Cour d'appel, 26 novembre 2019, Madame t. H. épouse A. c/ Monsieur m. A.

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Abstract🔗

Divorce et séparation de corps - Action en divorce - Décès d'un des époux en cours d'instance - Extinction de l'action en divorce à la date du décès (oui) - Extinction de l'instance d'appel (oui)

Résumé🔗

L'article 202-10, alinéa 1 du Code civil dispose que le décès de l'un des époux survenu en cours d'instance entraîne l'extinction de l'action. Le décès de l'intimé, survenu dans le cadre de l'instance en divorce pendante entre les époux a dès lors eu pour effet d'éteindre, à sa date, l'action en divorce, en sorte qu'il ne peut plus être statué sur la voie de recours exercée contre le jugement entrepris, lui-même rendu à l'occasion de cette action en divorce, désormais éteinte par application des dispositions légales susvisées. Il convient dès lors de constater l'extinction de l'instance d'appel.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2019

En la cause de :

- Madame t. H. épouse A., née le 22 juillet 1968 à San-Francisco, Californie, États-Unis d'Amérique, de nationalité américaine, sans profession, domiciliée X1 à New-York, New-York, États-Unis d'Amérique ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- Monsieur m. A., né le 15 février 1951 à Pully (Suisse), de nationalité suisse, Administrateur de sociétés, demeurant et domicilié « X2» -à Monaco, décédé le 26 juillet 2019 à Ramatuelle (Var) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur en cette même Cour et Maître Georges KIEJMAN, avocat au Barreau de Paris ;

INTIMÉ,

EN PRÉSENCE DE :

Madame le Procureur Général près la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, séant en son Parquet Général, Palais de Justice, 5 rue Colonel Bellando de Castro à Monaco (98000) ;

COMPARAISSANT EN PERSONNE

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 14 février 2019 (R. 2963) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 22 mars 2019 (enrôlé sous le numéro 2019/000092) ;

Vu l'arrêt avant-dire-droit en date du 26 septembre 2019 ;

À l'audience du 5 novembre 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties, le ministère public entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Madame t. H. épouse A. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 14 février 2019.

Considérant les faits suivants :

Le 22 décembre 2008, Monsieur m. A. de nationalité suisse, et Madame t. E.H. de nationalité américaine, se sont mariés à HONG-KONG, sans contrat de mariage préalable.

Aucun enfant n'est issu de cette union tandis que Monsieur m. A. a eu d'une précédente union un fils unique et Madame t. E. H. deux enfants.

Le 7 octobre 2015, Monsieur m. A. a déposé une requête en divorce au Tribunal de première instance de Monaco.

Une ordonnance de non conciliation, rendue le 21 janvier 2016, a constaté le maintien de la demande en divorce tout en laissant au Tribunal de première instance le soin de statuer sur mesures provisoires.

Aux termes d'un exploit du 18 février 2016, Monsieur m. A. a fait assigner son épouse à l'effet de voir prononcer leur divorce aux torts exclusifs de celle-ci et statuer sur ses conséquences.

Madame t. E. H. a alors soulevé l'incompétence territoriale des Tribunaux monégasques au profit du juge américain devant lequel elle déclarait avoir engagé une procédure de divorce.

Sa demande en divorce a été rejetée par deux jugements de la Suprême court of New York les 28 octobre 2016, puis 12 mai 2017.

Aux termes d'un premier jugement en date du 12 octobre 2017, le Tribunal de première instance de Monaco a ordonné la réouverture des débats afin que les parties s'expliquent contradictoirement sur la compétence des juridictions monégasques pour connaître du présent litige au regard des dispositions nouvelles de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé.

Aux termes d'un second jugement en date du 16 novembre 2017, le Tribunal de première instance de Monaco a statué sur les mesures provisoires condamnant notamment Monsieur m. A. à payer une pension alimentaire mensuelle de 100.000 euros avec effet rétroactif.

Les deux époux ont interjeté appel avant de se désister.

Madame t. E.H. réitérant son exception d'incompétence des juridictions monégasques, a également sollicité du Tribunal de première instance le sursis à statuer en vertu de l'article 3 du Code de procédure pénale en raison de la plainte pénale déposée par elle le 28 février 2017 pour escroquerie au jugement qui aurait été commise par Monsieur A. cette plainte ayant fait l'objet d'une ouverture d'information à Monaco.

Suivant jugement en date du 14 février 2019 le Tribunal de première instance a :

  • ordonné la suppression dans les conclusions de Madame t. E. H. épouse A. des écrits suivants :

« étonnement partial » (p. 81 des conclusions de t. E. H. épouse A. du 28 juin 2018),

« avec un parti-pris évident » (p. 81 des conclusions précitées),

« éminemment partial » (p. 81 des conclusions précitées),

« La partialité du Ministère public en l'espèce est flagrante » (p. 85 des conclusions précitées),

« en développant un argumentaire relevant de la mauvaise foi pure et simple » (p. 86 des conclusions précitées),

« Les conclusions du Ministère public sont à nouveau particulièrement partiales » (p. 87 des conclusions précitées),

« partisane » (p. 88 des conclusions précitées) «,

  • déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer,

  • s'est déclaré compétent, en application de l'article 40 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé pour connaître du divorce des époux A.

  • renvoyé la cause et les parties à l'audience du mercredi 3 avril 2019 à 9 heures en l'état,

  • débouté t E. H. épouse A. pour le surplus de ses demandes,

  • réservé les dépens en fin de cause.

Suivant exploit en date du 22 mars 2019, Madame t. H. épouse A. a interjeté appel du jugement susvisé du 14 février 2019 à l'effet de le voir infirmé en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, voir la Cour :

À titre principal,

  • ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance pénale en cours, À titre subsidiaire, vu l'article 40 du Code de droit international privé,

  • constater que le domicile de Madame t. H. épouse A. défenderesse à la procédure de divorce, n'est pas situé à Monaco,

  • constater que les époux A. n'ont jamais fixé leur domicile conjugal à Monaco, en conséquence,

  • dire et juger que les juridictions monégasques sont incompétentes pour connaître du divorce des époux A.

  • condamner Monsieur m. A. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de la recevabilité de son appel, Madame t. H. épouse A. se réfère aux dispositions de l'article 111 du Code de procédure civile prévoyant un droit d'appel immédiat pour les jugements rendus par le juge de paix en matière de compétence même s'ils ne tranchent pas une partie du principal, ainsi qu'aux dispositions de l'article 83 du Code de procédure civile français et au décret du 6 mai 2017 ayant supprimé en tant que tel le contredit et invoque également l'accès effectif au juge d'appel par application des dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme.

Suivant conclusions en réponse, Monsieur m. A. intimé, a conclu à l'irrecevabilité de l'appel interjeté le 22 mars 2019 par Madame t. E. H. à l'encontre du jugement rendu le 14 février 2019 tout en demandant qu'il lui soit donné acte de ce qu'il se réserve de conclure sur le fond si par impossible l'appel était déclaré recevable. Il demande par ailleurs à la Cour de condamner l'appelante au paiement d'une somme de 300.000 euros de dommages-intérêts pour appel abusif et dilatoire ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il expose en substance que :

  • les premiers juges ont rendu un jugement avant-dire droit rejetant une exception de procédure sans trancher une quelconque partie du principal ni ordonner une mesure d'instruction ou des mesures provisoires,

  • le jugement déféré n'a donc pas mis fin à l'instance puisque l'instance se poursuit au fond devant le Tribunal de première instance sur la demande en divorce engagée par Monsieur A. le jugement déféré ayant au demeurant expressément renvoyé la cause et les parties à une audience de mise en état suivante,

  • au sens des dispositions de l'article 423 du Code de procédure civile l'appel devra être déclaré irrecevable, l'article 111 du Code de procédure civile ne concernant que l'appel des jugements du juge de paix et les règles édictées par le Code de procédure civile français n'ayant pas vocation à s'appliquer en l'espèce,

  • si les États sont tenus d'assurer l'accès effectif aux tribunaux, ce droit n'est pas absolu et il existe des limitations tendant à un but légitime, l'article 423 du Code de procédure civile tendant à éviter des recours dilatoires intempestifs.

Madame le Procureur général a, par conclusions en date du 28 mai 2019 conclu à l'irrecevabilité de l'appel interjeté tout en s'en rapportant sur la demande de dommages-intérêts formée par l'intimé. Le ministère public observe en substance que le jugement rendu le 14 février 2019 ne tranche nullement le fond du litige, les différents arguments invoqués par l'appelante apparaissant inopérants pour établir le droit d'appeler le jugement avant-dire droit déféré.

L'affaire était mise en délibéré le 25 juin 2019, un arrêt devant être rendu par la présente juridiction à la date du 27 septembre 2019.

Suivant courrier en date du 17 septembre 2019, Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, conseil de Monsieur m. A. informait la Cour du décès de son client demandeur à l'action en divorce, intervenu le 26 juillet 2019 tout en joignant à sa transmission la copie de l'acte de décès. Faisant référence aux dispositions de l'article 202-10 du Code civil, elle évoquait l'extinction de la procédure de divorce devant le Tribunal de première instance et de la présente action, accessoire à cette procédure.

Suivant arrêt en date du 26 septembre 2019, la Cour d'appel a :

» - prononcé la réouverture des débats au vu de l'acte de décès produit en copie intégrale par l'avocat de l'intimé, Monsieur m. A.

  • enjoint aux parties de se prononcer par voie de conclusions sur l'application des dispositions de l'article 202-10 du Code civil et, le cas échéant, de l'article 389 du Code de procédure civile,

  • dit et jugé que l'affaire sera remise en délibéré à l'audience du mardi 15 octobre 2019,

  • réservé les dépens. ".

Par courrier en date du 11 octobre 2019, le conseil de m. A. a indiqué à la Cour être dans l'impossibilité de conclure, indiquant que son mandant est décédé et ne pas pouvoir représenter son héritier dans le cadre d'une intervention volontaire à la procédure pendante, dans la mesure où il s'agit d'une action personnelle des époux, tout en ajoutant que les plaidoiries sur incident devant la Cour étaient terminées préalablement au décès de feu m. A. et que l'affaire était donc en état.

Par courrier en réponse en date du 16 octobre 2019, le conseil de t. H. épouse A. sollicite en substance de la Cour de dire que par application des dispositions des articles 202-10 du Code civil et 389 du Code de procédure civile, l'instance doit être interrompue par le décès de m. A. intervenu le 26 juillet 2019.

SUR CE,

Attendu que l'article 202-10 alinéa 1 du Code civil dispose que le décès de l'un des époux survenu en cours d'instance entraîne l'extinction de l'action ;

Attendu que m. A. est décédé le 26 juillet 2019 ainsi qu'en atteste l'état de l'acte de décès versé à la procédure en cours de délibéré ;

Attendu que le décès de l'intimé, survenu dans le cadre de l'instance en divorce pendante entre les époux a dès lors eu pour effet d'éteindre, à sa date, l'action en divorce, en sorte qu'il ne peut plus être statué sur la voie de recours exercée contre le jugement entrepris, lui-même rendu à l'occasion de cette action en divorce, désormais éteinte par application des dispositions légales susvisées ;

Attendu qu'il convient dès lors de constater l'extinction de l'instance et de dire que les dépens d'appel seront laissés à la charge de t. H. épouse A.;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Faisant application des dispositions de l'article 202-10 alinéa 1 du Code civil,

Constate que m. A. est décédé le 26 juillet 2019 et que cet événement a eu pour effet d'entraîner, à sa date, l'extinction de l'action en divorce,

Dit et juge que l'instance d'appel suit le sort de cette extinction d'action,

Laisse les dépens de l'instance d'appel à la charge de l'appelante t. H. épouse A.

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistés de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 26 NOVEMBRE 201 9, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général.

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