Cour d'appel, 9 juillet 2019, Monsieur M. r. c/ État de Monaco

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Abstract🔗

Responsabilité de la puissance publique - Méconnaissance de la priorité d'emploi - Préjudice - Perte de revenus (non)

Résumé🔗

r. M. se prévalant des dispositions de l'article 3 de la Convention du 8 novembre 2005 destinée à adapter et approfondir la coopération administrative entre la République Française et la Principauté de Monaco, rendue exécutoire par l'ordonnance souveraine n° 2.021 du 19 décembre 2008, et l'article 25 de la Constitution monégasque, entendait voir déclarer l'ÉTAT DE MONACO responsable de n'avoir pas respecté la priorité d'emploi dont il bénéficiait en qualité de ressortissant monégasque et de lui avoir causé un préjudice financier et moral du fait de cette méconnaissance.

Les premiers juges ont à bon droit relevé qu'à défaut de tout dispositif normatif spécifique inhérent à la responsabilité de l'ÉTAT en cas d'inobservation du principe de la priorité nationale, les débats ont été néanmoins liés par les parties en ce qu'elles ont indiqué agir et défendre dans le cadre d'une action en responsabilité pour faute.

Pour que la responsabilité civile de l'auteur d'un dommage puisse être recherchée, trois conditions cumulatives doivent être remplies, la caractérisation d'un fait générateur, en l'occurrence le fait personnel fondé sur la faute de l'auteur du dommage, l'existence d'un préjudice et l'établissement d'un lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur. Si toute décision juridictionnelle doit répondre à chaque chef de demande, force est de constater qu'en présence d'une action en responsabilité fondée sur ces trois conditions cumulatives que sont la faute, le préjudice et lien de causalité entre les deux, il est loisible au juge de faire échec à cette action si une seule desdites conditions n'est pas remplie et ce, sans qu'il y ait lieu d'analyser les deux autres.

Le lien de causalité entre la faute de l'administration et le dommage doit être certain et direct, en sorte que seuls parmi les faits fautifs ayant pu concourir au dommage doivent être exclusivement retenus ceux qui sont dument établis et directement à l'origine de celui-ci. Il appartenait donc en l'espèce à Monsieur r. M. de démontrer l'existence d'un rapport certain de nécessité entre la méconnaissance par l'ÉTAT DE MONACO du principe de priorité nationale en 2008 et la perte de revenus qu'il déplore en 2013. Il est en l'espèce au contraire établi que le dommage dont il est demandé réparation ne résulte pas de plusieurs événements ayant pu contribuer à sa réalisation mais trouve sa cause directe et immédiate dans la cessation du contrat qui lui permettait de percevoir ses revenus professionnels et ce, alors même qu'aucune faute n'a été imputée à l'État à l'occasion du défaut de reconduction du contrat de 2009, advenu à son échéance en 2013.

Les premiers juges ont en définitive à bon droit estimé qu'il n'était pas nécessaire de déterminer si l'ÉTAT DE MONACO avait commis une faute consistant à méconnaître le principe de priorité nationale à l'égard de la candidature de r. M. lors du recrutement d'un chef de division au secrétariat général de la CCAF en juin 2008


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 9 JUILLET 2019

En la cause de :

- Monsieur M. r., né le 2 novembre 1970 à Monaco, de nationalité monégasque, chargé de mission, domicilié « X1 » à Monaco (98000 Monaco) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- L'ÉTAT DE MONACO, représenté au sens de l'article 139 du Code de procédure civile par Son Excellence Monsieur le Ministre d'État, demeurant en cette qualité au Ministère d'État, sis Palais du Gouvernement - Place de la Visitation à Monaco-Ville ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Yvon GOUTAL, avocat au Barreau de Paris ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 5 avril 2018 (R. 4125) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 24 mai 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000152) ;

Vu les conclusions déposées les 9 octobre 2018 et 12 mars 2019 par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, au nom de l'ÉTAT DE MONACO ;

Vu les conclusions déposées les 18 décembre 2018 et 7 mai 2019 par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Monsieur M. r. ;

À l'audience du 4 juin 2019, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur M r. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 5 avril 2018.

Considérant les faits suivants :

Au Journal de Monaco du 13 juin 2008, était publié à l'initiative de l'ÉTAT DE MONACO un avis en vue du recrutement d'un chef de division à la Direction du Budget et du Trésor au secrétariat général de la Commission de contrôle des activités financières (CCAF) pour une durée de trois ans, avec période préalable d'essai d'une durée de six mois.

Monsieur r. M. de nationalité monégasque, a présenté sa candidature à ce poste qui a en définitive été attribué à un autre candidat à l'issue du processus de sélection.

Aux termes d'un contrat du 21 septembre 2009, la Direction du Budget et du Trésor a confié à Monsieur r. M. une mission de veille juridique en matière financière, pour une durée de trois ans à échéance du 30 septembre 2012, renouvelable par tacite reconduction par périodes d'un an.

Après reconduction pour une période d'une année, ce contrat a été finalement résilié par le Directeur du Budget et du Trésor à compter du 30 septembre 2013.

r. M. a alors revendiqué, en vain, auprès de l'Administration monégasque le poste de chef de division finances-secteur bancaire au sein de la Direction du Budget et du Trésor.

Par assignation du 8 juillet 2016, l'ÉTAT DE MONACO a par ailleurs, en sa qualité de bailleur, fait assigner r. M. devant le juge des référés du Tribunal de première instance, afin d'obtenir son expulsion et celle de tout occupant de son chef pour non-paiement des loyers en se prévalant du jeu de la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail.

Suivant ordonnance de référé du 14 mars 2017, rectifiée le 27 mars 2017, le Président du Tribunal de première instance a pour l'essentiel constaté la résiliation de plein droit du bail à la date du 1er juillet 2016 par l'effet de la clause résolutoire tout en accordant à r. M. un délai de trois mois pour quitter les lieux et en ordonnant l'expulsion au-delà de ce délai.

Appel ayant été interjeté, la Cour d'appel de Monaco a, par arrêt du 29 septembre 2017, confirmé cette ordonnance de référé et déclaré r. M. irrecevable en sa demande relative à la novation du contrat de bail.

L'ÉTAT DE MONACO a en outre été autorisé par ordonnance présidentielle sur requête, à pratiquer une saisie-arrêt sur le compte ouvert au nom des époux M. dans les livres de la BNP PARIBAS, ce qu'il a fait le 15 juillet 2016 tout en assignant ces parties devant le Tribunal de première instance aux fins de paiement de la somme de 57.342,74 euros correspondant au montant des loyers et charges impayés.

Aux termes d'un acte d'huissier en date du 26 septembre 2016, r. M. a enfin fait assigner l'ÉTAT DE MONACO devant le Tribunal de première instance pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 75.000 euros en réparation du préjudice financier résultant selon lui du non-respect de la priorité d'emploi dont il aurait dû bénéficier, outre d'une indemnisation laissée à l'appréciation du Tribunal au titre de son préjudice moral, qu'il a ultérieurement chiffrée à 30.000 euros.

Suivant jugement en date du 5 avril 2018, le Tribunal de première instance a débouté r. M. de l'ensemble de ses demandes et condamné r. M. aux dépens.

Les premiers juges ont en substance estimé que Monsieur r. M. ne rapportait pas la preuve de la réunion des conditions permettant d'engager la responsabilité de l'ÉTAT, dans la mesure où il n'avait pas été démontré que le préjudice dont il sollicite la réparation trouve sa cause immédiate dans un fait juridique antérieur à la cessation du contrat assurant sa rémunération, en l'occurrence le défaut d'attribution d'un précédent poste sur lequel il s'était porté candidat en 2008.

Suivant exploit en date du 24 mai 2018, Monsieur r. M. a relevé appel du jugement susvisé signifié le 25 avril 2018 dont il a sollicité la réformation en toutes ses dispositions tout en demandant à la Cour, vu le non-respect par l'ÉTAT de la priorité d'emploi dont il devait bénéficier et les conséquences préjudiciables qui en sont résultées, de condamner l'ÉTAT DE MONACO au paiement de la somme de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi, outre la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il fait valoir aux termes de l'ensemble de ses écritures d'appel que :

  • à défaut d'avoir obtenu, après la non reconduction de son contrat le 30 septembre 2013, le poste de Chef de Division Finances-Secteur bancaire, il a formulé de nombreuses réclamations, notamment auprès du Ministre d'ÉTAT puis du Président du Conseil National et du Haut-commissaire à la Protection des Droits, des Libertés et de la Médiation dont l'analyse aurait confirmé que l'ÉTAT DE MONACO avait méconnu, à son préjudice, le principe de priorité nationale,

  • à la suite de l'intervention d'élus, il lui a été en définitive proposé de réaliser une étude prospective sur les outils qui permettraient de développer la place financière monégasque, et il a accepté cette offre,

  • un contrat de prestation intellectuelle a alors été signé pour une mission d'une durée de 3 mois du 15 septembre au 31 décembre 2015,

  • il a ensuite été recruté en qualité de chargé de mission au Secrétariat général de la Commission de Contrôle des Activités Financières à compter du 22 février 2016,

  • il a subi un préjudice financier car l'ÉTAT DE MONACO l'ayant privé de ressources pendant une période de 19 mois l'a mis dans l'impossibilité de s'acquitter de ses loyers et charges à compter du mois de janvier 2014, ce préjudice matériel étant de l'ordre de 70.000 euros et ayant généré l'exercice d'une action résolutoire et en expulsion par l'ÉTAT,

  • l'ÉTAT MONACO a commis une première faute en ne retenant pas sa candidature prioritaire à la suite de l'avis de recrutement n° 2008-12 d'un chef de Division Finances-Secteur Bancaire au sein de la Direction du Budget et du Trésor, émis en juin 2008 et au titre duquel il avait fait parvenir son dossier de candidature le 23 juin 2008,

  • il aurait alors pu bénéficier d'un emploi stable et aurait pu bénéficier d'une titularisation sans être placé dans la nécessité d'accepter en septembre 2009 un contrat précaire qui n'a par la suite pas été renouvelé,

  • le Tribunal de première instance a eu tort d'inverser la relation de cause à effet entre la faute et le préjudice et aurait dû déterminer l'existence d'un comportement fautif imputé à l'ÉTAT avant d'apprécier la nature du préjudice subséquent,

  • ce faisant le Tribunal, sans répondre à ses demandes, est parvenu à une conclusion inexacte en affirmant qu'il n'avait pas subi de préjudice financier car la situation de non emploi et la privation de revenus n'était pas la conséquence du refus par l'administration de lui accorder une priorité pour occuper le poste de chef de division sur lequel il avait postulé, mais serait la conséquence du défaut de renouvellement du contrat à temps l'ayant lié avec l'administration à compter du 20 septembre 2009,

  • il aurait en réalité pu bénéficier d'un emploi stable si l'administration s'était conformée à la loi et il aurait été titularisé,

  • le Tribunal ne lui a pas davantage répondu quand il a précisé que le refus de lui proposer le poste litigieux avait été réitéré postérieurement à l'expiration de son contrat précaire en décembre 2013 en sorte que le comportement fautif de l'ÉTAT a été renouvelé postérieurement à son placement en inactivité à l'issue de son contrat à durée déterminée et ce, en violation de son droit à la priorité d'accès aux emplois publics,

  • cette faute a bien eu pour conséquence directe le préjudice qu'il a subi, d'ordre tant financier que moral.

L'ÉTAT DE MONACO, intimé, entend pour sa part voir confirmer le jugement rendu le 5 avril 2018 par le Tribunal de première instance et débouter Monsieur r. M. de l'ensemble de ses demandes.

Il soutient notamment aux termes de ses écritures que les premiers juges ont souverainement estimé que les éléments permettant d'engager la responsabilité de l'ÉTAT DE MONACO n'étaient pas réunis dès lors qu'il ne peut être retenu de lien de causalité entre le refus de priorité allégué en 2008, le défaut de réouverture du poste dont il n'est pas acquis qu'il lui aurait été attribué, et l'absence de revenus de r. M. entre décembre 2013 et juin 2015.

L'ÉTAT observe que s'il appartient au Tribunal d'apporter une réponse motivée à chaque demande formulée, les juges ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de répondre à des moyens insuffisamment précis et inopérants.

La décision rejetant une action en responsabilité pour faute lui apparaît suffisamment motivée dès lors qu'est établie l'absence de lien de causalité directe entre le préjudice et la faute alléguée par le demandeur.

En l'espèce, ni le refus de priorité allégué, ni l'absence de réouverture du poste de chef de division finance-secteur bancaire ne sont à l'origine directe des pertes de revenus subis par Monsieur M. et du préjudice moral qu'il prétend avoir subi.

L'ÉTAT observe encore qu'un agent public titulaire d'un contrat à durée déterminée n'est pas assuré de conserver son poste au-delà du terme prévu conventionnellement et il n'est pas davantage établi que si Monsieur M. avait obtenu en 2008 le poste de chef de division finance-secteur bancaire, il aurait bénéficié dès cette date d'un emploi stable dans lequel il aurait été titularisé, son maintien en fonction devant être subordonné à l'obtention d'une nouvelle décision favorable de l'ÉTAT DE MONACO à l'issue de la période d'essai.

L'intimé ajoute également que l'absence de réouverture du poste considéré n'a pas davantage eu d'incidence directe sur le préjudice invoqué, mais trouve au contraire sa cause technique dans la résiliation par l'ÉTAT du contrat de prestations individuelles conclu avec l'appelant le 21 septembre 2009, seul cet événement générateur ayant provoqué la perte de revenus qu'il déplore.

Selon l'ÉTAT, la résiliation de ce contrat de prestations intellectuelles n'est pas davantage fautive, ni dans son principe, ni dans ses modalités de mise en œuvre, dès lors que la liberté contractuelle prime et qu'il était loisible aux deux parties de ne pas renouveler ce contrat à durée déterminée.

Il précise que le directeur du Budget et du Trésor avait en l'occurrence parfaitement respecté le délai de préavis en adressant à Monsieur r. M. plus de 4 mois avant la date anniversaire du contrat, un courrier de résiliation.

L'ÉTAT observe enfin que les demandes indemnitaires formées par l'appelant ne sont pas justifiées dans leur quantum à défaut d'éléments étayant l'existence d'un préjudice moral distinct du préjudice financier causé par les pertes financières invoquées de décembre 2013 à juin 2015.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel a été formé dans les conditions de forme et de délai prescrites par le Code de procédure civile et doit être déclaré recevable ;

Attendu que r. M. se prévalant des dispositions de l'article 3 de la Convention du 8 novembre 2005 destinée à adapter et approfondir la coopération administrative entre la République Française et la Principauté de Monaco, rendue exécutoire par l'ordonnance souveraine n° 2021 du 19 décembre 2008, et l'article 25 de la Constitution monégasque, entend voir déclarer l'ÉTAT DE MONACO responsable de n'avoir pas respecté la priorité d'emploi dont il bénéficiait en qualité de ressortissant monégasque et de lui avoir causé un préjudice financier et moral du fait de cette méconnaissance ;

Attendu que les premiers juges ont à bon droit relevé qu'à défaut de tout dispositif normatif spécifique inhérent à la responsabilité de l'ÉTAT en cas d'inobservation du principe de la priorité nationale, les débats ont été néanmoins liés par les parties en ce qu'elles ont indiqué agir et défendre dans le cadre d'une action en responsabilité pour faute ;

Attendu que pour que la responsabilité civile de l'auteur d'un dommage puisse être recherchée, trois conditions cumulatives doivent être remplies, la caractérisation d'un fait générateur, en l'occurrence le fait personnel fondé sur la faute de l'auteur du dommage, l'existence d'un préjudice et l'établissement d'un lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur ;

Qu'il incombe donc à Monsieur r. M. de rapporter la preuve du dommage qu'il dit avoir subi, d'une faute qu'aurait commis l'ÉTAT DE MONACO et d'un lien de causalité entre les deux ;

Attendu que si toute décision juridictionnelle doit répondre à chaque chef de demande, force est en l'espèce de constater qu'en présence d'une action en responsabilité fondée sur ces trois conditions cumulatives que sont la faute, le préjudice et lien de causalité entre les deux, il est loisible au juge de faire échec à cette action si une seule desdites conditions n'est pas remplie et ce, sans qu'il y ait lieu d'analyser les deux autres ;

Attendu que r. M. se prévaut d'un préjudice consistant en une perte de revenus subie à la suite de la décision de l'ÉTAT de ne pas reconduire le contrat à durée déterminée de prestations intellectuelles du 21 septembre 2009, advenu à échéance le 30 septembre 2013, étant précisé que la faute alléguée par l'appelant ne procède pas de ce défaut de reconduction, mais consisterait pour l'ÉTAT à n'avoir pas respecté la priorité nationale à son profit lors du recrutement d'un chef de division au secrétariat général de la CCAF organisé en juin 2008, et à n'avoir pas reproposé le poste ultérieurement en septembre 2014 ;

Que s'agissant d'un tel manquement imputé à l'ÉTAT, il résulte des dispositions de l'article 25 de la Constitution de l'ÉTAT DE MONACO que : « La liberté du travail est garantie. Son exercice est réglementé par la loi. La priorité est assurée aux Monégasques pour l'accession aux emplois publics et privés, dans les conditions prévues par la loi ou les conventions internationales » ;

Qu'à cet égard, l'article 3 de la Convention du 8 novembre 2005 destinée à adapter et approfondir la coopération administrative entre la République française et la Principauté de Monaco, rendue exécutoire par l'ordonnance souveraine n° 2021 du 19 décembre 2008 dispose notamment en ses alinéas 1, 2, 3, que :

« Les emplois publics en Principauté reviennent aux ressortissants monégasques.

Par dérogation à ce principe, ils peuvent être occupés par des ressortissants français ou d'États tiers dans les conditions prévues aux alinéas qui suivent ainsi qu'à l'article 6 de la présente Convention  » ;

Mais attendu que le préjudice invoqué, consistant en une perte de revenus, n'apparaît pas résulter directement de la faute qui procéderait de la méconnaissance des dispositions légales et conventionnelles susvisées, puisqu'il résulte des propres moyens développés par Monsieur r. M. qu'il s'est trouvé privé de rémunérations lorsque l'ÉTAT a décidé de ne pas reconduire le contrat de prestations intellectuelles du 21 septembre 2009 conclu pour une durée de trois années et reconductible tacitement par période d'une année ce, à son échéance du 30 septembre 2013 ;

Qu'en effet, le lien de causalité entre la faute de l'administration et le dommage doit être certain et direct, en sorte que seuls parmi les faits fautifs ayant pu concourir au dommage doivent être exclusivement retenus ceux qui sont dument établis et directement à l'origine de celui-ci ;

Qu'il appartenait donc en l'espèce à Monsieur r. M. de démontrer l'existence d'un rapport certain de nécessité entre la méconnaissance par l'ÉTAT DE MONACO du principe de priorité nationale en 2008 et la perte de revenus qu'il déplore en 2013 ;

Attendu que force est à cet égard de constater que la perte des rémunérations survenue au terme du contrat de prestation intellectuelle qui n'a pas été reconduit à son échéance en 2013 ne résulte pas directement de l'option prise par l'ÉTAT DE MONACO en 2009 en retenant une autre personne que Monsieur r. M. sur le poste de chef de division au secrétariat général de la CCAF ;

Que les premiers juges ont très légitimement observé, par des motifs a contrario que la Cour adopte, que si l'ÉTAT n'avait pas mis fin au contrat à durée déterminée du 21 septembre 2009, ou avait proposé un autre poste à l'appelant, le préjudice dont il réclame réparation n'aurait pas existé, en sorte que n'apparaît pas suffisamment démontrée l'existence d'un lien causal entre la perte de revenus déplorée en 2013 et l'événement ayant consisté pour l'ÉTAT à recruter en 2008, dans le cadre d'un contrat différent, un autre candidat ;

Qu'il est en l'espèce au contraire établi que le dommage dont il est demandé réparation ne résulte pas de plusieurs événements ayant pu contribuer à sa réalisation mais trouve sa cause directe et immédiate dans la cessation du contrat qui lui permettait de percevoir ses revenus professionnels et ce, alors même qu'aucune faute n'a été imputée à l'ÉTAT à l'occasion du défaut de reconduction du contrat de 2009, advenu à son échéance en 2013 ;

Attendu que les premiers juges ont en définitive à bon droit estimé qu'il n'était pas nécessaire de déterminer si l'ÉTAT DE MONACO avait commis une faute consistant à méconnaître le principe de priorité nationale à l'égard de la candidature de r. M. lors du recrutement d'un chef de division au secrétariat général de la CCAF en juin 2008 ;

Attendu que le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 5 avril 2018 sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions et Monsieur r. M. débouté de l'ensemble de ses prétentions ;

Attendu que les dépens d'appel demeureront à la charge de Monsieur r. M. qui succombe ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare Monsieur r. M. recevable en son appel,

Au fond l'en déboute et confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 5 avril 2018,

Condamne Monsieur r. M. aux entiers dépens d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 9 JUILLET 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Bénédicte SEREN-PASTEAU, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général.

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