Cour d'appel, 10 mars 2020, Madame a. C P. veuve PI. et autres c/ La société B. et autres

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Abstract🔗

Procédure civile - Capacité pour agir en justice (oui) - Société de droit danois en faillite en cours de procédure - Reprise de l'instance par le liquidateur (oui)

Cautionnement - Qualification de cautionnement (oui) - Garantie à première demande (non) - Validité de l'engagement (oui)


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 10 MARS 2020

En la cause de :

  • 1/ Madame a. C P. veuve PI., née le 17 février 1961 à Foligno en Italie, demeurant X1à 98000 Monaco ;

  • 2/ Monsieur l v. PI., né le 18 juin 1985 à Foligno en Italie, demeurant X1à 98000 Monaco ;

  • 3/ Madame m l. PI., née le 16 avril 1988 à Foligno en Italie, demeurant X1à 98000 Monaco ;

Ayant tous trois élu domicile en l'Étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTS,

d'une part,

contre :

  • - La société dénommée B., dont le siège social est situé X2à Copenhague (Danemark), agissant poursuites et diligences de ses Administrateurs en exercice, Messieurs b. s. N. et t. d. F. domiciliés en cette qualité audit siège social ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Pierre-Anne NOGHES-du MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

EN PRÉSENCE DE :

  • 1/ Madame le Procureur Général près la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, séant en son Parquet Général, Palais de Justice, 5 rue Colonel Bellando de Castro audit Monaco ;

COMPARAISSANT EN PERSONNE

  • 2/ La SAM C., société anonyme de droit monégasque, exploitant sous l'enseigne D., immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco, sous le n° X, ayant son siège social situé X3 à Monaco, prise en la personne de son Directeur Général Adjoint en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social, tiers saisi ;

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 7 juin 2018 (R. 5397) ;

Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 17 octobre 2018 (enrôlé sous le numéro 2019/000031) ;

Vu les conclusions déposées les 5 décembre 2018, 23 avril 2019 et 14 novembre 2019 par Maître Pierre-Anne NOGHES-du MONCEAU, avocat-défenseur, au nom de la société dénommée B. ;

Vu les conclusions déposées les 12 mars 2019, 8 octobre 2019 et 10 décembre 2019 par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de Madame a. C P. veuve PI. de Monsieur l v. PI. et de Madame m l. PI. ;

Vu les conclusions déposées le 7 octobre 2019 par le ministère public ;

À l'audience du 17 décembre 2019, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Ouï le ministère public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par Madame a. C P. veuve PI. Monsieur l v. PI. et Madame m l. PI. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 7 juin 2018.

Considérant les faits suivants :

Par acte sous seing privé conclu le13 mars 2014 intitulé « contrat d'assurance n° 03-101683/R », la société de droit danois B. s'est portée caution de la société de droit italien F. aux fins de garantir auprès du bureau des Douanes de Milan le paiement du droit « d'accise » grevant la fourniture d'énergie électrique aux usagers et tous les frais y relatifs, à concurrence du maximum global de 300.000 euros.

Par trois actes séparés, l. PI. m. PI. et a. C P. se sont chacun portés garants envers la société B., de manière solidaire avec la société F., pour les obligations et charges lui incombant au titre de la garantie précitée.

Invitée par courrier recommandé du 18 février 2015 émanant du bureau des Douanes de Milan 1 à régler la somme de 300.000 euros en exécution des obligations de la société F., la société B. s'est acquittée le 23 avril 2015 de son paiement auprès de l'Agence des Douanes et des Monopoles, dont dépend le bureau des Douanes de Milan, se trouvant par la même subrogée dans les droits de celle-ci.

Poursuivant alors le recouvrement de cette somme, la société B. a obtenu auprès du « Tribunale ordinario di Roma » (Italie) une ordonnance d'injonction de payer rendue le 17 août 2015 à l'encontre de la société F. pour un montant de 300.000 euros, outre intérêts et frais.

Parallèlement, par trois courriers RAR du 5 juin 2015, la société B. a mis l. PI. m. PI. et a. C P. en demeure de lui payer la somme de 300.000 euros, dans un délai de sept jours.

Par acte d'huissier en date du 8 février 2016, elle leur a fait délivrer sommation de lui payer sous huitaine la somme totale de 315.548,63 euros en principal et intérêts.

Faute de paiement, par requête déposée le 24 juin 2016, la société B. a sollicité l'autorisation de faire pratiquer une saisie-arrêt sur toutes sommes détenues par les consorts l. PI. m. PI. et a. C P. auprès de l'établissement C. SAM, pour sûreté et garantie du paiement de la somme de 300.000 euros.

Par ordonnance présidentielle du 28 juin 2016, la société précitée a été autorisée à faire pratiquer la saisie pour la somme réclamée.

Par exploit d'huissier délivré le 4 juillet 2016, la société B. a fait pratiquer la saisie-arrêt et assigner l. PI. m. PI. et a. C P. en validation de cette mesure et paiement de ses causes.

La saisie-arrêt que l'huissier de justice a tenté de pratiquer auprès de l'établissement bancaire a révélé les soldes créditeurs suivants, sous réserve des opérations en cours :

  • - 92.441,63 euros au bénéfice de m. PI.

  • - 52.148,45 euros au bénéfice de l. PI.

  • tandis que la banque précisait ne détenir aucun compte bancaire en ses livres au nom de a. C P.

Par jugement rendu le 7 juin 2018, faisant suite au jugement avant-dire-droit du 19 septembre 2017, le Tribunal de première instance a :

  • - débouté l. PI. m. PI. et a. C P. de leur exception d'incompétence,

  • - déclaré la juridiction compétente ratione loci pour connaître de l'instance,

Au fond :

  • - condamné solidairement les défendeurs à payer à la société de droit danois B. la somme de 300.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2015,

  • - débouté la société de droit danois B. de sa demande de capitalisation de intérêts,

  • - validé la saisie-arrêt pratiquée le 4 juillet 2016 à la requête de la société B. entre les mains de la banque C. SAM, sur les comptes ouverts au nom de l. PI. m. PI. et a. C P.

  • - dit que le tiers saisi pourra valablement se libérer entre les mains de la société B., à concurrence de la somme de 300.000 euros,

  • - dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement,

  • - condamné solidairement l. PI. m. PI. et a. C P. aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu en substance que :

  • - la clause attributive de juridiction stipulée dans le « contrat d'assurance n° 03-101683/R » souscrit par la société F. auprès de la compagnie B. ne saurait valablement être opposée par l. PI. m. PI. et a. C P. à la compagnie B. pour décliner la compétence territoriale de la juridiction monégasque au profit de la juridiction italienne dès lors que leur engagement envers la compagnie B. constitue une garantie autonome indépendante du contrat principal et qu'il ne comporte aucune clause conventionnelle attributive de compétence permettant de déroger à la règle de compétence tenant à leur domicile, dont il n'est pas contesté qu'il se trouve en Principauté de Monaco,

  • - les trois actes sur le fondement desquels la compagnie B. agit en paiement à l'encontre des consorts PI. étant qualifiés de garantie à première demande, les règles de validité du cautionnement ne leur sont pas applicables, justifiant d'écarter le moyen de défense tiré de leur nullité au motif qu'ils ne mentionnent pas le montant maximal pour lequel la garantie est donnée comme celui tiré de la subrogation imparfaite,

  • - les consorts PI. soutiennent en vain, à titre très subsidiaire, que la demanderesse serait infondée en son action au motif qu'il lui appartenait d'obtenir préalablement de la juridiction italienne un titre exécutoire à leur encontre en application des dispositions de l'article 474 du Code civil italien, alors que d'une part, en matière de procédure, la loi du for reçoit application, d'autre part, la saisie-arrêt a été régulièrement requise et autorisée en application du droit monégasque, enfin, la présente instance a précisément pour but d'obtenir une condamnation au paiement, donc un titre exécutoire, à l'encontre des défendeurs,

  • - la partie demanderesse justifie de la réalité du règlement de la somme de 300.000 euros qu'elle a effectué pour le compte de son assuré, la société F., en exécution du contrat d'assurance-cautionnement souscrit auprès d'elle par cette dernière, mais non du décompte des intérêts aboutissant à la somme de 352.313,77 euros dont elle réclame paiement aux termes de ses dernières écritures,

  • - les parties s'accordent sur l'application de la loi italienne au présent litige mais ne justifient pas du contenu de ladite loi s'agissant de la capitalisation de intérêts.

Par exploit délivré le 17 octobre 2018 et conclusions déposées les 8 octobre 2019 et 10 décembre 2019, l. PI. m. PI. et a. C P. ont formé appel parte in qua à l'encontre du jugement précité, demandant à la Cour d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a déclaré les juridictions monégasques compétentes pour connaître de l'affaire et statuant à nouveau de :

* in limine litis :

  • - constater le placement en liquidation judiciaire de la société B. le 8 mai 2018, soit antérieurement au jugement rendu par le Tribunal de première instance le 7 juin 2018,

  • - constater la désignation avérée du « Syndic de faillite »/liquidateur, Monsieur Boris F. à la date du 8 mai 2018,

  • - constater que ces éléments ont été portés à la connaissance des concluants suivant conclusions notifiées le 5 décembre 2018, soit postérieurement à la signification de l'acte d'appel le 17 octobre 2018,

  • - constater l'absence d'intervention du « Syndic de faillite », Monsieur Boris F. à la suite de sa nomination, dans l'instance initiée suivant assignation signifiée à leur endroit le 4 juillet 2016,

  • En conséquence,

  • - déclarer nul et non avenu en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 7 juin 2018, en raison de la perte de capacité à agir de la société B., à la suite de son placement en liquidation judiciaire le 8 mai 2018 et en l'absence d'intervention du « Syndic de faillite », Monsieur Boris F. faisant suite à sa nomination du même jour, dans l'instance initiée suivant assignation signifiée à leur endroit le 4 juillet 2016,

  • - déclarer éteinte l'instance initiée suivant assignation signifiée à leur endroit le 4 juillet 2016,

  • - débouter la société B. de toutes ses prétentions, fins et conclusions dirigées à leur endroit, avec toutes conséquences de droit,

  • - dire et juger que la Cour d'appel ne saurait maintenir les effets de la saisie-arrêt pratiquée suivant exploit d'huissier du 4 juillet 2016,

  • - rétracter l'ordonnance présidentielle rendue le 28 juin 2016 par Madame le Président du Tribunal de première instance, avec toutes conséquences de droit,

  • - ordonner la mainlevée entière, immédiate et définitive de la saisie-arrêt pratiquée suivant exploit d'huissier du 4 juillet 2016, auprès de la société C. SAM, société anonyme monégasque exploitant sous l'enseigne D., avec toutes conséquences de droit,

* Si par impossible, la Cour d'appel ne devait pas faire droit aux demandes soulevées in limine litis,

  • À titre principal,

    • - les recevoir en leur appel parte in qua, le dire bien fondé et y faire entièrement droit,

    • - infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a déclaré les juridictions monégasques compétentes pour connaître de l'affaire,

  • En conséquence et statuant à nouveau,

    • - rejeter des débats les pièces produites par la société B. sous les n° 12, 13 et 14,

    • - dire et juger que le différend entre les parties est exclusivement régi par le droit et la loi italienne,

    • - dire et juger que la société B. ne dispose d'aucun titre exécutoire conforme à l'article 474 du Code civil italien à leur encontre,

    • - dire et juger que la créance dont elle se prévaut à leur endroit n'est ni certaine, ni liquide ni exigible,

    • - dire et juger que la société B. est dans ces conditions infondée à poursuivre l'exécution des contrats souscrits par leurs soins,

  • Subsidiairement,

    • - dire et juger que les trois actes souscrits par leurs soins s'analysent en des actes de cautionnement profitant à la société B. et non des garanties à première demande,

    • - dire et juger que les trois actes souscrits par leurs soins sont entachés d'irrégularités qui affectent leur validité au regard de la loi italienne,

  • Très subsidiairement,

    • - dire et juger que les trois actes souscrits par leurs soins sont contraires à la loi et l'ordre public monégasques,

    • - dire et juger que ces trois actes de cautionnement ne sauraient nullement les engager et qu'ils ne sauraient donc produire un quelconque effet sur le territoire monégasque,

  • En tout état de cause,

    • - débouter la société B. de toutes ses prétentions, fins et conclusions dirigées à leur encontre, avec toutes conséquences de droit,

    • - dire et juger que la Cour d'appel ne saurait maintenir les effets de la saisie-arrêt pratiquée suivant exploit d'huissier du 4 juillet 2016 dans l'attente de la décision de la juridiction étrangère,

    • - rétracter l'ordonnance présidentielle rendue le 28 juin 2016 par Madame le Président du Tribunal de première instance, avec toutes conséquences de droit,

    • - ordonner la mainlevée entière, immédiate et définitive de la saisie-arrêt pratiquée suivant exploit d'huissier du 4 juillet 2016, auprès de la société C. SAM, société anonyme monégasque exploitant sous l'enseigne D., avec toutes conséquences de droit,

    • - condamner la société B. aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris tous frais et accessoires, tels que frais de greffe et d'enregistrement, d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traductions éventuels, dont distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir à titre liminaire que le jugement du 7 juin 2018 est nul, par application conjuguée des articles 264 et 967 du Code de procédure civile monégasque, faute de capacité des bénéficiaires de la décision à ester en justice, dès lors que le placement en liquidation de la société B. emporte dessaisissement du débiteur qui ne se trouve plus à même, en l'absence d'intervention du syndic/liquidateur à l'instance, de poursuivre cette dernière, quand bien même elle aurait été initiée par les soins de la société in bonis.

Ils considèrent qu'il en va de même des actes de signification de la décision qui ont été faits au nom et pour le compte des dirigeants de la société en exercice, en l'absence de capacité à ester de ces deniers, à l'exception de l'acte d'appel.

Ils ajoutent que le pouvoir donné à Maître Laura OPILIO par Monsieur F. nommé syndic de faillite/liquidateur par courrier daté du 24 juin 2019, se limite à des prérogatives pour agir devant les juridictions italiennes.

Ils déduisent des irrégularités affectant les actes de procédure postérieurs au placement en liquidation judiciaire de la société :

  • - d'une part, que l'assignation délivrée le 4 juillet 2016, se trouve, en l'absence d'intervention du syndic, dépourvue d'effet et donc caduque,

  • - d'autre part, que l'instance s'est éteinte par le jeu de la péremption, en application des dispositions de l'article 405 du Code de procédure civile, faute pour Monsieur F. véritable débiteur à la suite du changement d'état de la société de reprendre le cours de l'instance que celle-ci avait initiée.

Au fond, ils se prévalent en premier lieu de l'absence de traduction en langue française des pièces n° 12 et 13 et de la traduction seulement partielle des pièces n° 14 et 15, alors que le Tribunal s'est amplement appuyé sur la pièce n° 14 pour fonder sa décision et que sa traduction libre est contestable.

Soutenant en deuxième lieu que les parties ont entendu, sans conteste, soumettre l'exécution et la sanction des trois contrats de « coobligation » à la loi italienne, ils prétendent, au visa des dispositions de l'article 474 du Code civil italien, que la société danoise B. ne pouvait faire pratiquer une saisie-arrêt à leur endroit sans justifier d'un titre exécutoire, de sorte que les premiers juges ont commis une erreur de droit en retenant l'application de la procédure de droit monégasque.

Ils mettent en exergue une contradiction de motifs consistant à retenir qu'une instance visant à obtenir un titre exécutoire s'analyse en un pur moyen de procédure.

Ils ajoutent que le fait que la société B. dispose d'une ordonnance qui parait constituer un titre exécutoire en vertu du droit italien à l'encontre de la société F. est indifférent, dès lors que cette décision ne les concerne pas directement.

Ils contestent en troisième lieu la qualification de garantie à première demande opérée par les premiers juges des actes litigieux, au seul regard de la renonciation expresse aux dispositions propres au cautionnement, alors qu'il convenait d'apprécier, sous le prisme du droit italien applicable, l'autonomie ou non du contrat litigieux.

Ils font observer à cet égard que :

  • - l'exécution de ces trois contrats demeure explicitement conditionnée à la seule défaillance de la société F.,

  • - les sommes éventuellement dues au titre desdits contrats, lesquels ont une existence propre indépendante du contrat principal, sont conditionnées par celles visées au contrat principal, alors que l'autonomie de garantie exige a priori que son montant soit clairement défini,

  • - si l'étendue de l'engagement de caution peut être déterminé par référence à la dette principale, une telle stipulation ne peut se concevoir dans le cadre d'une garantie que les parties veulent autonome,

  • - « l'engagement de payer à première demande ce que doit le débiteur -c'est à dire la propre dette de celui-ci- ne peut être qu'accessoire, un cautionnement en clair, même s'il est limité à un certain montant »,

  • - « tout au plus pourrait-on dans l'absolu, concevoir qu'une garantie autonome dont le montant serait seulement déterminable soit acceptable, dès lors que les paramètres de sa détermination ne renvoient pas à l'obligation principale »,

  • - en l'espèce, leur obligation demeure impossible à déterminer, tant dans son périmètre que dans son quantum, sans référence au contrat principal.

Ils en concluent que les trois actes litigieux ne sont pas autonomes mais accessoires à l'obligation principale et constituent des actes de cautionnement.

Ils affirment néanmoins qu'il convient de priver ces actes de tout effet en Principauté de Monaco, au regard des dispositions du droit italien qui imposent de mentionner le montant maximum garanti.

En quatrième lieu, au visa de l'article 27 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, ils prétendent que de tels engagements sont de nature à heurter gravement l'ordre public économique monégasque faute de respecter le formalisme exigé par l'article 1173 du Code civil pour les actes sous seing privé, relevant qu'ils sont entièrement dactylographiés et ne comportent aucune date de signature ni aucun plafond quant au quantum de l'engagement, alors que l'obligation principale de la société B. est fixée à la somme globale maximale de 300.000 euros.

Ils font observer que la société B., consciente de l'absence d'information claire et précise envers chacune des cautions, entend désormais se prévaloir de leur qualité de professionnels dans le cadre de sûretés personnelles transmissibles, pour leur dénier maladroitement le bénéfice de toute norme protectrice, alors qu'elle s'est elle-même engagée à s'acquitter des dettes éventuellement contractées par la société F. au profit du bureau des Douanes de Milan, en contrepartie du paiement annuel de primes à son profit, en sa qualité d'organisme d'assurance, professionnel en la matière.

Par conclusions d'incident déposées le12 mars 2019, les consorts PI. C. ont demandé qu'il soit fait injonction à la société B. de produire l'original des pièces adverses n° 16 et 17 et que soit ordonnée la traduction officielle de divers documents en rapport avec lesdites pièces.

Par écritures récapitulatives et additionnelles déposées le 14 novembre 2019, faisant suite aux écritures des 5 décembre 2018 et 23 avril 2019, la société B. en faillite a conclu comme suit :

  • - déclarer l'appel introduit par les consorts PI. C. non fondé,

Liminairement,

  • - dire et juger que la société B. est dûment et valablement représentée dans la présente procédure par son liquidateur judiciaire et en conséquence :

  • - débouter les consorts PI. C. de leur demande tendant à voir déclarer nulle l'ensemble de la procédure,

  • - constater que la société B. produit les traductions assermentées et certifiées des pièces numérotées 16 et 17, en conséquence,

  • - dire et juger que la demande d'incident soulevée par les consorts PI. C. n'a plus d'objet,

  • - constater que les consorts PI. C. n'ont jamais contesté la traduction des pièces 12, 13 et 14, et en conséquence,

  • - débouter les consorts PI. C. de leur demande tendant à voir écarter des débats les pièces 12, 13 et 14,

Au fond,

  • - débouter les consorts PI. C. de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions formulées en appel, avec toutes conséquences de droit,

  • - confirmer le jugement du Tribunal de première instance prononcé le 7 juin 2018 en toutes ses dispositions,

  • - condamner les consorts PI. C. au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices causés à son endroit, toutes causes confondues,

  • - condamner les consorts PI. C. à tous frais et dépens, lesquels comprendront notamment les frais et accessoires, frais d'huissiers, d'expertise et traductions éventuels, dont distraction au profit de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

En liminaire, elle souligne que la procédure se trouve régie par la loi monégasque, le fond du dossier par la loi italienne et la situation de la société B. par la loi danoise.

Reprenant la chronologie des évènements afin d'en tirer les conséquences procédurales utiles, elle objecte que la société est, au regard des dispositions des articles 107 et 110 de la loi danoise sur les faillites, dûment représentée par son liquidateur depuis l'ordonnance danoise ayant prononcé son placement en faillite.

Elle réfute la transposition des décisions judiciaires vantées par les appelants au cas d'espèce, concernant pour l'une, une action initiée par le débiteur failli, pour l'autre, un refus d'intervention du syndic/liquidateur.

Elle souligne qu'elle n'est pas à l'origine de la procédure d'appel intervenue à la suite de sa mise en faillite, laquelle a de surcroit été prononcée après la clôture des débats devant le Tribunal de première instance et qu'elle a confirmé sa situation dès qu'elle a pu s'exprimer par voie de conclusions le 4 décembre 2018.

Reprochant aux appelants une volonté dilatoire, elle fait état de la production des pièces n° 16 et 17 en original et certifiées ainsi que leur traduction assermentée et soutient que les pièces n° 12, 13 et 14 ont, certes donné lieu à une traduction simple, mais que cette dernière n'avait jamais été contestée en deux ans de procédure.

Au fond, elle conteste en premier lieu l'obligation de justifier d'un titre exécutoire préalable à la saisie arrêt, soutenant que :

  • - la loi du for étant applicable en matière de procédure et la saisie-arrêt ayant été requise et autorisée au regard du droit monégasque, les juridictions de la Principauté sont compétentes par application de l'article 6 alinéa 7 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017,

  • - la procédure suivie devant le Tribunal de première instance visait précisément à l'obtention d'un titre exécutoire à leur encontre pour permettre la mise à exécution des mesures conservatoires prises,

  • - bien que ce ne soit pas nécessaire pour diligenter la présente procédure à l'encontre des appelants, elle disposait d'un titre exécutoire à l'encontre de F., dès lors qu'elle avait sollicité au préalable, sans y être obligée, le remboursement de sa dette auprès de cette société, cette mesure d'injonction devenant exécutoire selon le droit italien en l'absence d'appel ou d'opposition régulièrement formés.

En deuxième lieu, elle affirme que les documents dont sont signataires les appelants constituent des actes de garantie à première demande, comme justement apprécié par les premiers juges qui ont relevé que l'engagement souscrit prévoit un remboursement « sans aucune exception et sur simple demande ».

Elle souligne également que :

  • - les garanties à première demande ne sont pas soumises aux règles de validité du cautionnement, notamment le principe imposant que l'acte de caution indique expressément le montant maximal pour lequel la caution ou la garantie est donnée,

  • - leur méconnaissance n'entraine pas nécessairement une nullité de l'acte.

Elle fait observer que les appelants sollicitent la requalification des contrats litigieux en actes de cautionnement, sans égard pour la clause de juridiction insérée dans le contrat principal qui écarterait alors la compétence des juridictions monégasques, ce qui démontre de plus fort que leur analyse n'est pas fondée.

Elle réfute en quatrième lieu toute contrariété à l'ordre public monégasque aux motifs que :

  • - la forme et le fond des contrats de garantie autonome sont régis par le droit italien, de sorte que les dispositions de l'article 1173 du Code civil, qui ne relève pas au demeurant de l'ordre public, n'ont pas lieu d'être observées,

  • - il n'est pas démontré quelles dispositions de l'ordre public monégasque seraient violées par l'application du droit italien à ce litige, comme prévu par l'article 27 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017.

  • - les appelants ne peuvent se prévaloir des dispositions protectrices liées à la qualité de consommateur au sens de la réglementation européenne, alors qu'ils se sont portés garants de la société F. dans le cadre de leur activité professionnelle, a. C P. en étant la présidente et l. PI. et m. PI. étant membres du conseil d'administration, tous actionnaires.

Enfin, elle considère que les appelants ne rapportent pas la preuve de leurs affirmations péremptoires, les contraignant à exposer des frais de conseil pour faire valoir leurs droits depuis plus de trois ans et demi, la privant de la jouissance des fonds qui lui sont dus, générant pour elle un important manque à gagner et lui imposant, de manière dilatoire, des frais de traduction injustifiés.

Par conclusions datées du 7 octobre 2019, Madame le Procureur général a demandé à la Cour de déclarer l'appel recevable, de juger que l'affaire est en état d'être plaidée et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, tant en ce qui concerne la compétence des juridictions monégasques que la nature des engagements souscrits par les consorts PI.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

  • Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu que l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 7 juin 2018, signifié le 17 septembre 2018, respectant les règles de forme et de délai édictées par le Code de procédure civile doit être déclaré recevable ;

Attendu que les « demandes » figurant au dispositif des écritures des appelants et de l'intimée, aux fins de voir « constater » ne constituent pas des prétentions mais des moyens auxquels il sera répondu dans le corps du présent arrêt ;

Attendu enfin que les dispositions non appelées du jugement entrepris, relatives à la compétence territoriale des juridictions de la Principauté de Monaco et au rejet de la capitalisation des intérêts sont désormais définitives ;

  • Sur les conclusions d'incident :

Attendu qu'à titre liminaire, la Cour relève qu'aux termes de conclusions d'incident déposées le 12 mars 2019, les consorts PI. C. demandaient qu'il soit fait injonction à la société B. de produire l'original des pièces adverses n° 16 et 17 et que soit ordonnée la traduction officielle de divers documents en rapport avec lesdites pièces ;

Que les appelants reconnaissent dans leurs dernières écritures que les documents litigieux, agrémentés d'apostilles conformément aux dispositions de la Convention de La Haye leur ont été transmis, accompagnés de leur traduction officielle ;

Qu'il s'ensuit que l'incident formé à cet égard se trouve désormais sans objet ;

  • Sur la capacité pour agir de la société B. :

Attendu que les consorts PI. C. soutiennent que le jugement prononcé le 7 juin 2018 ainsi que les actes de procédures qui ont suivi, à l'exception de l'acte d'appel, seraient nuls de plein droit pour perte de capacité à agir en justice de la société B. en suite de son placement en liquidation judiciaire le 8 mai 2018 ;

Attendu qu'en vertu des dispositions conjuguées des articles 264 et 967 du Code de procédure civile, un acte pourra être déclaré nul pour irrégularité de fond telle qu'un défaut de capacité d'ester en justice, sans que celui qui s'en prévaut n'ait à justifier d'un grief ;

Que la capacité à agir en justice critiquée par les appelants est celle de la personne morale qui exerce l'action et non celle de ses représentants ;

Qu'il est acquis aux débats que cette capacité doit s'apprécier au regard des dispositions du droit danois, précisément celles régissant la matière de la faillite ;

Qu'à cet égard, le certificat de coutume et son complément établis respectivement le 1er octobre 2019 et le 6 décembre 2019 par m. FO., membre de l'ordre des avocats danois et avocate inscrite au barreau de Paris, portant analyse synthétique des chapitres 17 et 31 de la loi danoise LBK n° 11 du 6 janvier 2014 sur la procédure de liquidation judiciaire, révèlent les principes généraux suivants :

  • - toute procédure judiciaire portant sur des créances et demandes appartenant au patrimoine du failli est intentée par le liquidateur judiciaire avec pouvoir de représentation devant les juridictions judiciaires ordinaires (article 135, chapitre 17),

  • - dans les procédures judiciaires intentées par le débiteur en liquidation judiciaire avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire, représentant le patrimoine du failli, peut succéder au débiteur en tant que partie demanderesse (article 136 alinéa 1er, chapitre 17),

  • - la juridiction saisie d'une procédure judiciaire toujours en instance, qui est informée de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre du demandeur de cette même procédure et dans laquelle le liquidateur n'a pas été représenté par son propre conseil, doit surseoir à statuer et informer aussitôt le liquidateur judiciaire de la procédure judiciaire en cours ;

Qu'il en ressort également, concernant la capacité juridique de la personne en liquidation judiciaire que :

  • - « la personne visée par la procédure de liquidation judiciaire est dessaisie de toute capacité juridique à agir au nom du patrimoine du failli et avec effets juridiques pour celui-ci au profit du liquidateur judiciaire qui a tout pouvoir de représentation » (article 29 de la loi),

  • - « l'incapacité juridique de la personne visée par la liquidation judiciaire est opposable à tous à partir du lendemain de la date de publication de l'annonce légale dans le Journal officiel » (article 30),

  • - « un ou plusieurs liquidateurs judiciaires (Kurator) sont nommés par le Tribunal immédiatement à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire » (article 107),

  • - le patrimoine du failli est défini comme « tout le patrimoine existant au moment de l'ouverture de la procédure judiciaire, ainsi que toute créance qui lui revient pendant le règlement de la procédure judiciaire » (article 32),

  • - conduisant son auteur à en conclure notamment que la personne morale visée par la procédure de liquidation judiciaire ne peut en aucun cas agir au nom du patrimoine du failli après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;

Que par ailleurs, il est précisé qu'aucune exception ou disposition particulière n'est prévue par la loi susvisée sur la procédure de liquidation judiciaire concernant la capacité juridique de la personne visée par les mesures de liquidation judiciaire, qui est ainsi régie par le droit commun danois en la matière, sous réserve de l'acceptation en droit étranger des dispositions concernées ;

Qu'il s'évince de l'examen conjugué de ces textes que la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement du débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens au profit du liquidateur judiciaire ;

Que pour autant, il s'en déduit également que cette perte de capacité à agir, pour aussi automatique qu'elle soit, n'emporte pas, par elle-même, des conséquences identiques selon le type et l'état d'avancement des procédures judiciaires qu'elle peut affecter ;

Qu'ainsi, si la juridiction saisie d'une procédure judiciaire, qui est informée de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre du demandeur de cette même procédure et dans laquelle le liquidateur n'a pas été représenté par son propre conseil, doit surseoir à statuer et informer aussitôt le liquidateur judiciaire de la procédure judiciaire en cours, encore faut-il que ladite procédure soit « toujours en instance » selon le texte invoqué ;

Que dans ce cadre, il appartient en effet au liquidateur ainsi avisé de régulariser ses actes de procédure ;

Que ce faisant, la notion d'instance en cours suppose non seulement que l'instance soit en cours au jour du jugement d'ouverture de la faillite mais également que cet évènement survienne avant l'ouverture des débats, dès lors que les parties n'ont plus d'acte de procédure à accomplir pendant le temps du délibéré ;

Attendu qu'au cas présent, il ressort du document intitulé « certification » établi le 8 mai 2018, assorti de l'apostille apposée le 2 juillet 2018, que la société B. a été déclarée en faillite le 8 mai 2018 en vertu du droit danois, Boris K. F. se trouvant désigné en qualité de liquidateur à compter de cette date ;

Qu'il s'avère ainsi, à la lecture des termes du jugement critiqué rendu le 7 juin 2018, que cette déclaration est intervenue postérieurement à la clôture des débats prononcée le 29 mars 2018 ;

Qu'il s'ensuit que le placement en liquidation judiciaire de la société B. le 8 mai 2018 est sans incidence sur le jugement prononcé le 7 juin 2018 au regard de la capacité à ester en justice de celle-ci ;

Que la demande tendant à voir déclarer nul et non avenu le jugement de ce chef ne peut prospérer ;

Attendu que par contre, la Cour observe que la signification du jugement entrepris a été opérée par acte du 17 septembre 2018 à la requête de la société B., agissant poursuites et diligences de ses administrateurs en exercice, Messieurs b. s. N. et t. d. F.;

Qu'à l'évidence ces derniers ne disposaient plus de la qualité nécessaire pour représenter la société à cet effet, tenant tout à la fois la perte de capacité à agir de la société B. et la désignation concomitante de Boris K. F. en qualité de liquidateur à compter du 8 mai 2018 ;

Qu'il s'ensuit que ces actes de signification, délivrée par une partie dessaisie de toute capacité juridique à agir, sont frappés de nullité en vertu des dispositions combinées des articles 264 et 967 du Code de procédure civile ci-dessus citées ;

Que leur annulation demeure néanmoins sans incidence sur la régularité de l'appel interjeté par les appelants, lesquels pouvaient exercer leur recours indépendamment de la signification de la décision attaquée ;

Attendu enfin qu'en suite de l'exploit d'appel délivré le 17 octobre 2018, la société B. a informé les appelants de son état de faillite, produisant pour en justifier les pièces numérotées 16 et 17, correspondant à :

  • - un document intitulé après traduction « certification » établi le 8 mai 2018, portant désignation de Boris K. F. en qualité de liquidateur à compter de cette date, valablement apostillé,

  • - une procuration non datée consentie par Boris K. F. à Laura OP., avocate italienne, détaillant les prérogatives qui lui sont consentis ;

Que l'intimée soutient que Boris K. F. avocat nommé en qualité de liquidateur judiciaire par la Haute Cour Maritime et Commerciale de Copenhague en vertu de l'article 107 de la loi danoise sur la faillite, a ainsi pris immédiatement le contrôle de la société par l'effet de l'article 110 de cette même loi et en est devenu le représentant ;

Que ce dernier a affirmé son intention de poursuivre l'instance en donnant mandat à Maître Laura OP. afin que celle-ci puisse notamment désigner tous conseils utiles pour représenter et défendre les intérêts de la société dans toutes les procédures encore pendantes, laquelle a ensuite confirmé, d'une part le mandat confié à Maître NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco par email du 29 octobre 2019 afin que cette dernière se constitue aux intérêts de la société B. à l'audience du 30 octobre 2018, d'autre part avoir reçu ses instructions directement du liquidateur judiciaire ;

Que les critiques élevées par les appelants concernant le pouvoir de représentation du conseil de l'intimée dans le cadre de la présente instance sont inopérantes, dès lors que :

  • - la faculté de désigner un avocat monégasque n'est pas expressément exclue par la procuration précitée, qui comprend notamment le pouvoir de « mener toute autre activité nécessaire au bon déroulement du mandat » sans que cette prérogative ne soit limitée au seul territoire italien,

  • - le pouvoir dont dispose son conseil n'est pas contesté par le mandant, Boris K. F. agissant en qualité de liquidateur judiciaire,

  • - l'avocat-défenseur n'a pas à justifier de son mandat, qui résulte de la remise des pièces en vertu des dispositions de l'article 171 du Code de procédure civile ;

Qu'enfin, nonobstant l'absence de mention explicite dans l'entête des conclusions déposées par l'intimée de l'identité de son représentant, la simple précision « en faillite » y ayant été portée, il résulte suffisamment du corps de ses écritures que celle-ci est désormais représentée par son liquidateur judiciaire désigné, Boris K. F. qui a exprimé sans ambigüité sa volonté d'intervenir et de poursuivre l'instance en cours dès le 4 décembre 2018, date de ses premières écritures ;

Que le moyen tiré de l'extinction de l'instance pour discontinuation des poursuites pendant un an, fondé sur les dispositions de l'article 405 du Code de procédure civile, est donc sans emport ;

Qu'en l'état de ces considérations, la demande tendant à voir déclarer éteinte l'instance initiée suivant assignation délivrée le 4 juillet 2016 sera rejetée ;

  • Sur la validité des pièces n° 12, 13 et 14 produites par les consorts PI. C. :

Attendu que les appelants demandent que soient écartées des débats les pièces adverses n° 12 et 13, rédigées en langue italienne, au motif de leur absence de traduction en langue française et la pièce n° 14, également établie en langue italienne, qui n'a donné lieu qu'à une traduction partielle libre dont ils contestent la teneur ;

Attendu que la langue française étant la langue officielle consacrée en Principauté de Monaco, les pièces produites en langue étrangère doivent être traduites dans cette langue pour permettre leur compréhension par le juge et les autres parties ;

Qu'il s'ensuit que les pièces n° 12 et 13, non accompagnées de leur traduction en langue française, se doivent d'être écartées des débats ;

Que par contre, la pièce n°14, correspondant à une décision de la Cour suprême de cassation italienne du 6 avril 1998, a donné lieu à une traduction libre critiquée par les appelants au seul motif de ce qu'elle est partielle, sans expliciter en quoi la fidélité de la traduction au texte original serait en l'espèce contestable ;

Qu'ils se contentent en effet d'affirmer dans leurs écritures, après avoir rappelé que le Tribunal s'est « amplement appuyé sur l'une des pièces, la pièce adverse n° 14, pour fonder sa décision » que « pourtant, la traduction libre fournie de la pièce n° 14 est seulement celle du paragraphe 3.1 et ne permet pas d'aboutir à une telle conclusion », sans plus d'explication textuelle, leurs réserves portant en réalité sur l'analyse de ce paragraphe opérée par les premiers juges ;

Qu'au demeurant, la Cour observe d'une part que la validité de cette pièce, déjà produite devant les premiers juges, n'a donné lieu à aucune contestation en première instance, d'autre part que les appelants ne proposent ni ne produisent aucune traduction intégrale qui viendrait contredire celle dont ils critiquent la teneur et la portée ;

Qu'en l'absence d'argumentation sérieuse, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande de rejet de cette pièce ;

Qu'enfin la Cour constate que les appelants ont évoqué dans le corps de leurs dernières écritures (page 14) la régularité de la pièce n° 15 qui de la même manière n'aurait donné lieu qu'à une traduction libre partielle ;

Qu'ils n'ont cependant pas développé plus avant en quoi cette traduction partielle serait contestable et n'en ont tiré aucune conséquence juridique dans le dispositif de leurs conclusions qui ne visent que les pièces 12, 13 et 14, de sorte que cette pièce aurait encore moins vocation à être écartée des débats ;

  • Sur la demande en paiement :

Attendu que par acte sous seing privé conclu le 13 mars 2014 intitulé « contrat d'assurance n° 03-101683/R », la société de droit danois B. s'est portée caution de la société de droit italien F. aux fins de garantir auprès du Bureau des Douanes de Milan, bénéficiaire, le paiement du droit « d'accise » et des éventuels frais complémentaires grevant la fourniture d'énergie électrique aux usagers et tous les frais y relatifs, à concurrence du maximum global de 300.000 euros ;

Que par trois actes séparés, intitulés « Contrat d'assurance n° 03-101683/R-Acte de coobligation en faveur de la société B. », l. PI. m. PI. et a. C P. se sont chacun portés garants « envers la société B., de manière solidaire avec le Souscripteur (F.), pour les obligations et les charges qui lui incombent par rapport à la passation de la garantie mentionnée (qu'ils déclarent) expressément connaître et accepter » ;

Qu'invitée par courrier recommandé du 18 février 2015 émanant du bureau des Douanes de Milan 1 à régler la somme de 300.000 euros en exécution du contrat d'assurance-cautionnement n° 03-101683/R du 13 mars 2014 obligeant la société F., la société B. s'est acquittée le 23 avril 2015 de son paiement par virement bancaire auprès de l'Agence des Douanes et des Monopoles, dont dépend le bureau des Douanes de Milan, se trouvant par la même subrogée dans les droits de celle-ci en application de l'article 5 du contrat souscrit ;

Que poursuivant alors le recouvrement de cette somme, la société B. a obtenu auprès du « Tribunale ordinario di Roma » (Italie) une ordonnance d'injonction de payer rendue le 17 août 2015 à l'encontre de la société F. pour un montant de 300.000 euros, outre intérêts et frais ;

Que dans le même temps, la société B. a adressé le 5 juin 2015 un courrier recommandé avec accusé de réception à chacun des appelants, les mettant en demeure de lui payer la somme de 300.000 euros, dans le délai de sept jours ;

Que cet envoi a été suivi le 8 février 2016 de la délivrance à leur endroit d'une sommation de lui payer la somme de 315.548,63 euros, en principal et intérêts ;

Qu'en l'absence de tout paiement volontaire, la société B. a obtenu l'autorisation de faire pratiquer des saisies arrêts sur les comptes de ces derniers ;

Attendu qu'en premier lieu, la Cour observe que les parties s'accordent sur l'application du droit italien pour statuer sur l'exécution des actes par lesquels l. PI. m. PI. et a. C P. se sont portés garants solidaires avec la société F., envers la société B. ;

Qu'à ce titre, les consorts PI. se prévalant des dispositions de l'article 474 du Code civil italien, soutiennent que la société B. serait infondée en son action, faute pour elle de justifier de l'obtention préalable auprès de la juridiction italienne d'un titre exécutoire à leur endroit ;

Que certes l'article précité prévoit que « l'exécution forcée ne peut avoir lieu qu'en vertu d'un titre exécutoire pour un droit, certain, liquide et exigible » ;

Que pour autant, tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que la procédure suivie fait suite à une mesure conservatoire, qui ne constitue pas une mesure d'exécution forcée mais une simple mesure de précaution, destinée à prévenir l'insolvabilité éventuelle du débiteur en l'empêchant de disposer de ses biens ;

Que l'exigence d'un titre exécutoire n'est pas requise à cet égard, de sorte que le texte invoqué par les appelants se révèle inopérant, sans qu'il y ait lieu de suivre les parties dans le détail de leur argumentaire, relatif notamment à l'exequatur de l'ordonnance rendue en Italie à l'encontre de la société F., partie tierce à la procédure ;

Que pour le surplus, l'instance en validation de cette mesure et en paiement de ses causes se trouve régie par la loi du For, quand bien même celle-ci a précisément pour objet d'obtenir une condamnation à paiement à l'encontre des appelants, dès lors que :

  • - la mesure de saisie-arrêt litigieuse a été valablement requise et autorisée par ordonnance du Président du Tribunal de première instance,

  • - la procédure de saisie-arrêt se trouve régie par les dispositions du Code de procédure civile,

  • - l'article 6 alinéa 7 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 donne compétence aux juridictions monégasques pour connaître des questions d'exécution, de validité ou de mainlevée de saisies arrêts formées dans la Principauté, même si les juridictions monégasques ne sont pas compétentes pour connaître des actions ayant pour objet le fond ;

Que bien plus, les dispositions de l'article 4 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 donnent compétence aux juridictions de la Principauté pour connaître du fond du litige au regard de la domiciliation des consorts PI. à Monaco ;

Que par contre, l'appréciation du bien-fondé de la créance qui sous-tend la mesure conservatoire litigieuse découle d' actes sous seing privés rédigés en langue italienne, conclus en Italie, par des garants de nationalité italienne dont la prestation était susceptible de s'exécuter en Italie en cas de défaillance du débiteur principal qui y a également son siège social ;

Que le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits, soit au cas d'espèce la loi italienne, dont l'application au fond du litige est d'ailleurs revendiquée par l'ensemble des parties ;

Que les juridictions monégasques sont donc compétentes pour connaitre de l'entier litige, en réservant au fond l'application du droit italien ;

Attendu qu'en deuxième lieu, pour s'opposer aux demandes les appelants contestent la qualification de garanties à première demande donnée par les premiers juges aux trois actes intitulés « acte de coobligation au profit de la société B. » dont ils sont signataires, soutenant qu'il s'agit de cautions solidaires de la société F. au profit de la société B. et que leur obligation demeure impossible à déterminer tant dans son périmètre que dans son quantum, sans référence au contrat principal ;

Qu'ils prétendent également que ces actes ne répondent pas aux exigences de sécurité juridiques prescrites en matière de cautionnement par les articles 1936 et suivants du Code civil italien, notamment en ce qu'ils ne précisent pas le montant maximum garanti, de sorte qu'ils doivent être privés de tout effet en Principauté de Monaco ;

Que pour soutenir la qualification de garantie à première demande des actes en cause, l'intimée se réfère exclusivement à la motivation développée par les premiers juges ;

Qu'en tout état de cause, en droit italien comme en droit monégasque, la « garantie autonome » ou « garantie à première demande » constitue une création prétorienne, connue de la jurisprudence mais non réglementée par la loi ;

Qu'en l'espèce, les premiers juges se sont appuyés sur une décision rendue le 19 juin 2017 par la deuxième Chambre civile du Tribunal ordinaire de Bologne (Italie) et un arrêt de la Cour de cassation italienne du 6 avril 1998, versés aux débats par l'intimée, pour qualifier les actes en cause de garantie à première demande, étant relevé que ces éléments soumis au débat contradictoire des parties n'ont alors appelé aucune critique relativement à la traduction libre qui en était proposée et que les appelants, nonobstant les réserves qu'ils entendent formuler en cause d'appel sur ce point, se sont abstenus de présenter une traduction assermentée de l'intégralité de ces pièces, comme de produire des jurisprudences contraires susceptibles d'éclairer sous un angle nouveau cette appréciation ;

Que la jurisprudence établie considère que cette sûreté personnelle se distingue du cautionnement par son autonomie vis-à-vis du contrat principal, le garant s'obligeant, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à régler une somme qui lui sera demandée par le bénéficiaire, soit à première demande, soit suivant des modalités convenues ;

Que l'un des critères déterminant de cette autonomie réside dans le fait que le garant s'engage à payer toute somme réclamée par le bénéficiaire, sur simple demande de celui-ci, indépendamment de l'existence de tout manquement aux obligations contractuelles d'un autre contrat, sans pouvoir différer le paiement, contester le montant de la somme demandée, ni, généralement, lui opposer aucune des exceptions tenant à l'obligation garantie dans le contrat de base ;

Que si ce type d'engagement ne peut avoir pour objet la propre dette du débiteur principal, la simple référence au contrat de base ne prive pas néanmoins la garantie d'autonomie dès lors qu'elle n'implique pas l'appréciation des modalités d'exécution de celui-ci pour l'évaluation des montants garantis et pour la détermination des durées de validité ;

Que ce critère tiré de l'autonomie par rapport au contrat de base est donc primordial et ne peut être suppléé par la seule stipulation contractuelle par laquelle les parties prévoient expressément la possibilité pour le créancier d'exiger du garant le paiement immédiat de la créance « sur simple demande » ou « sans exception » ;

Qu'au cas présent, aux termes des trois actes établis, intitulés « contrat d'assurance n° 03-101683/R-Acte de coobligation en faveur de la société B. », l. PI. m. PI. et a. C P. se sont chacun portés garants « envers la société B., de manière solidaire avec le Souscripteur (F.), pour les obligations et les charges qui lui incombent par rapport à la passation de la garantie mentionnée (qu'ils déclarent) expressément connaître et accepter » ;

Que l'acte se poursuit dans les termes suivants : « Par conséquent, je m'oblige à libérer la société B. de tout préjudice ou désagrément qui pourrait lui survenir à cause de la passation de cette garantie, en la tenant indemne contre tout paiement qu'elle devrait effecteur en capital, intérêts et frais, avec renonciation expresse aux dispositions prévues en ma faveur aux articles 1950 et 1952 du Code civil. (...) Je m'engage aussi par la suite à lui (B.) verser à tout moment, sans aucune exception et sur simple demande, toutes les sommes déboursées à n'importe quel titre ou que la société est appelée à débourser toujours en lien avec la garantie, ainsi que les sommes pour charges fiscales liées à l'action en justice du présent acte de coobligation,

Je reconnais enfin que le présent acte poursuit pleinement ses effets jusqu'à ce que la société B. soit complètement libérée des obligations résultant de la garantie même, tout en renonçant aux droits découlant des articles 1955, 1956 et 1957 du Code civil et en libérant cette même société B. du respect des obligations et des délais visées dans les présentes » ;

Que la Cour observe ainsi que les coobligés se sont expressément engagés de manière solidaire avec le souscripteur, en l'occurrence la société F., au bénéfice de la société B. ;

Qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-avant, la garantie à première demande ne peut avoir pour objet la propre dette du débiteur principal ;

Que par ailleurs, seule une même dette peut avoir plusieurs débiteurs solidaires ;

Que la solidarité convenue au cas d'espèce n'est clairement pas destinée à engager les garants entre eux pour la même dette qu'ils auraient contractée ;

Qu'il s'ensuit que les termes employés, engageant leur auteur solidairement avec la société débitrice à titre principal, sont déterminants de la volonté des parties de rendre la garantie accessoire à l'obligation contractée par la société F. ;

Que bien plus l'évaluation des montants garantis comme la détermination de la durée de validité ne peut être déterminée sans appréciation des modalités d'exécution du contrat de base ;

Que dès lors, les premiers juges se sont mépris sur la nature de l'engagement souscrit individuellement par chacun des appelants, qui doit être qualifié de cautionnement ;

Que les consorts PI. soulignent d'ailleurs à juste titre que cette analyse rejoint celle à laquelle la société B. s'était livrée en première intention, comme en témoignent les termes de la requête aux fins de saisie-arrêt datée du 24 juin 2016, dans laquelle elle exposait qu'en parallèle de la police d'assurance n° 03-101683/R « trois actes de cautionnement personnel ont été régularisés par les requis » et mentionnait que l'engagement souscrit par ces derniers l'avait été « ès-qualité de caution » ;

Attendu pour le surplus que les appelants se prévalent des dispositions des articles 1936 et suivants du Code civil italien pour soutenir que l'acte de caution doit expressément indiquer la limite du montant maximum pour lequel la caution ou la garantie est donnée, mention qui fait défaut dans les actes litigieux, de sorte que faute de respecter les règles du droit italien il doivent être privés de tout effet ;

Que si la caution se trouve régie par les dispositions des articles 1936 à 1957 du Code civil italien, la Cour observe que, contrairement aux affirmations des appelants, aucune de ces dispositions n'impose de préciser, au cas d'espèce, le montant maximum garanti ;

Que certes, aux termes de l'article 1938 du Code civil italien, la caution peut être donnée pour une obligation conditionnelle ou future avec la précision dans ce dernier cas, du montant maximum garanti ;

Que toutefois, la Cour de cassation italienne a précisé dans son arrêt rendu le 31 janvier 2017 (Cassation civile, section I, arrêt n°2492) dont l'abstract est versé aux débats par les appelants, les contours de cette exigence, justifiée « par le débat doctrinal et jurisprudentiel quant au caractère légitime ou non du cautionnement dit « omnibus », c'est à dire étendu à toutes les obligations du débiteur garanti découlant d'opérations futures, dont la légitimité a été mise en cause compte tenu du fait que l'objet du cautionnement ne pouvait être déterminé, ce qui a été compensé par l'obligation, prévue sous peine de nullité, de préciser le montant maximum garanti » ;

Qu'au cas présent, force est de constater que l'objet du cautionnement souscrit par les appelants est déterminé, venant garantir au profit du Bureau des DOUANES DE Milan 1, solidairement avec la société F., fournisseur grossiste d'électricité, principal obligé :

  • - le paiement du droit d'accise inhérent à l'électricité fournie aux usagers,

  • - le paiement de pénalités et d'intérêts moratoires, de sanctions pécuniaires, d'amendes, de sanctions administratives et de tout autre complément comme le prévoit l'article 1942 du Code civil,

  • - le paiement des taxes (éventuellement dues) en cas de vol cambriolage, perte, destruction, baisses ou manques de produit dès lors qu'il n'a pas été concédé de dégrèvement sur cette même taxe,

  • le tout jusqu'à concurrence du montant maximum global de 300.000 euros, ainsi que l'énumère précisément le contrat d'assurance auquel il se réfère ;

Que la garantie souscrite, strictement limitée aux droits et taxes spécifiés, générés par la seule activité de fourniture d'électricité conformément aux articles 53 et 64 du décret législatif n° 504 du 26 octobre 1955, ne se rapporte donc pas à une obligation future ou « omnibus », de sorte que les dispositions de l'article 1938 précité n'ont pas lieu de s'appliquer ;

Que pour le surplus, l'article 1941 précise seulement, d'une part que la caution ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être donnée à des conditions plus onéreuses, d'autre part que la caution en excédent de la dette ou contractée à des conditions plus onéreuses est valable dans les limites de l'obligation principale ;

Qu'il s'en déduit que l'engagement pour une somme indéterminée n'en demeure pas moins valable dès lors que cette somme est déterminable et que la caution avait, de façon non équivoque, connaissance de la nature et l'étendue de l'obligation contractuelle ;

Que tel est bien le cas en l'espèce, chacun des garants ayant pris soin de préciser dans son acte de coobligation que son engagement solidaire avec le souscripteur du contrat de base concernait les obligations et les charges qui lui incombent par rapport à la passation de la garantie mentionnée qu'il « déclare expressément connaître et accepter », laquelle se trouve en tout état de cause souscrite jusqu'à concurrence du montant maximum global de 300.000 euros ;

Que le moyen opposé, tiré du non-respect du droit italien, non fondé, sera rejeté ;

Attendu qu'en troisième lieu, au visa de l'article 27 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, les appelants invoquent la contrariété des engagements souscrits à l'ordre public monégasque en ce qu'ils ne respectent pas le formalisme requis par l'article 1173 du Code civil pour les actes sous seing privé, relevant que ces actes sont dactylographiés, sans mention de plafond du quantum de l'engagement et qu'ils ne comportent aucune date de signature ;

Qu'en effet, cet article fait obligation à une personne qui s'engage seule envers une autre à lui payer une somme d'argent, de porter sur le titre constatant cet engagement, à défaut d'être rédigé en entier de sa main, sa signature ainsi qu'une mention écrite par elle-même d'un bon ou d'un approuvé, portant en toutes lettres la somme ;

Que cependant, en vertu de l'article 11 du règlement Rome I applicable à l'Italie, le contrat est valable quant à la forme s'il satisfait aux conditions de la loi qui le régit au fond ou de celle du pays dans lequel il a été conclu ;

Que les deux critères alternatifs ainsi reconnus désignent au cas d'espèce le droit italien, dont il n'est pas démontré, ni même invoqué qu'il aurait été méconnu ;

Qu'en tout état de cause, à supposer que les dispositions de l'article 1173 du Code civil ait pu trouver application, les mentions prévues par ce texte sont destinées certes à assurer une meilleure protection de la personne qui s'engage, mais ne constituent pas une loi dont l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale et économique de la Principauté au point de régir de manière impérative la situation de celle-ci ;

Que leur inobservation ne saurait dès lors porter atteinte à l'ordre public économique monégasque, comme soutenu par les appelants ;

Que la Cour observe enfin que la société B. invoque la qualité de professionnels des coobligés, sans être véritablement contredite sur ce point par les appelants, pour les soustraire, le cas échéant, aux normes protectrices instaurées au profit des consommateurs ;

Qu'elle fait ainsi valoir que les appelants se sont portés garants dans le cadre de leur activité professionnelle, alors que a. C P. se trouvait être la présidente de la société F., tandis que ses enfants, l. PI. et m. PI. en étaient actionnaires, membres du Conseil d'administration, qualités que tendent à confirmer les extraits du Registre du commerce et de l'industrie de la société précitée et leur traduction libre partielle, produits en pièce n° 15 par l'intimée ;

Que ce moyen est donc également en voie de rejet ;

Qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments que l'engagement de l. PI. m. PI. et a. C P. en leur qualité de caution solidaire de la société F., au bénéfice de la société B. doit trouver application ;

Que la société B. a justifié de la réalité du règlement par ses soins de la somme de 300.000 euros qu'elle a effectué pour le compte de son assuré, la société F. en exécution du contrat d'assurance n° 03-101683/R souscrit auprès d'elle par cette dernière ;

Que les coobligés sont donc redevables auprès de la société B. de la somme précitée au titre de la mise en œuvre de leur garantie ;

Qu'en conséquence, les premiers juges ont, à bon droit, condamné solidairement l. PI. m. PI. et a. C P. à payer à la société B. la somme de 300.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2015, date de la première mise en demeure, étant observé par la Cour qu'aucun moyen n'est soulevé concernant le caractère solidaire entre les coobligés de la condamnation prononcée ;

Que la décision entreprise sera dès lors confirmée par substitution de motifs ;

  • Sur la validation de la saisie-arrêt :

Attendu qu'au regard de la condamnation ci-dessus prononcée il y a lieu de déclarer valable la saisie-arrêt pratiquée le 4 juillet 2016 sur les sommes détenues par l. PI. m. PI. et a. C P. dans les livres de l'établissement C. ;

  • Sur la demande de dommages-intérêts :

Attendu que la société B. soutient que les appelants ne rapportent pas la preuve de leurs affirmations péremptoires et l'ont contrainte à exposer des frais de conseil pour faire valoir leurs droits depuis plus de trois ans et demi, la privant de la jouissance des fonds qui lui sont dus, générant pour elle un important manque à gagner qui a précipité son placement en faillite et lui imposant, de manière dilatoire, des frais de traduction injustifiés ;

Que cependant, aucun comportement dolosif ni aucune résistance abusive des consorts PI. dans la conduite de la procédure ne résultent des pièces de la procédure ;

Qu'il n'y a pas lieu à l'allocation de dommages-intérêts de ce chef ;

Attendu que la société B. invoque également le caractère abusif de l'appel poursuivi, dont l'absence de tout moyen sérieux à l'appui de leur recours démontre leur attitude dilatoire ;

Que pour autant, l'action en justice représente l'exercice d'un droit ;

Que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, à elle seule, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol ;

Qu'en l'espèce, l'analyse des actes liant les parties à laquelle la Cour s'est livrée démontre que les appelants pouvaient à bon droit s'interroger sur la nature de leur engagement respectif et se méprendre sur la portée de leurs obligations ;

Que la demande de dommages-intérêts pour appel abusif mérite donc également d'être rejetée ;

  • Sur les dépens :

Attendu que succombant en leurs demandes, l. PI. m. PI. et a. C P. seront condamnés aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Pierre-Anne NOGHES-du MONCEAU, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare l. PI. m. PI. et a. C P. recevables en leur appel,

Constate que l'incident formé par conclusions déposées le 12 mars 2019 se trouve dépourvu d'objet,

Dit n'y avoir lieu de déclarer nul et non avenu le jugement rendu le 7 juin 2018 par le Tribunal de première instance,

Dit n'y avoir lieu de prononcer l'extinction de l'instance initiée suivant assignation signifiée le 4 juillet 2016 à l. PI. m. PI. et a. C P.

Écarte des débats les pièces communiquées par la société B. sous les n° 12 et 13,

Déboute l. PI. m. PI. et a. C P. de leur demande tendant à voir écarter des débats la pièce n° 14,

Au fond,

Confirme le jugement rendu le 7 juin 2018 par le Tribunal de première instance en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société B. de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et pour appel abusif,

Condamne l. PI. m. PI. et a. C P. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Pierre-Anne NOGHES-du MONCEAU, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 10 MARS 2020, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.

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