Cour d'appel, 28 janvier 2020, Monsieur j. m. s. R. c/ Monsieur m. h. K-V. et autres

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Abstract🔗

Procédure civile - Qualité pour agir (non) - Contrat de crédit-bail mobilier - Qualité du crédit-preneur pour agir en indemnisation de la perte de valeur du bien loué (non)

Responsabilité civile - Incendie - Faute commise par le propriétaire ou son préposé (non)

Résumé🔗

L'exercice de l'action en indemnisation de la perte de valeur du bateau appartient exclusivement au propriétaire, ce qui rend irrecevables les demandes du crédit-preneur en paiement du coût des travaux de réparation du bateau.

L'action en responsabilité fondée sur l'article unique de la loi n° 69 du 30 mai 1923 doit être rejetée dès lors que ni le propriétaire du bateau, ni son préposé n'ont commis de faute à l'origine de l'incendie du navire qui s'est communiqué au bateau voisin.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 28 JANVIER 2020

En la cause de :

  • - Monsieur j. m. s. R., né le 29 août 1979 à New York (Etats-Unis d'Amérique), de nationalité hellénique, Directeur Général de la SAM A, demeurant et domicilié X1à (98000) Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Victor GUERARD, avocat au barreau de Paris ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

  • 1/Monsieur m. h. K-V., né le 26 août 1957 à Zürich (Suisse), de nationalité allemande, demeurant et domicilié X2 Grunwald (Allemagne) ;

  • 2/La Société B, Société Anonyme, au capital social de 95.604.625 CHF, immatriculée au Registre du Commerce du Canton de Zurich sous le numéro de X dont le siège social se situe à X3 Wallisellen (Suisse), prise en la personne de son Président du conseil d'administration ;

Ayant tous deux primitivement élu domicile en l'Étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis en celle de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur en cette même Cour, et plaidant par Maître Gerd O. ZIEGENFEUTER, avocat au barreau de Nice ;

  • 3/L'ÉTAT DE MONACO, représenté, au sens de l'article 139 du Code de procédure civile, par Monsieur le Ministre d'État, étant Palais du Gouvernement, Place de la Visitation à Monaco-Ville (98000) et en application de l'article 153 du Code de procédure civile à la Direction du Contentieux et des Études Législatives, 13 avenue des Castelans à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • 4/La Société anonyme de droit français C, Société Anonyme, dont le siège social est situé X4 à Nanterre (92727 Cedex), prise en la personne de son Directeur Général, Président du Conseil d'Administration, Administrateur en exercice, Monsieur n. M. domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Marie DEFORGES, avocat au barreau de Nice, substituant Maître Hervé ZUELGARAY, avocat en ce même barreau ;

INTIMÉS,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 6 juillet 2017 (R. 6639) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 24 novembre 2017 (enrôlé sous le numéro 2018/000061) ;

Vu les conclusions déposées le 27 février 2018 par Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur m. h. K-V. et de la Société B, puis celles déposées les 11 décembre 2018 et 2 avril 2019 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de ces mêmes parties ;

Vu les conclusions déposées les 10 avril 2018 et 11 décembre 2018 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de l'ÉTAT DE MONACO ;

Vu les conclusions déposées les 29 mai 2018 et 30 avril 2019 par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de la Société anonyme de droit français C ;

Vu les conclusions déposées les 16 octobre 2018, 22 janvier 2019 et 30 avril 2019 par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j. m. s. R.;

À l'audience du 22 octobre 2019, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur j. m. s. R. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 6 juillet 2017.

Considérant les faits suivants :

j. m. s. R. armateur, a souscrit le 7 juillet 2010, un contrat de crédit-bail avec la BANQUE D pour le financement de l'achat d'un navire de plaisance dénommé « E », de marque Riva type domino 86 d'une longueur de 23,77 m, dont le prix s'élevait à 7.553.724 euros.

j. R. a fait immatriculer le navire « E » au registre monégasque de la flotte monégasque sous le n° 7389, le capitaine en étant m. P. La société F était assureur corps du navire (pertes et dommages matériels).

Le 6 août 2012, ce navire était amarré sur la panne « Power boat » du quai Antoine 1er du port Hercule à Monaco, à bâbord d'un autre navire dénommé « G », battant pavillon allemand et dont le capitaine était Alexander N.

m. h. K-V. propriétaire de ce navire, était assuré auprès de l'agence B.

Le 7 août 2012 à 2 h 45, le capitaine et les passagers du bateau « G » ont constaté le début d'un incendie à bord, lequel s'est communiqué au navire « E ». Alertés, les sapeurs-pompiers ont combattu l'incendie. Le navire « E » a été éloigné du bateau « G » une fois le feu circonscrit à 7 heures.

Le Parquet Général a fait diligenter une enquête qui a donné lieu à un classement sans suite.

Le 22 août 2012, une inspection a été réalisée à bord du bateau « G », en présence des experts mandatés par les assureurs des parties.

Le 2 avril 2013, la compagnie d'assurances F refusait sa garantie à j. R. pour non-respect de certaines dispositions de la police d'assurance (clause « warranted-captain and/or crew always on board » imposant la présence permanente à bord du capitaine et/ou d'un équipage ; clause « warranted vessel classed and class maintained » relative à la classification du navire).

Par acte en date du 4 juillet 2013, j. R. a fait assigner la société d'assurance F devant le Tribunal de commerce de Paris afin de la voir condamnée à lui payer solidairement, avec son agent C assurances, la somme de 5.450.000 euros correspondant au coût des réparations et de la remise en état du navire, demandes dont celui-ci a été débouté par jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 6 juillet 2017.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 juillet 2013, j. R. a mis en demeure m. h. K-V. de lui régler ainsi que son assureur la somme de 6.132.820,28 euros au titre des dommages subis par suite de l'incendie.

A la suite de quoi, j. R. a, par acte du 29 octobre 2013, fait assigner m. h. K-V. et son assureur, la société B, devant le Tribunal de première instance afin que le premier soit déclaré responsable des dommages subis dans la nuit du 6 août au 7 août 2012 par le bateau « E », et qu'il soit condamné in solidum avec son assureur à lui payer la somme de 6.132.820,28 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2013.

Autorisés par jugement du Tribunal du 10 juillet 2014, m. h. K-V. et son assureur, la société B, ont fait, en présence de j. R. assigner par acte du 18 septembre 2014, l'ÉTAT DE MONACO afin d'obtenir sa condamnation à les relever et garantir de toutes condamnations éventuellement prononcées à leur encontre ainsi que la jonction de cette instance avec celle introduite précédemment (instance 2014/000246).

Autorisé par jugement du 19 mars 2015, l'ÉTAT DE MONACO a fait assigner, en présence de j. R. de m. h. K-V. et de la société B, son assureur, la SA C, suivant acte du 1er avril 2015, à l'effet d'obtenir sa condamnation à le relever et garantir de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre ainsi que la jonction de l'instance avec celles précédemment introduites (instances 2014/000246 et 2015/000077).

Postérieurement, le bateau « E » a été déplacé au port de Fontvieille et le 11 mai 2016, celui-ci a été radié du registre monégasque, après avoir été vendu à un tiers au prix de 1.750.000 euros.

Par jugement en date du 6 juillet 2017, le Tribunal de première instance a statué comme suit :

  • - ordonne la jonction des instances n° 2014/000246, 2015/000077 et 2015/000544 sous le numéro le plus ancien,

  • - dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce n° 1 produite par j. R.(rapport d'accident établi par le capitaine du bateau « G » du 12 août 2012) et les pièces n° 2 et 3 produites par m. K-V.(« crew release letter » du 12 mai 2016),

  • - déclare irrecevables les demandes de j. R. tendant au paiement du coût des travaux de réparation du navire,

  • - déclare recevable la demande de j. R. d'indemnisation de la perte de jouissance subie et de remboursement des dépenses accessoires,

  • - déboute j. R. de l'intégralité de ses demandes,

  • - déclare sans objet les appels en garantie formés par m. K-V. et son assureur, la SA B, à l'encontre de l'ÉTAT DE MONACO et par ce dernier à l'encontre de son assureur, la SA C,

  • - déboute l'ÉTAT DE MONACO de sa demande en paiement de dommages-intérêts formée à l'encontre de m. K-V. et de son assureur, la SA B,

  • - condamne j. R. aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, Maître Christophe SOSSO et Maître Sophie LAVAGNA, avocats-défenseurs, sous leur affirmation de droit.

Par acte en date du 24 novembre 2017 et par conclusions en date des 16 octobre 2018, 22 janvier 2019 et 30 avril 2019, j. R. a formé appel de ce jugement en ces termes :

« - dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Monsieur R. à l'encontre du jugement du Tribunal de première instance du 6 juillet 2017 (R. 6639),

y faire droit,

En conséquence,

  • réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

  • déclaré irrecevables les demandes de Monsieur j. R. tendant au paiement du coût des travaux de réparation du navire à défaut de preuve de la propriété du navire,

  • débouté Monsieur R. de l'intégralité de ses demandes,

  • condamné Monsieur R. aux dépens,

Statuant à nouveau,

  • - débouter Monsieur m. h. K-V. et la société B de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

  • - déclarer Monsieur R. recevable en toutes ses demandes en paiement à l'encontre de Monsieur m. h. K-V. et la société B,

  • - dire et juger que Monsieur m. h. K-V. est responsable des conséquences dommageables de l'incendie ayant pour origine le navire « G »,

En conséquence,

  • - condamner in solidum Monsieur m. h. K-V. en sa qualité de propriétaire du bateau « G », et son assureur en responsabilité, la société B, à indemniser les préjudices subis par Monsieur j. m. s. R. et à lui payer la somme de 2.746.847,58 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2013,

En tout état de cause,

  • - déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'ÉTAT DE MONACO et à son assureur, la Compagnie d'assurance C,

  • - ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans caution,

  • - condamner in solidum Monsieur m. h. K-V. et la société B aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation »,

aux motifs essentiellement que :

  • - son action en réparation des dommages subis par le navire « E » est recevable dès lors qu'il justifie de l'acte de vente en date du 6 mai 2016 afférent au rachat anticipé du navire auprès de la BANQUE D, crédit-bailleur et de son immatriculation sous pavillon monégasque le 10 mai 2016,

  • - avant d'exercer l'option d'achat, il résulte de l'acte de naturalisation du 22 juillet 2010, qu'il était l'armateur du navire et pouvait exercer les droits du propriétaire en sa qualité de crédit-preneur,

  • - s'il est vrai qu'au moment de l'introduction de l'instance en 2013, il n'était pas encore propriétaire du bateau, il pouvait néanmoins agir pour défendre les intérêts du crédit-bailleur au titre du mandat ad litem résultant des conditions générales du contrat de crédit-bail,

  • - en tant que crédit-preneur, il avait le droit d'exercer toute initiative opportune y compris dans le cadre d'une procédure judiciaire,

  • - l'obligation de résultat du crédit-preneur ayant comme objet la restitution du navire à l'échéance du contrat, établit son intérêt personnel à solliciter la réparation du préjudice subi par le navire même à défaut de mandat ad litem,

  • - comme il était tenu à l'obligation de payer les loyers pour un bien qui ne correspondait plus à l'objet du crédit-bail, il avait tout intérêt à exercer les droits du propriétaire,

  • - la BANQUE D a renoncé à son action devant les juridictions monégasques dès lors qu'il a soldé le contrat de crédit-bail et a levé l'option d'achat du navire et il vient aux droits de celle-ci,

  • - en matière de responsabilité délictuelle du fait d'un incendie, le Tribunal s'est trompé en indiquant qu'il lui incombait de rapporter la preuve d'une faute ayant contribué à l'apparition des dommages alors qu'il doit seulement établir l'existence d'une faute ayant contribué à l'incendie,

  • - M. N. a omis d'appeler les secours rapidement et les manœuvres imprudentes qu'il a mises en œuvre ont aggravé l'incendie qui s'est propagé à son navire,

  • - son comportement n'était pas basé sur un raisonnement lucide mais était marqué par la confusion totale causée par l'ingestion d'alcool,

  • - l'arrivée tardive des pompiers a eu pour conséquence l'aggravation de l'incendie et sa propagation,

  • - l'état d'ivresse de M. N. a été établi par les policiers au moyen de l'éthylomètre,

  • - en sa qualité de capitaine d'un navire amarré au port, il avait l'obligation d'être sobre en vertu de l'article L 633-31 du Code de la Mer,

  • - le fait de ne pas avoir un équipage à bord 24 heures sur 24 n'est pas constitutif d'une faute, aucune norme monégasque n'impose la présence d'une personne à bord sauf le règlement intérieur des ports de Monaco qui prévoit cette obligation pour les navires de plus de 30 m,

  • - il n'avait pas d'obligation légale lui imposant qu'un capitaine soit à bord 24h/24h alors qu'un matelot se trouvait à bord au moment où le feu s'est déclaré,

  • - seul le fait fautif de la victime est exonératoire,

  • - si le capitaine avait été à bord, il n'aurait pas pu prendre de décision relative au déplacement du navire puisque ce sont les pompiers qui ont géré le sinistre dès leur arrivée,

  • - le « H » autre navire se trouvant à proximité, a été déplacé non par son capitaine comme le soutient l'ÉTAT DE MONACO mais par les agents de police O. et R.

  • - le débat l'opposant à son assureur n'a pas lieu d'être porté devant la présente juridiction,

  • - les parties ont le lendemain du sinistre, constaté contradictoirement les dégâts subis par le navire,

  • - les intimés ne peuvent se plaindre du défaut d'expertise judiciaire et n'apportent aucune preuve contraire,

  • - en l'état du refus d'indemnisation de l'assureur corps de m. h. K-V. et de son assureur la société B, il a été contraint de vendre son navire avec une grave perte financière,

  • - il doit être indemnisé du montant des réparations nécessaires et à défaut du différentiel entre la valeur commerciale du navire au moment de la vente ainsi que de son préjudice de jouissance,

  • - sur la perte de jouissance, la base du critère de l'amortissement qui tient compte de la dépréciation de la valeur du navire du fait de l'incendie doit être retenue.

Par conclusions en date des 27 février 2018, 11 décembre 2018 et récapitulatives du 2 avril 2019, m. K-V. et la SA B, appelantes incidentes, sollicitent :

  • « - déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de M. J. M. S. R. tant en ce qui concerne la demande de paiement des coûts des travaux de réparation du navire que de l'indemnisation de la perte de jouissance subie et le remboursement des dépens accessoires,

À titre d'appel incident,

  • - voir constater que les représentants de l'ÉTAT DE MONACO, en l'espèce les sapeurs-pompiers, ont commis une faute lourde,

  • - voire dire et juger que la responsabilité de l'ÉTAT DE MONACO est engagée et que celui-ci devra relever les intimés de toutes condamnations en principal, intérêts et frais qui pourraient éventuellement être prononcées,

  • - débouter M. J. M. S. R. des fins de son appel et de l'intégralité de ses demandes,

  • - condamner tous succombants aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit ».

Ils font valoir que :

  • - la BANQUE D était propriétaire du navire au moment de l'incendie en vertu des conditions générales du contrat de crédit-bail du 7 juillet 2010,

  • - ces conditions générales et celles de l'assurance F stipulent que les règlements indemnitaires dus au titre de la garantie sont réglés directement et exclusivement au crédit-bailleur,

  • - l'appelant s'est attribué des droits qui sont réservés au propriétaire et la BANQUE D n'intervient pas dans la présente procédure,

  • - l'exercice d'une action en indemnisation de la perte de valeur du bateau appartient au seul propriétaire,

  • - il y a lieu de mentionner que trois mois avant l'introduction de cette instance, l'appelant a fait assigner en France l'assureur du bateau et que la BANQUE D y est intervenue pour rappeler que les indemnités visant à réparer le navire devait lui revenir,

  • - à aucun moment l'appelant n'a apporté la preuve d'une quelconque faute commise par elle ou ses préposés ayant contribué à la naissance, au développement ou l'aggravation des dommages,

  • - l'appelant n'a entrepris aucune démarche en vue d'une expertise judiciaire,

  • - depuis 2012 le navire est resté amarré, non réparé et l'inactivité de l'appelant a contribué à l'aggravation des dégâts,

  • - les pièces produites ne sont pas probantes et sans aucun lien de causalité avec le préjudice,

  • - le feu aurait pu être évité si l'appelant avait satisfait à son obligation d'avoir au moins un membre d'équipage à bord 24 h/24,

  • - l'absence de capitaine en service sur le navire est la cause de ses dommages,

  • - le maintien de la proximité matérielle des navires pendant trois heures résulte d'une décision des pompiers,

  • - le sinistre et ses conséquences sont également imputables à la décision des sapeurs-pompiers qui ont interdit d'éloigner le bateau du brasier afin de l'utiliser comme plate-forme de travail, alors qu'à leur arrivée, le feu n'avait pas encore touché le navire « E »,

  • - M. N. avait l'autorisation du propriétaire pendant son absence d'utiliser le bateau « G » comme résidence d'été,

  • - il n'était pas en service au moment des faits et a agi comme un professionnel dès que celui-ci a détecté une odeur de fumée,

  • - le Tribunal a justement relevé la multiplication des tentatives de M. N. pour éteindre l'incendie alors que les pompiers avaient été prévenus,

  • - toute l'argumentation autour de l'alcoolémie de M. N. est hors sujet et par conséquent la pièce n° 39 de la partie adverse doit être rejetée,

  • - la preuve des dommages certains directs n'est pas rapportée dans la mesure où l'expertise menée par Monsieur F., expert désigné par les assurances C et F et la valeur au moment du sinistre à environ 4 millions d'euros, n'est pas contradictoire et qu'aucune expertise judiciaire n'est plus possible en raison de la vente,

  • - ils ne sont pas à l'origine de la perte de jouissance du crédit-preneur qui n'a rien fait pour faire réparer les dégâts et qui s'est opposé à l'expertise judiciaire.

Par conclusions en date du 10 avril 2018 et récapitulatives du 11 décembre 2018, l'ÉTAT DE MONACO, appelant incident, sollicite :

« À titre principal,

  • voir débouter Monsieur R. de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,

  • voir débouter Monsieur K-V. et sa Compagnie d'assurances B de l'intégralité de leurs demandes fins et conclusions,

  • voir confirmer le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 6 juillet 2017, avec toutes conséquences de droit,

  • voir réformer ledit jugement uniquement en ce qu'il a débouté l'ÉTAT DE MONACO de sa demande en paiement de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau,

  • voir condamner Monsieur K-V. et sa Compagnie d'assurances B conjointement et solidairement, au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • voir également condamner Monsieur R. au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,

À titre subsidiaire,

  • - voir confirmer le jugement rendu par le Tribunal de première instance en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de j. R. tendant au paiement du coût de travaux des réparations du navire,

  • - voir confirmer ledit jugement en ce qu'il a débouté j. R. de l'intégralité de ses demandes,

  • - voir réformer ledit jugement pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

  • - voir débouter Monsieur K-V. et sa Compagnie d'assurances B de l'intégralité de leurs demandes fins et conclusions,

  • - voir constater que l'ÉTAT DE MONACO n'a commis aucune faute,

  • - voir constater que Monsieur K-V. et sa Compagnie d'assurances ne démontrent pas le lien de causalité entre le préjudice et le fait dommageable fautif allégué,

  • - voir dire et juger que la responsabilité de l'ÉTAT DE MONACO ne saurait être engagée en l'espèce,

  • - voir dire et juger que les agissements des capitaines des navires « E » et du « G », exonèrent totalement la responsabilité de la puissance publique,

  • - voir condamner Monsieur K-V. et sa Compagnie d'assurances B conjointement et solidairement, au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • - voir également condamner Monsieur R. au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,

À titre infiniment subsidiaire,

Si par extraordinaire la responsabilité de l'ÉTAT DE MONACO devait être engagée,

  • - voir dire et juger que la Compagnie d'assurances C devra relever et garantir l'ÉTAT DE MONACO de toutes condamnations en principal, intérêts et frais, qui pourraient éventuellement intervenir et dont il aurait la charge,

  • - voir enfin, en tout état de cause, condamner tous contestants aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation »,

Il fait valoir que :

  • - lors de la nationalisation du navire le 22 juillet 2010, le Directeur des affaires maritimes a mentionné la qualité de propriétaire de la BANQUE D,

  • - le rôle d'équipage établi le 1er juin 2012 mentionne que l'appelant est locataire,

  • - le rachat du navire par l'appelant est intervenu en mai 2016 alors que la présente instance a été introduite en octobre 2013,

  • - le locataire ne devient propriétaire qu'une fois l'ensemble des loyers versés et après avoir levé son option d'achat,

  • - l'appelant a attendu cinq ans pour produire le contrat de crédit-bail rédigé en langue italienne dont il ne produit qu'une traduction par extraits,

  • - plusieurs passages du contrat de crédit-bail non traduits font état de la qualité de propriétaire de la BANQUE D,

  • - les jurisprudences italiennes communiquées par l'appelant sont totalement inopérantes,

  • - il ne ressort pas des éléments produits par l'appelant qu'il était autorisé à agir en justice pour le compte du propriétaire et qu'il disposait à cet effet, d'un mandat ad litem,

  • - la responsabilité de la puissance publique obéit à un régime propre qui ne se confond pas avec celui de droit commun,

  • - il appartient à l'appelant de démontrer qu'il a subi un dommage certain directement imputable à un fait fautif de l'administration et que l'organisation du service des sapeurs-pompiers a contribué à l'aggravation du dommage,

  • - la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde qui se définit comme une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public à remplir les missions dont il est investi,

  • - la faute de la victime est de nature à diminuer ou à supprimer la responsabilité de l'Etat,

  • - la mission des sapeurs-pompiers était de mettre fin à l'incendie, d'éviter le risque pour les personnes et les biens proches du sinistre d'une explosion du bateau « G »,

  • - il ne peut être reproché aux pompiers d'avoir utilisé le navire endommagé comme plateforme d'extinction du feu survenu sur le bateau « G »,

  • - le fait d'avoir maintenu le navire à proximité du bateau « G » ne saurait être le fait générateur du sinistre puisque lors de l'arrivée des policiers, le navire « E » présentait déjà un début d'incendie,

  • - dès 2 h 47, soit quelques minutes après le début du sinistre, le navire présentait déjà un début d'incendie,

  • - l'intervention des pompiers n'a pas provoqué le sinistre,

  • - le capitaine du navire ne se trouvait pas à bord lors de l'incendie et il ne l'a déplacé que bien plus tard,

  • - s'il avait été à son bord, il aurait pu éviter la propagation du feu car l'autre bateau situé à droite du bateau « G » a pu être déplacé rapidement en raison de son capitaine à son bord,

  • - d'ailleurs, c'est pour cette raison que l'assureur du bateau endommagé lui a refusé sa garantie à l'assuré qui a été débouté de son action en indemnisation le 6 juillet 2017,

  • - la responsabilité de l'État ne saurait être engagée en l'état du comportement critiquable du capitaine du bateau « G », lequel était alcoolisé en violation de l'article L 633-31 du Code de la Mer, comme cela a été établi par le test de dépistage pratiqué par les policiers,

  • - alors que l'alarme incendie s'est déclenchée, M. N. n'a pas appelé immédiatement les secours et a mené plusieurs opérations pour accéder au feu, ce qui a retardé l'intervention des pompiers,

  • - ce dernier a commis de graves erreurs en sous-évaluant le danger en n'appelant pas les secours et en se trouvant en état d'alcoolémie,

  • - le retard pour appeler les secours constitue une faute et contrevient aux dispositions de l'AM n° 2077-419 du 13 août 2017,

  • - la somme sollicitée par l'appelant au titre de la réparation du navire est bien plus importante que sa valeur réelle,

  • - ce dernier n'a jamais sollicité la désignation d'un expert judiciaire afin de faire une évaluation contradictoire,

  • - le bateau a été revendu en 2016 sans avoir été réparé, l'appelant n'a pas indiqué quelle était la valeur de rachat au moment où il a opté pour l'achat auprès du crédit-bailleur,

  • - la procédure a été menée de manière abusive et justifie une indemnisation pour procédure et appel abusifs.

Par conclusions en date des 29 mai 2018 et 30 avril 2019, la SA C sollicite :

« - confirmer dans l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Monaco en date du 7 (sic) juillet 2017,

À titre principal,

  • rejeter toutes les demandes dirigées à l'encontre de la société concluante,

  • mettre hors de cause la Compagnie C,

À titre subsidiaire,

  • - limiter le montant de l'indemnisation due par la société concluante à la somme de 3.000.000 euros,

  • - appliquer la franchise prévue au contrat d'assurance d'un montant de 1.000 euros,

En tout état de cause,

  • - débouter tout contestant de l'ensemble de ses demandes, notamment des demandes formées par Monsieur K-V. et la société B à l'encontre de la Compagnie C,

  • - condamner tout contestant à payer à la Compagnie C la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

  • - condamner tout contestant aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».

Elle soutient essentiellement que :

  • - l'ÉTAT DE MONACO n'est pas responsable car aucune faute lourde (déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public à remplir sa mission) n'est démontrée,

  • - en l'espèce, il n'est pas établi qu'une faute lourde ait contribué à l'aggravation du dommage, tandis que les sapeurs-pompiers ont légitimement utilisé le bateau comme plate-forme d'extinction du feu, ceci ayant permis d'éviter la survenance de dégâts nettement plus importants,

  • - la preuve du lien de causalité n'est pas rapportée car le bateau présentait déjà un départ de feu à tribord,

  • - de plus, il n'y avait personne à bord, ce qui est contraire au règlement intérieur des ports de Monaco,

  • - M. N. avait un taux d'alcoolémie supérieur au taux légal,

  • - j. R. ne produit aucune expertise contradictoire et ses demandes indemnitaires sont surévaluées,

  • - en tout état de cause, il convient d'appliquer le plafond d'indemnisation (300.000 euros) et la franchise de 1.000 euros.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels formés dans les conditions de forme et de délai prescrites par le Code de procédure civile, sont recevables ;

Attendu que les dispositions relatives au rejet de la demande de nullité des pièces ne sont pas critiquées et seront donc confirmées ;

  • Sur la recevabilité de la demande d'indemnisation de la perte de valeur du navire

Attendu que pour contester les dispositions ayant déclaré irrecevable la demande formée par j. R. de ce chef, ce dernier se prévaut du contrat de crédit-bail souscrit auprès de la BANQUE D pour l'acquisition du navire « E » en rappelant qu'il est devenu propriétaire du bateau en optant pour son achat dans le cadre du crédit-bail avant de procéder à la vente du navire le 12 mai 2016 moyennant un prix de 1.750.000 euros ;

Qu'il est constant qu'au moment de l'incendie du navire « E » et pas plus qu'à la date d'introduction de la présente instance, j. R. étant crédit-preneur, n'avait pas la qualité de propriétaire du bateau, lequel appartenait à la BANQUE D ;

Qu'à cet égard, le Directeur des Affaires Maritimes a, le 22 juillet 2010, délivré la nationalité monégasque au bateau navire « E » en précisant la qualité de propriétaire de la BANQUE D MARINE ASSURANCE et celle de locataire de j. R.;

Que le fait qu'il ait acquis ultérieurement le 6 mai 2016 la propriété du navire en ayant opté pour la vente du navire et procédé au rachat de la valeur résiduelle du contrat de crédit-bail, ne lui confère pas pour autant la qualité pour agir en l'absence de toute cession à son bénéfice du droit à indemnisation dont est titulaire la BANQUE D ;

Que par ailleurs, j. R. soutient encore qu'en sa qualité de crédit-preneur, il pouvait néanmoins agir pour défendre les intérêts du crédit-bailleur au titre du mandat ad litem résultant des conditions générales du contrat de crédit-bail et qu'il avait le droit d'exercer toute initiative opportune y compris dans le cadre d'une procédure judiciaire ;

Que l'appelant a produit tardivement le contrat de crédit-bail rédigé en langue italienne et encore plus tardivement sa traduction intégrale en langue française dont il ne ressort nullement des termes de l'article 9 des conditions générales, que le locataire disposait d'un mandat général pour défendre les intérêts du crédit-bailleur ;

Qu'en effet, cette clause dont l'appelant ne reproduit dans ses conclusions qu'une partie est rédigée comme suit :

« Informer immédiatement la BANQUE par LRAR ou par télégramme, de tout acte ou tout fait qui pourraient de quelque manière que ce se soit porter préjudice au droit de propriété du bateau, assumant à ses propre frais et dans l'intérêt de la BANQUE toute initiative opportune y compris dans le cadre d'une procédure judiciaire » ;

Que cette clause prévoit uniquement une obligation contractuelle à la charge du locataire d'informer le propriétaire de tout évènement susceptible de porter préjudice au droit de propriété du bateau et de toute initiative du locataire pour préserver les intérêts du propriétaire ;

Que dans ces conditions, j. R. ne pouvait qu'exercer les droits ouverts au locataire du navire « E » et non ceux revenant au propriétaire, la BANQUE D ;

Que l'exercice de l'action en indemnisation de la perte de valeur du bateau appartient exclusivement au propriétaire rendant irrecevables par la même, les demandes de j. R. en paiement du coût des travaux de réparation du bateau ;

Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef ;

  • Sur la demande d'indemnisation de la perte de jouissance

Attendu que la recevabilité de la demande d'indemnisation de la perte de jouissance subie et de remboursement des dépenses accessoires formée par j. R. en sa qualité de locataire n'est pas discutée et sera confirmée ;

Qu'au soutien de sa demande, j. R. invoque en cause d'appel, les dispositions de l'article unique de la loi n° 69 du 30 mai 1923 aux termes desquelles « Toute personne qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie d'un immeuble ou de biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance, peut être déclarée responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie, lorsqu'il est prouvé que celui-ci doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont elle est responsable » ;

Que si la réalité de l'incendie, de sa provenance et du fait que celui-ci s'est communiqué au navire de l'appelant n'est pas contestée, il incombe à j. R. en application de ce texte, de rapporter la preuve d'une faute commise par le propriétaire du navire ou par son préposé, ayant contribué à la naissance, au développement ou à l'aggravation des dommages ;

Attendu que M. Alexander N. capitaine du bateau « G » avait l'autorisation de m. K-V. propriétaire du bateau, pendant son absence d'utiliser le navire comme résidence et il n'est pas contesté par l'appelant comme le soutient le propriétaire du bateau que le capitaine n'était pas en service au moment de l'incendie, et était accompagné de trois autres personnes invitées à bord ;

Attendu que l'appelant soutient que l'incendie s'est propagé du fait de l'incapacité d'Alexander N. à lutter efficacement en raison de son état d'ivresse, le taux relevé de 0,59 mg par litre d'air expiré pouvant correspondre trois heures auparavant, à un taux supérieur de 0,81 mg par litre d'air expiré ;

Que la circonstance que celui-ci ait été soumis à un contrôle de son alcoolémie et qu'il présentait 2 heures 30 après le sinistre, un taux de 0,54 mg d'alcool par litre d'air expiré (première mesure) et de 0,59 mg (seconde mesure), doit s'apprécier dans le cadre de ses obligations professionnelles liées à ses fonctions de capitaine au moment où l'incendie s'est déclaré afin de déterminer si cet état d'alcoolisation a réduit ses capacités de jugement et a pu entraîner de sa part, des actions inadéquates ou des omissions, pouvant être qualifiées de fautives ;

Qu'ainsi, au cas d'espèce, les dispositions de l'article L 633-31 du Code de la Mer invoquées par l'appelant ne trouvent pas à s'appliquer ;

Qu'il est constant que si Alexander N. a admis avoir consommé lors de cette soirée trois verres de vin rosé, deux Jet 27 et un Bailey's, il a aussi indiqué aux services de police que ses réflexes n'avaient pas été altérés par cette alcoolisation et que de son point de vue, il avait fait le maximum pour circonscrire le feu avant que son ampleur ne le dépasse ;

Attendu qu'à cet égard, il ressort de ses déclarations au cours de l'enquête et de celles d'Ewan G. Sabine L. et Anja A. tous à bord du bateau « G », lors des faits, que :

  • - un quart d'heure après être arrivé sur le navire, et alors qu'il se trouvait en compagnie de Sabine L. dans la cabine invités, Alexander N. a été alerté par Ewan G. de la présence de fumée à l'arrière du bateau,

  • - l'alarme incendie s'est aussitôt déclenchée,

  • - Alexander N. a immédiatement coupé le courant au niveau du tableau électrique et s'est rendu aussitôt à l'arrière du navire pour constater que de la fumée s'échappait au niveau du faux plafond près de la cloison arrière à proximité du panneau électrique,

  • - Anja A. a essayé de téléphoner aux pompiers à 2 heures 45, mais le téléphone ne fonctionnait pas,

  • - Alexander N. a alors envoyé Ewan G. débrancher les deux câbles reliant le yacht au bloc électrique de l'appontement, et de son côté, il a débranché les fusibles de l'armoire électrique, isolé tous les interrupteurs sur le tableau de distribution dans le salon,

  • - après avoir enlevé le revêtement du faux plafond pour atteindre le feu, il a utilisé l'extincteur à poudre,

  • - il est monté ensuite sur le pont pour respirer et est redescendu à l'aide d'une torche électrique avec Ewan G. avec un tuyau d'eau pris sur l'appontement en le dirigeant vers le faux plafond, et après 2 à 3 minutes, ceux-ci ne parvenant pas à leur fin, ont décidé d'évacuer le bateau,

  • - de leur côté, les deux femmes étaient entre-temps sur son injonction sorties sur le pont,

  • - avant de quitter le navire, Alexander N. a déclenché le système d'extinction pour éviter que le feu ne se propage dans la salle des moteurs,

  • - Anja A. et Sabine L. ont indiqué que les pompiers avaient été appelés par « des voisins » tandis qu'Alexander N. précisait qu'il s'agissait du capitaine du yacht « I », lequel y a procédé à 2 heures 47, ce qui est confirmé par les deux policiers en patrouille qui ont reçu un appel de leur commandement opérationnel à 2 heures 47 ;

Qu'il résulte du déroulement des faits, qu'Alexander N. bien qu'ayant consommé de l'alcool au cours de la soirée du 6 août 2012, a agi avec sang-froid et détermination en prenant toutes les mesures de sécurité nécessaires pour la sauvegarde des personnes à son bord tout en s'efforçant de localiser le feu et de l'éteindre au moyen d'un extincteur à poudre, puis par l'utilisation d'un tuyau d'eau ;

Qu'il a aussi mis en œuvre des procédures de sécurité requises consistant à couper la distribution électrique du bateau et à déconnecter le bateau de l'alimentation électrique provenant du quai ;

Qu'il n'a quitté le navire qu'après avoir vainement tenté d'éteindre le feu dans les conditions précitées ;

Que la multiplication de ses tentatives et l'enchaînement des interventions menées ne révèlent pas une réaction inadéquate mais au contraire un comportement normalement diligent et totalement maîtrisé, ce que confirment d'ailleurs les trois autres occupants ;

Que contrairement à ce que soutient l'appelant, la mesure de sécurité qui consiste à indiquer qu'en cas d'origine électrique du feu, il y a lieu d'appeler immédiatement les pompiers, a été pleinement satisfaite puisque le capitaine les a fait prévenir très rapidement, d'abord par Anja A. à 2 heures 45 qui n'est pas parvenue à les joindre et ensuite à 2 heures 47 par le capitaine du yacht « I » ;

Qu'ainsi, une durée très brève s'est écoulée entre le moment où les personnes se trouvant à bord du bateau « G » ont constaté la présence de la fumée et l'heure à laquelle les pompiers ont effectivement été appelés ;

Qu'il ne peut dès lors être caractérisé à l'encontre de m. K-V. en qualité de propriétaire du bateau « G » ou de son préposé Alexander N. aucune faute au sens de l'article unique de la loi n° 69 du 30 mai 1923 ;

Qu'en conséquence, les premiers juges ont justement considéré que le moyen tenant à la faute de la victime n'avait pas lieu d'être examiné dès lors que celui-ci ne pouvait avoir pour effet que d'exonérer de sa responsabilité une partie dont la faute était au préalable reconnue, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ;

Que par suite, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées par j. R. dès lors que m. K-V. ne peut être tenu pour responsable des conséquences dommageables de la communication d'incendie ayant endommagé le navire « E » ;

Attendu que m. K-V. et son assureur, la SA B, ont appelé l'ÉTAT DE MONACO en garantie de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre ;

Que l'ÉTAT DE MONACO a formé également un appel en garantie à l'encontre de son assureur, la SA C ;

Que m. K-V. et son assureur, la SA B ayant été mis hors de cause, cet appel en garantie se trouve dépourvu d'objet tout comme l'appel en garantie formé par l'ÉTAT DE MONACO ;

Attendu par ailleurs, que les premiers juges ont justement considéré pour rejeter la demande de dommages-intérêts de l'ÉTAT DE MONACO, que m. K-V. et son assureur, la SA B, n'avaient pas agi de manière abusive en formant cet appel en garantie ;

Attendu que l'ÉTAT DE MONACO n'établit pas que l'exercice du droit d'appel par j. R. ait pu dégénérer en abus, qu'il convient donc de le débouter de la demande de ce chef ;

Attendu que la SA C sera déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles en l'absence en droit du for de tout fondement légal à cette demande ;

Attendu que j. R. succombant en ses prétentions, sera condamné aux dépens d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 juillet 2017 par le Tribunal de première instance,

Déboute l'ÉTAT DE MONACO des fins de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,

Déboute la SA C de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne j. R. aux entiers dépens d'appel, et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, Maître Christophe SOSSO et Maître Sophie LAVAGNA, avocats-défenseurs, sous leur affirmation de droit, chacun en ce qui le concerne,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistés de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 28 JANVIER 2020, par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.

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