Cour d'appel, 3 mars 2020, La société B. c/ Monsieur y. H.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Saisie-arrêt - Mainlevée (non) - Droit international privé - Compétence des juridiction monégasques (oui) - Mesure conservatoire provisoire - Clause d'arbitrage - Moyen inopérant - Condition d'autorisation - Principe certain de créance (oui) - Risque de non recouvrement de la créance (non)

Résumé🔗

En vertu de l'article 6 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé, les tribunaux de la Principauté sont également compétents, quel que soit le domicile du défendeur, en matière d'exécution, de validité ou de mainlevée de saisies-arrêts formées dans la Principauté, et généralement de toutes demandes ayant pour objet des mesures provisoires conservatoires, même si les juridictions monégasques ne sont pas compétentes pour connaître des actions ayant pour objet le fond. Le juge auquel est soumis une demande d'autorisation de saisie-arrêt ou de rétractation de celle-ci, ne tranche pas le fond du litige, dès lors, l'existence d'une clause d'arbitrage. En outre, la circonstance que le contrat n'aurait pas prévu la possibilité, pour une partie, de faire procéder, en cas de défaillance de l'autre partie, à une saisie-arrêt, est indifférente dès lors que l'autorisation de saisie-arrêt ne peut être obtenue qu'auprès d'un juge. Le fait encore, à le supposer constitué, que le droit de l'État du Nevada n'autorise pas une telle procédure n'est pas davantage opérant.

La permission du juge pour procéder à une saisie-arrêt, en application de l'article 491 du Code de procédure civile, ne se trouve subordonnée à aucune autre condition que celle tenant à la démonstration d'un principe certain de créance présentant un caractère suffisant d'évidence, ce qui est le cas en l'espèce, au vu des factures émises et des lettres de mises en demeure. Le risque dans le recouvrement de la créance n'a pas à être établi.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 3 MARS 2020

En la cause de :

  • - La société B., société de droit américain, État du Nevada, exerçant sous l'enseigne M, dont le siège social est X2 à Las Vegas, NV 89115-1791 (Etats-Unis), immatriculée au « Nevada-Register » sous le numéro national X, agissant poursuites et diligences de son associé-gérant en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - Monsieur y. H., né le 26 juin 1993 à Nagoya (Japon), de nationalité japonaise, pilote de course, demeurant X1 98000 Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Donald MANASSE, avocat au barreau de Nice ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu l'ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de première instance, le 26 juin 2019 (R. 5733) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 11 juillet 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000006) ;

Vu les conclusions déposées le 3 décembre 2019 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur y. H.;

À l'audience du 7 janvier 2020, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la société B. à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de première instance du 26 juin 2019.

Considérant les faits suivants :

Invoquant une créance à l'encontre de y. H. la société B. a, par requête en date du 9 janvier 2019, saisi le Président du Tribunal de première instance aux fins de se voir autorisée à pratiquer une saisie-arrêt, entre les mains de la D. (D.) à hauteur d'une somme de 720.000 USD.

Par ordonnance rendue le 6 février 2019, il a été fait droit à cette demande.

Suivant saisie-arrêt et assignation en date du 11 février 2019, la société B. a fait exécuter la saisie entre les mains de la D., le compte de y. H. ouvert en ses livres, présentant un solde créditeur de 491.743,11 euros.

Par exploit du 20 février 2019, y. H. a saisi en référé le Président du Tribunal de première instance aux fins d'obtenir la mainlevée de cette saisie-arrêt.

Par ordonnance contradictoire en date du 26 juin 2019, ce magistrat a statué ainsi qu'il suit :

« Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'il appartiendra,

Mais, dès à présent, par mesure urgente de référé, tous droits et moyens des parties demeurant réservés, les moyens ci-dessus invoqués faisant corps avec le dispositif,

Vu l'article 492 du Code de procédure civile,

  • - ordonnons, avec toutes conséquences de droit, la rétractation de l'ordonnance présidentielle du 6 février 2019 ayant autorisé la société B. à faire pratiquer une saisie-arrêt sur les comptes bancaires de Monsieur H. ouverts dans les livres de l'établissement bancaire dénommé D. pour avoir sûreté et garantie d'une somme de 720.000 USD, sauf à parfaire ou à diminuer,

  • - ordonnons la mainlevée immédiate de la saisie-arrêt pratiquée le 11 février 2019 auprès de l'établissement bancaire dénommé SAM D.,

  • - déboutons la société B. de l'ensemble de ses demandes,

  • - condamnons la société B. en tous les frais et dépens, lesquels comprendront tous frais et accessoires, frais d'huissiers, d'expertises et de traductions éventuelles, dont distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

  • - ordonnons que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ».

Pour statuer ainsi, le Président du Tribunal de première instance a retenu :

« L'analyse de ces nouveaux éléments permet de conclure que la société B. a pu faire la démonstration dans sa requête qu'elle bénéficiait d'une créance fondée en son principe. À cet égard, il importe peu que la créance soit soumise au droit étranger. En revanche, il n'est pas établi qu'il existait des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement justifiant un tel recours. En effet, l'intrication des diverses relations d'affaires entre les parties relativise l'inertie présumée de Monsieur H. pour le règlement de sa créance. De surcroît, celui-ci, résident monégasque, présentait des garanties suffisantes en Principauté minimisant ainsi le risque de volatilité des fonds ».

Par exploit d'appel et assignation délivré le 11 juillet 2019, la société de droit américain B. a relevé appel de cette décision.

Aux termes de cet exploit, elle demande à la Cour, sur le fondement des articles 491 et suivants du Code de procédure civile, de :

  • « - l'accueillir en son appel et l'y déclarer recevable et bien fondée,

  • - réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par Madame le Président du Tribunal de première instance en date du 26 juin 2019 sous le numéro R.5733,

Et, statuant à nouveau,

  • - juger que la société B. justifie d'un principe certain de créance présentant un caractère suffisant d'évidence à l'encontre de Monsieur y. H. à hauteur de la somme de 720.000 USD en principal, fixée aux termes de l'ordonnance présidentielle du 6 février 2019,

  • - juger qu'aucune contestation sérieuse de la part de Monsieur y. H. n'est caractérisée en ce qui concerne l'existence du principe certain de créance présentant un caractère suffisant d'évidence détenu à son égard par la société B.,

  • - ordonner le maintien de la mesure de saisie-arrêt pratiquée le 11 février 2019 auprès de la D., à l'initiative de la société B., au visa de l'ordonnance présidentielle du 6 février 2019, avec toutes conséquences de droit,

  • - débouter Monsieur y. H. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

  • - condamner Monsieur y. H. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit ».

La société appelante fait valoir qu'elle détient une créance fondée en son principe d'un montant de 720.702,93 USD à l'encontre de y. H.

Elle expose qu'elle est une écurie américaine de sport automobile, située à Las Vegas, préparant des véhicules destinés à la compétition et proposant également des prestations de services pour la prise en charge complète de la gestion du pilote et du véhicule pendant les compétitions et les inter courses, tout au long de la saison, sur la base d'un programme convenu entre les parties.

Elle précise que le 23 mars 2018, elle a signé un contrat de prestations de services « sur-mesure », régi par les règles de droit américain de l'Etat du Nevada, avec y. H. pilote, ayant pour objet la prise en charge par la société requérante du pilote à l'occasion du Championnat « 2018 Pirelli World Challenge GT Series », au volant d'une Lamborghini Huracan GT3 de compétition.

Aux termes de ce contrat, la société requérante a l'obligation d'inscrire et de faire participer ce pilote, avec la voiture, au championnat, et y. H. doit, quant à lui, fournir le véhicule à la société et payer, selon les articles 4.2, 4.3 et 4.4 du contrat, les frais d'inscription pour l'engagement au Championnat, le versement d'un dépôt de garantie de 500.000 dollars afin d'anticiper toutes dépenses supplémentaires et pièces de rechange, ainsi que le prix de la prise en charge au sein de la structure E. pour le Championnat d'un montant de 1.200.000 dollars, hors dépôt de garantie, selon les modalités suivantes :

  • - 700.000 dollars à la signature du contrat et au plus tard le 31 mars 2018,

  • - 500.000 dollars une semaine avant le sixième rendez-vous du Championnat, soit au plus tard le 18 mai 2018,

  • - 500.000 dollars au moins deux semaines avant le huitième rendez-vous du Championnat, soit au plus tard le 30 juin 2018.

Elle précise que les dépenses supplémentaires facturées en extra à y. H. se sont élevées à la somme de 536.413,10 dollars à la date du 28 août 2018, que le 21 mars 2018, la balance des comptes au titre du contrat présentait un solde créditeur en faveur du pilote pour commencer la saison, soit un total de 1.015.711 dollars, et que le 28 mai 2018 les premières difficultés de paiement sont apparues, la balance des comptes présentant alors un solde débiteur de 320.702,10 dollars avant de chuter à la somme de 720.702,10 dollars le 15 juillet 2018.

Elle ajoute que y. H. n'a pas procédé au paiement spontané de cette somme, que des délais de grâce lui ont été accordés et qu'une mise en demeure de payer lui a été adressée, en vain, le 29 août 2018.

Elle fait grief au juge des référés d'avoir retenu que y. H.« présentait des garanties suffisantes en Principauté, minimisant le risque de volatilité des fonds » et d'avoir ainsi ajouté une condition à l'octroi d'une mesure conservatoire de saisie-arrêt.

Aux termes de conclusions déposées le 3 décembre 2019, y. H. demande à la Cour de :

  • « - le dire recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

  • - confirmer l'ordonnance de référé rendue par Madame le Président du Tribunal de première instance de Monaco le 26 juin 2019, en ce qu'elle a ordonné la rétractation de l'ordonnance présidentielle du 6 février 2019,

  • - en tant que de besoin, constater que la demande de la société B. exerçant sous l'enseigne « E. » ne repose sur aucun principe certain de créance présentant un caractère suffisant d'évidence et qu'en tout état de cause, elle souffre de nombreuses contestations sérieuses,

  • - débouter la société B. exerçant sous l'enseigne « E. » de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

  • - condamner la société B. exerçant sous l'enseigne « E. » en tous les frais et dépens, lesquels comprendront tous frais et accessoires, frais d'huissier, d'expertises et traductions éventuelles, dont distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».

y. H. invoque l'article 491 du Code de procédure civile et fait valoir qu'au cas d'espèce, la société B. ne justifie pas de l'existence d'un principe certain de créance présentant un caractère suffisant d'évidence.

Il observe en premier lieu, que la société appelante ne respecte pas les stipulations du contrat qu'elle invoque à l'appui de sa créance.

Il souligne en effet que le contrat est régi et interprété selon le droit de l'Etat du Nevada, et que les parties ont choisi de soumettre le contrat à la compétence exclusive des tribunaux de l'État du Nevada pour tous litiges non résolus en vertu de la clause 12 du contrat, laquelle exige une tentative de rapprochement amiable entre les parties, préalable obligatoire à toute saisine ultérieure de l'arbitre désigné dans le contrat.

Il observe aussi que le contrat n'a pas prévu la possibilité, pour l'une des parties, de prendre des mesures conservatoires, dans l'hypothèse où l'une d'entre elles prétendrait être débitrice à l'égard de l'autre, et avant même que la procédure de résolution amiable du différend n'ait été mise en œuvre ou n'ait abouti à un échec.

Il remarque que la société appelante ne rapporte pas la preuve qu'en vertu du droit de l'État du Nevada, auquel est soumis le contrat, telle mesure serait possible.

Il fait valoir que seul le droit étranger auquel est soumis le contrat permet d'établir si, au regard des circonstances de la cause et des règles de preuve applicables dans l'État du Nevada, la société appelante justifie d'une créance fondée en son principe.

Il observe en second lieu, que la société appelante a formé une demande de sursis à statuer, à titre principal, dans la procédure au fond qu'elle a engagé devant le Tribunal de première instance, ce qui induit, selon lui, que la société B. est consciente du défaut du caractère certain et suffisamment évident de sa créance.

Il fait également valoir qu'il n'a jamais donné son accord pour l'acquisition, par la société appelante, d'un véhicule Lamborghini GT3 au prix de 433.000 dollars.

Sur ce point, il évoque l'important différend opposant les parties, notamment quant à l'état défectueux du véhicule et quant au fait que cette somme ait été intégrée par la société appelante dans sa facture du 28 août 2018, et donc dans le calcul du montant de sa prétendue créance, alors que l'acquisition de cette voiture n'est pas comprise dans le champ du contrat conclu entre les parties le 23 mars 2018.

En troisième lieu, l'intimé relève la mauvaise foi de la société appelante qui prétend qu'elle a toutes les raisons de s'inquiéter du recouvrement de sa créance alors même qu'il est propriétaire d'un bien immobilier en Principauté qu'il a acquis au prix de 4.500.000 euros, fait connu de l'appelante, et qu'en outre, la société B. est toujours en possession du véhicule Lamborghini GT3 qui, selon elle, a une valeur commerciale de 433.000 dollars.

En dernier lieu, il conteste le quantum de la créance invoquée par la société appelante.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus développées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

  • 1-Attendu que l'appel, relevé par la société de droit américain B. dans les conditions de forme et de délais prescrites par le Code de procédure civile, est régulier et recevable ;

  • 2-Attendu qu'en application des dispositions de l'article 491 du Code de procédure civile, le Président du Tribunal de première instance peut autoriser le créancier non muni d'un titre exécutoire à saisir-arrêter, entre les mains d'un tiers pour la somme qu'il fixe, les biens prévus à l'article 487 alinéa 2 du Code de procédure civile ;

Attendu que le créancier qui entend solliciter, par requête non contradictoire, le bénéfice de cette autorisation judiciaire doit justifier de l'existence d'un principe certain de créance, présentant un caractère suffisant d'évidence, sans que la démonstration d'une créance certaine, liquide et exigible ne soit exigée ;

Que les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'un principe certain de créance ;

Attendu qu'au cas d'espèce, la société de droit américain B. poursuit l'exécution du contrat de prestation de services qu'elle a signé le 23 mars 2018 avec y. H.;

Qu'il apparaît que ce contrat « est régi, compris et interprété conformément au droit de l'Etat du Nevada », en application de son article 14.2 ;

Que ce texte précise en outre que « les parties se soumettent par le présent contrat à la juridiction exclusive des tribunaux de l'État du Nevada pour tous litiges non résolus en vertu de la clause 12 » ;

Que la clause 12 du contrat, relative au règlement des différends, énonce que :

« 12.1. En cas de litige entre le pilote et l'équipe ou entre l'équipe et le garant, les deux parties déploieront tous les efforts raisonnables pour résoudre le différend par des négociations constructives en recourant, le cas échéant, à des conseillers professionnels.

Si le différend ne peut être résolu malgré la conformité à l'article 12.1, les parties conviennent de soumettre le différend à l'arbitrage exécutoire du JAMS dans le comté de Clark, au Nevada, conformément aux règles et procédures intégrales d'arbitrage du JAMS .../... » ;

Que tirant argument de ces dispositions, y. H. considère d'une part, que la société B. n'a pas respecté le processus de résolution amiable auquel les parties ont convenu de soumettre leurs différends nés du contrat ;

Mais attendu qu'en vertu de l'article 6 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé, les tribunaux de la Principauté sont également compétents, quel que soit le domicile du défendeur, en matière d'exécution, de validité ou de mainlevée de saisies-arrêts formées dans la Principauté, et généralement de toutes demandes ayant pour objet des mesures provisoires conservatoires, même si les juridictions monégasques ne sont pas compétentes pour connaître des actions ayant pour objet le fond ;

Qu'il est constant qu'au cas d'espèce, la Cour est saisie d'un appel contre une ordonnance de référé qui a rétracté une précédente ordonnance présidentielle ayant autorisé une mesure de saisie-arrêt ;

Que dès lors, l'article 6 précité est applicable au présent litige ;

Que, par ailleurs, le juge auquel est soumis une demande d'autorisation de saisie-arrêt ou de rétractation de celle-ci, ne tranche pas le fond du litige ;

Que dès lors, peu importe qu'aux termes du contrat, l'arbitre ait « le pouvoir exclusif de résoudre tout différend relatif à l'interprétation, l'applicabilité ou la formation du présent contrat », telle n'étant pas la mission du juge des référés saisi en rétractation d'une ordonnance ayant autorisé une saisie-arrêt ;

Que le juge, uniquement saisi sur le fondement de l'article 491 du Code de procédure civile, n'a pas davantage pour mission de trancher « le différend entre le pilote et l'équipe ou entre l'équipe et le garant » au sens où l'entend l'article 12 du contrat, mais d'autoriser qu'une mesure provisoire puisse être prise à titre de garantie ;

Qu'en outre, la circonstance que le contrat n'aurait pas prévu la possibilité, pour une partie, de faire procéder, en cas de défaillance de l'autre partie, à une saisie-arrêt, est indifférente dès lors que l'autorisation de saisie-arrêt ne peut être obtenue qu'auprès d'un juge ;

Qu'une telle mesure provisoire rend seulement indisponibles les biens ou valeurs qui en sont l'objet, sans toutefois en attribuer la propriété au saisissant ;

Que le fait encore, à le supposer constitué, que le droit de l'État du Nevada n'autorise pas une telle procédure n'est pas davantage opérant au regard de l'article 6 de la loi relative au droit international privé ;

Attendu que s'il résulte des pièces produites aux débats que y. H. émet une contestation relative à l'acquisition, par ses soins, du véhicule LAMBORGHINI GT3 au prix de 433.000 USD, portant sur :

  • - le fait que l'acquisition de ce véhicule est, selon lui, exclue du champ du contrat conclu entre les parties le 23 mars 2018,

  • - l'intégration de cette somme dans le calcul du montant de la créance alléguée par la société appelante et en particulier dans la facture qu'elle a émise le 28 août 2018,

  • - l'état défectueux du véhicule et d'un grand nombre de ses pièces ainsi qu'en témoignent le courrier écrit le 6 septembre 2018 par le conseil américain de l'intimé au conseil américain de la société appelante, les échanges d'e-mails entre eux, les 7, 8 et 11 septembre 2018 ainsi que le « rapport » photographique annexé à l'e-mail du 8 septembre 2018,

il ressort néanmoins des échanges entre les parties, par l'intermédiaire de leurs conseils américains respectifs, que y. H. a proposé, au début du mois de septembre 2018, de payer à la société appelante, à la suite de ses réclamations, la somme de 577.501,83 dollars, dont il avait préalablement soustrait les sommes qu'il estimait ne pas lui devoir en raison de ses diverses contestations ;

Qu'en effet, le courrier écrit le 6 septembre 2018 par le Cabinet Robert W. C. conseil américain de l'intimé, au Cabinet de R G. conseil de la société B., est libellé en ce sens :

« Bien que y. ait eu, comme vous le savez, des doutes quant au bien-fondé de certaines des charges restantes dans les relevés de compte, il est disposé, dans l'intérêt de la poursuite de leurs relations amicales, à renoncer à toutes ces questions et à payer immédiatement tous les montants demandés, à l'exception seulement des montants supérieurs aux 319.799,73 $ versés à Lamborghini.

Puisqu'il a déjà payé 433.000,00 $ à E. pour cet article, les 690.702,10 $ exigés devront être ajustés de la différence (113.200,27 dollars), laissant 577.501,83 $.

Je conseillerai à y. de payer ce montant immédiatement et de prendre les dispositions nécessaires pour récupérer la GT3 et le Super Trofeo ce week-end .../... » ;

Que cette offre de paiement a été déclinée par le Cabinet de R G. qui a maintenu ses demandes à la somme de 670.702,10 $, après avoir offert, « dans un effort sincère de clore cette affaire », un « crédit de 20.000 $ » ;

Que d'autre part, le fait allégué par l'intimé selon lequel la société appelante ne se conformerait pas au droit de l'État du Nevada quant à la preuve de sa créance n'est pas opérant au regard du présent litige dès lors que la preuve d'une créance certaine, liquide et exigible n'est pas exigée ;

Que, du reste, la circonstance qu'à l'occasion de l'instance au fond, actuellement pendante devant le Tribunal de première instance, sur assignation délivrée le 11 février 2019 par la société B., celle-ci ait conclu, à titre principal, au sursis à statuer dans l'attente de la sentence arbitrale, n'emporte aucune conséquence sur le présent litige, au regard d'une part des dispositions édictées par l'article 6 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé, déjà rappelées, et de celles résultant de l'article 9 de cette loi ;

Que la société appelante produit aux débats le contrat du 23 mars 2018, les factures émises, la lettre de mise en demeure du 8 janvier 2019 ainsi que certains échanges entre les parties ;

Attendu que la permission du juge pour procéder à une saisie-arrêt, en application de l'article 491 du Code de procédure civile, ne se trouve subordonnée à aucune autre condition que celle tenant à la démonstration d'un principe certain de créance présentant un caractère suffisant d'évidence ;

Que les articles 491 et suivants du Code de procédure civile, relatifs à la saisie-arrêt sans titre, ne font aucune référence à la notion de risque dans le recouvrement de la créance ;

Que c'est en méconnaissant ces dispositions normatives que le premier juge, tout en admettant qu'il était justifié d'un principe certain de créance, a rétracté sa précédente ordonnance en retenant que des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance n'étaient pas établies ;

Que dès lors, la circonstance, à la supposer constituée, qu'aucune menace ne pèserait sur le recouvrement des sommes dont la société appelante poursuit le paiement, ne constitue pas un obstacle à l'obtention de la permission du juge ;

Qu'enfin, au regard du caractère contradictoire de la présente procédure, aucune atteinte à l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme n'est caractérisée ;

Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la société B. justifie d'un principe certain de créance, présentant un caractère suffisant d'évidence, ce que le premier juge avait d'ailleurs relevé ;

Qu'au surplus, ce principe de créance, qui existait lors de la présentation de la requête, demeure à la date à laquelle la Cour statue ;

Qu'en conséquence, l'ordonnance de référé entreprise doit être infirmée en ses dispositions appelées ;

  • 3-Attendu que succombant en cause d'appel, y. H. en supportera les entiers dépens, ainsi que ceux de première instance, distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit l'appel formé par la société de droit américain B. contre l'ordonnance de référé rendue le 26 juin 2019 par le Président du Tribunal de première instance,

Infirme cette ordonnance en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance présidentielle du 6 février 2019 ayant autorisé la société B. à faire pratiquer une saisie-arrêt sur les comptes bancaires de Monsieur H. ouverts dans les livres de l'établissement bancaire dénommé D. pour avoir sûreté et garantie d'une somme de 720.000 USD, sauf à parfaire ou à diminuer,

Dit n'y avoir lieu à mainlevée immédiate de la saisie-arrêt pratiquée le 11 février 2019 auprès de l'établissement bancaire dénommé SAM D.,

Condamne y. H. aux dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 3 MARS 2020, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.

  • Consulter le PDF