Cour d'appel, 9 juillet 2019, La SAM A c/ Monsieur y. G.
Abstract🔗
Contrat de travail – Licenciement pour insuffisance professionnelle – Motif valable (oui) – Caractère abusif (non)
Résumé🔗
Le premier grief fondé sur un défaut de maîtrise des procédures internes en matière d'acompte ou avance de frais se trouve parfaitement caractérisé. À cet égard, la perte de confiance qui en résulte n'est pas nécessairement corrélée à la gravité du manquement reproché, à son caractère répété ni aux conséquences qui en sont éventuellement découlées pour l'entreprise. L'employeur reproche ensuite à y.G.de nombreux manquements, que l'Audit réalisé le 30 juin 2015 aurait mis en lumière et des manquements notables dans son rôle de Directeur de magasin. Ces deux catégories de griefs se recoupent sous l'angle de l'insuffisance professionnelle. Les premiers juges ont exactement relevé à cet égard que si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi ressort du seul pouvoir de l'employeur, le juge doit être en mesure de vérifier que ses exigences étaient justifiées, rendant nécessaire de caractériser l'insuffisance par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Par ailleurs, si l'insuffisance professionnelle ne résulte pas nécessairement d'un comportement volontaire, elle doit révéler l'inaptitude du salarié à assumer ses fonctions, son incompétence au regard de la prestation de travail que l'employeur pouvait légitimement attendre en application du contrat de travail, alors que les manquements ainsi objectivés doivent par leurs répercussions perturber la bonne marche de l'entreprise.
L'attention de l'intéressé avait été attirée de manière soutenue par la Direction depuis trois ans, notamment sur la nécessité d'adapter sa stratégie commerciale, de faire preuve de rigueur dans le suivi des flux marchandises et de sécuriser les flux monétaires. L'Audit du 30 juin 2015 révèle pourtant de manière objective une nouvelle dégradation de la situation du magasin, qui illustre pleinement l'insuffisance professionnelle de y. G. à tout le moins son inaptitude, pour occuper le poste de responsabilité qui lui a été confié, nonobstant son expérience antérieure. D'ailleurs, force est de constater que l'incident révélé à la Société G par la société H traduit le manque de rigueur déjà reproché au salarié, qui ne peut s'affranchir des process qu'il doit nécessairement parfaitement maîtriser et dont il a la charge du respect en sa qualité de Directeur du magasin. Au regard de l'ensemble de ces éléments, les premier juges ont à bon droit retenu que le licenciement de y. G. repose sur un motif valable.
Par application des dispositions de l'article 13 de la Loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages-intérêts. Constitue un licenciement abusif, le licenciement intervenu pour un motif fallacieux ou avec une intention malveillante, ou encore dans des circonstances brutales et vexatoires. Il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve. La décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux, excluant à ce titre tout comportement fautif de l'employeur ouvrant droit à indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement. Ces circonstances excluent la légèreté blâmable retenue par les premiers juges, justifiant de réformer sur ce point la décision rendue.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 9 JUILLET 2019
En la cause de :
- La Société A, Société Anonyme Monégasque (SAM) au capital social de XXX euros, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le numéro XX, dont le siège social est situé à Monaco (MC 98000) - X1 prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice, Madame m. M. domiciliée en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Nicolas MATTEI, avocat au barreau de Nice ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Monsieur y. G., né le 22 juillet 1973 à Lyon (69000), de nationalité française, demeurant à Nice (06000) - X2;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du travail, le 17 mai 2018 ;
Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 4 juillet 2018 (enrôlé sous le numéro 2019/000002) ;
Vu les conclusions déposées les 27 novembre 2018 et 14 mai 2019 par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de Monsieur y. G.;
Vu les conclusions déposées le 12 mars 2019 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de la SAM A ;
À l'audience du 21 mai 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par la SAM A à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail du 17 mai 2018.
Considérant les faits suivants :
y. G. a été embauché en juillet 1995 par la SAS B en qualité de conseiller de vente dans la société C (agglomération lyonnaise).
Il a ensuite fait l'objet de diverses mutations et avancements, avant d'être embauché à compter du 1er décembre 2011 par la SAM A dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de Directeur de magasin.
Par courrier en date du 10 juin 2015, y. G. a été convoqué à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement, prévu le 18 juin 2015.
Par courrier recommandé en date du 28 juillet 2015, la SAM A a notifié à y. G. son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Soutenant que son licenciement n'est pas fondé sur un motif valable, y. G. a saisi le 13 avril 2016 le bureau de conciliation du Tribunal du travail et après échec de la tentative de conciliation préalable, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement rendu le 17 mai 2018, le Tribunal du travail a :
- dit que le licenciement de y. G. par la société anonyme monégasque A repose sur une cause valable mais revêt un caractère abusif,
- condamné la SAM A à payer à y. G. la somme de 40.000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
- débouté y. G. du surplus de ses demandes,
- condamné la SAM A aux dépens.
Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu en substance que :
- pour justifier du motif de la rupture, l'employeur fait état d'un certain nombre de griefs ayant eu pour effet d'entrainer une perte de confiance,
- la perte de confiance constitue un motif valable de licenciement dès lors qu'elle ne repose pas seulement sur l'appréciation subjective de l'employeur mais se trouve justifiée par des éléments objectifs, imputables au salarié, susceptibles de vérifications par la juridiction et de nature à rendre impossible le maintien des relations de travail,
- les faits à l'origine de la perte de confiance, en l'occurrence une absence de maîtrise des procédures internes en matière d'acomptes ou d'avance de frais (caractérisée par une avance sur frais à hauteur de 1.100 euros versée à Madame D. salariée, par crédit sur sa carte bancaire) et des manquements notables dans son rôle de Directeur de magasin entraînant des résultats médiocres, sont justifiés en l'espèce,
- l'insuffisance professionnelle de y. G. est par ailleurs établie par des faits objectifs, notamment l'audit sur la situation du magasin réalisé par l'employeur postérieurement à l'entretien préalable, étant précisé que l'employé avait fait l'objet d'une mise en garde,
- bien que le licenciement de y. G. repose sur une cause valable, il revêt un caractère abusif, l'employeur ayant agi au regard des circonstances avec une légèreté blâmable, entraînant un préjudice moral pour le salarié, dès lors que postérieurement à l'entretien préalable l'employeur a fait réaliser un audit dont les circonstances fondent en partie la décision de licenciement et sur lesquelles le salarié n'a pu s'expliquer.
Par exploit délivré le 4 juillet 2018, la SAM A a interjeté appel parte in qua à l'encontre du jugement rendu le 17 mai 2018 par le Tribunal du travail.
Aux termes de son assignation et de conclusions déposées le 12 mars 2019, elle demande à la Cour de :
- dire et juger recevable son appel parte in qua,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de y. G. repose sur un motif valable et débouté ce dernier du surplus de ses demandes,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement revêt un caractère abusif, la condamnant au paiement de la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral de y. G. et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens.
Statuant à nouveau,
- dire et juger que le licenciement de y. G. ne revêt pas un caractère abusif, et ce, avec toutes conséquences de droit,
- débouter y. G. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Y ajoutant,
- condamner y. G. au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts et des entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir d'une part que les termes du courrier de licenciement adressé au salarié, exposant les nombreux manquements qui lui sont reprochés, caractérisent un motif valable de licenciement au sens de l'article 2 de la Loi n° 845 du 27 juin 1968, d'autre part que cette mesure est intervenue dans des conditions tout à fait respectueuses de sa personne.
concernant l'absence de maîtrise des procédures internes en matière d'acompte ou d'avance de frais :
- y. G. en sa qualité de Directeur de magasin, avait parfaitement connaissance des procédures mises en place pour assurer la sécurisation des différents flux, qu'il avait pour obligation de faire respecter et d'appliquer de manière stricte, sous peine de faire perdre toute fiabilité aux flux gérés,
- la procédure d'acompte du personnel n'a pas été respectée ni sécurisée au regard du ticket concernant c. D. exposant la société à un risque important,
- il appartenait à y. G. en sa qualité de Directeur de magasin, de s'assurer de la validité des opérations financières, comptables et bancaires, toute contravention aux règles édictées entrainant une perte de confiance importante à l'égard du salarié,
- son comportement, contraire aux principes de transparence et de loyauté, n'était pas acceptable en sa qualité de Directeur de magasin,
- la mise en place d'un nouveau logiciel CBR au mois d'avril 2014 est demeuré sans incidence sur les procédures de gestion interne comme sur les modalités de gestion des acomptes et avances sur frais,
- le mode opératoire « Winshop » dont il fait état, n'était plus utilisé suite à la mise en place du nouveau système CBR au mois d'avril 2014, soit bien avant les faits qui lui sont reprochés,
- les acomptes ou avances sur frais sont réalisés en espèces ou par virement bancaire, lequel relève de la compétence de la Direction des Ressources Humaines,
- le salarié ne peut en aucun cas créditer une carte bancaire qui n'a pas été préalablement débitée, dans la mesure où ce procédé manque de traçabilité au niveau du système CBR,
- le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux TRACFIN n'autorise pas le « recrédit » d'une carte bancaire non utilisée lors du paiement initial,
- y. G. a reconnu avoir procédé à deux reprises au « recrédit » d'une carte bancaire d'un collaborateur qui n'avait pas été débitée,
- il aurait dû, en cas d'urgence, se rapprocher du service des ressources humaines, ce qu'il n'a pas fait,
- il ne rapporte pas la preuve de ce qu'il en aurait informé la Direction laquelle n'aurait pas été en mesure d'adresser le virement correspondant au montant de l'avance sur frais, d'autant qu'il n'a jamais formulé de demande en ce sens auprès de la Direction des Ressources Humaines et qu'il ne peut se prévaloir d'une quelconque urgence dans le paiement des frais de déplacement d'un collaborateur,
concernant l'audit réalisé le 30 juin 2015 :
- l'audit met en exergue plusieurs irrégularités relatives aux flux monétaires, notamment concernant la réception du paiement par le transporteur, l'absence de signature des remises et retours clients,
- y. G. a outrepassé toutes les règles de procédure imposées pour éviter tout détournement, alors que ces règles s'appliquent à l'ensemble du personnel, en ce compris et surtout au Directeur du magasin,
- l'audit réalisé le 14 juin 2012 au sein de l'établissement avait également révélé une chute du taux de satisfaction de la clientèle, alors que y. G. se targuait des « excellents chiffres de l'audit de juin 2012 » et que les flux monétaires et de marchandises étaient décalés et ne répondaient pas aux standards, ayant justifié la remise d'observations écrites au salarié le 21 juin 2012,
- cette dégradation s'est accentuée en 2015, sans que le salarié puisse se retrancher derrière les limites du logiciel CBR mis en place en 2014, qui constitue un outil de gestion de caisse et non de gestion des acomptes ou avances sur frais,
- l'analyse des résultats par famille de produits démontrait des dysfonctionnements de gestion, sans que le chiffre d'affaires ne constitue le seul critère de rentabilité,
- si l'auditeur s'entretient avec le personnel, notamment le responsable administratif et le responsable flux, une réunion intervient en fin de journée avec le Directeur pour évoquer les différents points,
- suite au rapport d'audit, y. G. a transmis son plan d'action sans contestation, démontrant qu'il a pu répondre au responsable de l'audit avant d'établir ce dernier, de sorte que ses affirmations selon lesquelles il n'aurait pas été en mesure de s'expliquer sur les résultats de l'audit sont mensongères,
concernant les manquements notables dans le rôle de Directeur de magasin :
- l'argumentation adverse sur les qualités professionnelles du salarié est vaine au regard du résultat des différents audits réalisés au sein du magasin de Monaco,
- elle considère pour le surplus avoir usé de son pouvoir de direction, pour prendre, en considération des manquements du salarié, sur la base de faits objectifs, sa décision de rupture de la relation contractuelle, de sorte que la procédure de licenciement ne revêt aucun caractère abusif,
- elle conteste que ce licenciement aurait eu pour cause sa volonté de réduire ses effectifs et ses horaires d'ouverture, rappelant à cet égard qu'elle représente une société à part entière, distincte du groupe français et qu'elle n'est de ce fait pas concernée par le Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) français,
- elle affirme que la modification des horaires d'ouverture visait à s'adapter aux flux de clientèle et aucunement à réduire les coûts, que l'équipe Flux est toujours composée de trois personnes et que la présence d'un Directeur de magasin est indispensable au fonctionnement de l'établissement,
- elle soutient qu'aucune forme de brutalité ne peut lui être reprochée dans la gestion du licenciement de y. G. d'autant que son départ a été préparé de concert entre les parties et que ce dernier a souhaité annoncer lui-même son départ à ses collaborateurs,
- elle critique le raisonnement du Tribunal retenant qu'elle aurait agi dans le cadre de la rupture avec une légèreté blâmable, au motif que le salarié n'aurait pas été en mesure de s'expliquer sur les conclusions du nouvel audit intervenu postérieurement à l'entretien préalable alors que :
elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail,
il n'est pas fait obligation à l'employeur de convoquer le salarié à un entretien préalable,
l'employeur peut faire état de nouveaux motifs de rupture, indépendamment de ceux évoqués au sein du courrier de licenciement, et a fortiori de ceux énoncés lors de l'entretien préalable non obligatoire,
cet audit avait pour seule finalité d'obtenir une nouvelle confirmation de ce que les manquements de y. G. étaient avérés et récurrents,
aucune explication de l'intéressé n'aurait permis de remettre en cause les conclusions de cet audit,
- elle prétend enfin que le préjudice moral du salarié n'est pas caractérisé.
Par écritures en réponse déposées les 27 novembre 2018 et 14 mai 2019, y. G. relevant appel incident parte in qua, a demandé à la Cour de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel parte in qua formé à titre incident,
- réformer le jugement rendu par le Tribunal du travail le 17 mai 2018 en ce qu'il a dit que son licenciement repose sur une cause valable et en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes,
- confirmer le dit jugement pour le surplus,
- déclarer irrecevable et infondée la SAM A en sa demande nouvelle de dommages-intérêts en cause d'appel,
- débouter la SAM A de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- dire et juger que son licenciement n'est pas fondé sur un motif valable,
- dire et juger que son licenciement est abusif.
En tout état de cause,
- condamner la SAM A aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Il fait valoir en préalable que tout au long de sa carrière il a donné pleine et entière satisfaction à son employeur, lequel n'a pas manqué de lui conférer un poste de Directeur de magasin et de lui confier de nombreuses missions tendant à la formation d'équipes de vente ou de manager.
Il conteste ensuite les motifs du licenciement suivi à son endroit, exposant que :
1) sur l'absence de maîtrise des procédures internes en matière d'acompte ou d'avance de frais :
- la procédure « Acompte du personnel/Avance sur frais » Version juin 2013 alors en vigueur, permettait d'obtenir une avance sur frais dans le cadre d'un déplacement professionnel,
- le nouveau système de logiciel de caisse (CBR) mis en place courant 2014 permettait un enregistrement des acomptes ou avances de frais,
- la mise en place de ce nouveau logiciel a posé de nombreux problèmes et il a constaté de multiples anomalies,
- il n'a pas manqué de faire remonter toutes les informations à la SAS B, notamment suite à des problèmes de déphasage du stock, d'absence de changement d'utilisateur des caisses, d'impressions factures,
- dans le courant du mois d'avril 2015, il a de nouveau été confronté à une difficulté sur l'utilisation de ce logiciel lors de la remise d'espèces à deux salariés,
- la Direction n'ayant pas été en mesure d'adresser le virement correspondant, il a été contraint de débiter ces sommes de la Caisse dont le logiciel limite les transactions à deux opérations : soit un retrait d'espèces, soit un paiement par carte bancaire,
- il a respecté la procédure « Acompte du personnel/ Avance sur frais » Version juin 2013, alors en vigueur,
- les espèces dans la caisse étant insuffisantes, il a opté pour le paiement par carte bancaire, seule autre alternative offerte par le logiciel,
- aucune faute ne peut donc lui être reprochée de ce chef, dans la mesure où il était contraint d'agir dans l'urgence.
2) Sur l'absence d'information transmise, de traçabilité de l'opération :
- l'information avait bien été transmise à la Direction des Ressources Humaines qui n'avait pas été en mesure d'assurer le virement des sommes à verser à la salariée concernée, le vendredi 17 avril 2015, puisque cette option n'était pas envisageable,
- la traçabilité de cette opération a été assurée par le logiciel lors de l'émission des tickets de caisse, l'un daté du 13 avril 2015 pour la somme de 200 euros, et le second du 17 avril 2015 pour celle de 1.100 euros,
- par ailleurs, le dossier complet a été remis à la responsable administrative et transmis au service paie pour régularisation.
3) Sur l'audit de la situation de la SAM A en date du 30 juin 2015 :
- l'employeur a déclenché un audit le 30 juin 2015, soit postérieurement à l'entretien préalable de sorte qu'il n'a pas été en mesure de s'expliquer sur les résultats de cet audit,
- dès le mois de novembre 2014, il avait pu identifier des décalages importants entre les chiffres d'affaires et les budgets, et n'avait pas manqué d'en faire part à Monsieur s. S., Responsable de la SAS B,
- ces décalages s'expliquent par la longue période de sous-effectif ayant débouché sur l'intégration de deux personnes qu'il a fallu former aux procédures internes de la SAM A,
- concernant la pénalisation du flux administratif en raison de l'utilisation notamment à deux reprises du recrédit de la carte bancaire :
la SAM A ne justifie d'aucune pénalisation des flux administratifs. Il ne peut être tenu pour responsable des limites du logiciel mis en place en 2014,
- concernant le flux de marchandises qui n'aurait pas atteint les standards impliquant des risques d'écarts de stock et de démarque :
ce reproche est totalement injustifié en l'état des résultats constatés lors de l'inventaire effectué dans la mesure où la SAM A a enregistré le 3ème meilleur résultat en chiffre d'affaires sur tout le réseau français,
- concernant la pénalisation du flux monétaire par une gestion non sécurisée des remises et des retours clients :
cela ne concerne que les marchandises restituées par transporteur, le client n'étant alors pas présent physiquement en magasin pour signer le ticket,
la SAM A ne peut feindre d'ignorer que la gestion de litiges « à distance » ne permettait pas d'avoir la signature des clients.
4) Sur les manquements notables dans le rôle de Directeur de magasin, dont celui de contrôle et de garant de la responsabilité de l'employeur et les résultats médiocres traduits dans l'audit, correspondant au résultat de la gestion du magasin par Monsieur y. G.:
- ce grief n'est pas justifié par l'employeur,
- il avait largement atteint les objectifs de rentabilité sur les années 2012 à 2015, et pris le soin d'adresser à ses responsables un tableau récapitulatif des chiffres d'affaires d'octobre 2011 à septembre 2015,
- le motif réel du licenciement est la volonté de la société G de réduire ses effectifs dans de nombreux magasins ainsi que de réduire les horaires d'ouverture,
- il a été remplacé par un nouveau Directeur ayant une ancienneté beaucoup moins importante, ce qui confirme la volonté de la société G d'évincer les employés ayant une ancienneté importante, et donc un coût important.
Il soutient également le caractère abusif du licenciement dont il a fait l'objet aux motifs suivants :
- il avait près de vingt ans d'ancienneté au sein de la société G et avait accepté sa mutation en Principauté de Monaco en toute confiance,
- la SAM A lui a notifié avec une particulière brutalité la rupture de son contrat de travail, alors que sa carrière au sein de la société G a été irréprochable,
- aucun membre de sa hiérarchie n'a pris le soin de l'appeler lors de son dernier jour de travail, ne serait-ce que pour clôturer le coffre du magasin,
- il a effectué un contrôle contradictoire du coffre afin de partir avec une situation saine des espèces, chèques et caisse monnaie,
- il a subi un licenciement qui l'a discrédité dans son travail et profondément affecté.
Il affirme enfin que la demande de dommages-intérêts formée à son encontre pour la première fois en cause d'appel constitue une demande nouvelle.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu que les appels tant principal qu'incident respectant les règles de forme et de délai édictées par le Code de procédure civile doivent être déclarés recevables ;
Sur le motif de la rupture :
Attendu que y. G. a été licencié suivant lettre recommandée datée du 28 juillet 2015 pour « cause réelle et sérieuse » ;
Que si pareille notion n'existe pas en droit monégasque, il appartient en tout état de cause à l'employeur qui prend l'initiative de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée de son employé pour une raison inhérente à sa personne, de rapporter la preuve de la réalité et de la validité du motif invoqué en cas de contestation ;
Qu'au cas présent, la mesure poursuivie est fondée sur un défaut de maîtrise des procédures internes en matière d'acompte ou avance de frais, une dégradation globale de la situation sur le magasin avec un résultat insuffisant, un flux administratif pénalisé, un flux de marchandises qui n'atteint pas les standards, un flux monétaire pénalisé par une gestion non sécurisée des remises et des retours clients, une dégradation du flux financier, le tout caractérisant des manquements notables dans le rôle de contrôle et de garant de la responsabilité de l'employeur induit par les missions et responsabilités d'un Directeur de magasin ;
Que l'employeur souligne également que les résultats médiocres traduits dans l'audit et correspondant au résultat de sa gestion étaient le reflet de son manque de rigueur et de suivi dans la réalisation de ses missions, déplorant son manque de fiabilité, à l'origine d'une perte de confiance ;
Qu'il ajoute que ces faits et manquements en matière de gestion de son magasin de Monaco étaient préjudiciables au bon fonctionnement du magasin et du Groupe et constitutifs d'une mauvaise exécution de son contrat de travail ;
Que par des motifs pertinents, les premiers juges ont relevé que la perte de confiance constitue un motif valable de licenciement dès lors qu'elle ne repose pas seulement sur l'appréciation subjective de l'employeur mais se trouve justifiée par des éléments objectifs imputables au salarié, susceptibles de vérifications par la juridiction et de nature à rendre impossible le maintien des relations de travail ;
Qu'en l'espèce, il ressort en premier lieu des pièces produites aux débats, parfaitement analysées par les premiers juges que y. G. ne maitrise pas, ou à tout le moins s'affranchit, des procédures mises en place au sein de la société en matière d'acompte ou d'avance de frais ;
Que la procédure litigieuse, qui vise à assurer la sécurisation des différents flux, se trouve explicitée dans la pièce n° 9 produite par y. G. correspondant à la version juin 2013 qui annule et remplace la précédente ;
Que pourtant, le bordereau d'avance sur frais provisoire, établi sous sa responsabilité le 17 avril 2015 au profit de c D. D. relatif au versement à son profit d'une somme de 1.100 euros par crédit de sa carte bancaire personnelle (pièce 6-1 de l'employeur), ne correspond pas à celui devant être utilisé, figurant en modèle sur le document précité décrivant la procédure adéquate ;
Que y. G. ne justifie pas davantage de l'information donnée à la responsable administrative ni de la transmission des documents liés à cette transaction, alors qui plus est que le duplicata du ticket de caisse y afférant ne correspond pas à la réalité de l'opération réalisée, mentionnant « avance sur salaire » et non avance sur frais provisoire ;
Que bien plus, l'opération ainsi menée, induisant une opération de crédit d'une carte bancaire sans débit préalable de ce même support n'était pas autorisée ;
Que la société H a d'ailleurs alerté l'enseigne de cette opération apparue comme douteuse dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux Tracfin, dès le 20 avril 2015 ;
Qu'il appartenait à y. G. en sa qualité de Directeur de magasin, de veiller scrupuleusement à ce que les opérations comptables, financières et bancaires réalisées au sein de la structure qu'il dirige soient autorisées, menées dans le respect des process correspondants et conformes à l'objet affiché ;
Que l'urgence alléguée comme l'absence de blocage technique de la part du logiciel installé en caisse pour parer à une telle opération, ne peuvent autoriser l'intéressé à contourner la procédure applicable en pareille matière ;
Que bien plus, si celui-ci prétend avoir agi dans l'urgence, sans qu'aucune autre solution ne se présente à lui, il ne démontre pas pour autant avoir tenu informé quiconque (Direction, Service des ressources humaines) de la difficulté à laquelle il se trouvait confronté ;
Qu'au terme du compte-rendu de l'entretien avec le salarié, rapporté dans le courriel de p. G. coordinateur réseau France, Directeur du magasin d'Antibes daté du 19 juin 2015, celui-ci a indiqué « j'ai pris une liberté, j'assume mon erreur, je pensais que c'était une évolution de CBR » ;
Que c. P. responsable administrative de la SAM A, reçue le même jour, a pour sa part déclaré « y. ne connait pas les procédures et ne veut pas les connaître. Cela ne l'intéresse pas ; Les contrôles de coffre ne sont pas faits. De toute façon, il ne sait pas faire et ne s'y intéresse pas... Je fais les passages de paie de chez moi quand je suis en vacances, car il n'a jamais voulu s'y intéresser. Il ne sait pas et ne veut pas faire », ajoutant qu' « elle a toujours reporté à y. et demandé des réactions de sa part, qui ne sont jamais arrivées » et qu'elle a « à de nombreuses reprises exigé que les procédures soient respectées, sans succès » ;
Qu'à l'issue de l'audition des deux intéressés, p. G. en a conclu qu'il n'y avait « pas de volonté de malversation de l'un comme de l'autre », relevant « Liberté prise par y. sans respecter les procédures et sans en informer qui que ce soit. A délibérément procéder (sic) par une transaction non inscrite dans les procédures. Ne semble pas avoir pris conscience de la gravité des choses (m'a régulièrement demandé, quels risques ai-je fait courir à l'entreprise en procédant de la sorte ?) » ;
Que si y. G. tente encore de se dédouaner en prétendant que la mise en place du nouveau logiciel de caisse CBR au mois d'avril 2014, censé permettre un enregistrement des acomptes ou avances de frais, a posé de nombreux problèmes et anomalies qu'il n'a pas manqué de faire remonter à la Société G force est de constater que les difficultés dont il se prévaut dans les mails des 23 et 26 avril 2014, 5 mai 2014, 13 mai, 14 mai, 15 mai, 16 mai et 17 mai 2014, concernent des problèmes de déphasage de stock, des absences de changement d'utilisateur de caisse et des impressions factures erronées mais à aucun moment des avances sur salaires ou frais ;
Que l'audit interne réalisé le 30 juin 2015 sur la situation du magasin montre « une dégradation globale de 5.96 points avec un résultat insuffisant à 81,42 % comparé à 87,38 % lors de l'audit réalisé en juin 2012 » et précise notamment que « le flux administratif, avec une forte dégradation à -12.10 points et un taux insuffisant à 84.10 %, est pénalisé par l'utilisation à deux reprises du recrédit de la carte bancaire des collaborateurs pour une avance sur frais et une avance sur salaire alors que ce process n'est pas autorisé car il ne permet pas une réelle traçabilité via la caisse » ;
Que y. G. reconnaît en page 10 de ses conclusions d'appel incident que « dans le courant du mois d'avril 2015, (il) a de nouveau été confronté à une difficulté sur l'utilisation de ce logiciel lors de la remise d'espèces à deux salariés, au titre d'une avance sur salaire (à hauteur de 200 euros pour le salarié a. P. et sur frais (d'un montant de 1.100 euros pour la salariée c. D. D. relative à un déplacement professionnel que cette dernière devait effectuer » ;
Qu'il s'ensuit que le premier grief fondé sur un défaut de maîtrise des procédures internes en matière d'acompte ou avance de frais se trouve parfaitement caractérisé ;
Qu'à cet égard, la perte de confiance qui en résulte n'est pas nécessairement corrélée à la gravité du manquement reproché, à son caractère répété ni aux conséquences qui en sont éventuellement découlées pour l'entreprise ;
Attendu que l'employeur reproche ensuite à y. G. de nombreux manquements, que l'Audit réalisé le 30 juin 2015 aurait mis en lumière et des manquements notables dans son rôle de Directeur de magasin ;
Que ces deux catégories de griefs se recoupent sous l'angle de l'insuffisance professionnelle ;
Que les premiers juges ont exactement relevé à cet égard que si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi ressort du seul pouvoir de l'employeur, le juge doit être en mesure de vérifier que ses exigences étaient justifiées, rendant nécessaire de caractériser l'insuffisance par des faits objectifs et matériellement vérifiables ;
Que par ailleurs, si l'insuffisance professionnelle ne résulte pas nécessairement d'un comportement volontaire, elle doit révéler l'inaptitude du salarié à assumer ses fonctions, son incompétence au regard de la prestation de travail que l'employeur pouvait légitimement attendre en application du contrat de travail, alors que les manquements ainsi objectivés doivent par leurs répercussions perturber la bonne marche de l'entreprise ;
Attendu qu'à cet égard, les attributions et fonctions énumérées à l'article 3 du contrat de travail signé le 1er décembre 2011 entre les parties, prévoient notamment, étant précisé que la liste des tâches qui y figurent ne revêt pas un caractère limitatif ni exhaustif, que « y. G. s'engage à respecter les instructions qui lui seront données et à se conformer aux règles relatives à l'organisation et au fonctionnement interne de la société ainsi qu'au règlement intérieur, aux usages de l'établissement et aux règles d'hygiène et de sécurité...(il) s'engage plus particulièrement à appliquer et à faire appliquer par le personnel sous sa responsabilité toutes les règles, directives et instructions en vigueur conformément à la législation monégasque.... (il) devra apporter dans l'exercice de ses fonctions toute la conscience professionnelle que la Direction est en droit d'attendre d'un salarié ayant son statut...(il) consacrera à l'accomplissement des différentes tâches lui incombant les soins les plus diligents ... » ;
Que la fiche de poste « Directeur de magasin », dont l'objectif du poste se trouve rappelé de manière détaillée par les premiers juges, prévoit notamment que « le Directeur de magasin organise et coordonne l'application de la politique commerciale de l'entreprise au sein de son unité de vente dans le respect de ses objectifs de développement de CA et de maîtrise de ses budgets », alors que figurent au nombre des responsabilités principales, l'animation commerciale et le pilotage des ventes, la gestion administrative, le management et la gestion sociale ;
Que le « compte-rendu visite d'audit » interne précité, réalisé le 30 juin 2015, démontre à suffisance la dégradation de la situation du magasin, passé à un résultat insuffisant de 81,42 % contre 87,38 % lors de l'Audit réalisé en juin 2012, alors qu'après analyse des cinq postes audités (flux de marchandises, flux monétaires, flux financiers, flux de personnes et flux administratifs), l'un d'entre eux obtient un résultat qui n'atteint pas les standards tandis que trois autres sont en régression, conduisant son auteur à conclure qu'il « est urgent d'apporter une amélioration significative sur les points évoqués et leurs commentaires détaillés transmis dans les check listes jointes » tout en précisant se trouver « dans l'attente du plan d'action » ;
Que cette étude doit être mise en perspective avec celle précédemment réalisée le 14 juin 2012, soit six mois environ après la prise de fonction de y. G. en qualité de Directeur du magasin, révélant déjà, avec un taux de 87,30 % une dégradation de 8 points comparé à l'Audit réalisé en juin 2009 ;
Que dans les suites immédiates de ce premier Audit, un courrier avait été adressé à y. G. le 21 juin 2012 par m. B. Directeur des Ressources Humaines, dont les premiers juges ont rappelé utilement le contenu intégral ;
Qu'en effet, après avoir confirmé les résultats de l'Audit réalisé sur l'établissement dont y. G. avait la charge, m. B. indiquait, en caractères gras dans le texte : « En conséquence et afin de vous sensibiliser sur les problématiques du magasin et les risques qui en découlent, nous vous notifions par la présente une observation écrite ;
Nous espérons pouvoir compter sur vous pour corriger et amender la situation sur les points précités ... » ;
Que ce courrier, envoyé sous la forme recommandée, porte en objet la mention « Observation écrite/recadrage », traduisant l'avertissement non équivoque adressé à son destinataire ;
Qu'il s'évince de ces éléments que l'attention de l'intéressé avait été attirée de manière soutenue par la Direction depuis trois ans, notamment sur la nécessité d'adapter sa stratégie commerciale, de faire preuve de rigueur dans le suivi des flux marchandises et de sécuriser les flux monétaires ;
Que l'Audit du 30 juin 2015 révèle pourtant de manière objective une nouvelle dégradation de la situation du magasin, qui illustre pleinement l'insuffisance professionnelle de y. G. à tout le moins son inaptitude, pour occuper le poste de responsabilité qui lui a été confié, nonobstant son expérience antérieure ;
Que d'ailleurs, force est de constater que l'incident révélé à la Société G par la société H traduit le manque de rigueur déjà reproché au salarié, qui ne peut s'affranchir des process qu'il doit nécessairement parfaitement maîtriser et dont il a la charge du respect en sa qualité de Directeur du magasin ;
Attendu qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, les premier juges ont à bon droit retenu que le licenciement de y. G. repose sur un motif valable ;
Que la décision déférée sera donc confirmée de ce chef ;
Sur le caractère abusif du licenciement :
Attendu que par application des dispositions de l'article 13 de la Loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages-intérêts ;
Que constitue un licenciement abusif, le licenciement intervenu pour un motif fallacieux ou avec une intention malveillante, ou encore dans des circonstances brutales et vexatoires ;
Qu'il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve ;
Attendu qu'au cas présent, y. G. soutient le caractère manifestement abusif du licenciement dont il a été l'objet, invoquant les circonstances brutales et vexatoires qui l'ont entouré ;
Qu'il fait valoir tout à la fois que :
- postérieurement à l'entretien préalable auquel il a été convié, l'employeur a fait réaliser un audit dont les conclusions fondent la décision de licenciement et sur lesquelles il n'a pas été en mesure de s'expliquer,
- la SAM A lui a notifié avec brutalité la rupture de son contrat de travail alors que sa carrière au sein de la société a été irréprochable,
- suite à son licenciement, il a éprouvé les plus grandes difficultés à obtenir de la Direction des Ressources Humaines des informations quant à ses heures de recherche d'emploi et quant à la communication qu'elle souhaitait faire à son équipe sur son départ,
- il a été félicité le 10 septembre 2015, pendant la période de préavis, de manière tout à fait indélicate par le Président de la société G pour les 20 années passées au sein du groupe ;
Qu'en premier lieu, il ressort des pièces produites, ci-dessus analysées, que le grief avancé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé ;
Que si y. G. déplore ne pas avoir été en mesure de s'expliquer sur les résultats de l'Audit du 30 juin 2015 déclenché après l'entretien préalable et qui incrimine son action, il convient de relever d'une part qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit à l'employeur de faire état de nouveaux éléments postérieurement à l'entretien préalable, au demeurant non obligatoire, d'autre part qu'il a pu débattre de ces conclusions soumises à son contradictoire, comme en témoigne le plan d'action élaboré par ses soins, qui propose diverses solutions, sans contestation directe et avérée des résultats négatifs communiqués ;
Que bien plus, le document établi à son initiative intitulé « Plan d'action Audit » fait état d'une date de mise en œuvre des correctifs dès le 25 juillet suivant et emploie à diverses reprises dans la colonne « suivi », la locution « reprise des points d'audit une fois par mois pour maintenir les items validés et progresser sur ceux à renforcer ou décalés », attestant de la réalité des défaillances pointées et de la nécessité d'y remédier ;
Qu'enfin, y. G. ne peut faire abstraction de l'ensemble des difficultés mises à jour, dont il a lui-même admis la réalité en proposant des solutions, en se prévalant uniquement des résultats du chiffre d'affaires réalisés entre 2012/2013 et 2014/2015 dès lors que cet élément ne constitue pas le seul critère de rentabilité d'un magasin comme utilement souligné par les premiers juges ;
Que ce faisant, la Cour ne peut suivre y. G. dans son argument selon lequel le motif réel de son licenciement réside dans la volonté de la société G de réduire ses effectifs dans de nombreux magasins ainsi que de réduire les horaires d'ouverture, d'autant que le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) dont il fait état ne concerne que les établissements français, quand bien même la mesure le concernant s'emplace dans une période de restructuration du Groupe français J avec lequel la SAM A entretient un lien de proximité indéniable ;
Que l'intéressé ne démontre donc pas avoir été licencié pour une autre cause que celle énoncée, dont il a été établi dans le cadre des développements qui précèdent qu'elle constituait un motif valable ;
Qu'il s'ensuit que la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux, excluant à ce titre tout comportement fautif de l'employeur ouvrant droit à indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement ;
Que s'agissant des conditions de mise en œuvre de la rupture, le déroulement de la procédure suivie ne démontre pas davantage que l'employeur aurait fait preuve d'une quelconque légèreté blâmable, précipitation fautive ou brutalité dans l'annonce, alors notamment que la lettre recommandée portant notification de la décision de licenciement lui a été adressé le 28 juillet 2015, soit sept semaines après sa convocation en entretien préalable le 10 juin 2015 et plus d'un mois après les conclusions de l'Audit interne du 30 juin 2015, à l'égard duquel il s'était expliqué en proposant un plan d'action ;
Qu'il en va de même de la mise en œuvre de la mesure poursuivie, dès lors que le salarié n'a pas été dispensé de l'exécution de son préavis de trois mois, traduisant l'absence de précipitation dans l'organisation de son départ programmé et de caractère vexatoire susceptible de l'accompagner ;
Que l'envoi le 10 septembre 2015 à y. G. d'une lettre de félicitations pour ses 20 ans de carrière au sein du groupe J par H G. Président de la SAS B, qui n'est pas l'employeur de l'intéressé, ne saurait lui être imputé à faute dans le cadre du licenciement mis en œuvre ;
Que pour le surplus, certes, le mail adressé le 28 août 2015 par y. G. concernant ses heures de recherches d'emploi n'a reçu réponse, après relance du 17 septembre suivant, que le lendemain 18 septembre 2015 ;
Que toutefois ce mail a été complété par un nouveau mail adressé le 29 septembre 2015 par a. E. Directrice des ressources humaines, à y. G. lequel apporte toutes les réponses souhaitées au salarié relativement aux conditions de son départ, lequel ne sortait officiellement des effectifs que le 7 novembre suivant au soir, date ramenée au 10 octobre 2015 pour tenir compte de ses heures de recherche d'emploi ;
Que le ton employé démontre la proximité des interlocuteurs, qui ont d'ailleurs convenu de s'appeler « comme convenu mercredi à 11 h pour échanger avec p. sur le discours de jeudi avec les collaborateurs de Monaco » ;
Qu'une telle mention accrédite la thèse de l'employeur de la préparation de la sortie de l'entreprise de y. G. de concert entre les parties ;
Que ces circonstances excluent la légèreté blâmable retenue par les premiers juges, justifiant de réformer sur ce point la décision rendue ;
Sur la demande de dommages-intérêts :
Attendu que la SAM A réclame la condamnation de y. G. à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts, au motif que celui-ci l'a contrainte « à mettre avocat à la barre pour se défendre » ;
Que pareille prétention s'analyse en une demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Que y. G. soulève l'irrecevabilité au motif qu'elle constitue une demande nouvelle prohibée par les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 431 du Code de procédure civile ;
Que force est de constater que la SAM A, attraite par son salarié devant le Tribunal du travail, s'est abstenue de formuler toute prétention à ce titre devant les premiers juges ;
Que cette demande formée pour la première fois en cause d'appel n'entre pas dans les prévisions dérogatoires instituées in fine par l'article précité ;
Qu'elle sera en conséquence déclarée irrecevable comme constituant une demande nouvelle ;
Sur les dépens :
Attendu que partie succombante, y. G. sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevables les appels principal et incident formés par la SAM A et y. G. à l'encontre du jugement rendu le 17 mai 2018 par le Tribunal du travail,
Confirme le jugement précité en ce qu'il a dit que le licenciement de y. G. par la SAM A repose sur un motif valable,
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de y. G. par la SAM A ne revêt pas de caractère abusif,
Déboute y. G. de l'ensemble de ses demandes,
Déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la SAM A,
Condamne y. G. aux entiers dépens de première instance ;
Le condamne en outre aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistées de Madame Bénédicte SEREN-PASTEAU, Greffier,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 9 JUILLET 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Bénédicte SEREN-PASTEAU, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général.