Cour d'appel, 17 décembre 2019, La SARL A c/ Monsieur c. S.
Abstract🔗
Prescription - Prescription biennale - Action des professionnels contre un particulier - Point de départ du délai de prescription - Établissement de la facture
Résumé🔗
L'article 2048 du Code civil dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux particuliers, se prescrit par deux ans. Cette prescription s'applique à tout professionnel, qu'il soit commerçant, artisan ou un autre prestataire de services. Le point de départ du délai de prescription se situe au jour de l'établissement de la facture, de sorte que l'action en paiement intentée plus de deux ans après l'émission de la facture est prescrite.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2019
En la cause de :
- La SARL A, immatriculée au Registre du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le n° X dont le siège social se trouve X2 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Monsieur c. S., demeurant « X1 », X1à Monaco ;
DÉFAILLANT,
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 24 janvier 2019 (R. 2446) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 2 août 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000016) ;
À l'audience du 12 novembre 2019, vu la production de ses pièces par le conseil de l'appelante ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la SARL A à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 24 janvier 2019.
Considérant les faits suivants :
Le Tribunal de première instance, statuant sur l'action en paiement de la SARL A, a déclaré irrecevable sa demande en paiement d'un montant de 20.266,15 euros en raison de sa prescription, condamné c. S. à lui payer la somme 753,50 euros au titre de la facture n° 01023 du 9 août 2015 outre intérêts au taux légal à compter du 9 février 2017, date de la mise en demeure, et a débouté la SARL A de sa demande en dommages et intérêts et c. S. de ses demandes reconventionnelles, sans ordonner l'exécution provisoire.
Par exploit en date du 2 août 2019, la SARL A a interjeté appel parte in qua de ce jugement et fait assigner c. S.à l'effet de voir la Cour :
« - la recevoir en son appel partiel,
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 24 janvier 2019 en ce qu'il a condamné c. S. à lui payer la somme de 753,50 euros au titre de la facture n° 01023 du 9 août 2015,
- l'infirmer en ce qu'il a écarté l'application d'une pénalité de retard de 12 % au profit du paiement d'un intérêt au taux légal à compter du 9 février 2017, et statuant à nouveau assortir la condamnation d'un intérêt de retard au taux contractuel de 12 % l'an à compter de la mise en demeure,
- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré la SARL A irrecevable en sa demande en paiement de la facture n° 01028 du 1er juin 2015 d'un montant de 20.266,15 euros en raison de sa prescription,
Statuant à nouveau,
- débouter Monsieur c. S. de son exception tirée de la prescription de l'article 2048 du Code civil,
- condamner Monsieur c. S. au paiement de ladite facture,
- dire et juger que la condamnation en paiement de la facture n° 01028 doit être assortie du paiement d'intérêts de retard au taux contractuel de 12 % l'an à compter de la mise en demeure,
- confirmer le jugement du 24 janvier 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur S. de sa demande en dommages et intérêts en réparation des prétendues malfaçons commises par la SARL A et de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,
- l'infirmer en ce qu'il a débouté la SARL A de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Statuant à nouveau,
- condamner Monsieur c. S. à payer à la SARL A une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- le condamner aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Au soutien de son appel, la société A revendique en premier lieu, compte-tenu de son statut d'artisan, l'application de la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2044 du Code civil et reproche aux premiers juges d'avoir appliqué la prescription biennale de l'article 2048 aux motifs que :
- en l'absence de signature d'un contrat d'adhésion, il n'est pas légitime de placer c. S. sous un régime protecteur,
- la prescription ne peut pas être opposée par l'intimé qui a contesté la créance pour malfaçons antérieurement à l'introduction de la présente instance,
- le point de départ de la prescription court de l'achèvement des travaux complémentaires dans la salle de bains, qui correspond au jour où le créancier a été en droit d'exercer son action, et non de la date d'établissement de la facture.
En second lieu pour réclamer le paiement des deux factures, elle expose que la mauvaise exécution des travaux invoquée par l'intimé n'est justifiée par aucune pièce, et que la condamnation à leur montant sera assortie des pénalités de retard contractuellement convenues et telles que figurant sur les deux factures.
En dernier lieu, elle fait valoir que la résistance à paiement n'est pas justifiée et entraîne la condamnation de l'intimé au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé du fait d'une perte de trésorerie et des frais engagés pour faire valoir ses droits en justice.
c. S. n'a pas comparu.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de la SARL A, la Cour se réfère à ses écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu, quant à la procédure, que l'appel partiel régularisé dans la forme et les délais légaux est recevable ;
Attendu que c. S. n'a pas été cité à personne et n'a pas retiré le courrier recommandé avec accusé de réception daté du 22 octobre 2019 l'avisant de ce que l'examen de l'affaire était fixé à l'audience du 5 novembre 2019, date à laquelle elle a été renvoyée pour plaidoiries au 12 novembre 2019 ;
Qu'il n'a pas davantage comparu et n'était pas représenté ;
Qu'il sera donc statué par défaut à son encontre ;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article 429 du Code de procédure civile, la Cour n'est saisie que des dispositions critiquées du jugement attaqué ;
Attendu, dans le domaine des faits, que la SARL A a réalisé des travaux de plomberie pour c. S. auquel elle a également fourni du matériel ;
Qu'elle a émis deux factures les 1er juin et 9 août 2015 qui n'ont pas été honorées par l'intimé malgré l'envoi d'une mise en demeure de payer la somme de 21.019,65 euros correspondant au montant des deux factures précitées ;
Qu'elle a assigné c. S. par devant le Tribunal de première instance le 25 juillet 2017, juridiction qui a déclaré prescrite sa demande en paiement fondée sur la facture n° 01028 du 1er juin 2015 ;
Attendu que l'article 2048 du Code civil dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux particuliers se prescrit par deux ans ;
Qu'il en résulte que cette prescription s'applique à tout professionnel, qu'il soit commerçant, artisan ou un autre prestataire de services ;
Que l'appelante ne conteste pas sa qualité de professionnel, mais soutient qu'en tant qu'artisan elle est soumise à la prescription de droit commun, ajoutant au texte précité, qui édicte une règle de portée générale sans faire de distinction selon la nature de la prestation de services fournie, une condition qu'il ne contient pas ;
Qu'en outre et contrairement à ce que prétend l'appelante, c. S. n'a nullement contesté la créance dans ses courriers en date des 24 août 2015 et 27 janvier 2016, de sorte qu'il a pu opposer la prescription biennale à son créancier, la décision étant confirmée sur ce point ;
Attendu que le point de départ du délai de prescription biennale de l'action en paiement des factures litigieuses se situe au jour de leur établissement et non à la date d'achèvement des travaux complémentaires comme le prétend de manière erronée l'appelante ;
Qu'ainsi c'est justement que le Tribunal a déclaré prescrite l'action en paiement de la société A relative à la facture du 1er juin 2015 émise plus de deux ans avant l'introduction de la présente procédure le 25 juillet 2017, le jugement étant confirmé de ces chefs ;
Attendu, par ailleurs, que c. S. a été condamné à payer à l'appelante la somme de 753,50 euros au titre de la facture émise le 9 août 2015 ;
Que la mention d'une pénalité contractuelle figurant sur ce document apparaît à elle seule insuffisante à établir l'existence d'un accord sur l'application d'un intérêt conventionnel supérieur, de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Attendu sur la demande de dommages-intérêts, qu'il n'est pas démontré par la société appelante que l'appréciation partiellement erronée que c. S. a fait de ses droits constitue un abus dans des circonstances de nature à créer un préjudice à la SARL A, laquelle sera donc déboutée de sa demande de ce chef et la décision confirmée ;
Et attendu que la société appelante succombant en son appel, les dépens d'appel seront supportés par elle ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement par défaut,
Reçoit l'appel,
Confirme en ses dispositions appelées le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 24 janvier 2019,
Condamne la SARL A aux dépens d'appel,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 17 DÉCEMBRE 2019, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général.