Cour d'appel, 21 janvier 2020, Monsieur j. L. c/ Monsieur h. L-M. et autres
Abstract🔗
Société anonyme - Cession des actions - Nullité du contrat (non) - Dol des cédants (non) - Cessionnaire dirigeant de fait de la société
Résumé🔗
La demande d'annulation de la cession de contrôle des actions de la société anonyme, fondée sur le dol des cédants, doit être rejetée. En effet, le cessionnaire avait la qualité de dirigeant de fait de la société et était parfaitement informé de sa situation comptable et financière lors de la cession d'actions.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 21 JANVIER 2020
En la cause de :
- Monsieur j. L., né le 23 août 1941 à Juvisy-sur-Orge (France) (91), de nationalité française, demeurant et domicilié X1 98000 Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- 1/Monsieur h. L-M., né le 2 janvier 1947 à Monaco (98000), de nationalité monégasque, demeurant et domicilié X2 98000 Monaco ;
- 2/Monsieur d. L-M., né le 5 juillet 1973 à Monaco (98000), de nationalité monégasque, demeurant et domicilié « X3 », X3 98000 Monaco ;
Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉS,
EN PRÉSENCE DE :
Monsieur e F, expert-comptable, demeurant X4 à Monaco (98000), pris en sa qualité de syndic à la liquidation des biens de la SAM A, en vertu d'un jugement du Tribunal de première instance de Monaco en date du 17 avril 2008 ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
d'autre part,
LA COUR,
Vu les jugements rendus par le Tribunal de première instance, le 18 octobre 2018 (R.332) et en rectification d'erreur matérielle le 8 novembre 2018 (R.810) ;
Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 27 décembre 2018 (enrôlé sous le numéro 2019/000059) ;
Vu les conclusions déposées le 9 avril 2019 par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur h. L-M. et de Monsieur d. L-M.;
Vu les conclusions déposées le 2 juillet 2019 par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j. L.;
Vu les conclusions déposées le 15 octobre 2019 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur e F ;
À l'audience du 5 novembre 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par Monsieur j. L.à l'encontre de deux jugements du Tribunal de première instance du 18 octobre 2018 et en rectification d'erreur matérielle du 8 novembre 2018 ;
Considérant les faits suivants :
Le 5 novembre 2007, j. L. a acquis pour un montant de 400.000 euros la quasi-totalité des actions détenues par h. et d. L-M. au sein de la SAM A, société spécialisée dans le négoce international de produits pétroliers, qui avait débuté son activité commerciale le 3 novembre 2004 et dont le siège social se trouvait établi à Monaco.
Le 19 décembre 2007, j. L. pris en sa qualité de Président Administrateur délégué de la SAM A a procédé à une déclaration de cessation des paiements.
Soutenant avoir été victime de manœuvres dolosives dans le cadre de la cession d'actions opérée à son profit le 5 novembre 2007, j. L. a fait citer, suivant exploit délivré le 3 novembre 2010, d. et h. L-M. devant le Tribunal de première instance, en présence de e F, ès-qualités de syndic de la liquidation des biens de la SAM A, aux fins de les voir condamnés in solidum au remboursement des sommes payées à ce titre, outre au paiement de la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier et moral, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
L'affaire a été placée au rôle général dans l'attente de l'issue de l'instruction pénale qui était en cours.
Le 30 septembre 2014, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, des chefs notamment de banqueroute, abus de confiance, faux en écriture privée, de commerce ou de banque, décision confirmée par arrêt de la Cour d'appel du 26 mai 2015, suivie du rejet des pourvois en révision par arrêts du 24 septembre 2015.
Par jugement rendu le 17 avril 2008, le Tribunal de première instance a :
- constaté l'état de cessation des paiements de la SAM A,
- fixé provisoirement sa date au 1er décembre 2017,
- désigné e F, précédemment désigné en qualité de mandataire de justice, en qualité de syndic,
- prononcé la liquidation des biens de la société.
Par jugement rendu le 18 octobre 2018, rectifié par décision du 8 novembre 2018, le Tribunal de première instance a :
- déclaré recevables les demandes formées par e F,
- les accueillant partiellement, ordonné la suppression du paragraphe 9 en page 9 des conclusions de d. et h. L-M. en date du 8 mars 2017,
- condamné d. et h. L-M. chacun, à payer à e F la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- débouté j. L. de sa demande d'annulation des cessions d'actions de la SAM A conclues le 5 novembre 2007 avec d. et h. L-M. ainsi que des demandes qui en découlent,
- condamné j. L.à payer à h. L-M. la somme de 196.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2016,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné j. L. aux dépens, distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu en substance que :
- la protection légale absolue dont se prévaut e F se rapporte aux écrits judiciaires et doit être appliquée indépendamment de la qualité d'une partie à l'instance,
- les propos constituant une affirmation, même non étayée, portant atteinte à la considération de e F dans l'exercice de sa mission d'auxiliaire de justice doivent être supprimés et justifient la condamnation des défendeurs à réparer le préjudice moral ainsi subi,
- les éléments de preuve débattus par les parties ne suffisent pas à retenir que le demandeur était le gérant de fait de la SAM A, d'autant que celui-ci n'avait nullement empiété sur les prérogatives du dirigeant de droit, en particulier sur le plan de la gestion quotidienne ou de la comptabilité,
- le rôle opérationnel et commercial important de j. L. dans le fonctionnement et l'activité de la SAM A (négoce de pétrole) au regard notamment de la « coordination » qu'il menait à l'égard des trois sociétés aux liens étroits et spécifiques (A, I, et J) résulte des pièces produites, si bien qu'il apparaît que ce dernier était avisé de la situation générale de l'entreprise, notamment financière ainsi que des difficultés auxquelles elle pouvait être confrontée avec ses partenaires, bien qu'il n'ait pas nécessairement été destinataire des documents comptables étant au demeurant relevé par e F et g H que les éléments à disposition étaient insuffisants et difficilement exploitables pour avoir une connaissance exhaustive du passif et de l'actif de l'entreprise ou de son résultat,
- la réalité d'un chantage ne résulte d'aucune pièce versée aux débats,
- les éléments volontairement dissimulés à j. L. par les actionnaires cédants portent sur le montant total des indemnités administrateur,
- cette dissimulation est corroborée par le fait qu'elle a pu être organisée à partir du compte A de la banque B, lequel d'une part n'avait pas été mentionné au commissaire aux comptes lors de la circularisation des banques pour l'exercice 2007, quand bien même son existence était connue de g H et de j. L. pour l'exercice 2006, et dont d'autre part les relevés de comptes étaient conservés à la banque sur instruction de d. L-M. pour lui être remis personnellement et non adressé au siège social de la SAM A,
- pour autant, le passif de la SAM A produit dans le cadre de la procédure collective était de 9.312.061,64 euros, de sorte que si les indemnités administrateur de 1.750.000 euros l'ont nécessairement aggravé par le manque de trésorerie correspondante et ont pu constituer une des causes de la cessation des paiements, il n'est nullement établi qu'elles en auraient été la cause principale et déterminante, ni qu'au regard du montant inconnu par j. L. (1.230.000 euros depuis le compte A de la banque B dans les mois ayant précédé les cessions), celui-ci n'aurait pas consenti aux cessions s'il en avait été clairement informé, en l'absence d'explication ou démonstration plus poussée fournie à cet égard,
- le demandeur n'a pas sollicité de documents comptables plus précis avant la cession, au motif de la confiance qu'il faisait à d. et h. L-M. ni négocié une clause de garantie du passif, si bien qu'il lui est difficile de soutenir désormais que son consentement n'aurait été déterminé que par la connaissance qu'il aurait dû avoir du montant des indemnités administrateur, quand bien même il avait conscience de la situation financière générale de l'entreprise,
- le moyen tiré de la période suspecte n'est pas susceptible d'être invoqué par le cessionnaire des actions d'une société,
- h. L-M. qui n'a pas été payé du prix de la cession de ses actions en l'absence de provision du chèque émis pour ce faire est fondé à solliciter le règlement de la somme de 196.000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2016, date des conclusions matérialisant pour la première fois la demande de paiement de cette somme,
- la procédure menée par j. L. ne peut être qualifiée d'abusive en l'état des manœuvres avérées effectuées par les cédants qui ont pu conduire le demandeur à se méprendre sur la portée de ses droits, justifiant du rejet des demandes reconventionnelles en paiement de dommages-intérêts.
Par exploit signifié le 27 décembre 2018, j. L. a relevé appel parte in qua à l'encontre du jugement rendu le 18 octobre 2018, rectifié par décision du 8 novembre 2018.
Aux termes de son assignation et de conclusions déposées le 2 juillet 2019, ce dernier a demandé à la Cour de :
« - le recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondé,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
déclaré recevables les demandes formées par e F,
les accueillant partiellement, ordonné la suppression du paragraphe 9 en page 9 des conclusions de d. et h. L-M. en date du 8 mars 2017,
condamné d. et h. L-M. chacun, à payer à e F la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- l'infirmer pour le surplus et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire :
constater les manœuvres dolosives de d. et h. L-M. qui ont présidé la cession des actions querellées intervenues le 5 octobre 2007 à son profit, à savoir le transfert de 489 actions par h. L-M. et celui de 510 actions par d. L-M.
dire et juger que lesdites manœuvres dolosives des consorts L-M. ont été déterminantes de son consentement,
déclarer en conséquence nulles lesdites cessions d'actions du fait du dol entachant cette cession,
débouter purement et simplement d. et h. L-M. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions concernant le paiement en leur faveur de la somme de 196.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2007 et de celle de 5.000 euros à chacun à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,
condamner d. L-M. au remboursement des sommes par lui déboursées, concernant le paiement des actions précitées soit la somme de 204.000 euros, correspondant au premier chèque encaissé,
condamner in solidum d. et h. L-M. à la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts et aux entiers dépens, de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation. ».
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que la motivation des premiers juges est entachée de nombreuses erreurs et contradictions de sorte qu'elle encourt la censure.
Il considère que ces derniers ont pris soin de rappeler les éléments qui lui ont volontairement été dissimulés par les actionnaires cédants, sans tirer aucune conséquence de leurs propres constatations.
Rappelant qu'il n'a jamais dépassé son rôle strictement opérationnel et commercial au sein de la SAM A et qu'il n'a pas été destinataire des documents comptables, il soutient :
- qu'il n'avait aucune connaissance ni maîtrise de la gestion quotidienne ni de la comptabilité de ladite société,
- que l'opacité de la comptabilité a été volontairement entretenue par d. L-M. avec la complicité de la comptable, Madame K.
- que le Tribunal a clairement identifié et reconnu les manœuvres dolosives opérées par les consorts L-M. en vue de tromper son consentement, qu'il n'a pas hésité à qualifier de dissimulations volontaires,
- que les cessions d'actions à son profit avaient pour but de mettre un terme aux tensions existantes au sein de la société, ce qui aurait permis de restaurer la confiance et de retrouver une stabilité commerciale auprès des partenaires, ce que le « pillage » de la trésorerie opéré par les cédants à son insu, a rendu impossible,
- qu'il a été contraint de procéder au dépôt de bilan de la société le 19 décembre 2007 alors même qu'il venait d'acquérir la quasi-totalité des actions au prix de 400.000 euros.
Il s'étonne que le Tribunal n'ait pas estimé que les manœuvres dolosives identifiées et reconnues n'aient pas été déterminantes de son consentement, méconnaissant en cela les dispositions des articles 964 et 971 du Code civil.
Il affirme au contraire que la connaissance qu'il aurait pu avoir des faits qui lui ont été volontairement dissimulés l'aurait empêché de contracter.
Il observe que e F identifie clairement le manque de trésorerie comme une cause de la cessation des paiements, démontrant par la même le lien de causalité entre la dissimulation volontaire des fonds et la cessation des paiements, tout en relevant que le silence intentionnel doit être déterminant du consentement de celui qui en a été victime et non de la cessation des paiements en elle-même.
Il conteste avoir lui-même procédé au virement de la somme de 520.000 euros depuis le compte A de la banque C Genève sur le compte personnel de d. L-M. de sorte qu'il y a lieu de tenir compte de l'intégralité de la somme de 1.750.000 euros attribuée à ce dernier par l'assemblée générale extraordinaire du 2 novembre 2007.
Il prétend que la société apparaissait encore totalement viable au jour des cessions d'actions, raison pour laquelle il a accepté de les racheter, et qu'il ne pouvait avoir connaissance du passif de 9.312.061,64 euros qui a été révélé par le rapport du syndic le 26 juin 2008.
Il reproche également aux premiers juges d'avoir occulté le contexte des cessions litigieuses, soulignant que :
- d. L-M. s'est montré réticent, à compter du premier semestre 2007, à fournir à ses partenaires les éléments leur permettant d'avoir une vision claire des opérations en cours et donc d'organiser la couverture financière par l'intermédiaire de la société J,
- il lui a posé un ultimatum en affirmant quitter l'ensemble de ses fonctions au sein de la société, sans solution de remplacement,
- pareil discours constituait un chantage en ce qu'un dépôt de bilan induisait nécessairement des dommages collatéraux (perte d'emploi pour le personnel d'A et I, perte de crédibilité et de confiance auprès des acteurs du marché pétrolier en Europe, impact à l'égard de la société J, société garante, non-respect des contrats en cours, arrêt immédiat des cautionnements des douanes avec action de la garantie bancaire...),
- il s'est porté acquéreur de la quasi-totalité des actions de la SAM A dans la précipitation imposée par d. L-M. pour sauvegarder l'activité de cette société,
- il a été trompé et trahi par les consorts L-M. auxquels il avait accordé sa confiance, alors que rien ne pouvait lui laisser présager, d'une part la situation financière dégradée de la société dont la comptabilité a été volontairement maintenue opaque, d'autre part le pillage de sa trésorerie au cours des mois précédents les cessions d'actions.
Il soutient que son consentement a été surpris par les manœuvres dolosives auxquelles se sont livrés les consorts L-M. et qu'il ne se serait jamais porté acquéreur des actions de la société en connaissance de sa situation comptable, comme il n'aurait jamais accepté que d. L-M. se voit attribuer une indemnité d'administrateur d'un montant de 1.750.000 euros.
Il considère que le « traquenard » mis en place par la famille L-M. lui a nécessairement causé un préjudice moral et financier.
Par écritures en réponse déposées le 9 avril 2019, d. et h. L-M. ont conclu à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et au débouté de j. L. des fins de son appel, tout en sollicitant sa condamnation à leur payer à chacun une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et les entiers dépens, distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Concernant l'implication de j. L. au sein de la SAM A, ils objectent que dès le début de l'activité de la société A en 2004, ce dernier a été étroitement associé à son fonctionnement, se comportant en gérant de fait, même s'il ne disposait pas de la qualité d'associé.
Ils font également observer que Madame K. qui occupait le poste de comptable de la société A, remplissait ces mêmes fonctions au sein de la société I, confirmant la totale imbrication des deux structures et que g H, syndic, a pointé dans ses notes le rôle occulte mais indispensable joué par l'appelant, à une époque où il n'était pas administrateur de la société A mais « partenaire clé » pour l'obtention de crédit.
Ils en déduisent que j. L. qui a imaginé depuis l'origine le montage des différentes structures, connaissait parfaitement l'état actif et passif de la société A quand il en a racheté les parts, justifiant qu'il n'ait fait signer aux vendeurs aucune clause de garantie du passif.
Ils réfutent avec force les accusations de manœuvres dolosives proférées à leur encontre au plan civil par l'appelant, soulignant que les plaintes pénales déposées simultanément contre eux se sont soldées par une ordonnance de non-lieu rendue le 30 septembre 2014 par juge d'instruction, confirmée par arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d'appel du 26 mai 2015, suivi d'arrêts portant rejet des pourvois en date des 24 septembre 2015, rendus par la Cour de révision.
Concernant les dissimulations alleguées, ils font remarquer qu'aucun reproche n'est dirigé contre h. L-M. l'appelant dirigeant ses critiques contre d. L-M. qui lui aurait dissimulé des informations d'ordre comptable à l'origine d'un dol par réticence à son détriment.
Ils contestent toute dissimulation du compte A de la banque B dont j. L. connaissait parfaitement l'existence pour y avoir lui-même procédé à divers versements prétendument illicites, pointant les versions successives contradictoires fournies par l'intéressé sur ce point dans le cadre de l'instruction pénale.
Ils soulignent qu'il a bien été fait état du compte de la banque B lors de la circularisation des banques auprès de g H, dans le cadre de sa mission de commissaire aux comptes, quand bien même Madame K. ne lui aurait pas transmis les documents s'y rapportant.
Ils font encore observer que :
- j. L. et g H qui avaient connaissance de l'existence de ce compte jusqu'à la fin de l'année 2006, se sont abstenus de solliciter la moindre explication pour l'exercice 2007,
- si ledit compte n'a pas été déclaré au commissaire aux comptes lors de la circularisation des banques pour l'année 2007, la responsabilité en revient à Madame K. dont le lien de subordination avec j. L. n'est plus à démontrer.
S'agissant des indemnités d'administrateur allouées à d. L-M. ils contestent toute dissimulation, rappelant que :
- cette rémunération a été régulièrement approuvée par l'Assemblée générale du 2 novembre 2007, à l'unanimité des présents,
- sur la somme de 1.750.000 euros accordée, 520.000 euros ont été réglés par voie de virements effectués à l'initiative de j. L. par débit du compte A au sein de l'établissement C à Genève, au profit du compte personnel de d. L-M. ouvert dans les livres de la banque B,
- le montant de cette indemnité allouée au Président délégué n'a rien d'exorbitant au regard du chiffre d'affaires annuel réalisé par cette société (800.000.000 euros) et du montant arbitré, sans contestation, l'année précédente (1.090.050 euros).
Enfin, à supposer avérée l'existence de dissimulations tendant à la non information de l'indemnité d'administrateur, telle que retenue par les premiers juges, ils considèrent que faute de rapporter la preuve qu'elles aient pu être déterminantes du consentement de l'acheteur, les juges ont, à juste titre et sans contradiction, écarté les manœuvres dolosives.
Concernant le dépôt de bilan de la SAM A, ils prétendent :
- d'une part, que la majeure partie des indemnités d'administrateur a profité à j. L.
- d'autre part, que le passif constaté par le Tribunal de première instance est sans commune mesure avec l'indemnité attribuée,
- enfin, que la cause de la cessation des paiements est intimement liée à la gestion du crédit de la société, domaine réservé dont l'appelant avait le contrôle exclusif de longue date.
Ils ajoutent que j. L. a déposé le bilan de la SAM A pour éviter de payer un billet à ordre d'un montant de 5.950.000 euros qu'il avait lui-même signé le 22 novembre 2007, en qualité de représentant de la SAM A au bénéfice de la banque C Genève, pour couvrir le découvert du compte ouvert dans ses livres.
Ils réfutent toute notion de période suspecte au cours de laquelle des retraits conséquents seraient intervenus, arguant que l'appelant ne peut, sans se contredire, affirmer que la société A se trouvait en bonne santé financière en 2007 et se prévaloir d'une date de cessation des paiements au 1er décembre 2007.
Concernant la condamnation de j. L. au paiement des actions acquises de h. L-M. ils font valoir que celui-ci s'en étant acquitté au moyen d'un chèque sans provision, ne peut raisonnablement poursuivre le remboursement de sommes qu'il n'a pas payées.
Ils affirment enfin le caractère dilatoire et abusif de l'appel interjeté, au prétexte de contradiction de motifs inexistants et sans critique sérieuse de la motivation adoptée par les premiers juges.
Par écritures en réponse déposées le 15 octobre 2019, e F, agissant ès-qualités de Syndic à la liquidation des biens de la SAM A a demandé :
- que soit constaté que j. L. d'une part et d. et h. L-M. d'autre part, sollicitent confirmation du jugement du 18 octobre 2018, rectifié par décision du 8 novembre 2018, en ce qu'il a été déclaré recevable en ses demandes afférentes à la suppression du paragraphe 9 de la page 9 des conclusions de d. et h. L-M. du 8 mars 2017 et que ces derniers ont été condamnés à lui payer une somme de un euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- que lui soit donné acte pour le surplus de ce qu'il s'en rapporte à l'appréciation souveraine de la Cour d'appel,
- que tout contestant soit condamné aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Il précise en préalable que dans le cadre de la mission qui lui a été confiée au terme du jugement rendu par le Tribunal de première instance le 17 avril 2008, il représente la SAM A, et non ses dirigeants, ainsi que la masse des créanciers de la société et assure avoir effectué l'intégralité de ses actes dans le cadre d'une bonne administration du dossier aux fins de sauvegarder les intérêts de ladite masse.
Il fait observer qu'en sa qualité de mandataire de justice, il a rendu compte, comme il se doit, des informations dont il a eu connaissance dans l'exercice de sa mission au Tribunal de première instance et au Ministère public, notamment des irrégularités relatives à la tenue de la comptabilité et aux modalités de gestion de la société et de l'absence de clarté des rémunérations de d. L-M.
Il souligne ses difficultés à connaître le taux de fiabilité des données comptables et financières de la société, du fait de la désorganisation de la société consécutive au licenciement de la comptable en novembre 2007, le conduisant à conclure que celle-ci se trouvait en état de cessation des paiements.
Il s'appuie sur le compte-rendu rédigé par ses soins le 26 juin 2008, à l'attention du Juge commissaire pour préciser notamment que, bien qu'ayant été informé de diverses difficultés et irrégularités concernant la situation de la SAM A, il ne pouvait attester de l'ensemble de ces faits et les hiérarchiser dans l'explication des causes de la cessation des paiements, relevant cependant que l'une de ces causes réside dans le montant important des sommes prélevées par d. L-M. alors qui plus est, que le Commissaire aux comptes n'a pas été convoqué à l'assemblée générale qui a décidé de leur allocation, tenue le 2 novembre 2007, réunie deux jours avant celle qui a ratifié la cession des actions.
Il ajoute que ses constatations ne constituent pas des observations personnelles mais reposent sur des rapports et notes de synthèse réalisés par des professionnels de la comptabilité, sur la base de contrôles et travaux d'analyse.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu que l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 18 octobre 2018, rectifié par jugement rendu le 8 novembre 2018, tous deux signifiés le 29 novembre 2018, respectant les règles de forme et de délai édictées par le Code de procédure civile doit être déclaré recevable ;
Attendu que la « demande » figurant au dispositif des écritures de l'intimé, aux fins de voir « constater » ne constitue pas une prétention mais un moyen auquel il sera répondu dans le corps du présent arrêt ;
Que la demande de « donner acte » ne constitue pas davantage une prétention et n'emporte par elle-même aucune conséquence juridique de plein droit ;
Attendu enfin que les dispositions non appelées du jugement entrepris sont désormais définitives ;
Sur la nullité de la cession d'actions :
Attendu qu'aux termes de l'article 964 du Code civil, « il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol » ;
Que l'article 971 suivant précise que « le dol est une cause de nullité de la convention, lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident, que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé » ;
Que les premiers juges ont rappelé à juste titre que constitue une réticence dolosive, le simple silence intentionnel d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait dissuadé de contracter ;
Qu'il s'en déduit que, pour être sanctionné, le dol doit avoir déterminé le consentement de celui qui en a été victime ;
Qu'il s'évince de l'ensemble de ces dispositions que le demandeur à la nullité doit rapporter la preuve des manœuvres dolosives et de leur caractère déterminant de son consentement ;
Attendu qu'au cas présent, j. L. soutient qu'il s'est porté acquéreur des actions d'une société vouée à la liquidation dès lors qu'entre le mois de juillet 2007 et le 5 novembre 2007, date à laquelle la cession litigieuse est intervenue, d. L-M. a « pillé totalement » la trésorerie de la SAM A, n'hésitant pas, pour cela, à faire usage d'un compte de la société ouvert dans les livres de la banque B, dont l'existence a été dissimulée au Commissaire aux comptes concernant l'exercice 2007 et à entretenir l'opacité de la comptabilité pour occulter cette situation ;
Qu'il ajoute qu'h. et d. L-M. ont entrepris de donner à ce pillage une apparence de régularité, en évoquant la tenue d'une assemblée générale le 2 novembre 2007, trois jours avant ladite cession d'actions ;
Qu'il invoque le chantage qu'aurait exercé d. L-M.à son endroit, en annonçant quitter ses fonctions sans solution de remplacement, le contraignant à acheter les actions de la société à la constitution de laquelle il avait contribué, pour en sauver l'activité ;
Qu'il s'appuie pour justifier de ses dires sur les constatations de e F, Syndic de la liquidation des biens de la société A dont les intimés contestent l'impartialité, confirmant à son sens que l'opacité de la comptabilité ne lui permettait aucun contrôle, alors qu'il réfute par ailleurs toute gestion de fait ;
Qu'il considère, ce faisant, que la liquidation de la société dont il s'est porté acquéreur des actions, a eu pour origine le comportement dolosif qu'il reproche aux intimés ;
Attendu ainsi que l'appelant se prévaut des manœuvres dolosives qui ont accompagné le pillage de la trésorerie de la société, caractérisées à ses dires, par :
- l'opacité volontaire de la comptabilité,
- les pressions exercées à son endroit,
- la tenue d'une assemblée générale irrégulière,
- l'usage d'un compte bancaire dissimulé,
- l'opacité de la comptabilité ;
Attendu qu'il convient à cet égard de définir la connaissance que celui-ci pouvait et devait avoir de la situation comptable et financière de la société dont il s'apprêtait à acquérir les parts ;
Qu'à titre liminaire, la Cour observe que la formalisation des cessions litigieuses s'est limitée à l'établissement le 5 novembre 2007 de deux documents intitulés « transfert d'actions » :
- le premier portant transfert par h. L-M. de 489 actions au profit de j. L.,
- le second portant transfert par d. L-M. de 510 actions au profit de j. L. ;
Qu'aux termes de ces cessions, l'intimé est ainsi entré en possession de 999 des 1000 actions de la SAM A, la dernière d'entre elles demeurant la propriété d'h W, actionnaire minoritaire ;
Que pour autant, aucun document, définissant les conditions précises et détaillées de ces cessions et fixant le prix sur lequel les parties se sont accordées, ne semble avoir été élaboré et ne se trouve, a fortiori, produit aux débats ;
Qu'il n'est pas contesté que j. L. jouissait au sein de la SAM A de la seule qualité, officielle, de « conseil » ;
Attendu toutefois, que la lecture des attestations délivrées par Stéphanie B. et Yvonne B. conjuguée à l'analyse réalisée par le juge d'instruction au terme de l'ordonnance de non-lieu rendue le 30 septembre 2014, confirmée par la Chambre du conseil de la Cour d'appel dans son arrêt du 26 mai 2015, tous éléments soumis à la discussion contradictoire des parties, démontrent que j. L. a joué un rôle, certes ambigu, mais essentiel et prépondérant dans le fonctionnement de la société A, au sein de laquelle, malgré son statut de simple « conseil » jusqu'au 5 novembre 2007, il jouissait de pouvoirs décisionnels indéniables ;
Qu'un simple rappel historique révèle que j. L. administrateur délégué de la SAM I a eu recours en 2002 aux services d h. L-M. pour réorganiser sa société, avant que d. L-M. ne l'y rejoigne pour se former au négoce de produits pétroliers ;
Que fort de l'expérience ainsi acquise, d. L-M. a démissionné de ses fonctions en novembre 2004 pour fonder, avec sa sœur, la SAM A ;
Que j. L. a rapidement fait part de son intérêt pour l'activité que pouvait déployer cette société, se positionnant pour prodiguer ses conseils et l'incitant à ouvrir un compte dans les livres de la banque C GENEVE, où se trouvait déjà domicilié le compte de sa propre société J qu'il a offert de voir portée caution au profit de la SAM A auprès de cet établissement ;
Qu'il s'est vu confier dès le 22 mars 2005, par résolution du Conseil d'administration de la société A, un pouvoir de signature individuel sur le compte détenu par celle-ci au sein de l'établissement bancaire précité ;
Que les ordres de paiements autorisés sous sa signature les 23 août 2006 et 16 juillet 2007, produits aux débats, démontrent qu'il en a fait usage ;
Que Stéphanie B. et Yvonne B. respectivement employées par la SAM A et la SAM I, attestent de l'interdépendance incontestable de ces deux structures et de l'omniprésence de j. L. qui, selon leurs propres termes, a « pris progressivement les commandes » de la SAM A, dépossédant d. L-M. de ses activités sans qu'il puisse « se dégager de cette situation car la couverture des contrats d'achat /vente était assurée par la société J » ;
Qu'il ressort des déclarations circonstanciées d'Yvonne B. que :
- « j. L. seul signataire de la SAM A chez la banque C GENEVE, avait seul la possibilité d'ouvrir les lettres de crédit relatives aux transactions conclues »,
- bien qu'employée de la société I, elle était chargée du suivi administratif des transactions effectuées par la société A et ne devait en référer qu'à j. L.
- celui-ci exigeait que tout passe par lui-même, le courrier adressé à la société A devait lui être remis avant ouverture, la ligne téléphonique avait été dérivée pour sonner dans les bureaux de la société I SAM ;
Qu'elle atteste encore que la société SAM I intervenait en qualité de courtier intermédiaire pour tout achat ou vente réalisé par la société A, ce qui lui permettait de percevoir une commission de la part de celle-ci pour chaque transaction ;
Qu'il ressort encore des déclarations de Stéphanie B. employée auprès de la société A, notamment chargée du suivi de la trésorerie et du contrôle des paiements, que cette dernière a été convoquée, tout comme d'autres salariés des sociétés A et I, fin juin 2007 par j. L. dans ses locaux de la SAM I, lequel leur a « annoncé qu'il comptait arrêter toute activité de la SAM A à la fin de l'année 2007 et qu'il convenait donc (qu'ils se mettent) en quête d'un autre emploi, alors qu'interrogé sur cette question, Monsieur d. L-M. n'était pas au courant » ;
Qu'elle décrit à son tour l'emprise de j. L. sur la société A au sein de laquelle il « s'était posé en patron, prenait toutes les décisions et ne voulait en référer à personne » et son manque total de considération pour d. L-M. explicitant dans le détail le mode de fonctionnement et l'interdépendance des sociétés A, I et J ;
Qu'elle relève également l'absence de tout contrat, d'une part entre les sociétés J et A, d'autre part entre la SAM I et A et les demandes de régularisations à cet égard, exprimées par g H, Commissaire aux comptes, dont elle a été témoin ;
Qu'elle évoque la demande qui lui a été faite en janvier 2007 par j. L. de déplacer son bureau dans les locaux de la société I, et de pointer les comptes de la société A de la banque C ;
Qu'il ressort à suffisance de ces dépositions que j. L. jouait un rôle actif prépondérant dans l'activité de ces sociétés, alors même qu'il n'apparaissait pas dans l'organigramme de la société A, occupant les seules fonctions de consultant, sans rapport avec son implication réelle, exerçant bien au contraire un contrôle total sur les activités et les personnels de ces sociétés, au sein desquelles rien ne s'effectuait sans son aval ;
Que si les termes de l'ordonnance de non-lieu rendue le 30 septembre 2014 ne lient pas les juridictions civiles, il n'en demeure pas moins que le juge d'instruction est parvenu aux mêmes conclusions aux termes de ses investigations, confirmé en cela par la Cour d'appel ;
Que par ailleurs, j. L. se trouve être le rédacteur d'une note, se fondant sur des données comptables, établie le 30 juillet 2007 sous sa signature, intitulée « Résultats 1er semestre 2007-Perspectives », confirmant la parfaite connaissance qu'il avait de la situation opérationnelle, économique et financière de la société A, aux termes de laquelle il soulignait notamment :
- au titre des commentaires : les résultats « élevés en 2007 car les charges de stocks de réserves ... ne sont pas dues avant juillet 2008 »,
- au titre des perspectives et décisions prises : les faiblesses liées notamment à la nécessité de « mobiliser une garantie bancaire importante pour couvrir l'engagement avec les douanes »,
- au titre du partenariat : « l'idée du projet consistant à constituer une équipe dirigeante qu'il aurait formée, de sorte que le point faible actuel qui lui est reproché, à savoir que la société repose sur j. L. serait éliminé » ;
Qu'il se déduit clairement de ce document que j. L. connaissait et maitrisait parfaitement l'activité et les faiblesses de la société, lui permettant d'en définir les perspectives ;
Que les mails par lui échangés les 11 et 17 septembre 2007 avec des membres de la SAM I et de la banque C démontrent encore qu'il était pleinement informé de la perte de soutien de la société A par la banque C, susceptible de les contraindre « à réduire (leur) activité voire à l'arrêter le plus rapidement possible » ;
Que dans sa déposition recueillie le 17 juin 2010 par les services enquêteurs, a K intervenant auprès de la SAM A dans le cadre des diligences du Commissaire aux comptes affirme que d. L-M. « ne semblait pas s'occuper de la partie administrative et financière » ;
Que de la même manière, g H, Commissaire aux comptes, indique dans sa propre déposition établie le même jour, que « M. L.était (son) principal interlocuteur afin d'apporter des explications aux opérations de la SAM A dans le cadre de (sa) mission de Commissaire aux comptes » ;
Que l'appelant est donc malvenu à soutenir qu'il « n'avait aucune connaissance de la comptabilité de la SAM A, domaine contrôlé par Monsieur d. L-M. » (page 19 de ses écritures) ;
Qu'au constat de l'ensemble des éléments précités, il convient de considérer que l'appelant n'a pas simplement « parrainé » cette société dès sa constitution, puis exercé, comme il l'affirme, un seul rôle de coordination entre les trois sociétés (tenant les relations entretenues entre la SAM A et la SAM I, dont il était l'administrateur et le contrat de service liant cette dernière société avec la société J), mais assuré une véritable gérance de fait ;
Que la Cour ne peut donc suivre les premiers juges sur ce point, relevant bien au contraire que l'appelant a manifestement empiété sur les prérogatives du dirigeant de droit, en particulier sur le plan de la gestion quotidienne et de la comptabilité ;
Que l'interposition apparente aux yeux des tiers de j. L. entre les administrateurs de droit et les interlocuteurs de la société, caractérise une direction de fait qui a donné lieu à des actes positifs réguliers, accomplis en toute indépendance ;
Que la réalité de cette situation se trouve encore confortée par les investigations menées par le juge d'instruction dans le cadre des plaintes déposées par l'appelant, celui-ci soulignant que le rôle de d. L-M., ainsi que celui de son père, dans les sociétés où ils se trouvaient désignés comme Président administrateur délégué, apparaissent conformes aux premières explications fournies par j. L. sur la nomination d h. L-M. visant à « représenter efficacement la société auprès des instances locales » ;
Que bien plus, h W, administrateur de la société A pour, selon ses propres termes, « rendre un simple service », a affirmé que d. et h. L-M. n'étaient que « les employés de j. L. » et que ce dernier était « le patron » et « le seul à avoir une vision d'ensemble de la situation » ;
Que Stéphane MA., ancien « manager back office » de la société A, a, à son tour, confirmé la réalité de cette situation dans le cadre de l'instruction pénale ;
Attendu que l'analyse des éléments susvisés démontre sans conteste que j. L. qui avait mis en place et contrôlait le fonctionnement du groupe de sociétés, dont la société A depuis l'origine, était ainsi parfaitement informé de sa situation comptable et financière lors de la cession d'actions litigieuse, quand bien même la tenue de sa comptabilité était loin d'être irréprochable ;
Qu'il est malvenu à se prévaloir, dans un tel contexte, de l'opacité de sa situation comptable et financière ;
Qu'aucune manœuvre dolosive n'est caractérisée à cet égard à son détriment ;
Les pressions exercées à l'encontre de j. L. :
Attendu que la réalité de pressions ou d'un chantage qu'auraient exercés sur lui les consorts L-M. ne se trouve aucunement démontrée par les pièces produites aux débats ;
Que bien au contraire, ainsi qu'il a été relevé ci-avant, Stéphanie B. a attesté de ce que c'était j. L. qui souhaitait quitter la société fin 2007 alors que d. L-M. n'en était pas informé ;
L'assemblée générale du 2 novembre 2007 et la dissimulation du compte de la banque B :
Attendu que s'agissant des indemnités d'administrateur de d. L-M. le montant de 1.750.000 euros en a certes été entériné au cours de l'assemblée générale du 2 novembre 2007, à laquelle ont participé les deux administrateurs actionnaires majoritaires et à laquelle h W, administrateur actionnaire minoritaire, a été régulièrement convoqué ;
Que cependant, l'allocation de telles indemnités se trouvait soumise à l'autorisation préalable du Conseil d'administration et à l'information du Commissaire aux comptes auquel il appartenait d'élaborer un rapport, ensuite soumis à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires ;
Que de plus, ainsi que les premiers juges l'ont à juste titre relevé de manière détaillée, il n'est pas justifié par les pièces produites de ce que le solde, soit 1.045.830 euros, déduction faite de la somme de 184.170 euros payés par chèques émis par j. L. dont d. L-M. a obtenu la mainlevée de l'opposition, correspondrait au remboursement échelonné d'avances consenties en espèces en vue du paiement d'honoraires à la société J;
Qu'également, le montant des indemnités arbitré pour l'année 2007 ne se révélait pas en adéquation avec la situation financière de la société, dont les associés cédants ne pouvaient ignorer la dégradation au cours du second semestre écoulé, quand bien même la somme allouée à ce titre avait pu être fixée au montant non contesté de 1.090.500 euros l'année précédente, en 2006 ;
Que sur ce point, la Cour relève à nouveau avec intérêt la formulation retenue par l'appelant dans ses écritures (page 33), selon laquelle s'il avait eu connaissance de la situation comptable, « il n'aurait jamais accepté que d. L-M. se voit attribuer une indemnité d'administrateur de 1.750.000 euros », alors que ce point ne relevait à l'évidence pas de ses simples compétences officielles de « conseil » au sein de la société ;
Que pour autant, si j. L. soutient la dissimulation, orchestrée par l'usage du compte A de la banque B qui n'avait pas été mentionné au Commissaire aux comptes lors de la circularisation des banques pour l'exercice 2007 et dont les relevés de comptes étaient conservés sur place sur instruction de d. L-M. il n'en demeure pas moins que :
- j. L. comme g H avaient connaissance de l'existence de ce compte pour l'exercice 2006,
- le Grand livre comptable remis au Syndic mentionne le compte ouvert auprès de la banque B et l'ensemble des opérations réalisées du 1er janvier au 6 novembre 2007,
- sur le montant de 1.750.000 euros, la somme de 520.000 euros correspondait à des virements effectués par j. L. lui-même depuis le compte A de la banque C Genève, qui fonctionnait sous sa signature, sur le compte personnel de d. L-M. ouvert dans les livres de la banque B ;
Qu'ainsi, pour irrégulière qu'ait été la décision présidant à l'allocation de cette indemnité administrateur, entérinée par l'assemblée générale précitée, il n'est pas démontré que son paiement ait donné lieu à une dissimulation volontaire, dès lors que le compte à partir duquel elle a été versée à son bénéficiaire était connu de j. L. que les opérations passées figuraient au Grand livre et qu'aucun élément ne vient corroborer la croyance que l'appelant pouvait avoir de la clôture de ce compte ;
Que sa proximité avec les consorts L-M. ne le dispensait pas de réclamer aux cédants la communication d'un état comptable et de tous documents utiles, préalablement à la cession, comme l'a relevé à juste titre e F, Syndic, dans son rapport du 26 juin 2008 ;
Que j. L. est partie prenante dans cette négligence et ne peut se prévaloir de ses manquements fautifs pour justifier de dissimulations dolosives dont il aurait souffert, quand bien même le Commissaire aux comptes comme le syndic ont relevé des « méthodes de comptabilisation et de déclarations peu répandues dans la pratique », « un manque de clarté dans la comptabilisation des opérations » et « le côté ubuesque de la comptabilité » ;
Qu'une approche plus professionnelle de la cession, lui aurait permis d'interroger ses partenaires sur les anomalies relevées, et le cas échéant d'obtenir les informations utiles qui lui auraient échappées ;
Attendu au surplus que si le caractère déterminant des manœuvres alléguées s'apprécie au regard du consentement et non de la cessation des paiements en elle-même, il n'en demeure pas moins que pour apprécier objectivement son impact, autrement qu'en se fondant sur les seules affirmations du cessionnaire, la Cour ne peut faire l'économie de se pencher sur les causes présidant à la liquidation de la société, dès lors que l'appelant invoque le lien de causalité entre la dissimulation des fonds et la cessation des paiements ;
Qu'à cet égard, le rapport intitulé « Synthèse exceptionnelle » établi le 13 février 2008 par g H, Commissaire aux comptes, à l'attention de j. L. est extrêmement éclairant, puisqu'il révèle en particulier (page 2) que :
- avant la dégradation de la situation financière internationale de l'été 2007, les résultats de l'activité de la SAM A étaient conformes aux perspectives annoncées fin 2006,
- la situation de la société semble s'être dégradée à compter du début du deuxième semestre 2007 du fait de la tension entre la SAM A et ses partenaires financiers, notamment la société J , de l'évolution du cours du pétrole et de la dégradation des marchés financiers internationaux ;
Que si l'examen des comptes de gestion pour l'exercice 2007 auquel il s'est livré à la demande de j. L. révèle des opérations inhabituelles, l'ensemble des sommes qu'elle représente se limite à 110.000 euros ;
Que si ce professionnel a également constaté des méthodes de comptabilisation et de déclarations peu répandues dans la pratique, il en conclut seulement que ces éléments l'auraient conduit à des travaux approfondis sur l'ensemble des comptes de la société pour la clôture des comptes au 31 décembre 2007, tout en rappelant que des écarts significatifs, de près de 10 millions d'euros entre les Etats financiers en 2006, ont pu être corrigés après de nombreux travaux de rapprochement et fourniture de justificatifs ;
Qu'au regard de l'analyse ainsi menée, la dégradation de la situation financière de la société s'inscrit en réalité dans un contexte général affectant tant son secteur d'activité que les marchés financiers internationaux ;
Attendu qu'il résulte par ailleurs du rapport établi le 11 février 2008 par e F, mandataire de justice désigné à l'effet de dresser un rapport sur la situation financière et commerciale de la société A, que le passif de celle-ci était constitué de la manière suivante :
- un solde débiteur du compte bancaire ouvert dans les livres de la banque C à Genève pour un montant de 21 millions de dollars américains,
- 127.000 euros au titre de la TVA,
- 447.189 euros au titre de droits de douane,
- 8.516,69 euros au titre de cotisations sociales ;
Que le refus de la banque de continuer à soutenir la société se trouve établi par la signification d'un protêt relatif à un billet à ordre d'un montant de 5.950.000 euros ;
Que le document intitulé « compte-rendu de la situation de la société et rapport sommaire sur les causes et les caractères de cette situation présentés par le syndic de la cessation des paiements à Madame le Juge commissaire » en date du 26 juin 2008, révèle notamment que :
- le montant du passif produit et non vérifié s'élève à 9.312.061,64 euros,
- le syndic ne peut, en fonction des éléments mis à sa disposition, se déterminer sur les réels éléments qui ont abouti à la cessation des paiements et à l'important passif,
- la SAM A a quitté son siège social le 31 mars 2007 et l'ensemble des documents de la société a été conservé au sein de la SAM I, partenaire de la précédente société,
- le dossier est qualifié de complexe au regard du schéma organisationnel nébuleux mis en place,
- d'un point de vue comptable, les comptes ne sont pas à jour, rendant impossible la connaissance de la situation réelle de la société au cours de l'année 2007,
- le manque de protocole de cession rend difficile à suivre les accords entre les parties et les éventuelles garanties du passif qui avaient été signées ;
Que, contrairement aux affirmations péremptoires de j. L. le Syndic n'a pu attester de l'existence de l'ensemble des faits dénoncés par celui-ci, autres que ceux relevés dans son rapport, et n'a pu encore moins, les hiérarchiser dans l'explication des causes de la cessation des paiements ;
Que si le Syndic déplore, pour une société présentant une activité aussi importante, d'avoir une comptabilité dans un tel état de manque, il convient de souligner que g H, commissaire aux comptes, a exprimé à diverses reprises le souhait de voir j. L. jouer un rôle actif dans la société afin de mettre en œuvre les bonnes pratiques communément en place dans toute société comparable (synthèse exceptionnelle du 13 février 2008) ;
Qu'il s'évince finalement de l'ensemble de ces éléments, comme exactement apprécié par le Tribunal, que l'allocation d'indemnités d'administrateur pour un montant de 1.750.000 euros, a nécessairement aggravé la situation financière de la société par le manque de trésorerie qui en est résulté et a pu constituer l'une des causes de la cessation des paiements, sans que e F, Syndic, n'ait pu préciser dans quelle mesure, et qu'il n'ait pu être établi qu'elle en aurait été la cause principale et déterminante ;
Que de ce fait, j. L. qui avait pleinement conscience et connaissance des difficultés financières rencontrées par la société depuis plusieurs mois, l'incitant à rechercher de nouveaux partenaires financiers, échoue à démontrer qu'il n'aurait pas consenti aux cessions litigieuses s'il avait été clairement informé du montant des indemnités qui lui était demeuré inconnu, en l'occurrence 1.045.830 euros débités du compte A ouvert à la banque B dans les mois précédents les cessions, alors que ce montant est sans proportion avec la situation obérée de la société à la date des cessions, dont il avait pleine conscience, qui se traduit dans le montant du passif produit (9.312.061,64 euros) ;
Qu'enfin les premiers juges ont relevé de manière pertinente que j. L. s'est abstenu de négocier une clause de garantie de passif lors de l'acquisition de la société A ;
Qu'à l'évidence pareille décision résidait dans la pleine et entière connaissance qu'il avait de l'état de la société et non, comme il le soutient, dans la confiance qui présidait aux relations avec les cédants, dont certaines pièces ont révélé qu'elles n'étaient pas des meilleures à l'époque de la cession litigieuse ;
Que la Cour ne s'explique pas autrement les raisons pour lesquelles, en professionnel avisé du secteur, il s'est abstenu, à tout le moins, de solliciter la communication de l'ensemble des comptes de la société et de faire, le cas échéant, réaliser un audit de sa situation, avant de s'engager dans l'opération de cession, ce que la prudence la plus élémentaire aurait dû le conduire à faire, tenant notamment la note établie le 30 juillet 2007 sous sa signature, intitulée « Résultats premier semestre 2007-Perspectives » ;
Attendu qu'en conséquence, j. L. ne peut raisonnablement soutenir que son consentement aurait été surpris par des manœuvres dolosives déterminantes de son consentement dans le cadre de la cession des actions de la SAM A intervenue le 5 novembre 2007 ;
Attendu enfin que le moyen tiré de la période suspecte ne peut être opposé par l'appelant pris en sa qualité de cessionnaire des actions de la société en état de cessation des paiements ;
Qu'à l'aune de ces éléments, la Cour ne peut suivre j. L. dans ses allégations de dissimulations dolosives, déterminantes de son consentement ;
Attendu en conséquence que la demande d'annulation des cessions et celles qui en découlent, ne peuvent prospérer ;
Que le jugement entrepris mérite d'être confirmé ;
Sur la demande de dommages-intérêts :
Attendu que j. L. se prévaut du préjudice moral et financier que lui aurait causé le « traquenard » mis en place par les consorts L-M. invoquant les mensonges, affabulations et la mauvaise foi de ces derniers ;
Que pour autant, ses allégations relatives au comportement fautif des intimés ne se trouvent pas confortées par les pièces produites aux débats ;
Que l'appelant échoue à démontrer le lien de causalité entre les préjudices dont il entend se prévaloir et les carences et irrégularités, relevées dans la tenue de la comptabilité par les précédents actionnaires, alors qu'aucune dissimulation dolosive déterminante n'a été caractérisée ;
Que sa demande de dommages-intérêts, non fondée, est en voie de rejet ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour appel abusif :
Attendu que les intimés poursuivent le versement à leur profit de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts au motif que l'appel interjeté par leur contradicteur serait dénué de toute critique sérieuse de la motivation adoptée par les premiers juges et révèlerait dès lors sa volonté dilatoire ;
Attendu cependant, que tout plaideur dispose du droit d'interjeter appel ;
Que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol ;
Que la demande présentée à ce titre sera donc rejetée ;
Sur les dépens :
Attendu que les dépens d'appel seront supportés par j. L. partie succombante, distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI et de Maître Christophe SOSSO, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevable l'appel parte in qua interjeté par j. L.
Confirme le jugement rendu le 18 octobre 2018 par le Tribunal de première instance en toutes ses dispositions appelées,
Y ajoutant,
Déboute j. L. de sa demande de dommages-intérêts,
Déboute h. L-M. et d. L-M. de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne j. L. aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Sarah FILIPPI et de Maître Christophe SOSSO, avocats-défenseurs, chacun en ce qui le concerne sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistés de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 21 JANVIER 2020, par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général.