Cour d'appel, 14 janvier 2020, Madame f. P. c/ La Société B

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Abstract🔗

Contrat - Architecte - Nature consensuelle - Honoraires - Présomption de contrat onéreux - Point de départ des intérêts au taux légal - Indemnités de résiliation

Résumé🔗

En droit, le contrat passé par l'architecte est un contrat consensuel qui se forme par le simple échange des consentements et le défaut d'écrit n'empêche pas le contrat d'exister et d'être valable. En l'espèce, l'existence d'un contrat entre les parties et son exécution partielle résultent à suffisance de l'ensemble des éléments précités, lesquels mettent en évidence l'avancement de l'élaboration du projet sans faire apparaître de désaccord de la part de Mme f.P. sur la méthode de travail et les choix adoptés par la société B (l'intimée) et corroborent le commencement de preuve par écrit tenant à l'accord par fax sur la rémunération de la société B. Ce contrat, bien que résilié en cours d'exécution par Mme f.P.   donne droit à l'intimée à des honoraires pour les prestations accomplies avant la résiliation. En effet, s'agissant de la demande en paiement, l'intention libérale ne se présumant pas, les devis, plans et études préalables réalisés par la société B sont faits à titre onéreux, sauf preuve contraire non rapportée en l'espèce dès lors que le courrier précité par lequel Mme f.P.  a sollicité que lui soit adressé le solde de tout compte après avoir indiqué sa volonté de renoncer aux travaux envisagés constitue une reconnaissance du caractère onéreux des prestations d'architecte accomplies.

S'agissant du point de départ des intérêts au taux légal, que la lettre de mise en demeure invoquée par la société B correspond en réalité à un fax de relance contenant une proposition amiable de règlement de la somme de 75 000 euros, mais nullement en la forme et au fond à une mise en demeure de payer la somme de 185 502,08 euros. Les intérêts courront en conséquence à compter du jugement.

Par ailleurs, que la société B réclame l'allocation d'une indemnité de 46 375,52 euros au titre de la rupture de la convention, telle que prévue au contrat d'architecte d'intérieur. Mais si l'existence d'un contrat est établie, force est de relever que l'échange de consentement ne s'est nullement matérialisé par un document écrit, de sorte que la société B ne peut prétendre se prévaloir de la clause indemnitaire du projet de contrat, non signé par les deux parties, et ce au seul motif qu'elle lui paraîtrait avantageuse, ainsi que relevé de manière pertinente par les premiers juges. Par suite, en l'absence d'accord sur une indemnisation forfaitisée en cas de résiliation du contrat par le maître de l'ouvrage et faute pour la société B d'invoquer une rupture abusive du contrat d'architecte, cette dernière sera déboutée de sa demande de ce chef, le jugement étant réformé en ce qu'il a indemnisé la rupture fautive de pourparlers.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 14 JANVIER 2020

En la cause de :

  • - Madame f. P., née le 21 août 1939 en Grèce, de nationalité grecque, demeurant « X1 », X1à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Philippe SAMAK, avocat au barreau de Nice ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - La société privée à responsabilité limitée ANTIQUITES DECORATIONS INTERNATIONALES (A. D. I.), inscrite à la Banque A à Bruxelles sous le numéro X, dont le siège social est sis X2 à Bruxelles (1180), Belgique, prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur j-j. H. demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant primitivement élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis en celle de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur en cette même Cour, et plaidant par Maître Séverine FERRY, avocat au barreau de Nice ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 21 décembre 2017 (R. 2023) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 21 février 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000093) ;

Vu les conclusions déposées les 8 mai 2018, 9 octobre 2018, 26 mars 2019 et 14 juin 2019 par Maître Didier ESCAUT, alors avocat-défenseur, au nom de la société privée à responsabilité limitée B ;

Vu les conclusions déposées les 10 juillet 2018 et 9 juillet 2019 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Madame f. P. et celles déposées le 29 janvier 2019 par Maître Thomas GIACCARDI, alors avocat-défenseur, au nom de cette même partie ;

À l'audience du 12 novembre 2019, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Madame f. P. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 21 décembre 2017.

Considérant les faits suivants :

À l'occasion d'un projet de réaménagement de son logement situé à Monaco, « X1 », X1 f. P. a sollicité et rencontré courant novembre 2013 j-j. H. qui exerce une activité de décoration et travaux d'intérieur au sein de la société privée à responsabilité limitée B, dont le siège est à BRUXELLES.

Par une correspondance du 3 février 2014, j-j. H. lui communiquait un budget estimatif de 2.000.000 euros pour le gros œuvre, le parachèvement, et l'aménagement, hors mobilier, tissus, patines décoratives, honoraires, interventions techniques spéciales, ingénieur acousticien et architecte.

Il s'est ensuite rendu régulièrement en Principauté à l'occasion de ce projet, à raison de deux fois par mois environ, pour rencontrer f. P. ainsi que les entreprises et artisans sollicités pour la phase d'élaboration du projet.

Le 12 février 2014, f. P. lui réglait sur facture trois déplacements, et honorait d'autres déplacements facturés par la suite, à l'exception de celui du 2 au 4 juin 2014.

Le projet donnait lieu à la signature par f. P.:

  • - le 24 juin 2014, d'un contrat avec l'entreprise C, constitué par l'acceptation de son devis quantitatif estimatif relatif à la dépose, la démolition, la création d'ouverture par sciage et le lot de gros œuvre et la maçonnerie pour un montant de 453.403,63 euros TTC,

  • - le 7 juillet 2014, d'un contrat confiant à Fabrice NOTARI, architecte à Monaco, une mission comportant l'établissement du dossier de demande d'autorisation préalable, toutes démarches afférentes et le suivi, une mission complète d'architecte pour les travaux des lots de gros œuvre, climatisation, plomberie, électricité, ascenseur, assistance au récolement administratif de la délivrance de l'autorisation d'occuper les lieux.

Après échange de correspondances par télécopie en juillet et août 2014, sur les pourcentages d'honoraires à percevoir par la société B sur la réalisation du projet, f. P. adressait à celle-ci un contrat du 2 septembre 2014, entre elle, la société B et j-j. H. intitulé « Contrat de mission de marché privé d'architecte d'intérieur », en y modifiant à la baisse les conditions de rémunération de l'architecte d'intérieur.

Après courriel de la société B du 3 septembre 2014 manifestant son désaccord sur ce changement qu'elle estimait non conforme à l'acceptation donnée précédemment par f. P. cette dernière, par courrier du 9 septembre 2014 adressé en télécopie, lui faisait part de sa décision de reporter le projet sine die et sollicitait qu'il lui soit fourni le « solde de tout compte », demande renouvelée lors d'échanges suivants par télécopie.

Par correspondance du 16 septembre 2014, la société B lui adressait un récapitulatif des heures accomplies pour un montant facturé de 153.307,50 euros HT, soit 185.502,08 euros TTC.

En l'absence de paiement et après mise en demeure du 18 novembre 2014, la société B a, selon acte d'huissier du 21 juillet 2015, fait assigner f. P. devant le Tribunal de première instance afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation au paiement de la somme de 242.980 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 février 2015, date de la mise en demeure, et de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive (procédure n° 2016/000054).

Par ordonnance rendue le 12 octobre 2015, le Président du Tribunal de première instance a autorisé la société B à pratiquer une saisie conservatoire sur les biens et effets mobiliers de f. P. sis dans le bien litigieux, pour sûreté, garantie et paiement de la somme de 185.000 euros.

Suivant acte d'huissier du 26 novembre 2015, la société B dénonçait à f. P. le procès-verbal de saisie conservatoire dressé le 4 novembre 2015 et la faisait assigner devant le Tribunal de première instance en sollicitant, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la jonction de cette procédure avec celle initiée le 21 juillet 2015 et la validation de la saisie conservatoire sur les facultés mobilières de la défenderesse.

Par jugement contradictoire en date du 21 décembre 2017, le Tribunal de première instance statuait ainsi qu'il suit :

« - ordonne la jonction de la procédure n° 2016/000054 et de la procédure n° 2016/000235 sous le seul n° 2016/000054,

- condamne f. P. à payer à la société privée à responsabilité limitée B :

  • la somme de 1.103,03 euros représentant le montant de la facture du 10 juin 2014,

  • la somme de 185.502,08 euros au titre des prestations réalisées entre novembre 2013 et juillet 2014,

  • la somme de 35.000 euros en réparation de son préjudice résultant de la rupture fautive des pourparlers relativement au contrat de mission d'architecte d'intérieur,

- déclare régulière et valide, avec toutes conséquences de droit, la saisie conservatoire pratiquée par le ministère de Maître ESCAUT-MARQUET, huissier, le 4 novembre 2015,

- ordonne sa conversion en saisie-exécution,

- ordonne la vente aux enchères publiques des meubles saisis selon procès-verbal de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, le 4 novembre 2015,

- dit que la société privée à responsabilité limitée B pourra recouvrer en priorité le montant de sa créance en principal et accessoires sur le produit de la vente à intervenir,

- déboute les parties du surplus de leurs demandes,

- condamne f. P. aux dépens avec distraction au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit ».

Pour statuer ainsi, le Tribunal a consacré une rencontre des volontés tant sur une mission d'élaboration du projet de transformation de la résidence de f. P. que sur les honoraires à percevoir par la société B.

Par exploit d'appel et assignation délivré le 21 février 2018, f. P. a relevé appel de cette décision.

Aux termes de cet exploit, elle demande à la Cour, sur le fondement des articles 234, 492, 759 du Code de procédure civile, 963, 988 et 1229 du Code civil, ainsi que de l'Ordonnance-loi n° 341 du 24 mars 1942 réglementant le titre et la profession d'architecte et instituant l'ordre des architectes dans la Principauté, de :

  • « - la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,

  • - voir infirmer le jugement du Tribunal de première instance de Monaco du 21 décembre 2017 en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 1.103,03 euros au titre d'une facture du 10 juin 2014, de la somme de 185.502,08 euros au titre des prestations réalisées entre novembre 2013 et juillet 2014 et de la somme de 35.000 euros en réparation du préjudice de la société B résultant de la rupture fautive des pourparlers relativement au contrat de mission d'architecte d'intérieur et en ce qu'il a déclaré régulière et valide la saisie conservatoire pratiquée le 4 novembre 2015, ordonné sa conversion en saisie-exécution et la vente aux enchères publiques des meubles saisis,

  • - et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire,

À titre principal,

  • - dire et juger qu'aucun contrat n'a été signé entre Madame P. et la société privée à responsabilité limitée AB, qu'aucun accord n'est jamais intervenu sur les modalités financières, que la somme de 185.502,08 euros allouée par le Tribunal de première instance n'est ni fondée ni justifiée, qu'aucun contrat tacite ou verbal ne peut être invoqué entre Madame P. et la société B, et ce d'autant plus qu'il s'agit d'une activité réglementée et réservée aux architectes de la Principauté de Monaco,

  • - dire et juger que Madame P. n'est contractuellement redevable d'aucune somme,

  • - débouter, en conséquence, la société privée à responsabilité limitée B de l'intégralité de ses demandes,

À titre subsidiaire,

  • - dire et juger que la société privée à responsabilité limitée B ne rapporte pas la preuve d'une rupture abusive des pourparlers,

  • - dire et juger qu'en tout état de cause, l'indemnisation d'un tel préjudice est limitée en son quantum et ne peut être cumulé (SIC) avec une condamnation sur un fondement contractuel,

  • - débouter, en conséquence, la société privée à responsabilité limitée B de sa demande indemnitaire pour rupture abusive des pourparlers,

À titre reconventionnel,

  • - accueillir Madame P. en sa demande reconventionnelle, la déclarer recevable et y faire intégralement droit,

  • - condamner la société privée à responsabilité limitée B à verser à Madame P. la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral subi et procédure abusive, sur le fondement des articles 234 du Code de procédure civile et 1229 du Code civil,

En tout état de cause,

  • - dire et juger que la société privée à responsabilité limitée B ne justifie d'aucun principe certain de créance et d'aucun droit à indemnité à l'encontre de Madame P.

  • - dire et juger qu'il n'existe pas de risque de fuite de Madame P. ou de détournement de ses effets mobiliers,

  • - ordonner, en conséquence, la rétractation de l'ordonnance présidentielle du 12 octobre 2015 ayant autorisé la saisie conservatoire des biens et effets mobiliers de Madame P. intervenue le 4 novembre 2014,

  • - ordonner la mainlevée pure et simple de ladite saisie conservatoire ainsi que l'annulation de sa conversion en saisie-exécution et de la vente aux enchères publiques des meubles saisis ordonnée par le Tribunal de première instance dans le jugement entrepris, le tout aux frais exclusifs de la société B,

  • - condamner la société privée à responsabilité limitée B aux entiers dépens tant de première instance que d'appel distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous son affirmation de droit ».

Par conclusions déposées le 10 juillet 2018 et le 29 janvier 2019, f. P. demande à la Cour, sur le fondement de l'article 3 du Code de procédure pénale, de :

À titre liminaire,

  • - déclarer nulles les pièces adverses numérotées 157, 158 et 160 pour non-respect des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile, et les écarter des débats,

À titre principal,

  • - ordonner le sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive du juge d'instruction près le Tribunal de première instance de Bruxelles sur les faits visés dans la plainte pénale avec constitution de partie civile déposée par Madame P. le 26 juin 2018 à l'encontre de la société B et Monsieur H.

  • - donner acte à Madame P. de ce qu'elle se réserve de conclure au fond,

À titre subsidiaire, s'il n'était pas fait droit à la demande de sursis à statuer,

  • - ordonner la réouverture des débats pour que Madame P. puisse conclure au fond,

En tout état de cause,

  • - débouter la société B de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

  • - condamner la société B aux entiers dépens distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Enfin suivant dernières conclusions en date du 9 juillet 2019, f. P. qui ne soutient plus sa demande de sursis, a conclu au fond, et demande à la Cour de :

  • recevoir Madame f. P. en son appel et l'y déclarer bien fondée,

  • voir infirmer le jugement du Tribunal de première instance de Monaco du 21 décembre 2017 en ce qu'il a condamné Madame P. au paiement de la somme de 1.103,03 euros au titre d'une facture du 10 juin 2014, de la somme de 185.502,08 euros au titre des prestations réalisées entre novembre 2013 et juillet 2014 et de la somme de 35.000 euros en réparation du préjudice de la société B résultant de la rupture fautive des pourparlers relativement au projet de contrat de mission d'architecte d'intérieur et en ce qu'il a décidé et validé la saisie conservatoire pratiquée le 4 novembre 2015, et a ordonné sa conversion en saisie-exécution et la vente aux enchères publiques,

Et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire,

À titre principal,

  • dire que la société B n'a jamais porté avant juillet 2014 dans le champ contractuel et encore moins dans les conventions un quelconque paiement du temps passé, lequel n'a jamais fait l'objet d'une facturation comportant un quelconque relevé d'heures ou taux horaires annoncés,

  • dire que le taux horaire pratiqué est sans commune mesure avec le taux horaire proposé en septembre 2014 à 40 euros de l'heure,

  • constater que si l'importance des diligences pré contractuelles entre novembre et juillet 2013 n'est pas discutée, la preuve et la réalité des 1.890,75 heures facturées et annoncées après la rupture des pourparlers n'est pas rapportée,

  • dire qu'en l'état des derniers échanges entre juin et septembre 2014 Madame P. était en droit de mettre un terme à des négociations dont la transparence était manquante tant du point de vue des habilitations de Monsieur H. que du point de vue du montant des marchés ou du taux de rémunération pour un « chantier quasiment terminé »,

  • débouter, en conséquence, la société à responsabilité limitée B de l'intégralité de ses demandes,

À titre reconventionnel,

  • accueillir Madame P. en sa demande reconventionnelle, la déclarer recevable et y faire intégralement droit,

  • condamner la société privée à responsabilité limitée B à verser à Madame P. la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral subi et procédure abusive, sur le fondement des articles 234 du Code de procédure civile et 1229 du Code civil,

  • dire et juger qu'il n'existe pas de créance ou de risque de fuite de Madame P. ou de détournement de ses effets mobiliers,

  • ordonner, en conséquence, la rétractation de l'ordonnance présidentielle du 12 octobre 2015 ayant autorisé la saisie conservatoire des biens et effets mobiliers de Madame P. intervenue du 4 novembre 2014,

  • ordonner la mainlevée pure et simple de ladite saisie conservatoire ainsi que l'annulation de sa conversion en saisie-exécution et de la vente aux enchères publiques des meubles saisis ordonnée par le Tribunal de première instance dans le jugement entrepris, le tout aux frais exclusifs de la société B,

  • condamner la société privée à responsabilité limitée B aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous son affirmation de droit,

  • Aux termes de conclusions déposées le 8 mai 2018, la société B demande à la Cour de :

  • constater l'existence d'un accord intervenu entre les parties sur les pourcentages devant être perçus par la société B et ce compte-tenu de l'ampleur du travail effectué par la société B pendant plus de 9 mois,

  • constater qu'un accord sur les modalités financières est intervenu entre la société B et Madame P.

  • constater que de ce fait un contrat a été conclu et que Madame P. était engagée,

  • constater les nombreuses diligences accomplies par la société B selon les souhaits et avec l'aval de Madame P.

  • constater l'absence de toute contestation de Madame P. pendant neuf mois de travail accompli par la société B,

  • constater la parfaite mauvaise foi de Madame P. contestant aujourd'hui la moindre diligence accomplie par la société B,

  • constater que Madame P. a renoncé aux travaux quelques jours avant leur début sans motif légitime et de manière unilatérale, au motif notamment d'un manque de budget,

  • constater le droit à rémunération de la société B,

  • constater que Madame P. n'a jamais contesté avant la présente procédure la facture (« 2ème tranches d'honoraires (provision ) ») de 10.000 euros du 30 juin 2014 qu'elle a parfaitement reçu, facture pourtant non réglée à ce jour,

  • constater que Madame P. n'a jamais contesté avant la présente procédure la note de frais de la société B du 10 juin 2014 de 1.103,03 euros suite au voyage de Monsieur H. du 3 juin 2014, facture pourtant non réglée à ce jour (alors que les factures de frais antérieures et postérieures ont été réglées),

  • constater qu'il y a lieu de craindre la fuite de Madame P. ou le détournement de ses effets, compte-tenu de ses mensonges, de sa mauvaise foi, de son silence et du fait qu'elle a clôturé un compte bancaire à Monaco existant depuis plus de dix ans,

En conséquence,

  • confirmer le jugement rendu le 21 décembre 2017 en ce qu'il a constaté l'existence d'un accord sur les honoraires de la société B et de ce fait l'existence d'un contrat de mission d'architecte d'intérieur entre Madame P. et la société B,

  • confirmer le jugement rendu le 21 décembre 2017 en ce qu'il a jugé de l'existence d'un droit à rémunération de la société B,

  • confirmer le jugement rendu le 21 décembre 2017 en ce qu'il a condamné Madame P. à payer à la société B :

    • 1.103,03 euros au titre de la facture du 10 juin 2014,

    • 185.502,08 euros au titre des prestations réalisées entre novembre 2013 et juillet 2014,

    • une indemnité complémentaire au titre de la rupture brutale et unilatérale du contrat par Madame P.

  • infirmer ledit jugement et condamner Madame P. au paiement de la somme de 46.375,52 euros au titre d'une indemnité de rupture prévue au titre du contrat signé par Madame P. le 2 septembre 2014 (pièce 5) et selon le pourcentage de 25 % prévu par Madame P. elle-même,

  • assortir les différentes condamnations prononcées d'intérêts au taux légal à compter du 25 février 2015, date de la mise en demeure de la société B,

  • condamner Madame P. au paiement d'une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de sa résistance manifestement abusive et injustifiée,

  • confirmer le jugement rendu le 21 décembre 2017 et valider la saisie conservatoire pratiquée suivant procès-verbal du 4 novembre 2015 en application de l'article 759 du Code de procédure civile sur les facultés mobilières de Madame P. se trouvant à son domicile sis à Monaco, immeuble « X1 », X1 6ème et 7ème étages, appartements 130, 131, 132, 140, 141 et 142,

  • débouter Madame P. de l'intégralité de ses demandes et notamment de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts non fondés et injustifiés,

  • condamner Madame P. aux entiers dépens, en ce compris tous frais et accessoires, tant de première instance que de cause d'appel, dont distraction au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Par conclusions déposées les 9 octobre 2018 et 26 mars 2019, la société B demande à la Cour de :

  • - constater que la pièce n° 16 de la société B, objet de la plainte du 28 juin 2018 de Madame P. lui a été adressée à plusieurs reprises dès septembre 2014 et notamment dans le cadre de deux mises en demeure du précédent conseil de la société B de novembre et décembre 2014,

  • - constater qu'à aucun moment, ni suite à l'assignation de la société B du 21 juillet 2015 visant la pièce n° 16, page 10, ni au terme de près de 12 actes de procédure, assignations ou conclusions, que ce soit dans le cadre de la procédure de référé comme dans le cadre de la procédure au fond, Madame P. n'a daigné aller déposer la moindre plainte ni demander le moindre sursis à statuer de l'affaire pendante devant les juridictions monégasques sur près de trois ans de procédure,

À titre principal,

  • - juger irrecevable comme nouvelle la demande de sursis à statuer de Madame P. déposée pour la première fois en cause d'appel, après son assignation d'appel évoquant le fond du dossier et quatre ans après communication de la pièce n° 16, objet de sa plainte et après trois ans de procédure,

À titre subsidiaire,

  • - juger, comme le reconnaît Madame P. que sa demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure laquelle doit alors être soulevée in limine litis et avant toute défense au fond,

  • - juger que la demande de sursis de Madame P. a été au contraire déposée pour la première fois en cause d'appel par conclusions du 10 juillet 2018 et non in limine litis avant toute défense au fond, Madame P. ayant conclu à de très nombreuses reprises en première instance comme en cause d'appel,

En toute hypothèse,

  • juger infondée comme dilatoire et contraire au principe d'une bonne administration de la justice la demande de sursis à statuer de Madame P.

En conséquence,

  • - débouter Madame P. de sa demande de sursis à statuer,

  • - condamner Madame P. à 30.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,

  • - condamner Madame P. aux entiers dépens, tant de première instance que de cause d'appel, en ce compris tous frais et accessoires, distraits au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Les moyens et prétentions des parties peuvent être résumés de la manière suivante :

Sur la demande de nullité des pièces adverses numérotées 157, 158 et 160, l'appelante fait valoir que celles-ci ne respectent pas les dispositions édictées par l'article 324 du Code de procédure civile, dès lors que les pièces n° 157 et n° 160 ne sont pas datées, et que les pièces n° 158 et n° 160 ne mentionnent pas l'existence ou l'absence de lien de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties, et d'intérêt au procès.

La société B rétorque que les deux premières attestations sont désormais régularisées par les pièces portant les numéros 157 bis et 158 bis.

Sur le fond, f. P. relève qu'à défaut de contrat, de prix ou de consentement seules les dépenses utiles au sens de l'article 1222 du Code civil peuvent être discutées.

Elle expose qu'en l'espèce n'existe qu'un accord tacite de défraiement des notes de frais. Elle s'oppose dès lors au paiement réclamé par la société B au titre de ses prestations, au motif que l'ensemble de la relation des parties constitue des négociations précontractuelles n'ayant abouti ni à une convention d'architecte définissant la mission d'élaboration du projet de transformation de son logement, ni à un accord tacite de volonté, et soutient que les pourparlers n'ayant pas abouti, elle n'est tenue de payer ni le moindre honoraire, ni la moindre indemnité de rupture de contrat.

Elle ajoute que nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même, le tableau produit est insuffisant à rapporter la preuve de la créance, l'application d'un taux horaires à des heures invérifiables, non commandées et pour lesquelles elle n'a reçu aucune information, que ce soit sur leur coût, leur étendue ou leur teneur, ne peut fonder une quelconque créance, ce d'autant plus que le document est fondé sur des plans non commandés par elle.

Elle observe par ailleurs que l'échec des démarches n'entraîne pas le remboursement des dépenses engagées de la propre initiative de la société, au regard du droit de ne pas poursuivre en cas de désaccord, ce d'autant que la rupture des pourparlers n'a été ni fautive, ni brutale en l'état du désaccord persistant entre les parties.

En dernier lieu f. P. réfute l'existence d'un préjudice en exposant que les seules dépenses légitimes engagées par la société B ont été remboursées par ses soins, et ajoute qu'en toute hypothèse un seul et même préjudice ne peut donner matière à invoquer la responsabilité contractuelle et délictuelle.

Pour sa part, la société B réclame paiement à f. P. de la somme de 1.103,03 euros au titre des notes de frais en vertu du contrat de mission de marché privé d'architecte d'intérieur, 10.000 euros au titre des provisions sur honoraires, et au titre de la résiliation celle de 185.502,08 euros correspondant aux prestations accomplies et celle de 46.375,52 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de rupture.

Elle fait valoir en substance qu'un accord de volonté est intervenu sur le montant des honoraires, l'établissement d'un écrit n'étant pas obligatoire, que de nombreuses diligences ont été accomplies par la société sur près de 9 mois avec l'assentiment de l'appelante qui était présente aux réunions de chantiers et a validé les devis qui lui ont été soumis, mais que f. P. a rompu brutalement le processus contractuel en annulant les travaux au moment de leur démarrage en septembre 2014.

Elle ajoute que différents motifs de rupture ont été invoqués par cette dernière, mais qu'aucun n'a tenu à l'absence d'accord sur les honoraires, que la cliente souhaitait d'ailleurs initialement régler.

Elle indique encore que le droit à rémunération de l'architecte repose sur le principe selon lequel les prestations effectuées donnent lieu à rémunération, sauf faute de l'architecte, et qu'en l'absence de faute ces honoraires sont dus aussi pour les travaux préparatoires, au même titre qu'une indemnisation en cas de résiliation unilatérale.

À titre subsidiaire, la société B invoque une rupture abusive des pourparlers qui constituent la phase préliminaire des négociations contractuelles, la faute s'identifiant en l'espèce à la mauvaise foi de f. P. qui a prolongé les négociations tout en n'ayant pas l'intention de faire exécuter les travaux, en refusant de l'écrit correspondant à leur accord préalable, et en s'abstenant ensuite de régler les sommes dues au titre des diligences accomplies pour l'élaboration du projet préalable aux travaux.

Sur les dommages-intérêts, l'appelante fait valoir que le comportement procédural disproportionné et traumatisant adopté par la société B lui a causé un préjudice moral important qui sera réparé par l'allocation de la somme de 50.000 euros.

La société intimée rétorque avoir été contrainte d'initier diverses procédures du fait de l'attitude adoptée par f. P.(position insoutenable avancée par elle assortie de mensonges) et sollicite que ce comportement malhonnête soit sanctionné par des dommages-intérêts.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions ci-dessus développées auxquelles il est expressément renvoyé.

À l'audience de plaidoiries, le conseil de f. P. a confirmé avoir renoncé à l'exception de sursis à statuer soulevée.

SUR CE,

Attendu que les appels, relevés dans les conditions de forme et de délai prescrites par le Code de procédure civile, sont réguliers et recevables ;

Attendu que la Cour ne statuera pas sur l'exception de sursis à statuer soulevée par f. P. à laquelle celle-ci a désormais renoncé ;

Attendu, sur la nullité des attestations produites par la société B sous les numéros 157, 158 et 160, que l'article 324 du Code de procédure civile énonce notamment que l'attestation doit, à peine de nullité, être écrite, datée et signée de la main de son auteur, mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties et préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

Attendu qu'au cas d'espèce, l'intimée a régularisé les pièces n° 157 et 158 en communiquant les numéros 157 bis et 158 bis dont la régularité n'est pas contestée ;

Qu'en revanche, méconnait les dispositions légales l'attestation DE R. produite en pièce n° 160, qui n'est pas datée et ne comporte pas la mention prévue à l'alinéa 3° de l'article 324 susvisé ;

Qu'il y a lieu en conséquence d'en prononcer la nullité et de l'écarter des débats ;

Attendu, au fond, qu'il est constant que f. P. a contacté la société B pour un projet de rénovation de son appartement de deux étages constitué de six appartements réunis et que les relations des parties ont débuté en novembre 2013 pour se terminer en septembre 2014 ;

Que toutefois les parties sont contraires sur la nature de leurs relations ;

Que l'intimée reproche en substance à f. P. d'avoir rompu brutalement un processus contractuel en refusant d'en signer l'écrit correspondant à leur accord préalable, puis de s'être abstenue de régler les sommes dues au titre des diligences accomplies pour l'élaboration du projet préalable aux travaux ;

Que de son côté, f. P. soutient que la relation des parties n'a pas abouti à une convention, faute d'accord sur les honoraires de la mission d'architecture d'intérieur et la définition du projet qui portait sur un simple réaménagement de son logement, et qu'il ne s'est agi que de pourparlers auxquels les parties sont libres de mettre fin à tout moment, à condition de ne pas commettre d'abus dans l'exercice de cette liberté ;

Attendu qu'il appartient à la société B qui sollicite le règlement d'honoraires de rapporter la preuve de l'existence du contrat d'architecte dont elle se prévaut ;

Attendu, en droit, que le contrat passé par l'architecte est un contrat consensuel qui se forme par le simple échange des consentements et le défaut d'écrit n'empêche pas le contrat d'exister et d'être valable ;

Attendu au cas d'espèce, qu'en vue d'un projet de transformation de son luxueux logement composé de la réunion de six appartements sur deux niveaux, f. P. a pris contact avec une société belge, la société B dont le gérant est j-j. H. architecte de profession, qui avait déjà par le passé exécuté des prestations pour le couple P. et dont elle n'ignorait pas les tarifs ;

Qu'en retour, cette société va lui adresser le 4 février 2014 un devis estimatif d'un montant de 2.000.000 euros incluant des travaux de gros œuvre, de parachèvement et d'aménagement ;

Que f. P. n'a formé ni réserves ni observations sur l'importance de chacune de ces trois masses financières, et a dès le 6 février suivant payé une facture correspondant à une première tranche d'honoraires provisionnels de 5.000 euros, puis réglé de mai à juillet 2014 les notes de frais correspondant aux voyages de M. H. à l'exception de celle du 10 juin 2014 ;

Que la société B a effectué plusieurs diligences : esquisses des projets de plans, consultations de diverses entreprises, déplacements à Monaco de son gérant deux jours par mois pour des rendez-vous avec f. P. et des réunions sur les lieux avec les entreprises pressenties, certaines en présence de l'appelante ;

Qu'elle a en outre fait signer à cette dernière le 23 juin 2014 le « devis quantitatif estimatif de la dépose, la démolition, la création d'ouverture par sciage et le gros œuvre et la maçonnerie » de l'entreprise générale de bâtiment C pour la réalisation du gros œuvre au prix de 453.403,63 euros, lequel détaille l'ensemble des prestations à réaliser, et notamment la création ou l'agrandissement de plusieurs ouvertures murales, d'une trémie d'ascenseur et des accès correspondants, de deux trémies d'escalier avec réalisation des escaliers, puis le 25 juin 2014 un contrat d'architecte avec un architecte monégasque conformément à la législation monégasque ;

Qu'il résulte également des mails échangés entre les parties que f. P. était au courant des diligences effectuées par la société B dans le cadre de l'étude de son projet de travaux et qu'elle n'a manifesté aucun désaccord ou réserve ;

Qu'en outre, les parties ont négocié les honoraires de l'architecte et sont tombées d'accord sur des pourcentages, ainsi qu'il résulte de la télécopie en date du 5 août 2014 et du projet de convention formalisant la mission d'architecte d'intérieur entérinant les conditions de la rémunération de la société B, remis à la cliente, laquelle l'a retourné signé non sans l'avoir préalablement modifié unilatéralement, en sorte que cette convention n'a finalement jamais été signée par les parties ;

Que néanmoins l'accord des volontés a été échangé s'agissant des honoraires de l'architecte ;

Que par ailleurs f. P. a payé la première provision d'honoraires puis les notes de frais en sorte qu'elle ne peut utilement soutenir avoir ignoré les diligences effectuées par la société B et les déplacements de son architecte ;

Qu'en outre, à la suite de sa décision de renoncer à effectuer ces travaux, f. P. a elle-même sollicité un solde de tout compte à la société B pour les sommes dues, reconnaissant ainsi la réalisation de prestations par la société d'architecte d'intérieur ;

Qu'enfin, le contrat d'architecte a notamment pour objet la réalisation de projets de plans et devis de travaux pour l'élaboration du projet et l'estimation détaillée du coût prévisionnel des travaux, en sorte que le seul refus de f. P. de réaliser les travaux envisagés ne justifie pas l'absence de contrat la liant avec la société B ;

Qu'ainsi, l'existence d'un contrat entre les parties et son exécution partielle résultent à suffisance de l'ensemble des éléments précités, lesquels mettent en évidence l'avancement de l'élaboration du projet sans faire apparaître de désaccord de la part de f. P. sur la méthode de travail et les choix adoptés par la société B et corroborent le commencement de preuve par écrit tenant à l'accord par fax sur la rémunération de la société B ;

Que ce contrat, bien que résilié en cours d'exécution par f. P. donne droit à l'intimée à des honoraires pour les prestations accomplies avant la résiliation ;

Qu'en effet, s'agissant de la demande en paiement, l'intention libérale ne se présumant pas, les devis, plans et études préalables réalisés par la société B sont faits à titre onéreux, sauf preuve contraire non rapportée en l'espèce dès lors que le courrier précité par lequel f. P. a sollicité que lui soit adressé le solde de tout compte après avoir indiqué sa volonté de renoncer aux travaux envisagés constitue une reconnaissance du caractère onéreux des prestations d'architecte accomplies ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné f. P. à payer la somme de 1.103,03 euros au titre de la facture du 10 juin 2014 correspondant au déplacement de M. H. du 2 au 3 juin 2014, ainsi que celle de 185.502,08 euros au titre des prestations conventionnelles fournies par la société B mises en évidence par les pièces versées au débat, dont le récapitulatif du nombre d'heures et des diligences effectuées telles que résultant notamment de l'élaboration de plans, d'études, de la tenue de réunions, de la recherche d'intervenants, des demandes de devis ;

Attendu, s'agissant du point de départ des intérêts au taux légal, que la lettre de mise en demeure invoquée par la société B correspond en réalité à un fax de relance contenant une proposition amiable de règlement de la somme de 75.000 euros, mais nullement en la forme et au fond à une mise en demeure de payer la somme de 185.502,08 euros ; que les intérêts courront en conséquence à compter du jugement ;

Attendu, par ailleurs, que la société B réclame l'allocation d'une indemnité de 46.375,52 euros au titre de la rupture de la convention, telle que prévue au contrat d'architecte d'intérieur ;

Mais attendu que si l'existence d'un contrat est établie, ainsi qu'exposé supra, force est de relever que l'échange de consentement ne s'est nullement matérialisé par un document écrit, de sorte que la société B ne peut prétendre se prévaloir de la clause indemnitaire du projet de contrat, non signé par les deux parties, et ce au seul motif qu'elle lui paraîtrait avantageuse, ainsi que relevé de manière pertinente par les premiers juges ;

Que par suite, en l'absence d'accord sur une indemnisation forfaitisée en cas de résiliation du contrat par le maître de l'ouvrage et faute pour la société B d'invoquer une rupture abusive du contrat d'architecte, cette dernière sera déboutée de sa demande de ce chef, le jugement étant réformé en ce qu'il a indemnisé la rupture fautive de pourparlers ;

Attendu qu'en l'état des motifs ci-dessus exposés, l'examen de la demande subsidiaire s'avère sans objet ;

Attendu enfin, et en l'état des condamnations prononcées, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé la saisie conservatoire pratiquée, puis ordonné sa conversion en saisie-exécution ainsi que la vente aux enchères publiques des meubles saisis conformément à la loi ;

Attendu sur les dommages-intérêts, que c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté f. P. de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, la demande de la société B étant accueillie en sa demande en paiement de ses prestations ;

Que de même, la société B qui succombe partiellement en ses prétentions sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts, le jugement du Tribunal étant confirmé sur ces deux derniers points ;

Et attendu que l'appelante qui succombe pour l'essentiel supportera les dépens de la présente instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels,

Prononce la nullité de l'attestation produite par la société B sous le numéro 160,

Confirme le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 21 décembre 2017, sauf en ce qu'il a condamné f. P. à payer à la société B la somme de 35.000 euros,

Statuant du seul chef réformé,

Déboute la société B de sa demande d'indemnisation au titre de la rupture du contrat d'architecte,

Y ajoutant,

Déboute la société B de sa demande tendant à voir fixer au 25 février 2015 le point de départ des intérêts au taux légal des condamnations prononcées,

Condamne f. P. aux dépens d'appel distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 14 JANVIER 2020, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général.

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