Cour d'appel, 2 mars 2020, Le Ministère Public c/ a. G.

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Abstract🔗

Procédure pénale - Nullité de la procédure (non) - Audition libre - Personne bénéficiant des mêmes droits que dans le cadre d'une garde à vue (oui) - Violation des droits de la défense (non) - Homicide involontaire - Accident de la circulation - Collision entre un cycliste et un piéton - Décès du piéton - Faute (oui) - Inadaptation de la vitesse à la configuration des lieux - Condamnation

Résumé🔗

En l'absence de toute législation interne relative à l'audition libre et en raison de l'effet direct dans l'ordre juridique monégasque des normes d'interprétations posées par la Cour européenne des droits de l'homme, seul le respect des droits prévus pour encadrer la mise en œuvre d'une garde à vue apparaît de nature à garantir les droits de la personne interrogée hors ce cadre légal. En l'espèce, une personne a fait l'objet d'une audition libre et s'est vue préalablement notifier la qualification juridique des faits reprochés, le droit de quitter les locaux à tout moment, le droit à l'assistance d'un interprète, le droit au silence, le droit d'être assisté par un avocat, le droit d'être entendu sous le régime de la garde à vue. Le régime d'audition non coercitive dont la personne a fait l'objet lui a garanti les mêmes droits que s'il avait été placé en garde à vue. La circonstance que lors de cette audition, l'officier de police judiciaire ait également fait office d'interprète n'est pas de nature à l'entacher de nullité en l'état, d'une part, de la renonciation expresse et éclairée par la personne entendue à l'assistance d'un interprète, d'autre part, de l'exactitude de la retranscription opérée par cet officier de police de la teneur des déclarations ainsi recueillies, ainsi qu'en atteste l'audition ultérieure, sous le régime de la garde à vue, de la personne qui ne démontre pas que l'obligation de traduction fidèle de sa déposition aurait été méconnue. Enfin, l'absence d'enregistrement de cette audition ne constitue pas une cause de nullité en raison d'une part, des garanties suffisantes dont la personne a bénéficié au cours de son audition, d'autre part, de l'absence de toute contestation sur la teneur du procès-verbal.

Le prévenu doit être condamné du chef d'homicide involontaire. Alors qu'il conduisait une bicyclette, il a renversé un piéton, décédé des suites de ses blessures. Au regard de la configuration des lieux, de la dangerosité signalée de la portion de route où la collision est survenue et de la vitesse du cycliste, il apparaît que le prévenu ne s'est pas mis en situation d'entreprendre une manœuvre d'évitement. Le rapport d'autopsie fait état de la violence du choc subi par la victime. Il apparaît donc que le prévenu n'a pas adapté sa vitesse à la configuration des lieux, aux difficultés de la circulation et aux obstacles prévisibles.


Motifs🔗

Cour d'appel correctionnelle Dossier PG n° 2018/000430

ARRÊT DU 2 MARS 2020

En la cause du :

  • MINISTÈRE PUBLIC ;

APPELANT

Contre :

  • a. G., né le 3 juin 1959 à DRUBAK (Norvège), de Trygve et de Mallafrid L. de nationalité norvégienne, directeur de société, demeurant X1- 98000 MONACO ;

Prévenu de :

  • HOMICIDE INVOLONTAIRE

PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ / APPELANT

En présence de :

  • 1- Giuseppe S., fils de la victime, né le 6 septembre 1966 à CENTURIPE (Italie), de nationalité italienne, domicilié X2 à MONACO (98000), constitué partie civile à titre personnel ainsi qu'en qualité d'ayant droit des défunts Vita SC. épouse S. et Carmelo S. ;

  • 2- Maria Teresa O'B. S., fille de la victime, née le 3 avril 1968 à CENTURIPE (Italie), de nationalité italienne, domiciliée « X3», X3 à MONACO (98000), constituée partie civile à titre personnel ainsi qu'en qualité d'ayant droit des défunts Vita SC. épouse S. et Carmelo S. ;

  • 3- Elisabeth S., fille de la victime, née le 27 mars 1979 à MONACO, de nationalité italienne, domiciliée X4 à CAP D'AIL (06320), constituée partie civile à titre personnel ainsi qu'en qualité d'ayant droit des défunts Vita SC. épouse S. et Carmelo S. ;

  • 4- Alfio S., fils de la victime, né le 25 juin 1971 à SYRACUSE (Italie), de nationalité italienne, domiciliée X5 à CAP D'AIL (06320), constitué partie civile à titre personnel ainsi qu'en qualité d'ayant droit des défunts Vita SC. épouse S. et Carmelo S. ;

ABSENTS, ayant pour avocat Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel ;

  • 5- La société anonyme de droit français dénommée A, dont le siège social se trouve X6, LE MANS CEDEX 09 (72030), prise en la personne de son Président du Conseil d'administration en exercice, domicilié en cette qualité audit siège et de son agent responsable en Principauté de MONACO, M. Pierre B. demeurant en cette qualité X6à MONACO (98000), partie intervenante forcée ès-qualités d'assureur du vélo conduit par a. G.;

ABSENTE, représentée par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat-défenseur ;

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 6 janvier 2020 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 2 juillet 2019 ;

Vu les appels interjetés le 4 juillet 2019, par le Ministère public, à titre principal, et le 22 juillet 2019 par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur et celui d a. G. prévenu, uniquement en ce que le jugement a débouté le prévenu de plusieurs de ses exceptions de nullité ;

Vu l'ordonnance présidentielle en date du 7 août 2019 ;

Vu la citation à prévenu, suivant exploit, enregistré, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 27 août 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, pour a. G. en date du 30 décembre 2019 ;

Vu les réquisitions du ministère public en date du 30 décembre 2019, reçues au Greffe de la Cour d'appel le 31 décembre 2019 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, en son rapport ;

Ouï Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, pour la SA A, en ses observations ;

Ouï Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, pour a. G. prévenu, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;

Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire en date du 2 juillet 2019, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :

« D'avoir à MONACO, le 3 février 2018, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

- par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, commis involontairement un homicide sur la personne de Vita SC. épouse S. en l'espèce en ne menant pas avec prudence son vélo de marque Trek, de couleur grise, en fonction des difficultés de la circulation ou des obstacles prévisibles »,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 250 du Code pénal,

  • - prononcé la nullité des procès-verbaux des auditions des 3 février 2018 et 20 février 2018, ainsi que la nullité des opérations d'autopsie et du rapport déposé par la suite ;

  • - débouté a. G. de ses autres exceptions de nullité ;

Sur l'action publique,

  • - relaxé a. G. des fins de la poursuite sans peine ni dépens ;

Sur l'action civile,

  • - reçu Giuseppe S. Maria Teresa O'B. S. Elisabeth S. et Alfio S. en leur constitution de partie civile ;

  • - au fond, les a débouté de leurs demandes en l'état de la relaxe prononcée ci-dessus ;

  • - dit n'y avoir lieu à statuer sur l'intervention de la société anonyme de droit français dénommée A ;

  • - laissé les dépens à la charge du Trésor ;

Le Ministère public a interjeté appel principal de ladite décision le 4 juillet 2019.

Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur et celui d a. G. prévenu, a interjeté appel uniquement en ce que le jugement a débouté le prévenu de plusieurs de ses exceptions de nullité, le 22 juillet 2019.

Considérant les faits suivants :

Le 3 février 2018, à 10 heures 05, les services de police et le SMUR intervenaient au niveau du 44 boulevard d'Italie à MONACO, pour un piéton grièvement blessé qui venait de se faire percuter par un cycliste.

La victime était identifiée en la personne de Vita SC. épouse S. née le 28 mars 1940 à CENTURIPE (Italie), de nationalité italienne, et le cycliste en la personne de a. G. né le 3 juin 1959 à DROBAK (Norvège).

Sur les circonstances de l'accident, il apparaissait que la victime avait voulu traverser le boulevard d'Italie, à plus d'une quinzaine de mètres d'un passage protégé, et que a. G. qui circulait sur son vélo, en provenance de la Place des Moulins et en direction de l'échangeur de Saint-Roman, avait été surpris par la présence de Vita SC. épouse S. en dehors du passage protégé et la percutait avant de chuter au sol.

Aucun témoin des faits n'avait pu être identifié.

L'accident n'avait pas été filmé par une caméra de vidéosurveillance.

Vita SC. épouse S. était conduite à l'établissement public de droit monégasque I. avant d'être transférée, le jour même, au service de réanimation de l'hôpital B. à NICE, en raison de la gravité de ses blessures.

Un certificat médical initial descriptif des blessures de la victime, établi par le service des urgences de l'établissement public de droit monégasque I., mentionnait une ITT prévisible de 90 jours, sauf complications, et détaillait ainsi qu'il suit les blessures présentées par la victime :

un traumatisme crânien avec amnésie des faits et troubles du comportement, un hématome temporo-pariétal droit avec otorragie et un hématome palpébral gauche.

Ce certificat précisait qu'un scanner cérébral avait permis de retrouver :

  • un hématome sous-dural gauche et de la faux du cerveau,

  • un œdème cérébral sans engagement,

  • une hémorragie méningée des sillons sylviens (prédominant à droite), des pétéchies temporo-frontales gauches,

  • une pneumencéphalie au niveau temporal inférieur,

  • une fracture du condyle occipital droit,

  • une fracture du rocher droit,

  • une fracture de la lame latérale droite de l'atlas.

Le médecin ayant examiné la victime précisait que l'état de celle-ci s'était aggravé en cours de surveillance, avec coma et état de choc, nécessitant une ventilation artificielle après intubation orotrachéale et l'utilisation de drogues vasoactives.

Le cycliste faisait l'objet d'un dépistage de son alcoolémie qui se révélait négatif.

Entendu par les services de police le 3 février 2018, a. G. déclarait qu'il circulait boulevard d'Italie sur son vélo, à une vitesse d'environ 35 à 40 km/h, et qu'à hauteur du numéro 44 de ce boulevard, il avait été surpris par la présence sur la chaussée d'une dame âgée, qui avait traversé, en dehors du passage protégé, sans s'assurer que la voie était libre et qui avait été masquée, jusqu'au dernier moment, par un deux-roues équipé d'un pare-brise, en stationnement.

Il précisait qu'il avait immédiatement freiné, qu'il avait également crié pour alerter le piéton mais qu'il n'avait pas pu éviter le choc et qu'il avait heurté la victime de son épaule.

La dame chutait au sol, le cycliste aussi.

a. G. déclarait qu'après s'être relevé, il s'était immédiatement enquis de l'état de la dame, précisant qu'elle s'était trouvée momentanément inconsciente. Il précisait l'avoir mise sur le côté, en position latérale de sécurité, déclarait que la dame avait repris conscience et qu'il avait vu un saignement important au niveau du crâne.

a. G. était entendu une nouvelle fois par les enquêteurs le 20 février 2018, en audition libre.

Répondant aux questions des policiers, il expliquait qu'il avait déjà réparé son vélo en changeant la roue avant ainsi que le système de freinage, qu'il l'avait réutilisé depuis lors, qu'il pensait qu'il circulait à plus de 30 km/h car il se trouvait en partie descendante du boulevard d'Italie, qu'il n'avait pas remarqué que la vitesse était limitée à 30 km/h, que tout était arrivé rapidement, qu'il n'avait pas pu éviter la dame, que lorsqu'elle avait traversé, elle n'avait pas regardé sur les côtés et que lorsque il avait crié, il n'avait constaté aucune réaction de sa part.

Vita SC. décédait le 11 mars 2018 à l'hôpital B. de NICE.

Une autopsie était pratiquée en France, sur demande d'entraide internationale du Procureur général de MONACO adressée le 13 mars 2018 au Procureur de la République de NICE, libellée, après un rappel des faits, de la manière suivante :

« Dans le cadre de l'enquête confiée à la Sûreté publique de Monaco sur les circonstances de ce décès, j'ai l'honneur de vous prier d'accorder aux officiers et agents de police judiciaires monégasques l'assistance prévue à la Convention Franco-monégasque du 8 novembre 2005.

La présente demande d'entraide pénale, conforme à celle qui, en raison de l'urgence, a été verbalement exprimée par téléphone auprès du magistrat de permanence, a pour objet d'obtenir l'autorisation de :

  • voir procéder par le Professeur Véronique AL., en présence du Capitaine de police M. LA. à l'autopsie médico-légale de la défunte, le mercredi 14 mars à 8 heures 30, et ce afin de déterminer si la mort de Vita SC. épouse S. présente un lien de causalité avec l'accident du 3 février 2018,

  • d'effectuer tous prélèvements utiles,

  • le cas échéant, de faire remettre les scellés aux enquêteurs monégasques ».

Par réquisitions en date du 14 mars 2018, prises sur le fondement des articles 74 et suivants du Code de procédure pénale français, le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de NICE, requérait qu'il soit procédé à l'autopsie.

Le médecin légiste établissait un rapport le 6 avril 2018, dont les conclusions étaient les suivantes :

« Cause et circonstances du décès :

À l'issue de l'étude du dossier médical et de l'autopsie médico-légale, nous pouvons déterminer que Mme SC. Vita a présenté un grave traumatisme crânien ainsi qu'un traumatisme thoracique .

L'ensemble des lésions traumatiques est compatible avec un impact violent sur le côté droit du corps au niveau du crâne (hématome du cuir chevelu en région temporo-pariétale droite, fractures du crâne temporales droites, hématome sous-dural gauche et contusions cérébrales gauches compatible avec un contrecoup) et du thorax (fractures de côtes droites), et un choc plus léger sur la face (hématome de la paupière supérieure gauche).

Au cours de l'hospitalisation en service de réanimation, l'état clinique de la patiente s'est compliqué sur le plan respiratoire et infectieux : elle a présenté plusieurs épisodes de détresse respiratoire ainsi qu'une pneumopathie (infection respiratoire) et une fongémie (infection du sang).

Devant l'absence d'amélioration de son état clinique neurologique et respiratoire, les thérapeutiques ont été limitées et la patiente est décédée le 11 mars 2018.

Au total, le décès de la patiente est directement lié au polytraumatisme initial survenu le 03 février 2018. »

a. G. était à nouveau entendu par les services de police sous le régime de la garde à vue le 10 août 2018.

Il confirmait que selon lui, l'accident était inévitable. Il précisait qu'il était un cycliste expérimenté, toujours très concentré et attentif.

a. G. était cité à comparaître devant le Tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire.

Le conseil du prévenu soulevait la nullité de nombreuses pièces de procédure, notamment les procès-verbaux d'audition de son client en date des 3 février 2018, 20 février 2018 et 10 août 2018 et le rapport d'autopsie.

Par jugement contradictoire en date du 2 juillet 2019, le Tribunal correctionnel a statué ainsi qu'il suit :

« Prononce la nullité des procès-verbaux des auditions des 3 février 2018 et 20 février 2018, ainsi que la nullité des opérations d'autopsie et du rapport déposé par la suite ;

Déboute a. G. de ses autres exceptions de nullité ;

Sur l'action publique,

Relaxe a. G. des fins de la poursuite sans peine ni dépens ;

Sur l'action civile,

Reçoit Giuseppe S. Maria Teresa O'B. S. Elisabeth S. et Alfio S. en leur constitution de partie civile ;

Au fond les déboute de leurs demandes en l'état de la relaxe prononcée ci-dessus.

Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'intervention de la société anonyme de droit français dénommée A ;

Et laisse les frais à la charge du Trésor. »

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont essentiellement retenu :

  • sur les nullités de procédure, que l'audition d a. G. du 3 février 2018, sans interprète ni notification de ses droits, était nulle, de même que l'audition du 20 février 2018, réalisée sans interprète, que l'audition du 10 août 2018, dont les précédentes auditions ne constituaient pas le support, n'était pas nulle, que les actes subséquents ne l'étaient pas davantage et que l'autopsie, réalisée par le Parquet général hors tout cadre légal, était nulle, ainsi que le rapport rédigé à sa suite,

  • sur l'action publique, que l'enquête n'avait pas permis de procéder à une évaluation de la vitesse effective du prévenu lors de la survenance de l'accident, qu'il n'avait été procédé à aucun examen du boîtier GPS que le prévenu avait déclaré détenir sur son vélo au moment du choc, qu'il n'a pas été procédé à une analyse en accidentologie, qu'aucun témoignage n'a été recueilli, ni image de caméra de vidéosurveillance, que la victime avait traversé en dehors du passage protégé, au bout d'une courbe, en passant entre des cyclomoteurs, que manifestement elle cherchait à traverser rapidement, ce dont il résultait que Vita S. avait constitué « un obstacle imprévisible sur ce point de la route et dont l'apparition était trop tardive pour qu'une manœuvre d'évitement puisse être effectuée », et qu'il n'était pas démontré que le prévenu avait été maladroit, imprudent, inattentif, négligent ou qu'il n'aurait pas observé les règlements,

  • sur l'action civile, que les parties civiles devaient être reçues mais déboutées en raison de la relaxe prononcée.

Par acte d'appel en date du 4 juillet 2019, le Procureur général a relevé appel principal contre ce jugement.

Par acte du 22 juillet 2019, le conseil du prévenu en a relevé appel incident parte in qua, mais uniquement en ce que le jugement a débouté a. G. de plusieurs de ses exceptions de nullité.

Par conclusions déposées le 30 décembre 2019, le conseil de a. G. demande à la Cour de :

« Accueillir Monsieur a. G. en ses conclusions ;

In limine litis :

Vu les articles 6§2 et 3 de la Conv. EDH,

Vu les articles 60-1 bis, 60-5, 60-9, 60-10, 60-12 du Code de Procédure Pénale,

Prononcer la nullité des actes suivants :

  • - Le procès-verbal d'audition du 3 février 2018 à 11 heures 03 minutes, déclarations de Monsieur G. recueillies sur les lieux de l'accident,

  • - Le procès-verbal d'audition du 20 février 2018 à 13 heures 30 minutes, « explications II » de Monsieur G.

  • - Le procès-verbal de transmission du 22 février 2018,

  • - Le procès-verbal de renseignements du 21 juin2018,

  • - Le procès-verbal de réquisition à interprète du 10 août 2018,

  • - Le procès-verbal de présentation du 10 août 2018 établi à 15 heures,

  • - Le procès-verbal de notification de garde à vue du 10 août 2018 à 15 heures 10 et son annexe,

  • - Le procès-verbal de notification et fin de déroulement de garde à vue du 10 août 2018,

  • - Le procès-verbal de saisie et mise sous scellés du 10 août 2018,

  • - Le procès-verbal du 10 août 2018, « explications III»,

  • - Le procès-verbal de transport au sein du CSCO du 13 août 2018,

  • - Le procès-verbal de déclarations de Nicholas BA. du 14 août 2018,

  • - Le procès-verbal de renseignements téléphoniques (Monsieur D.) du 14 août 2018,

  • - Le procès-verbal de transmission du 16 août 2018 qui contient en outre en annexe les procès-verbaux irréguliers des 10 août 2018,

  • - Le rapport rédigé le 6 avril 2018 de l'autopsie réalisée le 14 mars 2018,

  • - La citation de Monsieur G. par-devant le Tribunal correctionnel ;

Vu les articles 34 et suivants du Code de procédure pénale,

Vu l'article 62-1 du Code de procédure pénale,

Vu les articles 82 et suivants du Code de procédure pénale,

Vu les articles 250 du Code de procédure pénale,

  • Prononcer la nullité de tous les actes relatifs aux réquisitions aux fins d'autopsie, notamment la demande d'entraide internationale du 13 mars 2018, les procès-verbaux d'exécution de la mesure d'assistance et par voie de conséquence, le rapport médico-légal établi le 14 mars 2018 et ses annexes, ainsi que le procès-verbal n° 00731/2018/008826 du même jour, rédigé par le Brigadier M. H. et l'extrait d'un procès-verbal aux fins d'inhumation du 15 mars2018 ;

Le cas échéant, renvoyer le Ministère Public â mieux se pourvoir des fins de ses poursuites.

Sur l'action publique :

Vu l'article 250 du Code pénal;

Vu les faits,

Vu les pièces,

  • Dire que les éléments constitutifs de l'infraction d'homicide involontaire ne sont pas réunis ;

  • Prononcer la relaxe de Monsieur G. de ce chef d'infraction ;

  • Dire que les faits qui se sont déroulés le 3 février 2018 ne relèvent d'aucune qualification pénale et ne sont constitutifs d'aucune infraction reprochable à Monsieur G.;

Sur l'action civile :

À titre principal,

Vu les articles 2 et 392 du Code de procédure pénale,

  • Déclarer irrecevable toute constitution de partie civile,

À titre subsidiaire,

  • Déclarer irrecevable toute demande présentée par les Parties civiles en ce qu'elles n'ont pas interjeté appel.

À titre infiniment subsidiaire,

Vu les articles 1230 et 1231§1 du Code civil,

  • Débouter toute personne de sa constitution de partie civile.

À titre très infiniment subsidiaire, si Monsieur G. devait être déclaré responsable d'un quelconque préjudice à l'égard de Madame S.

  • Condamner la Compagnie d'assurance A à relever Monsieur G. de l'ensemble des condamnations pécuniaires qui pourraient être prononcées à son encontre.

En tout état de cause :

  • Condamner tout contestant aux entiers dépens distraits au profit de Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre Régis BERGONZI, Avocat-Défenseur sous sa due affirmation . »

Il soutient essentiellement que :

  • - l'irrégularité de l'audition du 3 février 2018 doit être confirmée,

  • - l'audition du 20 février 2018 encourt la nullité en ce qu'elle a été réalisée sans interprète officiel assermenté, en ce que la personne entendue a été privée de l'assistance effective d'un avocat et en ce que l'audition n'a pas été enregistrée,

  • - les opérations d'autopsie et le rapport déposé encourent la nullité car ces opérations ne pouvaient pas être ordonnées par le Procureur général à l'occasion d'une enquête simple,

  • - les actes qui sont le support nécessaire des actes annulés encourent également la nullité,

  • - l'audition du 10 août 2018 doit être annulée en ce qu'elle a pour fondement essentiel le rapport d'autopsie, et en ce qu'elle trouve son support dans les auditions irrégulières des 3 février 2018 et 20 février 2018,

  • - le procès-verbal de notification de garde à vue, le procès-verbal de fin de garde à vue, le procès-verbal de mise sous scellé de l'enregistrement de l'audition du 10 août 2018, le procès-verbal de transport du 13 août 2018, le procès-verbal de renseignements téléphoniques, le procès-verbal de transmission et les procès-verbaux de renseignement et de présentation d a. G. ainsi que l'acte de citation encourent la nullité.

Il considère que la relaxe prononcée par le Tribunal est bien fondée.

Il fait valoir qu'il n'a commis aucune faute et estime qu'il a accompli les diligences normales que tout cycliste, placé dans la même situation, aurait accomplies.

Il affirme qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'il aurait commis une imprudence, une négligence ou qu'il n'aurait pas observé un règlement et souligne, en particulier, que sa vitesse et son positionnement sur le vélo étaient parfaitement adaptés.

Il souligne qu'il a été percuté par Madame S. et non l'inverse.

Il fait valoir que le lien de causalité entre l'accident et le décès n'est pas établi.

Il observe que la cause unique et exclusive de l'accident est la faute commise par la victime qui s'est engagée, sans précautions, sur la chaussée.

Il considère que le piéton a constitué un obstacle imprévisible et relève que si Vita SC. avait traversé sur le passage protégé, l'accident n'aurait pas eu lieu.

Par conclusions déposées le 30 décembre 2019, le Procureur général demande à la Cour de :

  • confirmer le jugement du Tribunal correctionnel du 2 juillet 2019 en ce qu'il a prononcé la nullité du procès-verbal d'audition du 3 février 2018 et rejeté l'exception de nullité de l'audition du 10 août 2018 et des actes subséquents,

  • infirmer ledit jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du procès-verbal d'audition du 20 février 2018 ainsi que des opérations d'expertise et du rapport déposé par la suite, et relaxé a. G. des fins de la poursuite,

aux motifs, essentiellement, que :

  • - lors de l'audition dont il a fait l'objet le 20 février 2018 devant les services de police, a. G. a bénéficié de garanties équivalentes à celles octroyées à une personne gardée à vue,

  • - les opérations d'autopsie ont été ordonnées par le Procureur de la république de NICE sur le fondement des dispositions édictées par le code de procédure pénale français, en sorte que la juridiction d'appel n'est pas compétente pour apprécier leur validité.

À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, le Procureur général a développé oralement ses réquisitions écrites et a conclu à l'infirmation du jugement en ce qu'il a relaxé le prévenu des fins de la poursuite, sollicitant qu'il soit condamné à la peine de cinq mois d'emprisonnement avec sursis.

SUR CE,

  • 1- Attendu que les appels, principal et incident, relevés conformément aux conditions posées par les articles 406 et 411 du Code de procédure pénale, sont réguliers et recevables ;

Attendu que, par ailleurs, les incidents de procédure sont joints au fond ;

  • 2- Attendu que le Procureur général, appelant principal, sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'audition d a. G. du 3 février 2018 ;

Que le prévenu, appelant incident, n'a relevé appel qu'à l'encontre des dispositions du jugement n'ayant pas fait droit aux exceptions de nullité soulevées ;

Que dès lors, la disposition du jugement ayant prononcé l'annulation de l'audition d a. G. du 3 février 2018, non critiquée par l'appelant principal, et non appelée par l'appelant incident, sera confirmée ;

Que la portée de cette annulation sur les actes de procédure ultérieurs sera examinée aux points 3 et 5 de l'arrêt ;

  • 3- Attendu qu'il résulte de l'article 60-2 du Code de procédure pénale, selon lequel toute personne contre qui il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit peut, pour les nécessités des investigations, être gardée à vue par un officier de police judiciaire, que le placement en garde à vue demeure une simple faculté pour l'enquêteur ;

Qu'en l'absence de toute législation interne relative à l'audition libre et en raison de l'effet direct dans l'ordre juridique monégasque des normes d'interprétations posées par la Cour européenne des droits de l'homme, seul le respect des droits prévus pour encadrer la mise en œuvre d'une garde à vue apparaît de nature à garantir les droits de la personne interrogée hors ce cadre légal ;

Attendu qu'au cas d'espèce, il ressort qu a. G. mis en cause du chef de blessures involontaires, a fait l'objet d'une audition libre dans les locaux de la Sûreté publique le 20 février 2018 ;

Qu'à cette occasion, l'intéressé, qui a été entendu par un officier de police judiciaire, s'est vu préalablement notifier :

  • la qualification juridique des faits reprochés,

  • le droit de quitter les locaux à tout moment,

  • le droit à l'assistance d'un interprète,

  • le droit au silence,

  • le droit d'être assisté par un avocat,

  • le droit d'être entendu sous le régime de la garde à vue.

Qu'à la suite de cette notification, a. G. a déclaré :

« Je prends acte de la notification que vous venez de me faire, concernant l'ensemble de ces droits. Je ne souhaite faire usage d'aucun de ces droits et je renonce expressément à l'assistance d'un avocat. Je vous précise que je me suis présenté librement en vos locaux. ».

Qu'il se déduit de ces différentes mentions que le régime d'audition non coercitive dont a. G. a fait l'objet le 20 février 2018, lui a garanti les mêmes droits que s'il avait été placé en garde à vue ;

Que dès lors, cette audition n'encourt aucune nullité de ce chef ;

Attendu que, par ailleurs, l'officier de police judiciaire a procédé à l'audition de l'intéressé en langue anglaise ;

Que sur ce point, a. G. a déclaré :

« Je suis de nationalité norvégienne. Je parle, lis et comprends la langue française mais j'accepte de faire ma présente audition en langue anglaise, par votre intermédiaire ».

Que la circonstance que lors de cette audition, l'officier de police judiciaire, le Capitaine M. L., ait également fait office d'interprète n'est pas de nature à l'entacher de nullité en l'état, d'une part, de la renonciation expresse et éclairée par la personne entendue à l'assistance d'un interprète, d'autre part, de l'exactitude de la retranscription opérée par cet officier de police de la teneur des déclarations ainsi recueillies, ainsi qu'en atteste l'audition ultérieure, sous le régime de la garde à vue, d a. G. ce dernier ne démontrant donc pas que l'obligation de traduction fidèle de sa déposition aurait été méconnue ;

Attendu qu'enfin, l'absence d'enregistrement de cette audition ne constitue pas une cause de nullité en raison d'une part, des garanties suffisantes dont a. G. a bénéficié au cours de son audition, d'autre part, de l'absence de toute contestation sur la teneur du procès-verbal ;

Qu'en conséquence, c'est à tort que les premiers juges ont prononcé l'annulation de l'intégralité de l'audition d a. G. du 20 février 2018, le jugement étant infirmé de ce chef ;

Que cependant, il y lieu à cancellation, dans ce procès-verbal, des deux passages suivants, en ce qu'ils font référence à l'audition annulée du 3 février 2018 :

  • -en page 2, la phrase suivante « Vous venez de me traduire mon procès-verbal d'audition, en date du 3 février 2018, en langue anglaise. Je confirme tout ce que j'avais déclaré »

  • -en page 2, la question commençant par « Lors de votre première audition » et se terminant par « à environ 35-40 km/h »,

sans qu'il y ait lieu à plus ample cancellation, dès lors que le surplus du procès-verbal d'audition ne se rattache pas à l'audition annulée.

  • 4- Attendu que le Procureur général de MONACO a adressé le 13 mars 2018 au Procureur de la République de NICE une demande d'entraide internationale en vue de faire procéder à l'autopsie du corps de Vita SC. épouse S. ;

Que le même jour, le Procureur de la République de NICE a saisi le Commissaire central de Police de cette ville aux fins d'« exécution des diligences souhaitées par les autorités monégasques », transmettant à ce service la demande d'entraide internationale précitée ;

Que le même jour encore, l'enquêteur français a rédigé un procès-verbal de saisine en ces termes :

« .../... Agissant en exécution des instructions contenues dans le soit transmis en date du 13/03/2018 de Madame LEDRU TINSEAU, SUBSTITUT DU PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE près le TGI NICE, les instructions étant :

  • pour exécution des diligences souhaitées par les autorités monégasques,

  • vu la demande d'entraide internationale en matière pénale provenant de la Principauté de Monaco en date du 13/03/2018, Mme Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur général de la Principauté de Monaco,

les diligences étant :

  • voir procéder par le Professeur V. A., en présence du Capitaine de police Mathieu LAUNOIS, à l'autopsie médico-légale de la défunte, le mercredi 14 mars 2018 à 08 heures 30, et ce afin de déterminer si la mort de Vira SC. ép. S. a un lien de causalité avec l'accident du 03/02/2018,

  • d'effectuer tout prélèvement utile,

le cas échéant, de faire remettre les scellés aux enquêteurs monégasques,

agissant en matière d'enquête préliminaire,

vu les articles 75 et suivants du Code de procédure pénale,

annexons au présent les instructions du parquet de NICE ainsi que la demande d'entraide internationale de la Principauté de Monaco ».

Que le 14 mars 2018, le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de NICE a requis le Centre hospitalier C. de NICE aux fins d'autopsie, sur le fondement des articles 74 et suivants du code de procédure pénale, au visa de « la procédure diligentée par la sûreté monégasque et le GAJ de NICE » ;

Qu'à l'issue des opérations d'expertise, les fonctionnaires de police français ont transmis la procédure au Procureur de la République de NICE en ces termes :

« .../... AFFAIRE : demande d'entraide internationale de la Principauté de Monaco. Victime : SC. ép. S. Vi.

.../...

En ayant l'honneur de vous transmettre l'instruction parquet datant du 13/03/2018 de Mme LE. TI., substitut près le TGI de NICE, faisant suite à une demande d'entraide internationale provenant de la Principauté de Monaco ».

Qu'il s'évince de ces éléments que l'autopsie a été pratiquée sur demande d'entraide internationale des autorités judiciaires monégasques ;

Attendu que l'article 3 de la Convention européenne judiciaire du 20 avril 1959 énonce que la partie requise fera exécuter, dans les formes prévues par sa législation, les commissions rogatoires relatives à une affaire pénale qui lui seront adressées par les autorités judiciaires de la partie requérante et qui ont pour objet d'accomplir des actes d'instruction ou de communiquer des pièces à conviction, des dossiers ou des documents ;

Que l'article 6 de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale franco-monégasque du 8 novembre 2005 dispose que les demandes d'entraide sont exécutées conformément à la législation de la Partie requise ;

Qu'au cas d'espèce, le médecin légiste, qui a procédé à l'autopsie du corps de Vita SC. a été commis selon réquisition du Procureur de la république de NICE sur le fondement de l'article 74 du Code de procédure pénale français, conformément au droit de l'Etat requis ;

Qu'il s'ensuit que Cour d'appel n'est pas compétente pour apprécier la validité des opérations d'autopsie ordonnées par les autorités judiciaires françaises ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité des opérations d'autopsie et du rapport déposé par l'expert ;

Qu'enfin, la demande d'annulation d'actes par voie de conséquence de l'annulation de l'audition du 10 août 2018 manque par la circonstance sur laquelle la prétention est fondée, d'où il suit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté a. G. de sa demande d'annulation de son audition du 10 août 2018 en intégralité et des actes subséquents ;

Que, cependant, doivent être cancellés les passages suivants du procès-verbal d'audition du 10 août 2018, en ce qu'ils font référence à l'audition annulée du 3 février 2018 :

  • - en page 3 du procès-verbal du 10 août 2018, la question : « Concernant votre procès-verbal d'audition, en date du 3 février 2018, que notre interprète vient de vous traduire, avez-vous des choses à ajouter ou à modifier ? »,

  • - en page 3, la réponse commençant par « J'ai été questionné sur ma vitesse » et se terminant par « et j'ai dit, sans réfléchir, 35 à 40 km/h »,

  • - en page 4, le passage commençant par « Lorsque l'on m'a demandé si je me sentais... » et se terminant par « je l'avais bien relu et j'avais compris mais pas dans les détails ».

  • 5- Attendu que l'article 250 du Code pénal énonce que quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, aura commis involontairement un homicide ou en aura involontairement été la cause, sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et de l'amende prévue au chiffre 3 de l'article 26 ;

Que l'infraction d'homicide involontaire suppose la réunion d'un élément matériel résultant du décès de la victime, d'un élément moral induit par la faute de son auteur et d'une relation de cause à effet entre ce fait fautif et la mort provoquée ;

Que les juges du fond apprécient souverainement les circonstances de fait susceptibles de constituer une faute ;

Que la maladresse, l'imprudence, l'inattention, ou la négligence doivent être appréciées par rapport au comportement que devrait avoir un individu normalement adroit, prudent, attentif et diligent ;

Attendu qu'au cas d'espèce, la faute reprochée à a. G. consiste à ne pas avoir mené son vélo avec prudence, en fonction des difficultés de la circulation ou des obstacles prévisibles ;

Attendu que selon le rapport d'autopsie, le décès de Vita SC. est directement lié au polytraumatisme survenu le 3 février 2018 ;

Que le prévenu soutient que ce rapport d'expertise n'établirait pas de lien avec une faute qu'il aurait pu commettre ;

Que néanmoins la mission confiée à l'expert ne consistait pas à déterminer l'existence, ou non, d'un lien de causalité entre une faute et le décès ;

Que, par ailleurs, si le rapport d'autopsie a mis en évidence que la défunte présentait une infection pulmonaire, il attribue exclusivement le décès au polytraumatisme subi lors de l'accident, « et notamment au grave traumatisme crânien et au traumatisme thoracique » ;

Attendu qu'il ressort de la procédure et des débats que le 3 février 2018, à 10 heures 05, un accident survenait au niveau du 44 boulevard d'Italie à MONACO, au cours duquel un piéton était grièvement blessé à la suite d'une collision avec un cycliste, avant de décéder des suites de ses blessures ;

Que selon les circonstances de l'accident, résultant des seules déclarations du prévenu, il apparaît que le piéton a voulu traverser le boulevard d'Italie, à plus d'une quinzaine de mètres d'un passage protégé, et que a. G. qui circulait sur son vélo, en provenance de la Place des Moulins et en direction de l'échangeur de Saint-Roman, était surpris par la présence de Vita SC. épouse S. en dehors du passage protégé et la percutait avant de chuter au sol ;

Qu'en toute hypothèse, les circonstances de l'accident telles que décrites par le prévenu n'ont pas pu être corroborées par l'enquête, à propos de laquelle la Cour ne peut que regretter la pauvreté des informations recueillies, dès lors que :

  • - aucun témoin des faits n'a été identifié,

  • - il n'a pas été possible de retracer le parcours du prévenu par les caméras de vidéo-surveillance, ni d'évaluer, par ce moyen, sa vitesse au moment de l'accident,

  • - l'accident n'a pas été filmé par une caméra de vidéo-surveillance,

  • - le point d'impact matérialisé sur les clichés par une croix jaune n'est que présumé,

  • - aucune expertise en accidentologie n'a été ordonnée,

  • - le vélo accidenté n'a pas été saisi par les enquêteurs et a, en outre, été réparé par le prévenu,

  • - seule la marque du vélo, Trek, est connue, le type de vélo n'ayant pas été déterminé au cours de l'enquête,

  • - le GPS de marque GARMIN équipant le vélo, visible sur les clichés photographiques, n'a pas été examiné, ni saisi.

Attendu qu'il est établi par la procédure d'enquête que, sur la partie du boulevard d'Italie où l'accident a eu lieu, la vitesse est limitée à 30 kilomètres à l'heure ;

Que les clichés figurant en procédure démontrent de surcroît que l'accident a eu lieu en pleine ville, dans une zone dangereuse, à proximité d'une entrée et d'une sortie de parking ainsi que d'un passage protégé ;

Qu'en outre, la signalétique routière en forme de triangle à liseré rouge figurant au sol annonce la proximité d'un danger potentiel sur la voie de circulation, et appelle les usagers de la route à ralentir et à redoubler de vigilance ;

Que cette signalisation, située en amont du lieu présumé du choc, mais après le panneau de limitation de vitesse, prévient le conducteur de la présence possible d'enfants près des voies de circulation, et est de nature à lui permettre d'anticiper tout danger ;

Qu'au surplus, il apparaît que la portion de route sur laquelle l'accident s'est produit est en pente, avant l'amorce d'un rétrécissement et d'une courbe, peu avant le passage protégé ;

Qu'ainsi, la configuration des lieux imposait au conducteur une particulière vigilance ainsi qu'une maîtrise de sa vitesse pour lui permettre de se montrer rapidement réactif à son environnement ;

Que la présence de deux roues équipés de pare-brise, stationnés à droite de la chaussée, susceptible de troubler la visibilité du conducteur, incitait à davantage de prudence encore ;

Qu'en effet, le conducteur doit s'assurer qu'il bénéficie d'une bonne visibilité à l'avant de la chaussée, à l'arrière mais également sur les côtés ;

Qu'en outre, la vitesse est de nature à dégrader la vision périphérique du conducteur ;

Qu'au cas particulier, bien que la vitesse ait été limitée à 30 kilomètres à l'heure, a. G. a admis à deux reprises et à l'égard de deux interlocuteurs différents, qu'il roulait à une vitesse supérieure à celle-ci ;

Qu'en effet, d'une part, lors de son audition du 20 février 2018, le prévenu a déclaré qu'il circulait à une vitesse supérieure à 30 kilomètres à l'heure, en raison de la pente, précisant même, alors que l'officier de police judiciaire venait de l'informer de la limitation de vitesse en vigueur :

« Je viens de découvrir avec vous que cette portion de la route était limitée à 30km/h.

D'habitude, je ne roule pas à cette vitesse en vélo mais comme il s'agissait d'une portion descendante, peut-être que je l'avais dépassée ».

Qu'il ressort de cette déclaration que le jour des faits, au moment où il circulait boulevard d'Italie, le prévenu n'a nullement prêté attention à la signalisation routière, ne réglant manifestement pas sa vitesse au regard du panneau de signalisation ;

Que d'autre part, à l'occasion de la déclaration qu'il a effectuée auprès de sa compagnie d'assurances, deux semaines après l'accident, et avant qu'il n'apprenne par les policiers que la vitesse était limitée à 30 kilomètres à l'heure, a. G. avait spontanément indiqué qu'il roulait à une vitesse de 35 à 40 kilomètres à l'heure ;

Qu'il apparaît également qu'après avoir été informé par l'enquêteur de la limitation de vitesse en vigueur sur cette portion de la route, le prévenu, a alors affirmé que sa vitesse n'excédait pas cette limitation, précisant ultérieurement lors de son audition du 20 février 2018 : « Avant l'impact, je pense que je circulais à environ 25-30 km/h » ;

Que cependant, outre sa déclaration antérieure, il ressort des débats que le prévenu est un cycliste chevronné ;

Que, membre de l'Union cycliste de MONACO, il pratique ce sport de manière très régulière, en semaine et le week-end, parcourant environ 10.000 kilomètres par an, selon ses déclarations ;

Qu'il apparait que son expérience lui permet d'avoir une appréciation exacte de sa vitesse ;

Qu'en outre, à supposer même que le prévenu n'ait pas dépassé la vitesse maximale autorisée, il aurait dû réduire sa vitesse au regard des circonstances rappelées plus haut ;

Que, par ailleurs, l'hypothèse du surgissement de Vita SC. âgée de 77 ans, entre des cyclomoteurs, courant pour traverser la chaussée, n'est pas confirmée par la procédure et les débats ;

Qu'en effet, lors de son audition du 20 août 2018, a. G. évoquait les confidences de Nicholas BA. suite au visionnage d'un enregistrement de la caméra de la résidence Château d'Azur, selon lesquelles Vita SC.« était vue en train de courir » ;

Que cependant, l'audition de Nicholas BA. effectuée par les services de police contredit cette hypothèse ;

Qu'en effet, ce dernier affirme sans hésitation « En aucun cas, je ne l'ai vue courir », avant de préciser « J'avais simplement entendu dire par une personne de cette résidence qui l'avait croisée juste avant qu'elle ne sorte, que Madame S. avait l'air pressée de prendre le bus » ;

Qu'en toute hypothèse, s'il paraît acquis que ce piéton, en traversant la chaussée en dehors du passage protégé, pourtant situé à quelques mètres, a commis une faute, cette faute n'est pas constitutive d'un cas de force majeure au regard des circonstances de l'accident ;

Qu'en effet, le risque qu'un piéton traverse la chaussée en dehors d'un passage protégé fait partie des risques prévisibles ;

Qu'en outre, au cas d'espèce, ce risque ne paraissait pas irrésistible dès lors que l'accident est survenu en agglomération, en pleine journée, par temps clair, mais sur une portion de route dangereuse, dont la dangerosité était parfaitement signalisée en amont du lieu de l'accident, dans un quartier où l'habitat est prépondérant et la présence possible d'usagers vulnérables annoncée ;

Qu'au surplus, a. G. admet avoir vu Vita SC. avant l'impact ;

Que par ailleurs, la faute commise par le piéton n'est pas la cause exclusive de l'accident ;

Que sur ce point, le fait, allégué tardivement par a. G. selon lequel le piéton aurait heurté le prévenu et non l'inverse, interroge au regard de ses déclarations antérieures contraires sur ce point et n'est pas avéré, le prévenu ayant toujours déclaré qu'il avait vu le piéton avant le choc, qu'il avait entrepris une manœuvre de freinage et qu'il avait crié pour l'avertir, sans alléguer qu'il aurait fait usage d'un avertisseur sonore ;

Qu'au regard des données relevées plus haut, relatives à la configuration des lieux, à la dangerosité signalée de cette portion de route et à la vitesse du cycliste, il apparaît que le prévenu ne s'est pas mis en situation d'entreprendre une manœuvre d'évitement ;

Qu'enfin, le rapport d'autopsie fait état de la violence du choc subi par Vita SC.;

Qu'à l'aune de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que le prévenu n'a pas adapté sa vitesse à la configuration des lieux, aux difficultés de la circulation et aux obstacles prévisibles ;

Que dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu'il a relaxé a. G. des fins de la poursuite ;

  • 6- Attendu que le juge doit déterminer la nature et le quantum de la peine en fonction des circonstances de l'infraction, de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur, ainsi que de sa situation matérielle et sociale ;

Attendu qu'au cas d'espèce, l'infraction poursuivie dont le prévenu a été reconnu coupable présente, eu égard à sa nature, à ses circonstances ci-dessus rappelées et à ses conséquences, un caractère certain de gravité ;

Qu a. G. exerce la profession d'entrepreneur individuel. Qu'il estime ses revenus moyens à 13.000 euros par mois ;

Qu'il n'a jamais été condamné, ni à MONACO, ni en France ;

Que, de nationalité norvégienne, il demeure en Principauté, est divorcé et est père de trois enfants, dont aucun n'est à sa charge ;

Qu'au regard de l'ensemble des éléments de personnalité, de la gravité des faits et des circonstances de l'infraction, il y a lieu de condamner a. G. à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ;

  • 7- Attendu que les frais du jugement entrepris ainsi que ceux du présent arrêt seront supportés par a. G.;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels, principal et incident, formés contre le jugement rendu le 2 juillet 2019 par le Tribunal correctionnel,

Ayant joint les incidents au fond,

Confirme ce jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du procès-verbal d'audition du 3 février 2018 et en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'audition du 10 août 2018 ainsi que des actes subséquents,

Ajoutant au jugement,

Ordonne la cancellation des passages suivants :

  • - en page 2 du procès-verbal d'audition d a. G. du 20 février 2018, la phrase suivante « Vous venez de me traduire mon procès-verbal d'audition, en date du 3 février 2018, en langue anglaise. Je confirme tout ce que j'avais déclaré »,

  • - en page 2 du procès-verbal d'audition d a. G. du 20 février 2018, la question commençant par « Lors de votre première audition » et se terminant par « à environ 35-40 km/h ? »,

  • - en page 3 du procès-verbal d'audition d a. G. du 10 août 2018, la question : « Concernant votre procès-verbal d'audition, en date du 3 février 2018, que notre interprète vient de vous traduire, avez-vous des choses à ajouter ou à modifier ? »,

  • - en page 3 du procès-verbal d'audition d a. G. du 10 août 2018, la réponse commençant par « J'ai été questionné sur ma vitesse » et se terminant par « et j'ai dit, sans réfléchir, 35 à 40 km/h »,

  • - en page 4 du procès-verbal d'audition d a. G. du 10 août 2018, le passage commençant par « Lorsque l'on m'a demandé si je me sentais... » et se terminant par « je l'avais bien relu et j'avais compris mais pas dans les détails »,

Infirme ce jugement pour le surplus de ses dispositions appelées,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Se déclare incompétente pour apprécier la validité des opérations d'autopsie et du rapport de l'expert,

Déboute a. G. de son exception de nullité du procès-verbal d'audition du 20 février 2018 en son entier,

Déclare a. G. coupable du délit d'homicide involontaire,

En répression, le condamne à la peine de TROIS MOIS d'EMRISONNEMENT avec SURSIS, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code pénal n'ayant pu être adressé au condamné, absent lors du prononcé de la décision,0

Condamne a. G. au paiement des frais du jugement entrepris et du présent arrêt ;

Composition🔗

Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le six janvier deux mille vingt, qui se sont tenus devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur général, assistées de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier ;

Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, Magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013, relative à l'administration et à l'organisation judiciaires ;

Lecture étant donnée à l'audience publique du deux mars deux mille vingt par Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur général, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de ladite Loi.

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