Cour d'appel, 28 janvier 2020, La SAM F. c/ Madame m. M.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Contrat de travail  - Rappel de salaire - Jours fériés - 13ème mois  - Licenciement abusif (non) - Harcèlement moral (non) - Dommages et intérêts (non)

Résumé🔗

Le 14 juillet n'est pas un jour férié en Principauté. La salariée, employée en qualité de technicienne paie, a bien travaillé à cette date mais n'a pas bénéficié d'un repos compensateur à la date invoquée par l'employeur dès lors que son absence résultait de la dispense d'exécution de son préavis.  Il lui est ainsi dû un rappel de salaire d'un montant de 109,19 euros, outre la somme de 10,92 euros brut, au titre des congés payés y afférents.

Le 8 décembre est un jour férié légal en Principauté. Elle a travaillé à cette date, son congé se trouvant reporté au 23 décembre. Si elle a été dispensée de l'exécution de son préavis, cet élément s'avère sans incidence dès lors que le droit au report du jour férié s'apprécie au jour de l'ouverture de ce droit, soit à la date du 8 décembre, à laquelle la salariée faisait encore partie de l'entreprise. Il lui est ainsi dû un rappel de salaire d'un montant de de 109,19 euros, outre la somme de 10,92 euros brut, au titre des congés payés y afférents.

Sa rémunération annuelle tient compte de la prime dite de 13ème mois et doit être intégrée dans le calcul de l'indemnité de licenciement. Il lui est ainsi dû un rappel d'un montant de 1 182,90 euros.

Les premiers juges ont considéré que l'employeur avait fait preuve de légèreté blâmable en licenciant l'intéressée en la dispensant de préavis, alors qu'elle justifiait de treize années d'ancienneté et qu'elle lui avait donné entière satisfaction. En outre, elle n'avait pas été remplie de ses droits au titre de l'indemnité de licenciement. Or, la dispense d'exécution du préavis est une manifestation du pouvoir de direction de l'employeur et ne constitue pas, en soi, une mesure vexatoire, sauf à démontrer que l'employeur a commis un abus de droit dans l'exercice de son pouvoir de direction, ce qui n'est pas démontré en l'espèce. L'ancienneté de la salariée et le fait qu'elle ait toujours donné satisfaction s'avèrent ans incidence. En outre, la lettre de licenciement fait état d'un accord entre les parties sur la dispense d'exécution du préavis. Enfin, le différentiel d'indemnité de licenciement ne s'avère pas non plus pertinent en raison du faible montant en cause et du débat juridique relatif à son assiette. La salariée est en conséquence déboutée de ses prétentions indemnitaires au titre du caractère abusif de son licenciement.

La salariée allègue avoir subi un harcèlement et de mauvaises conditions de travail mais elle n'établit pas qu'elle aurait été personnellement victime d'agissements répétitifs, abusifs, excessifs et vexatoires, qui seraient à l'origine de son état de santé. Le certificat médical qu'elle produit ne prouve pas que ses troubles sont en lien avec des agissements abusifs commis par son supérieur hiérarchique. Les courriels versés aux débats traduisent simplement une augmentation d'intensité circonstancielle de sa charge de travail et ne peuvent être assimilés à des pressions récurrentes. Faute pour la salariée d'établir la réalité du harcèlement allégué, la cour rejette ses demandes indemnitaires à ce titre.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 28 JANVIER 2020

En la cause de :

  • - La Société Anonyme Monégasque F., dont le siège social est sis X1 98000 Monaco, prise en la personne de son Président Administrateur Délégué en exercice, y domicilié en cette qualité ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat en cette même Cour ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - Madame m. M., née le 31 juillet 1979, de nationalité française, technicienne paie, demeurant et domiciliée au lieudit X2(20250), France ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du travail, le 7 mars 2019 ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 2 mai 2019 (enrôlé sous le numéro 2019/000111) ;

Vu les conclusions déposées les 12 juillet 2019 et 3 décembre 2019 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Madame m. M.;

Vu les conclusions déposées le 11 octobre 2019 par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque F.;

À l'audience du 10 décembre 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la Société Anonyme Monégasque F. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail du 7 mars 2019.

Considérant les faits suivants :

m. M. a été embauchée par la SAM F. anciennement M. P. à compter du 4 novembre 2002, en qualité d'agent de méthodes, filière employé et technicien niveau IV, échelon A, coefficient 250.

Son licenciement fondé sur l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, lui a été notifié par lettre en date du 8 octobre 2015.

Par requête du 18 avril 2016, m. M. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • - rappel de salaire (jours fériés) : 250 euros,

  • - congés payés sur rappel de salaire : 25 euros,

  • - complément indemnité de licenciement: 1.200 euros,

  • - dommages et intérêts pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail (notamment harcèlement) : 80.000 euros,

  • - intérêts au taux légal,

  • - exécution provisoire.

Aux termes de conclusions déposées ultérieurement, m. M. a sollicité du Tribunal du travail la condamnation de la SAM F. à lui payer les sommes de :

  • - 218,39 euros bruts à titre de rappel de salaire,

  • - 21,84 euros bruts à titre de congés payés sur rappel de salaire,

  • - 1.182,90 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

  • - 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail,

  • - et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir.

Par jugement contradictoire en date du 7 mars 2019, le Tribunal du travail a statué ainsi qu'il suit :

« - condamne la société anonyme monégasque F. (anciennement SAM M. P., à payer à Madame m. M. les sommes suivantes :

  • 218,39 euros brut (deux cent dix-huit euros et trente-neuf centimes) à titre de rappel de salaire, outre celle de 21,84 euros brut (vingt et un euros et quatre-vingt-quatre centimes) au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoire de salaire,

  • 1.182,90 euros (mille cent quatre-vingt-deux euros et quatre-vingt-dix centimes) à titre de complément d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- dit que le licenciement de Madame m. M. par la SAM F. anciennement dénommée SAM M. P. est abusif,

- condamne la SAM F.(anciennement SAM M. P., à payer à Madame m. M. la somme de 25.000 euros (vingt-cinq mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- déboute Madame m. M. du surplus de ses demandes,

- condamne la SAM F.(anciennement SAM M. P. aux dépens du présent jugement ».

Par exploit d'appel et assignation délivré le 2 mai 2019, la SAM F. a relevé appel de cette décision.

Aux termes de cet exploit et des conclusions qu'elle a déposées le 11 octobre 2019, la société appelante demande à la Cour, sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, de :

« - infirmer le jugement du Tribunal du travail du 7 mars 2019 en ce qu'il l'a condamnée à payer à Madame M. la somme de 218,39 euros bruts à titre de rappels de salaires, outre celle de 21,84 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la décision entreprise,

- infirmer le jugement du Tribunal du travail du 7 mars 2019 en ce qu'il l'a condamnée à payer à Madame M. la somme de 1.182,90 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision entreprise,

- infirmer le jugement du Tribunal du travail du 7 mars 2019 en ce qu'il a jugé abusif dans sa mise en œuvre licenciement de Madame M. et en ce qu'il a condamné la SAM F. à payer à Madame M. la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la décision entreprise,

Et, statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement de Madame m. M. a été valablement mis en œuvre et ne présente aucun caractère abusif,

- dire et juger que le contrat de travail a été exécuté de bonne foi par l'employeur,

- dire et juger que Madame m. M. a été remplie de ses droits au titre de l'exécution comme de la rupture de son contrat de travail,

- en conséquence, débouter Madame m. M. de toutes demandes, fins et conclusions à cet égard,

- condamner Madame m. M. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».

La SAM F. soutient d'abord, sur le rappel de salaire au titre des jours fériés, que s'agissant du 14 juillet 2015, la juridiction du premier degré s'est fondée sur une convention collective française, nullement applicable à la société monégasque, alors que seules les dispositions légales et conventionnelles monégasques doivent s'appliquer.

Elle invoque l'article 8 de la loi n° 800 du 18 février 1966 régissant la rémunération et les conditions de travail relatives aux jours fériés légaux et rappelle que ne peuvent être récupérés que les jours fériés qui sont chômés et payés. Elle souligne qu'au cas d'espèce, selon le calendrier M. P. de 2015, approuvé par les délégués du personnel, reprenant les jours fériés, le 14 juillet 2015 était normalement travaillé et reporté au 20 novembre 2015, soit pendant la période de préavis de la salariée. Elle observe que le 20 novembre 2015 a été effectivement chômé et payé à m. M. et en conclut que le 14 juillet 2015, travaillé par la salariée, reporté au 20 novembre 2015, jour chômé par elle et payé par l'employeur, a donc été régulièrement récupéré. Elle considère que sa condamnation à payer à l'intimée la somme de 109,19 euros, outre celle de 10,92 euros brut au titre des congés payés y afférents, doit être infirmée.

S'agissant du 8 décembre 2015, la société appelante fait grief aux premiers juges d'avoir fait application de l'article 7 de la loi n° 800 du 18 février 1966, inapplicable au cas d'espèce, car il régit les salariés occupés les jours chômés. Or, m. M. ne travaillait pas le 8 décembre 2015 car elle était dispensée de préavis. Dès lors, le 8 décembre 2015 a été chômé et payé à celle-ci.

La société appelante soutient également que l'intégralité de l'indemnité de licenciement a été payée à m. M.

Elle souligne, sur ce point, que le salaire de référence pour le calcul de cette indemnité est le salaire versé le mois précédant le licenciement, que la prime de 13ème mois n'a pas été versée ce mois-là et qu'en conséquence, elle ne doit pas rentrer dans le calcul de l'indemnité de licenciement.

La société appelante conclut enfin à l'infirmation du jugement sur le caractère abusif du licenciement.

Elle rappelle que la salariée n'était pas fondée à bénéficier du plan social car son poste a été maintenu lors de la restructuration de l'entreprise et que son départ volontaire n'aurait permis de sauvegarder aucun emploi dans l'entreprise en l'absence de compétences équivalentes dans l'usine.

Elle souligne que de ce chef, les premiers juges ont, à juste titre, écarté le caractère abusif du licenciement.

Elle déplore, cependant, que le Tribunal du travail ait à raison de la dispense de préavis et de la prétendue irrégularité du montant de l'indemnité de licenciement, retenu le caractère abusif du licenciement, alors même que de tels moyens n'étaient pas soulevés par la salariée.

Elle rappelle que l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 prévoit la possibilité de ne pas appliquer le délai de préavis, sans qu'aucune condition ou justification ne soit exigée.

Elle considère que le fait d'estimer que l'usage de cette dispense est fautif revient à ajouter une obligation à un texte qui n'en prévoit pas.

Elle relève que la salariée n'a jamais fait état d'un quelconque préjudice ou grief en lien avec sa dispense de préavis.

S'agissant du paiement de l'indemnité de licenciement, elle estime s'être conformée à l'article 2 de la loi n° 845.

Elle en conclut que le licenciement de m. M. a valablement été mis en œuvre et ne présente aucun caractère abusif.

Elle considère, en toute hypothèse, que les dommages et intérêts pour préjudice moral auquel elle a été condamnée, à hauteur de 25.000 euros, ne sont pas justifiés.

Par conclusions déposées les 12 juillet 2019 et 3 décembre 2019, m. M. demande à la Cour de :

« - confirmer le jugement du Tribunal du travail du 7 mars 2019 en ce qu'il a condamné la SAM F. à lui payer les sommes suivantes : 218,39 euros à titre de rappels de salaires, outre 21,84 euros au titre des congés payés, 1.182,90 euros au titre du complément d'indemnité de congédiement avec intérêts au taux légal à compter de la décision, en ce qu'il a dit que le licenciement est abusif et en ce qu'il a condamné la SAM F. aux dépens,

- le réformer en ce qu'il a condamné la SAM F. à payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes,

Et statuant à nouveau,

- condamner la SAM F. au paiement des dommages-intérêts pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail (notamment harcèlement) à hauteur de 80.000 euros et ce, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

- débouter la SAM F. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- prononcer également l'exécution provisoire de cette décision,

- condamner la SAM F. en tous les dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».

m. M. fait essentiellement valoir que lui est encore dû le paiement de deux jours fériés, le 14 juillet 2015 et le 8 décembre 2015 et elle sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

L'intimée soutient également qu'il doit être tenu compte, dans le calcul de l'indemnité de licenciement, du 13ème mois, qui fait partie intégrante de la rémunération.

Elle fait ensuite valoir qu'à la fin du mois d'octobre 2014, la société M. P. a annoncé qu'elle envisageait de procéder à un licenciement collectif d'une partie du personnel. Elle indique qu'un plan prévoyait aussi la possibilité, pour des salariés de l'entreprise non touchés par les suppressions de postes envisagées, de bénéficier des conditions du plan mis en place, à l'occasion d'un départ volontaire.

Elle précise s'être portée volontaire pour un départ sans recevoir de réponse immédiate de son entreprise.

Elle explique qu'on lui aurait ultérieurement opposé qu'elle ne remplissait pas les conditions exigées.

Elle a été consternée d'apprendre le 18 septembre 2015, que la société envisageait de la licencier.

Elle considère que ce licenciement est abusif et estime qu'en se référant à l'article 6 de la loi n° 729, son employeur a reconnu expressément la non validité du licenciement qu'il impose.

Elle soutient que cette décision soudaine est incompréhensible au regard du refus qui lui a été opposé de quitter l'entreprise quelques mois plus tôt et que son employeur a tout mis en œuvre de manière abusive pour l'exclure du plan, et la licencier à moindre coût quelques mois plus tard.

Elle affirme que le fait de l'écarter brutalement sans la laisser exécuter son préavis, en l'absence de toute justification légitime, confère bien un caractère abusif au licenciement, ainsi que l'ont retenu les premiers juges.

Elle expose aussi que le fait de refuser de lui régler sa juste indemnité de licenciement constitue un préjudice, ainsi que l'ont retenu les premiers juges.

Elle invoque de mauvaises conditions de travail et un harcèlement dont elle a fait l'objet de la part de son employeur.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus développées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

  • 1-Attendu que les appels, principal et incident, relevés dans les formes et délais prescrits par le Code de procédure civile, sont réguliers et recevables ;

  • 2-Attendu qu'aux termes de l'article 7 de la loi n° 800 du 18 février 1966 régissant la rémunération et les conditions de travail relatives aux jours fériés légaux, les salariés occupés les jours fériés légaux ont droit, en plus du salaire correspondant au travail, soit à une indemnité égale au montant dudit salaire, soit à un repos compensateur rémunéré ;

Que l'article 8 de cette loi énonce, en son dernier alinéa, que le mode de récupération des jours fériés, chômés et payés, demeure fixé par les dispositions réglementaires ou conventionnelles propres à chaque secteur professionnel ;

  • 2-1 : Le 14 juillet 2015 :

Attendu que pour condamner la SAM F. à payer à m. M. la somme de 109,1933 euros, outre celle de 10,92 euros bruts, au titre du 14 juillet 2015, les premiers juges se sont fondés sur la convention collective nationale de la plasturgie du 1er juillet 1960 ;

Que les parties sont contraires sur l'application, à la cause, de cette convention collective, la société appelante alléguant que cette convention collective française ne serait pas applicable en Principauté, la salariée objectant le contraire, sans toutefois documenter son affirmation ;

Que les bulletins de salaires de m. M. mentionnent : « Convention collective : Plastiques Monaco » ;

Qu'il ressort de cette mention que l'employeur a entendu se soumettre à la convention collective des industries de transformation des matières plastiques de Monaco et non à la convention collective nationale française de la plasturgie du 1er juillet 1960 ;

Que dès lors, le motif, retenu par les premiers juges, fondé sur l'application de l'article 11 de la convention collective française est erroné ;

Que, par ailleurs, aux termes de l'article 1er de la loi n° 798 du 18 février 1966 portant fixation des jours fériés légaux, le 14 juillet n'est pas un jour férié légal en Principauté ;

Que cependant, il ressort du calendrier 2015 pour M. P. des jours fériés, approuvé par la direction et les délégués du personnel, que le mardi 14 juillet 2015, correspondant à la fête nationale française, était une journée travaillée mais reportée au 20 novembre 2015 ;

Qu'il ressort du bulletin de salaire de m. M. pour le mois de juillet 2015, que la salariée a travaillé le mardi 14 juillet 2015 ;

Qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 20 novembre 2015, l'absence de la salariée dans l'entreprise ne tenait pas au fait qu'elle aurait bénéficié d'un repos compensateur, mais était exclusivement due à la circonstance que, se trouvant en préavis, elle était dispensée de l'exécution de celui-ci ;

Que dès lors, la salariée est en droit de percevoir, pour la journée du 14 juillet 2015, une indemnité égale au montant de son salaire d'un montant de 109,19 euros, outre la somme de 10,92 euros brut, au titre des congés payés correspondants, avec intérêts au taux légal, ainsi que l'ont jugé les premiers juges ;

  • 2-2 : Le 8 décembre 2015 :

Attendu qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 798 du 18 février 1966 portant fixation des jours fériés légaux, le 8 décembre 2015 est un jour férié légal en Principauté, pour correspondre à l'Immaculée Conception ;

Que l'article 7 de la loi n° 800 du 18 février 1966 énonce que dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, les salariés occupés les jours chômés et payés visés aux articles 2 et 4 ont droit, en plus du salaire correspondant au travail, soit à une indemnité égale au montant dudit salaire, soit à un repos compensateur rémunéré ;

Qu'il ressort du calendrier 2015 des jours fériés pour M. P. que le 8 décembre 2015 était une journée travaillée, qui a été reportée au 23 décembre de la même année ;

Que la salariée a été dispensée de l'exécution de son préavis qui allait du 10 octobre 2015 au 9 décembre 2015 ;

Qu'à compter du 10 décembre 2015, m. M. ne faisait plus partie de l'entreprise ;

Attendu que le contrat de travail subsiste jusqu'au terme du préavis et que la dispense de l'exécution du préavis n'a pas pour effet d'avancer la date à laquelle le contrat prend fin ;

Qu'il ressort du bulletin de salaire de la salariée pour le mois de décembre 2015, que la journée du 8 décembre 2015 était une journée travaillée, la circonstance que m. M. ait été dispensée de l'exécution de son préavis étant sans incidence ;

Que le droit au report du jour férié s'apprécie au jour de l'ouverture de ce droit, soit, au cas d'espèce, à la date du 8 décembre 2015, où la salariée faisait encore partie de l'entreprise ;

Que dès lors, m. M. qui n'a pas bénéficié d'un repos compensateur, doit recevoir, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, une indemnité égale au montant de son salaire, soit la somme brute de 109,19 euros, outre celle de 10,92 euros bruts au titre des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal ;

  • 3-Attendu que l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 sur les indemnités de congédiement et de licenciement en faveur des salariés énonce que dans le cas où le licenciement n'est pas justifié par un motif jugé valable, l'employeur est tenu au paiement d'une indemnité de licenciement égale à autant de journées de salaire que le travailleur compte de mois de service chez ledit employeur dans son entreprise. Le salaire journalier servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est égal au quotient du salaire correspondant au nombre de jours où l'intéressé a effectivement travaillé, le mois ayant précédé son licenciement, par ce même nombre de jours. Les avantages en nature prévus par le contrat de travail entrent dans le calcul de ladite indemnité. Le montant de l'indemnité de licenciement ne peut toutefois excéder six mois de salaire ;

Qu'il doit être tenu compte, dans l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement, de tous les éléments de salaire, primes, avantages en nature et compléments de salaire ;

Attendu qu'au cas d'espèce, il n'est pas contesté que m. M. a perçu la somme de 14.194,98 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

Que le litige porte sur l'intégration, dans le calcul de l'indemnité de licenciement, de la prime dite de 13ème mois ;

Que le contrat de travail à durée indéterminée signé le 31 octobre 2002 énonce, dans l'article intitulé « Rémunération » :

« La rémunération annuelle brute est fixée à : 20.800 euros (13ème mois inclus versé en décembre au prorata de la date d'entrée ) » ;

Qu'il ressort de cette disposition que la rémunération annuelle allouée à la salariée tient compte de la prime dite de 13 ème mois ;

Que cette prime constitue un élément de salaire, le fait qu'elle ne soit effectivement payée qu'au mois de décembre de chaque année n'ayant aucune incidence sur sa nature ;

Que le fait que l'article 2 précité précise que les avantages en nature prévus par le contrat de travail entrent dans le calcul de l'indemnité de licenciement ne signifie pas que la prime de 13ème mois en soit exclue ;

Qu'enfin, ce texte, en ce qu'il indique « le salaire journalier servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est égal au quotient du salaire correspondant au nombre de jours où l'intéressé a effectivement travaillé, le mois ayant précédé son licenciement, par ce même nombre de jours » se limite à énoncer les modalités de calcul du salaire journalier servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement, sans s'étendre à l'assiette de ce calcul ;

Que dès lors, la prime dite de 13 ème mois doit être intégrée dans le calcul de l'indemnité de licenciement ;

Qu'en conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société F. à payer à m. M. la somme de 1.182,90 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de leur décision ;

  • 4-Attendu que l'article 6 de la loi n° 729 énonce que le contrat de travail à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une des parties et qu'il prend fin au terme du préavis ;

Que si ce texte permet à l'employeur de congédier un salarié sans se référer de façon implicite ou explicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, il ne lui octroie pas pour autant un droit discrétionnaire et absolu ;

Qu'il appartient dès lors aux juges du fond de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes d'abus, d'autre part ;

Que le salarié qui prétend que son licenciement a été abusif doit rapporter la preuve de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture ainsi que le préjudice qui en est résulté ;

Attendu qu'au cas d'espèce, m. M. concluant à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement abusif, est réputée s'en être appropriée les motifs ;

Or, attendu que le jugement n'a retenu le caractère abusif du licenciement qu'au titre de la dispense d'exécution du préavis et du non-paiement de l'intégralité de l'indemnité de licenciement ;

Que dès lors, les moyens plus amples développés par l'intimée, notamment quant au motif fallacieux et à la volonté de la Direction des ressources humaines de la priver du bénéfice des avantages d'un plan social, sont inopérants ;

Attendu que, par ailleurs, il est constant que m. M. a été embauchée par la SAM M. P.(devenue F. selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 31 octobre 2002 en qualité d'agent méthodes à effet au 4 novembre 2002, qu'à partir du 1er mars 2017, elle a occupé le poste d'assistante qualité avant d'intégrer, le 1er janvier 2008, celui de technicienne paye ;

Qu'il est tout aussi constant qu'elle a été convoquée à un entretien préalable visant à une éventuelle mesure de licenciement, devant avoir lieu le 29 septembre 2015, selon un courrier du 18 septembre 2015 ;

Qu'elle a été licenciée par une lettre du 8 octobre 2015 libellée en ces termes :

« Suite à nos différents échanges des dernières semaines, et suite à l'entretien préalable que nous avons eu le 29 septembre 2015 en présence du directeur du site et d'un délégué du personnel, je vous notifie par la présente votre licenciement, conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 du droit du travail monégasque.

Votre préavis, d'une durée de deux mois, ne prendra effet que le lendemain au soir de la remise de ce courrier, soit le vendredi 9 octobre 2015 au soir.

De fait, du 10 octobre au 9 décembre 2015 inclus, vous serez en préavis.

Comme convenu entre les parties, ce préavis sera non effectué mais payé aux échéances de paie habituelles.

Vous ne ferez plus partie des effectifs à compter du 10 décembre 2015.

Votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation pôle emploi vous seront fournis au terme de votre contrat. Votre solde de tout compte vous sera versé à échéance de paie habituelle du mois de la date de rupture du contrat » ;

Que pour dire que le licenciement était abusif et condamner la société F. à lui payer la somme de 25.000 euros, les premiers juges ont retenu, alors que ce n'était pas soutenu par la salariée, que le fait de congédier la salariée en la dispensant de préavis, alors qu'elle justifiait de treize années d'ancienneté et qu'elle avait donné entière satisfaction à son employeur, témoignait d'une légèreté blâmable, et qu'en outre m. M. n'avait pas été remplie de ses droits au titre de l'indemnité de licenciement ;

Mais attendu que la dispense d'exécution du préavis est une manifestation du pouvoir de direction de l'employeur ;

Qu'elle ne constitue pas, en soi, une mesure vexatoire, sauf à démontrer que l'employeur a commis un abus de droit dans l'exercice de son pouvoir de direction ;

Qu'au cas particulier, l'ancienneté de la salariée, ainsi que la circonstance que celle-ci ait toujours donné satisfaction à son employeur ne suffisent pas à caractériser l'abus commis par ce dernier ;

Qu'il convient de relever qu'il n'est pas démontré, ni allégué, que l'employeur aurait affiché de la méfiance à l'égard de la salariée, faisant ainsi peser sur elle une suspicion, ni qu'il aurait adopté un comportement désobligeant ou une attitude laissant penser qu'une faute grave aurait été commise par la salariée ;

Qu'enfin, la lettre de licenciement fait état d'un accord entre les parties sur la dispense d'exécution du préavis ;

Que, par ailleurs, le fait que la salariée n'aurait pas été remplie de ses droits au titre de l'indemnité de licenciement n'apparaît pas pertinent au cas d'espèce en raison d'une part, du faible différentiel entre la somme effectivement perçue et celle réellement due, d'autre part, du débat juridique sur l'assiette de calcul de cette indemnité ayant opposé les parties tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Que dès lors, faute par la salariée de démontrer en quoi son employeur aurait commis un abus en la dispensant d'exécuter son préavis, celle-ci sera déboutée de sa demande tendant à voir déclarer abusif le licenciement dont elle a fait l'objet, ainsi que de sa demande corrélative de dommages-intérêts, par voie d'infirmation du jugement entrepris ;

  • 5-Attendu que le harcèlement moral peut se définir par des agissements répétés ayant pour objet ou effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail ;

Qu'il appartient au salarié qui se prétend victime d'un harcèlement d'en rapporter la preuve ;

Attendu qu'au cas d'espèce, m. M. sollicite l'allocation de dommages-intérêts du chef de harcèlement et mauvaises conditions de travail, demande dont ont été saisis les premiers juges, mais sur laquelle ils ont omis de statuer ;

Que l'intimée dénonce le harcèlement dont elle aurait été victime de la part de sa responsable, essentiellement durant la période du mois de février 2015 au mois de juillet 2015, consistant en un acharnement à son encontre, dans un climat de tension perpétuelle ;

Mais attendu que la salariée ne fournit pas d'éléments de preuve suffisants permettant d'établir qu'elle aurait été personnellement victime d'agissements répétitifs, abusifs, excessifs et vexatoires, qui seraient à l'origine de son état de santé ;

Qu'en effet, m. M. verse aux débats le courrier qu'elle a écrit au Président du conseil d'administration de M. P. après la notification de son licenciement (sa pièce n° 26) ;

Mais que ce courrier, pour émaner de la personne même qui s'en prévaut, ne revêt aucune valeur probante ;

Que de même, aucune valeur probante ne peut être reconnue au certificat médical établi le 29 mai 2015 par le médecin du travail, en ce qu'il reproduit les doléances de la salariée ;

Que le certificat médical établi le 27 mai 2015 par le Docteur K atteste, certes, de la constatation, chez la salariée, « de troubles psychologiques associant sur un fond anxieux un état de déprime et des crises de panique » et précise que des arrêts de travail ont été proposés car m. M. « n'était pas en mesure de travailler », ainsi que la consultation d'un médecin psychiatre pour « un avis autorisé spécialisé » ;

Que cependant, cette pièce médicale n'établit pas que les troubles constatés soient en lien avec des agissements abusifs qui auraient été commis à l'encontre de la salariée par son supérieur hiérarchique ;

Que l'intimée verse également trois mails échangés avec sa responsable, m. V. le 21 novembre 2014 ;

Mais que ces mails échangés au cours d'une même journée sont révélateurs d'un simple accroissement momentané des tâches ;

Qu'elle produit également des échanges de mails intervenus les 27, 28, 30 et 31 octobre 2014 ainsi que le 7 novembre 2014, qui sont relatifs à des tâches ponctuelles et urgentes telles que la mise à jour des données du personnel, la liste des « 40èmes heures/jours CP restants » et la formation management ;

Que ces échanges se rapportent à des missions isolées, traduisant, de manière sporadique, une augmentation d'intensité circonstancielle de la charge de travail ;

Qu'ils ne peuvent être assimilés à des pressions exercées de manière récurrente sur la salariée ;

Qu'enfin, l'attestation d e. B. décrit que « depuis quelques années, Mme M. souffrait du comportement de sa responsable, Mme V m. envers elle » et qu'il l'avait vue « peu à peu, perdre sa gaieté à son poste », ajoutant « non pas que son travail ne lui plaisait plus, bien au contraire, mais l'ambiance avec sa chef était devenue difficile à supporter pour Mme M. » ;

Que cependant, cette attestation, qui n'évoque aucun événement ou situation concrète, ne suffit pas à établir une situation de harcèlement ;

Qu'il apparaît, en réalité, que l'ensemble de ces éléments ne caractérisent nullement des agissements de harcèlement, ou de mauvaises conditions de travail, et révèlent, tout au plus, une situation ressentie subjectivement comme du harcèlement ;

Qu'en conséquence, m. M. sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef, par voie d'adjonction au jugement. ;

  • 6-Attendu que chacune des parties succombe sur quelques chefs et qu'il y a lieu d'ordonner la compensation de la totalité des dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 232 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels, principal et incident, relevés contre le jugement rendu le 7 mars 2019 par le Tribunal du travail,

Confirme ce jugement en ce qu'il a condamné la société anonyme monégasque F.(anciennement SAM M. P., à payer à Madame m. M. les sommes de 218,39 euros bruts et de 21,84 euros bruts respectivement au titre des rappels de salaires et des congés payés y afférents, ainsi que la somme de 1.182,90 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

Réforme ce jugement pour le surplus,

Déboute m. M. de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement abusif,

La déboute également de sa demande de dommages-intérêts de ce chef,

Ajoutant au jugement,

Déboute m. M. de sa demande de dommages-intérêts du chef de harcèlement et mauvaises conditions de travail,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Ordonne la compensation de la totalité des dépens de première instance et d'appel,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 28 JANVIER 2020, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.

  • Consulter le PDF