invoque des difficultés économiques pour licencier. Relèvent du même secteur d'activité les entreprises dont l'activité économique a le même objet quelles que soient les différences tenant aux modes de production des biens ou de fournitures de services. Si, comme le fait valoir la société employeur, la SAM B et la SARL A sont des personnes morales distinctes, il ne peut valablement soutenir pour autant que « ces structures n'ont aucun lien entre elles » et qu'elles exercent des activités différentes, ce qui exclurait, selon lui, toute notion de groupe. En effet, il résulte des pièces produites que les parts de la SARL A, société employeur de j.V. sont détenues à hauteur de 99 % par la SAM B, et de 1 % par g. L. g. L. est en outre le président délégué de la SAM B et le gérant associé de la SARL A. Ainsi l'appartenance à un groupe est caractérisée par des rapports de filialisation entre la SAM B, société dominante, et la SARL A, sa filiale. Par ailleurs, l'une et l'autre de ces deux sociétés relèvent du même secteur d'activité, savoir celui de la commercialisation de produits cosmétiques, d'accessoires d'hygiène et de beauté, et de parfumerie, peu important que la SAM B procède à l'achat, l'importation, la distribution en gros et demi-gros et la vente exclusivement à distance notamment par Internet de ces produits et que la SARL A procède uniquement à la vente directe au détail de ces mêmes produits. Il s'ensuit que les difficultés économiques alléguées par la SARL A doivent être appréhendées dans le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient. D'une part il n'est fourni aucune étude sérieuse, ni aucun élément comptable permettant de conclure que la situation financière de la SARL A, créée juste depuis un an, était définitivement compromise en mars 2015, alors qu'en janvier 2015 elle avait reçu de la société dominante une subvention et venait de procéder à l'embauche d'une responsable boutique. D'autre part, l'incapacité financière alléguée de la SAM B à soutenir sa filiale la SARL A dont elle détenait 99 % des parts, n'est étayée d'aucune pièce probante. Il s'ensuit que la SARL A et g.L.ne démontrent pas l'existence de difficultés économiques avérées affectant le groupe auquel appartient la société employeur. La cessation d'activité de l'entreprise constitue un motif de licenciement pour cause économique dès lors que cette fermeture est totale et définitive et qu'elle ne résulte pas d'une faute de l'employeur ou d'une légèreté blâmable. Il existe manifestement une confusion d'activités, d'intérêts et de direction entre les deux sociétés, et une immixtion directe de la SAM B dans la gestion de la SARL A à laquelle elle a imposé la cessation d'activité. Dans ces circonstances, l'interruption de l'activité de la SARL A ne suffit pas à justifier la rupture du contrat de travail de j. V. en l'absence de cause économique justifiée au sein de la SAM B ou de démonstration d'une réorganisation nécessitée par la sauvegarde de sa compétitivité. Cette cessation d'activité alors que le groupe ne connaissait à la date du licenciement aucune difficulté économique avérée ne suffit pas à caractériser un motif valable de licenciement pour motif économique. La décision déférée doit donc être infirmée en ce qu'elle a considéré que le licenciement reposait sur un motif valable.
Le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du motif invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque. Le caractère fallacieux du licenciement n'est pas démontré dès lors que la suppression du poste de j. V. s'est avérée effective en l'état de la dissolution anticipée de la SARL A, même si celle-ci n'est pas justifiée par une nécessité économique démontrée. En revanche, les premiers juges ont à juste titre relevé que les conditions de mise en œuvre du licenciement s'étaient avérées particulièrement brutales puisqu'aucune explication n'a été donnée à j.V. sur les raisons de la suppression de son poste trois mois après son embauche, et qu'elle a dû quitter l'entreprise quasiment immédiatement, son licenciement étant effectif cinq jours après la remise de la lettre. j. V. est par conséquent en droit d'obtenir réparation du préjudice moral qu'elle a subi du fait de la décision de rupture de son contrat résultant d'une légèreté blâmable de l'employeur et du fait des conditions brutales dans lesquelles le licenciement a été mis en œuvre.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 21 JUILLET 2020
En la cause de :
- Madame j. V., née le 28 novembre 1969 à Nîmes, de nationalité française, demeurant et domiciliée X1 à Marseille (13008) ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n°XX, par décision du Bureau du 12 mai 2015
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Arnaud CHEYNUT, avocat, en cette même Cour ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
1 - La société à responsabilité limitée dénommée A, dont le siège social se trouvait X2 à Monaco, puis ayant fixé le siège de sa liquidation au X3 à Monaco (c/o SAM B), prise en la personne de son liquidateur en exercice, y demeurant en cette qualité ;
INTIMÉE,
2 - Monsieur g. L., né le 31 décembre 1950 à Neuilly-sur-Seine, de nationalité suisse, demeurant X4 à Monaco ;
INTERVENANT VOLONTAIRE,
Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du travail, le 26 octobre 2017 ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 25 février 2019 (enrôlé sous le numéro 2019/000072) ;
Vu les conclusions déposées le 3 décembre 2019, par Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, au nom de Monsieur g. L.;
Vu les conclusions déposées les 23 janvier 2020 et 5 mai 2020 par Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, au nom de la SARL A et Monsieur g. L.;
Vu les conclusions déposées le 29 avril 2020 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de Madame j. V.;
À l'audience du 9 juin 2020, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Madame j. V. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail du 26 octobre 2017.
Considérant les faits suivants :
j. V. a été embauchée par la SARL A suivant contrat à durée indéterminée du 1er janvier 2015 en qualité de responsable de boutique, moyennant un salaire mensuel de 3.000 euros brut sur 12 mois ainsi qu'une prime de rendement de 600 euros en cas de chiffre d'affaires supérieur à 22.000 euros par mois, et une aide au logement de 1.000 euros par mois.
Le 26 mars 2015 j. V. a été licenciée par lettre remise en main propre rédigée dans les termes suivants :
« Nous vous confirmons par la présente notre décision de procéder à votre licenciement pour « suppression de poste ».
Ce licenciement deviendra effectif à la date du 31 mars 2015, votre ancienneté étant inférieure à six mois, vous n'avez pas de préavis à effectuer au sein de la société. Nous vous remettrons le 31 mars votre dernier bulletin de salaire où vous seront payés le mois de mars et vos congés payés. Il vous sera également remis deux exemplaires du reçu de solde de tout compte dont un exemplaire nous reviendra de droit. Nous vous remettons enfin un certificat de travail ainsi qu'une attestation ASSEDIC ».
Contestant le motif et les conditions de ce licenciement, j. V. par requête du 14 septembre 2015 reçue le 15 septembre 2015, a saisi le Tribunal du travail en conciliation aux fins de faire juger son licenciement dépourvu de motif valable et présentant un caractère abusif et d'obtenir, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de la SARL A à lui payer les sommes de 360 euros à titre d'indemnité de licenciement et 40.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif avec intérêts au taux légal à compter de la tentative de conciliation.
Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement, le Tribunal ayant par décision du 26 octobre 2017 :
- dit que le licenciement de j. V. par la SARL A est fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif,
- condamné la SARL A à verser à j. V. la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- débouté j. V. du surplus de ses demandes,
- condamné la SARL A aux dépens.
Pour statuer ainsi les premiers juges ont en substance retenu que les graves difficultés financières rencontrées par la SARL A étaient démontrées, la situation financière de la société employeur étant obérée et la cessation des paiements ayant été évitée grâce à l'intervention de la SAM B et que la suppression du poste responsable boutique occupé par j. V. n'était pas contestable, aucun salarié n'ayant été recruté postérieurement à son congédiement pour occuper ce poste.
Ils ont également considéré que j. V. ne démontrait pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement, aucune faute de l'employeur ne pouvant ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.
En revanche, ils ont apprécié comme éminemment critiquables et psychologiquement préjudiciables les circonstances du licenciement de j. V. lequel est intervenu trois mois après son embauche et a été d'une particulière brutalité puisqu'elle a dû quitter immédiatement l'entreprise, cinq jours après la lettre de licenciement, sans que l'employeur ne fasse preuve de considération en prenant le temps de lui expliquer les raisons économiques de sa décision, ce dont il est résulté pour la salariée un préjudice moral.
Suivant exploit du 25 février 2019, j. V. a interjeté appel du jugement susvisé rendu par le Tribunal du travail le 26 octobre 2017, non signifié, à l'effet de voir la Cour :
- la recevoir en son appel, la déclarer recevable et bien fondée, et en conséquence :
Sur l'intervention volontaire de Monsieur L.:
- déclarer irrecevable l'intervention volontaire de Monsieur L.
- à titre subsidiaire, si la Cour d'appel jugeait Monsieur L. recevable en son intervention volontaire au visa de l'alinéa 2 de l'article 432 du Code de procédure civile, il y aurait lieu de le déclarer irrecevable en sa demande de dommages-intérêts au titre de l'appel abusif.
Sur le jugement du Tribunal du travail du 26 octobre 2017 :
- réformer le jugement rendu par le Tribunal du travail le 26 octobre 2017 en ce qu'il a jugé que son licenciement reposait sur un motif valable,
Et statuant à nouveau,
- dire et juger que son licenciement est dépourvu de tout motif valable,
- condamner la SARL A à lui verser la somme de 360 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que son licenciement était abusif,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il ne l'a indemnisée que de son seul préjudice moral,
- la déclarer recevable à solliciter réparation de son entier préjudice tant matériel que moral, et en conséquence,
- condamner la SARL A à lui verser la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts tous préjudices confondus,
- débouter la SARL A de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la tentative de conciliation,
- condamner la SARL A aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Au soutien de son appel, et aux termes de ses conclusions récapitulatives et responsives déposées le 29 avril 2020, j. V. expose essentiellement que :
- la demande en paiement qu'elle a formée a été introduite par requête du 24 septembre 2015, durant les opérations de liquidation amiable de la SARL A et avant leur clôture votée le 21 septembre 2015, en sorte que la personnalité juridique de la société subsiste tant que l'instance est pendante et que les demandes formées à son encontre ne préjudicient en rien les droits de Monsieur L. dont l'intervention volontaire est irrecevable,
- si celle-ci était déclarée recevable au visa de l'article 432 alinéa 2 du Code de procédure civile, sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif devrait être déclarée irrecevable faute d'avoir subi l'épreuve du premier degré,
- la SARL A, employeur, étant membre d'un groupe de sociétés, les difficultés économiques doivent être appréciées dans le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient,
- la SARL A en tant que filiale de la SAM B, qui détenait 99 % de son capital, formait incontestablement avec celle-ci un groupe et avaient de surcroît la même activité de vente de produits de cosmétiques et de parfumerie, en sorte qu'en s'abstenant de vérifier la réalité des difficultés économiques du groupe le tribunal n'a pas fondé sa décision,
- l'employeur est déficient dans l'administration de la preuve des difficultés économiques du groupe, et la suppression de poste de j. V. n'apparaît pas justifiée par des nécessités économiques, de sorte que le motif de licenciement est dépourvu de toute validité,
- à titre subsidiaire, les difficultés financières alléguées par la SARL A pour justifier la suppression de son poste ne sont pas avérées. En effet il apparaît que l'activité de la société a commencé le 10 février 2014, date d'embauche de la première salariée, et que le premier bilan de cette société n'était même pas clos lorsque la société mère a pris la décision de dissoudre sa filiale le 16 mars 2015. Or si la boutique souffrait d'une force de vente insuffisante et de coûts d'approvisionnement élevés, il ressort cependant qu'entre 2014 et 2015 sa situation financière s'est améliorée, ainsi qu'en témoigne l'augmentation du taux de marge,
- l'effectivité de la suppression de son poste n'est pas avérée dès lors qu'une salariée intérimaire, en qualité de conseillère clientèle, a poursuivi la vente des produits encore en stock dans la boutique jusqu'au 30 juin 2015 et s'est retrouvée de fait responsable de la boutique,
- le très court laps de temps entre la constitution et la dissolution de la société démontre que l'employeur a agi dans une précipitation fautive et sans aucun égard pour l'emploi, la décision de la licencier étant totalement étrangère à toute considération économique. Le motif de licenciement s'avère dès lors fallacieux et l'employeur a manqué à son obligation de loyauté, ce qui justifie la réparation de son préjudice matériel,
- le licenciement est intervenu dans des conditions particulièrement brutales, ensuite les documents de fin de contrat de travail lui ont été remis dans la rue,
- elle s'est retrouvée sans domicile fixe et a été contrainte d'être relogée dans l'urgence tant chez des amis que chez ses parents. Elle n'a pas pu retrouver un emploi et un revenu stable, alternant depuis son licenciement les périodes de chômage et les contrats précaires. Cette situation anxiogène est à l'origine d'un accident ischémique transitoire survenu en novembre 2015 et relié au stress résultant de sa perte d'emploi. Son départ précipité de Monaco l'a amenée à supporter de nombreux frais de garde-meuble et de déplacement,
- l'employeur ne rapporte aucune preuve d'un quelconque abus dans l'exercice qu'elle a fait des voies de recours.
La SARL A, intimée, et g. L., intervenant volontaire suivant conclusions du 3 décembre 2019, demandent à la Cour par conclusions déposées les 23 janvier 2020 et 5 mai 2020 de :
Sur l'intervention volontaire :
- dire et juger que l'intervention volontaire de g. L. est recevable,
- prendre acte que g. L. appuie les demandes formulées par la SARL A,
Sur l'appel principal :
- déclarer l'appel principal non fondé,
- débouter j. V. de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal du travail le 26 octobre 2017 en ce qu'il a considéré que le licenciement de j. V. était fondé sur un motif valable,
Sur l'appel incident :
- recevoir la SARL A en son appel incident et y faire droit,
- en conséquence, réformer le jugement rendu par le Tribunal du travail le 26 octobre 2017 en ce qu'il a considéré que le licenciement de j. V. revêtait un caractère abusif,
- réformer ce jugement en ce qu'il a condamné la SARL A à payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,
En tout état de cause
- condamner j. V. à payer à la SARL A et/ou à Monsieur g. L. en sa qualité de liquidateur amiable, la somme de 3.000 euros de dommages-intérêts pour appel abusif,
- condamner j. V. aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris tout frais et accessoires, tels que frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traduction éventuels, dont distraction au profit de Madame Pierre-Anne NOGHES-du MONCEAU, avocat-défenseur, sous son affirmation de plein droit.
Ils exposent pour l'essentiel que :
- g. L. en qualité de liquidateur de la SARL A, a un intérêt à soutenir les demandes de cette société et son intervention volontaire doit donc être déclarée recevable,
- la société justifie la procédure de licenciement en produisant aux débats des bilans montrant la dégradation de sa santé financière malgré les subventions d'équilibre versées par la société mère, la SAM B,
- à l'issue de l'année 2014, la SARL A ne dégageait aucun bénéfice et l'arrivée de j. V. recrutée pour dynamiser les ventes de la boutique, n'a pas permis d'améliorer la santé financière de la boutique, le chiffre d'affaires réalisé au début de l'année 2015 n'étant pas celui escompté. Les difficultés financières rencontrées par la SARL A ont malheureusement conduit à la cessation totale de son activité,
- la SAM B n'était pas en capacité d'aider financièrement la SARL A indéfiniment, l'octroi de subventions étant justifié à l'origine pour l'aider à démarrer,
- le bien-fondé du licenciement économique prononcé à l'encontre de j. V. est démontré en ce qu'il est fondé sur un motif non inhérent à la personne de la salariée résultant d'une suppression de son poste de responsable boutique consécutive à des difficultés économiques,
- la suppression du poste de j. V. a été effective ; l'affirmation de j. V. selon laquelle Madame MA. se serait présentée comme la nouvelle responsable boutique n'est étayée par aucun élément ; Madame P. travaillant pour le compte de la boutique depuis juin 2014 n'a jamais remplacé j. V. mais a simplement assuré la vente du stock restant dans la boutique et ce jusqu'au 30 juin 2015 date de liquidation de la SARL A,
- eu égard à la cessation de l'activité incontestable de la SARL A, le licenciement de j. V. est fondé sur un motif valable,
- si le licenciement de j. V. s'est fait dans des circonstances exceptionnelles ne permettant pas de lui assurer un départ dans des conditions optimales, néanmoins toutes les conditions légales ont bien été respectées et aucune faute n'a été commise par la société,
- elle a été embauchée pour redresser la situation financière de la société, ce qui explique que la période d'essai proposée n'a été que d'un mois au lieu des trois mois habituels ; elle était donc parfaitement informée de la situation financière de la société et n'a accepté de quitter sa région que pour rejoindre son ami qui résidait alors dans les Alpes-Maritimes,
- la demande de 40.000 euros de dommages-intérêts n'est pas justifiée,
- elle a abusé de son droit d'agir en justice contre une société en grande difficulté, en ayant attendu plus de deux ans avant de faire appel, et cette attitude fautive doit être condamnée en ce qu'elle a contraint la société, et aujourd'hui son liquidateur, à exposer de nombreux frais pour assurer leur défense qu'il serait inéquitable de laisser à leur seule charge.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
1-Attendu que les appels, principal et incident, relevés contre le jugement non signifié du 26 octobre 2017, dans les formes et délais prescrits par le Code de procédure civile, sont réguliers et recevables ;
2- Attendu qu'en application de l'article 432 du Code de procédure civile « peuvent seuls intervenir en cause d'appel ceux qui auraient le droit de former tierce opposition à l'arrêt. Néanmoins, toute autre personne peut intervenir pour appuyer la demande d'une partie » ;
3-Attendu que la personnalité morale d'une société dissoute subsiste pour les besoins de sa liquidation jusqu'à la clôture de celle-ci ;
Qu'il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la SARL A du 22 juin 2015, qu'a été adoptée à l'unanimité des associés la dissolution anticipée de la société et sa mise en liquidation à compter du même jour, la société subsistant pour les besoins de la liquidation jusqu'à la clôture de celle-ci, et que l'assemblée a nommé g. L. en qualité de liquidateur de la société ;
Que la demande de j. V. a été introduite devant le bureau de conciliation du Tribunal du travail le 14 septembre 2015 soit antérieurement au vote de la clôture définitive de la liquidation amiable de la SARL A, intervenue lors de l'assemblée générale extraordinaire du 21 septembre 2015 ;
Qu'il s'ensuit que la personnalité morale de la SARL A subsiste tant qu'il n'a pas été statué définitivement sur les demandes formulées à son encontre par j. V. nonobstant la mention au registre des sociétés de la radiation de la SARL A le 22 septembre 2015 ;
Que si, lors de ses premières conclusions d'intervention volontaire du 3 décembre 2019, g. L. a justifié son intervention volontaire par le fait que la SARL A ne disposait plus de la personnalité juridique en raison de sa radiation, force est de constater que dans ses dernières écritures déposées le 5 mai 2020, il demande à la Cour de prendre acte de ce qu'il intervient pour appuyer les demandes formulées par la SARL A ;
Que j. V. n'est pas fondée à soutenir l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de g. L. lequel en sa qualité de liquidateur amiable, peut intervenir à l'instance en cause d'appel pour appuyer la demande de la SARL A, en application des dispositions de l'article 432 alinéa 2 du Code de procédure civile ;
Qu'il convient donc de déclarer g. L. recevable en son intervention volontaire aux côtés de la SARL A ;
4-Attendu qu'aux termes de la lettre de licenciement qui lui a été remise le 26 mars 2015 j. V. a été licenciée pour « suppression de poste » ;
Que la SARL A et g. L. font valoir que j. V. a été licenciée pour un motif d'ordre économique en raison de la suppression de son poste de responsable boutique ;
Que la rupture du contrat de travail pour un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression d'emploi rendue nécessaire par l'existence de difficultés économiques réelles ou l'existence effective de la restructuration de l'entreprise pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, constitue un licenciement économique ;
Que si le juge ne peut apprécier la pertinence de la décision prise par l'employeur, il lui appartient néanmoins de contrôler la réalité du motif économique et l'effectivité de la suppression du poste ;
Qu'il incombe à l'employeur, qui a la charge de la preuve de la réalité et de la validité du motif de licenciement, de démontrer par des éléments objectifs susceptibles de pouvoir être vérifiés par le juge que la rupture était fondée sur un motif non inhérent à la personne de la salariée, résultant d'une suppression de son emploi consécutive à des difficultés économiques ;
Que lorsque l'entreprise appartient à un groupe, ses difficultés économiques s'apprécient au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise ;
Que le secteur d'activité du groupe est théoriquement celui qui correspond à la branche d'activité dont relève l'entreprise qui invoque des difficultés économiques pour licencier ;
Que relèvent du même secteur d'activité les entreprises dont l'activité économique a le même objet quelles que soient les différences tenant aux modes de production des biens ou de fournitures de services ;
Que si comme le fait valoir la société employeur, la SAM B et la SARL A sont des personnes morales distinctes, il ne peut valablement soutenir pour autant que « ces structures n'ont aucun lien entre elles » et qu'elles exercent des activités différentes, ce qui exclurait, selon lui, toute notion de groupe ;
Qu'en effet, il résulte des pièces produites que les parts de la SARL A, société employeur de j. V. sont détenues à hauteur de 99 % par la SAM B, et de 1 % par g. L.;
Que g. L. est en outre le président délégué de la SAM B et le gérant associé de la SARL A ;
Qu'ainsi l'appartenance à un groupe est caractérisée par des rapports de filialisation entre la SAM B, société dominante, et la SARL A, sa filiale ;
Que par ailleurs, l'une et l'autre de ces deux sociétés relèvent du même secteur d'activité, savoir celui de la commercialisation de produits cosmétiques, d'accessoires d'hygiène et de beauté, et de parfumerie, peu important que la SAM B procède à l'achat, l'importation, la distribution en gros et demi-gros et la vente exclusivement à distance notamment par Internet de ces produits et que la SARL A procède uniquement à la vente directe au détail de ces mêmes produits ;
Qu'il s'ensuit que les difficultés économiques alléguées par la SARL A doivent être appréhendées dans le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;
Qu'il est établi que la SARL A a été immatriculée le 17 janvier 2014, date du début de l'exploitation, et que l'arrêté provisoire de compte au 31 décembre 2014 faisant apparaître une perte nette de 121.300 euros, elle a bénéficié en janvier 2015 d'une subvention de la société mère, la SAM B, d'un montant de 121.300 euros ;
Que dans le même temps, après signature d'une promesse d'embauche le 17 novembre 2014, la SARL A a embauché j. V. suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2015, en qualité de « responsable boutique » ;
Que le licenciement de j. V. notifié le 26 mars 2015 pour « suppression de poste » est devenu effectif à la date du 31 mars 2015 ;
Que si la SARL A, société employeur, allègue de faibles chiffres d'affaires pour chacun des trois premiers mois de l'exercice 2015, elle ne justifie d'aucune difficulté économique affectant le groupe auquel elle appartient dans le secteur d'activité de la commercialisation de parfums et de produits cosmétiques ;
Qu'il résulte bien au contraire du procès-verbal du conseil d'administration de la SAM B, société mère, en date du 24 janvier 2015, qu'avant de voter l'octroi de la subvention précitée de 121.300 euros à sa filiale la SARL A, il a été donné lecture du bilan au 31 décembre 2014 de la SAM B faisant apparaître un résultat bénéficiaire de 4.965.744,73 euros ;
Que la SARL A et g. L. font valoir que si la SAM B a aidé financièrement sa filiale à démarrer, elle n'était cependant pas en capacité de le faire indéfiniment, et qu'en tout état de cause la situation financière désastreuse de celle-ci ne permettait pas à la SAM B de continuer indéfiniment à subventionner les comptes de sa filiale pour la maintenir à l'équilibre ;
Que cependant, d'une part il n'est fourni aucune étude sérieuse, ni aucun élément comptable permettant de conclure que la situation financière de la SARL A, créée juste depuis un an, était définitivement compromise en mars 2015, alors qu'en janvier 2015 elle avait reçu de la société dominante une subvention et venait de procéder à l'embauche d'une responsable boutique ;
Que d'autre part, l'incapacité financière alléguée de la SAM B à soutenir sa filiale la SARL A dont elle détenait 99 % des parts, n'est étayée d'aucune pièce probante ;
Qu'il s'ensuit que la SARL A et g. L. ne démontrent pas l'existence de difficultés économiques avérées affectant le groupe auquel appartient la société employeur ;
Que la SARL A et g. L. soutiennent par ailleurs, qu'eu égard à la cessation de l'activité incontestable de la SARL A, le licenciement de j. V. est fondé sur un motif valable ;
Que la cessation d'activité de l'entreprise constitue un motif de licenciement pour cause économique dès lors que cette fermeture est totale et définitive et qu'elle ne résulte pas d'une faute de l'employeur ou d'une légèreté blâmable ;
Qu'il doit être observé qu'à la date de notification du licenciement de j. V. le 26 mars 2015, la dissolution anticipée de la société n'était pas décidée par la société employeur puisque celle-ci n'a été votée par l'assemblée générale extraordinaire de la SARL A que le 22 juin 2015, ainsi que sa mise en liquidation à compter de cette date ;
Que le registre des entrées et sorties du personnel de la SARL A fait apparaître qu'ont été successivement embauchées seulement deux personnes : s. M. en qualité de « Responsable Ventes » du 10 février 2014 au 24 novembre 2014 et j. V A. du 1er janvier 2015 au 31 mars 2015 ;
Qu'il est cependant établi par les pièces produites que l'activité de la SARL A a perduré jusqu'au 30 juin 2015 puisque s. P. atteste avoir travaillé dans cette boutique suivant contrat d'intérimaire avec la société C du 25 février 2014 au 30 juin 2015 en qualité de conseillère de vente ;
Qu'il est surprenant que la SARL A ait eu recours à du personnel intérimaire jusqu'au 30 juin 2015, alors que la qualité de « responsable boutique » de j. V. employée suivant contrat à durée indéterminée, lui permettait sans difficulté d'assurer le conseil et la vente, s'agissant d'une petite structure ;
Que surtout, il s'évince des pièces produites et notamment du procès-verbal du conseil d'administration de la SAM B en date du 16 mars 2015 que la décision de dissolution anticipée de la SARL A a été prise par la société mère, avant même d'être votée le 22 juin 2015 par les associés de la SARL A, en sorte que le licenciement de j. V. intervenu le 26 mars 2015 résulte d'une décision de la société mère ;
Qu'il existe manifestement une confusion d'activités, d'intérêts et de direction entre les deux sociétés, et une immixtion directe de la SAM B dans la gestion de la SARL A à laquelle elle a imposé la cessation d'activité ;
Que dans ces circonstances, l'interruption de l'activité de la SARL A ne suffit pas à justifier la rupture du contrat de travail de j. V. en l'absence de cause économique justifiée au sein de la SAM B ou de démonstration d'une réorganisation nécessitée par la sauvegarde de sa compétitivité ;
Que cette cessation d'activité alors que le groupe ne connaissait à la date du licenciement aucune difficulté économique avérée ne suffit pas à caractériser un motif valable de licenciement pour motif économique ;
Que la décision déférée doit donc être infirmée en ce qu'elle a considéré que le licenciement reposait sur un motif valable ;
Qu'en application des dispositions de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, j. V. qui avait au moment de son licenciement une ancienneté de 3 mois et bénéficiait d'un revenu brut de 3.000 euros, est fondée à obtenir une indemnité de licenciement d'un montant de 360 euros au paiement de laquelle doit être condamnée la SARL A avec intérêts au taux légal à compter de la tentative de conciliation ;
5-Attendu qu'en application des dispositions de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages-intérêts ;
Que j. V. sollicite une somme de 40.000 euros en réparation de son entier préjudice, tant matériel que moral ;
Qu'un licenciement peut être considéré comme abusif si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel l'ayant conduit à prendre cette décision et ce, dans le but de tromper le salarié ;
Que le licenciement peut encore s'avérer abusif, si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, établit que l'employeur a méconnu des prescriptions légales en mettant en œuvre la rupture ou s'il démontre que les modalités de sa notification présentent un caractère fautif, révèlent une intention de nuire, la précipitation ou la légèreté blâmable de l'employeur ;
Qu'en l'occurrence, j. V. fait valoir que le motif du licenciement est fallacieux dès lors que la décision de la licencier est totalement étrangère à toute considération économique ;
Que le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du motif invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque ;
Que le caractère fallacieux du licenciement n'est pas démontré dès lors que la suppression du poste de j. V. s'est avérée effective en l'état de la dissolution anticipée de la SARL A, même si celle-ci n'est pas justifiée par une nécessité économique démontrée ;
Qu'il est manifeste que j. V. venant de Nîmes où elle était « responsable parfumerie et institut » depuis 8 ans, a été recrutée le 1er janvier 2015 en contrat à durée indéterminée par la SARL A, alors que celle-ci avait moins d'un an d'existence, et que g. L. gérant associé, souhaitait relancer les ventes par le recrutement d'une responsable boutique ayant déjà une expérience professionnelle avérée dans le secteur de la vente de produits cosmétiques et de parfums ;
Que si la SARL A admet dans ses écritures que « le licenciement de j. V. s'est fait dans des circonstances exceptionnelles ne permettant pas d'assurer à la salariée un départ dans des conditions optimales », force est de constater qu'elle se garde bien de décrire et de caractériser lesdites circonstances exceptionnelles ;
Que la Cour relève que la décision de licencier j. V. est intervenue dans les circonstances suivantes :
- la décision de supprimer le poste de « responsable boutique » créé à compter de janvier 2015 par la SARL A gérée par g. L. fait suite à la décision prise le 16 mars 2015, soit à peine trois mois plus tard, par le conseil d'administration de la SAM B, société mère présidée par g. L. d'autoriser, sur rapport de ce dernier, la dissolution anticipée de la SARL A sa filiale,
- la SAM B a voté le 24 janvier 2015 une subvention de 121.300 euros pour équilibrer les comptes de la SARL A, soit moins de trois mois avant de voter la décision de dissolution anticipée de cette filiale,
- qu'il n'est justifié à la date du licenciement d'aucune difficultés économiques avérées du groupe, ni d'une réorganisation nécessitée par la sauvegarde de sa compétitivité,
- qu'il n'a pas été laissé à j. V. la possibilité de développer les ventes à l'approche de la saison estivale, alors même que la décision de dissolution anticipée de la SARL A n'a été votée par ses associés que trois mois plus tard le 22 juin 2015 ;
Que l'ensemble de ces éléments et leur chronologie démontrent la légèreté blâmable dont a fait preuve l'employeur dans la décision de licencier la salariée ;
Que par ailleurs les premiers juges ont à juste titre relevé que les conditions de mise en œuvre du licenciement s'étaient avérées particulièrement brutales puisqu'aucune explication n'a été donnée à j. V. sur les raisons de la suppression de son poste trois mois après son embauche, et qu'elle a dû quitter l'entreprise quasiment immédiatement, son licenciement étant effectif cinq jours après la remise de la lettre ;
Que par ailleurs, les documents de fin de contrat lui ont été remis par le comptable devant le siège de la société mère, la SAM B ;
Que j. V. est par conséquent en droit d'obtenir réparation du préjudice moral qu'elle a subi du fait de la décision de rupture de son contrat résultant d'une légèreté blâmable de l'employeur et du fait des conditions brutales dans lesquelles le licenciement a été mis en œuvre ;
Que j. V. justifie qu'en raison de son licenciement soudain, après trois mois seulement d'activité, elle s'est retrouvée contrainte de se reloger dans l'urgence chez des amis ou dans sa famille et qu'âgée de 45 ans elle n'a retrouvé que du travail en contrats précaires ;
Que l'existence d'un lien de causalité entre l'aggravation de l'état de santé de j. V. en novembre 2015 et son départ brutal de Monaco n'est pas objectivement démontré, dès lors que le certificat médical produit a été établi « selon les déclarations » de j. V.;
Qu'il est indéniable que j. V. a subi un important préjudice moral du fait de la légèreté blâmable dont a fait preuve l'employeur et de la brutalité de la rupture de son contrat de travail qu'elle n'a pas pu anticiper ;
Qu'il convient de lui allouer, en réparation du préjudice moral subi la somme de 20.000 euros de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
Que la décision déférée doit être réformée en ce sens ;
6 - Attendu que l'exercice des voies de recours constitue un droit qui ne dégénère en abus qu'en cas de faute ou d'intention dilatoire ;
Que la SARL A et g. L. qui succombent en leurs demandes, ne démontrent pas le caractère abusif de l'appel interjeté par j. V.;
Qu'ils seront en conséquence déboutés de cette demande de dommages-intérêts ;
7 - Attendu que la SARL A et g. L. doivent supporter les entiers dépens d'appel ; qu'imputables à l'adversaire d'une partie bénéficiant de l'assistance judiciaire, ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevables les appels principal et incident formés contre le jugement rendu par le Tribunal du travail le 26 octobre 2017,
Déclare recevable l'intervention volontaire en cause d'appel de g. L. pour appuyer les demandes formulées par la SARL A,
Confirme le jugement du Tribunal du travail du 26 octobre 2017 en ce qu'il a dit que le licenciement de j. V. par la SARL A revêt un caractère abusif et en ce qu'il a condamné la SARL A aux dépens,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de j. V. n'est pas fondé sur un motif valable,
Condamne la SARL A à payer à j. V. la somme de 360 euros à titre d'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter de la tentative de conciliation,
Condamne la SARL A à payer à j. V. la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
Y ajoutant,
Déboute la SARL A et g. L. de la demande de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne la SARL A et g. L. aux dépens de la procédure d'appel, distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 21 JUILLET 2020, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur général, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.