Cour d'appel, 2 juillet 2019, La Société M Z. di A. Z. & C. S.A.S. c/ Monsieur g. R.
Abstract🔗
Appel civil - Recevabilité de l'appel - Demande - Prétention - Moyen - Conséquences en droit - Procédure civile - Attestations - Attestation de témoin - Conditions - Nullité (oui)
Résumé🔗
La « demande » figurant au dispositif des écritures de l'intimé, aux fins de voir « constater » ne constitue pas une prétention mais un moyen auquel il sera répondu par la Cour d'appel.
La demande de « donner acte » ne constitue pas davantage une prétention et n'emporte par elle-même aucune conséquence juridique de plein droit.
Les dispositions non appelées du jugement entrepris sont définitives.
Les attestations établies par des témoins doivent respecter le formalisme édicté, à peine de nullité, par l'article 324 du Code de procédure civile. En l'espèce, si l'auteur de cette pièce confirme « l'enregistrement des opérations de vente et d'encaissement du mois de septembre 2013 », faisant, par la même, état de faits qu'il a personnellement constatés, force est de constater que cette relation est faite sous la forme d'un simple courrier, qui ne répond pas aux exigences légales posées pour constituer une attestation.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
R.
ARRÊT DU 2 JUILLET 2019
En la cause de :
- La Société M Z. di A. Z. & C. S. A. S., dont le siège social se trouve via X1- 20121 à Milan (Italie), agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Monsieur g. R., demeurant et domicilié X2 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 15 décembre 2016 (R. 1724) ;
Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 25 juillet 2018 (enrôlé sous le numéro 2019/000011) ;
Vu les conclusions déposées les 29 janvier 2019 et 2 mai 2019 par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de Monsieur g. R. ;
Vu les conclusions déposées le 12 mars 2019 par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de la Société M Z. di A. Z. & C. S. A. S. ;
À l'audience du 7 mai 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par la Société M Z. di A. Z. & C. S.A.S. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 15 décembre 2016.
Considérant les faits suivants :
La société de droit italien M Z. di A. Z. & C. SAS, société familiale ancienne spécialisée dans la philatélie, a depuis 2012 pour client g. R. collectionneur, avec lequel elle a conclu plusieurs transactions d'achat de timbres de valeur.
Soutenant que ce dernier n'a pas honoré les termes de l'échéancier qu'elle lui avait accordé, à sa demande le 23 avril 2013, et n'a pas procédé au paiement de la facture relative à la vente intervenue le 10 juillet 2013, malgré mise en demeure de son conseil en date du 5 décembre 2014, la société M Z. di A. Z. & C. SAS a fait citer g .R ressortissant italien résidant en Principauté de Monaco, en paiement de la somme principale de 110 000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et de la somme accessoire de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement contradictoire rendu le 15 décembre 2016, le Tribunal de première instance a :
écarté des débats diverses pièces produites par la société Z.
condamné g. R. à payer à la société de droit italien M Z. di A. Z. & C. SAS la somme de 42 986 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2014,
débouté g.R.de sa demande de délais de paiement,
débouté les parties de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts,
ordonné la compensation des dépens.
Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu en substance que :
les pièces A, B-C-D, D, E et F non accompagnées de leur traduction en langue française, doivent être écartées des débats,
la réalité de ventes dont le paiement du solde est réclamé n'est pas contestée,
la société requérante échoue à rapporter la preuve de la vente prétendument conclue en septembre 2013 que son client aurait payée comptant,
faute pour elle de démontrer que la somme de 67 000 euros, réglée par chèque par g. R. en septembre 2013 serait intervenue en paiement d'une transaction postérieure, ce paiement doit être imputé sur les créances antérieures, résultant des ventes conclues début 2013 et en juillet 2013,
dans la mesure où il n'est pas contesté et confirmé par les pièces produites que g. R. a restitué plusieurs catalogues d'une valeur totale de 99 000 euros en octobre 2013 et s'est acquitté ensuite des sommes de 24 007 euros, 50 007 euros et 110 000 euros, la somme de 350 014 euros doit être déduite du montant des ventes avérées,
une fois ce montant déduit du total des transactions litigieuses (393 000 euros), g. R. reste redevable de la somme de 42 986 euros, ainsi qu'il le reconnaît,
la désignation d'un expert chargé d'estimer la valeur des timbres susceptibles d'être restitués en contrepartie de cette somme aurait pour effet d'alourdir et de retarder l'issue de la procédure introduite il y a plus de 21 mois,
le Tribunal est dans l'impossibilité d'apprécier la position du débiteur au sens des dispositions de l'article 1099 du Code civil, g. R. n'ayant versé aucune pièce justificative à l'appui de sa demande de délais,
la résistance abusive et injustifiée du débiteur n'est pas démontrée par la société Z. qui succombe partiellement, alors qu'il a toujours contesté le montant des sommes réclamées et avait offert de régler la somme qu'il estimait devoir en réponse au courrier de mise en demeure dont il avait été destinataire,
l'action diligentée à l'encontre de g. R. n'est pas constitutive d'un abus du droit d'agir alors qu'il ne s'est acquitté d'aucun règlement, même partiel, de la somme qu'il reconnaissait pourtant devoir.
Par exploit délivré le 25 juillet 2018, la société M Z. di A. Z. & C. SAS a interjeté appel parte in qua à l'encontre du jugement rendu le 15 décembre 2016, non signifié.
Aux termes de son exploit et de conclusions déposées le 12 mars 2019, la société appelante a demandé à la Cour de :
déclarer son appel recevable et le dire bien fondé,
confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné g. R. à lui payer la somme de 42 986 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2014 et débouté ce dernier de ses demandes de délais de paiement et de dommages-intérêts pour résistance abusive,
le réformer pour le surplus et statuant à nouveau, y ajoutant,
condamner g. R. à lui payer la somme de 67 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2014, outre celle de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
débouter g.R.de son appel incident, comme de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
condamner g. R. aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de traduction, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
plusieurs autres ventes de timbres sont intervenues en marge de celle objet de la facture n° 23 d'un montant de 109 000 euros,
elle a ainsi vendu le 11 septembre 2013 à g. R. des pièces pour un montant de 68 050 euros et lui a offert, hors facture, des lettres publicitaires d'Italie au prix de vente de 4 500 euros, arrondissant le tout à titre commercial à la somme de 67 000 euros, réglées par chèque par ce dernier,
cet achat a été inscrit dans le document fiscal définitif établi, en évaluant finalement les lettres précitées au prix de 3 000 euros pour tenir compte de la remise accordée et en incluant uniquement le lot n° 7 pour des raisons fiscales et comptables,
g. R.ne peut donc déduire de la somme de 109 000 euros dont il est redevable, une somme de 67 000 euros qu'il a effectivement versée au mois de septembre 2013, mais en règlement d'autres timbres et lettres à hauteur de 59 000 euros + 8 000 euros,
que le règlement de cette somme de 67 000 euros en septembre 2013 ne peut constituer un acompte à valoir sur la somme de 109 000 euros due à l'échéance de juillet 2014,
le Tribunal a inversé la charge de la preuve dès lors qu'il appartient à g.R.de rapporter la preuve de ce qu'il s'est bien libéré de l'obligation de paiement qui lui incombe,
le simple fait qu'il ait émis un chèque de règlement de 67 000 euros n'implique pas que cette somme venait en déduction de celle, reconnue par ses soins, de 109 000 euros (+ 1 000 euros),
son comportement est caractéristique d'un débiteur de mauvaise foi alors qu'il ne s'est toujours pas acquitté des sommes dont il admet pourtant être redevable depuis des années et qu'il a bénéficié de délais largement suffisants pour s'en acquitter,
une dette contractuelle ne peut se compenser avec une hypothétique créance indemnitaire.
Par écritures en réponse déposées les 29 janvier et 2 mai 2019, g. R. a formé appel à titre incident, demandant à la Cour de :
déclarer nulle et écarter des débats la pièce adverse n° 35, pour défaut de respect du formalisme prévu par l'article 324 du Code de procédure civile,
constater qu'il a déjà réglé une somme totale de 251 014 euros sur un montant de facturation global de 294 000 euros, après restitution à hauteur de 99 000 euros,
lui donner acte de ce qu'il reconnaît devoir une somme totale de 42 986 euros, au titre des ventes passées et qu'il propose, soit de restituer des timbres de la vente du 10 juillet 2013 pour une valeur équivalente, soit de procéder au règlement de ce solde sur 12 mois, à raison d'échéances mensuelles de 3 582,16 euros, en application de l'article 1099 du Code civil,
dire et juger que la société M Z. di A. Z. & C. SAS tente de se prévaloir d'une prétendue vente qui aurait eu lieu en septembre 2013 sans fondement, ni justificatif,
En conséquence,
confirmer le jugement du Tribunal de première instance du 15 décembre 2016 du seul chef du quantum de la dette de 42 986 euros qu'il reconnaît devoir à la société Z.
le réformer en ce qu'il a rejeté sa demande de délais de paiement sur 12 mois, à raison de 3 582,16 euros par mois, en application de l'article 1099 du Code civil, à titre reconventionnel,
condamner la société M Z. di A. Z. & C. SAS à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices matériel et moral résultant de la procédure abusive, vexatoire et initiée avec une légèreté fautive à son endroit,
condamner la société M Z. di A. Z. & C. SAS aux entiers frais et dépens, en ce compris tous frais et accessoires, frais d'huissiers, d'expertises et de traduction éventuelles, dont distraction au profit de Monsieur le Bâtonnier MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Il objecte que :
aucune vente n'est intervenue entre les parties au mois de septembre 2013, comme affirmé de manière mensongère par la partie adverse sur la base de documents falsifiés,
les explications et chiffres avancés par l'appelante, relativement à cette prétendue vente, ne correspondent à rien et laissent perplexes,
l'attestation émanant de l'expert-comptable ne précise à aucun moment que la vente aurait eu lieu à son profit ni à quelle date,
les documents produits par ses soins démontrent que le règlement de la somme de 67 000 euros intervenu le 16 septembre 2013 correspondait au paiement partiel de la vente conclue le 10 juillet 2013 pour un montant de 109 000 euros, attestant de sa bonne foi,
les difficultés financières qu'il rencontre ne lui permettent pas de s'acquitter du paiement de la somme résiduelle de 42 986 euros dont il n'a jamais contesté rester redevable, en un seul versement,
il ne saurait lui être reprochée une quelconque résistance abusive ou de ne pas s'être acquitté des causes du jugement du Tribunal de première instance alors que la société Z. n'a jamais formulé aucune demande en ce sens, ni même signifié la décision qu'elle conteste aujourd'hui tardivement avec mauvaise foi,
l'attitude déloyale de l'appelante qui a porté contre lui des accusations infondées pour le présenter comme un mauvais payeur, en créant de toutes pièces une prétendue vente aux fins de lui soutirer de manière abusive de l'argent et qui a délibérément attendu plus de 18 mois pour interjeter appel à l'encontre d'une décision qu'elle n'a pas fait signifier, caractérise de sa part un abus du droit d'agir en justice.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel
Attendu que les appels principal et incident, interjetés à l'encontre du jugement rendu le 15 décembre 2016, non signifié, respectant les règles de forme et de délai édictées par le Code de procédure civile doivent être déclarés recevables ;
Attendu que la « demande » figurant au dispositif des écritures de l'intimé, aux fins de voir « constater » ne constitue pas une prétention mais un moyen auquel il sera répondu dans le corps du présent arrêt ;
Que la demande de « donner acte » ne constitue pas davantage une prétention et n'emporte par elle-même aucune conséquence juridique de plein droit ;
Attendu enfin que les dispositions non appelées du jugement entrepris sont désormais définitives ;
Sur la demande de nullité de la pièce n° 35 produite par la société Z.
Attendu qu'aux termes de l'article 323 du Code de procédure civile, lorsque la preuve testimoniale est admissible, le Tribunal peut recevoir des tiers les déclarations de nature à l'éclairer sur les faits litigieux auxquels ils ont assisté ou qu'ils ont personnellement constatés, ces déclarations étant faites par attestations ou recueillies par voie d'enquête ;
Que l'attestation établie doit alors respecter le formalisme édicté à peine de nullité par l'article 324 du même code ;
Attendu qu'en l'espèce, g. R. poursuit la nullité de l'attestation délivrée le 23 juin 2017 par l'expert-comptable de la société appelante au motif « qu'elle ne respecte pas le formalisme légal prévu à peine de nullité par l'article 324 du Code de procédure civile » ;
Que si l'auteur de cette pièce confirme en effet « l'enregistrement des opérations de vente et d'encaissement du mois de septembre 2013 », faisant par la même état de faits qu'il a personnellement constatés, force est de constater que cette relation est faite sous la forme d'un simple courrier, qui ne répond pas aux exigences légales posées pour constituer une attestation ;
Que ce document encourt donc la nullité et sera écarté des débats ;
Sur la demande principale en paiement
Attendu qu'aux termes de l'article 1162, alinéa 1er du Code civil, « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » ;
Que si l'article 1188 du même code prescrit qu'il doit être passé acte devant notaire ou sous signature privée de toute chose excédant la somme ou valeur de 1 140 euros et qu'il ne peut être reçu aucune preuve par témoins contre ou outre le contenu aux actes, l'article 1194 prévoit cependant que cette règle peut recevoir exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit ;
Que l'article 1200 du code précité dispose enfin que les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées à la lumière et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans le cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol ;
Attendu qu'en l'espèce, g. R. reconnaît s'être fait présenter par la société appelante plusieurs catalogues de timbres de collection à son domicile monégasque pour les étudier et définir ses choix, avant de les acquérir ;
Qu'il admet ainsi qu'un récapitulatif de ses achats a été dressé le 23 avril 2013, pour un montant de 284 000 euros, dont les échéances de paiement étaient fixées comme suit :
15 décembre 2013 : 24 000 euros,
31 janvier 2014 : 50 000 euros,
31 mars 2014 : 110 000 euros,
15 avril 2014 : 100 000 euros ;
Qu'il concède qu'une nouvelle vente est intervenue entre les parties le 10 juillet 2013 pour un montant de 109 000 euros ;
Que la note manuscrite établie le 10 juillet 2013, produite en pièce n° 2 par l'appelante, portant détail des achats et de leur prix, confirme tout à la fois la remise des articles à leur acquéreur à cette date et la date du paiement, devant intervenir fin juillet 2014 ;
Que ce document porte la signature de g. R. qui authentifie par la même les modalités de cette vente ;
Que le débat portant sur l'ajout par la société Z.de la somme de 109 000 euros sur l'exemplaire de l'échéancier manuscrit établi entre les parties et signé par g. R. dont elle explique la mention comme constituant un « aide-mémoire » est donc sans réel intérêt, l'acheteur reconnaissant se trouver redevable de la somme en cause, comme le démontre sa signature apposée sur la note précitée ;
Que le montant de ses acquisitions s'établit donc, selon lui, à la somme totale de 393 000 euros ; Qu'il affirme ensuite avoir :
procédé à un règlement par chèque d'un montant de 67 000 euros le 17 septembre 2013, débité le 20 septembre 2013,
restitué plusieurs catalogues pour une somme globale de 99 000 euros,
réglé les échéances convenues par virements de 24 007 euros le 8 janvier 2014, 50 007 euros le 14 mars 2014 et 110 000 euros le 5 août 2014 ;
Que le montant des règlements opérés, en ce compris la restitution, s'élève ainsi à la somme de 251 014 euros ;
Attendu que la société appelante ne conteste pas les versements intervenus, au demeurant corroborés par les pièces produites aux débats, mais prétend avoir perçu la somme de 67 000 euros en règlement d'une transaction distincte, intervenue le 11 septembre 2013, dont g. R. conteste la réalité ;
Que comme relevé à juste titre par les premiers juges, le montant du prix consenti pour cette vente correspondant précisément au delta séparant la demande en paiement soutenue par le vendeur (110 000 euros) de la reconnaissance des sommes dues par l'acquéreur (43 000 euros environ), il appartient à la société M Z. di A. Z. & C. SAS, qui se prétend créancière, de justifier de la réalité de cette vente ;
Attendu qu'à cet égard, force est de constater que la société M Z. di A. Z. & C. SAS ne fournit aucun devis ou document signé par g. R. ;
Que pour autant, figurent au nombre des pièces produites, un document manuscrit daté du 11 septembre 2013 (pièce n° 30), portant indication du nom de M. R. suivi de 23 lignes correspondant à l'évidence à la description sommaire de timbres, lots ou produits assimilés et à leur prix de vente individuel, comportant pour 22 d'entre elles un petit « v » en début de ligne à l'exception de la dernière qui se trouve invalidé par une rature de tout son long ;
Que cet écrit, qui mentionne au final la somme de 68 050 euros, revêt l'apparence d'un inventaire, soumis à l'examen du client qui en a validé la majorité des termes, à l'exception d'un seul ;
Que ce document est à rapprocher d'un deuxième décompte manuscrit (pièce n° 31 de l'appelante) identifiant divers articles avec leur prix d'origine et une proposition de prix de vente, en tout point similaire à ceux précédemment établis au titre des autres ventes conclues entre les parties ;
Qu'il s'agit manifestement d'une proposition commerciale faisant suite aux choix de lots et pièces validés par le client ;
Que son examen attentif démontre qu'il reprend, en les regroupant par localités ou pays, les produits présentés le 11 septembre 2013 et affine leur prix pour aboutir, après remise commerciale sur chacun d'eux, à un total de
67 000 euros ;
Que ce document porte en son en-tête la mention « Enreg. ce samedi/chèque Banque mardi », suivi du nom « R. », puis après diverses références d'articles accompagnés des prix « Tot... » et « divers nets », la mention de « Lot n° 3495 » et le chiffre 8 000 en correspondance, et enfin la somme finale de 67 000 euros ;
Que se trouve également produit un ticket de caisse à l'en-tête de la société appelante, daté du 16 septembre 2013, reprenant très exactement les montants figurant en regard des articles énumérés dans le document manuscrit ci-dessus examiné, à l'exception de la somme de 8 000 euros, parvenant de ce fait à un total de 59 000 euros ;
Que par attestation délivrée le 12 février 2019, Roberto MAURI, expert-comptable de la société M Z. di A. Z. & C. SAS, « confirme la comptabilisation des opérations de vente et d'encaissement portant sur le mois de septembre 2013 » de la société dont s'agit ;
Qu'après avoir examiné le décompte manuscrit et le ticket de caisse sus-évoqués, il précise que ce dernier, « d'un montant de 59 000 euros a été régulièrement comptabilisé tant dans le registre des ventes que dans le journal d'encaissement de la société... Le ticket de caisse se réfère à une vente de marchandises propres détaillée dans le document annexé référencé sous le n° 5. Le chèque de 67 000 euros du 17 septembre 2013 a été régulièrement encaissé et comptabilisé dans le journal d'encaissement de la société. La différence entre le ticket de caisse émis d'un montant de 59 000 euros et le chèque de 67 000 euros découle de marchandises décrites comme marchandises de tiers pour un montant de 8 000 euros ; il s'agit en effet de marchandises pour lesquelles la société ... détenait un mandat régulier de dépôt-vente pour le compte de tiers (VCT) » ;
Que la facture émise le 16 septembre 2013 par la société Z. à l'égard d'un tiers pour un montant de 2 000 euros, au titre de la « commission sur vente du lot n° 3495 à 8 000 euros... d'après mandat de vente daté du 19 mai 2006... », accrédite les explications fournies par l'attestant ;
Que l'examen de cette pièce démontre par ailleurs qu'elle a été établie le même jour que le ticket de caisse récapitulatif d'un montant de 59 000 euros, induisant que les deux opérations se trouvaient effectivement liées ;
Qu'il s'avère enfin qu'un chèque de banque a été émis le 17 septembre 2013 à l'ordre de la société Z. pour un montant de 67 000 euros à partir du compte de b. G. R.;
Que la date de son émission correspond précisément à un mardi, tel que cela était prévu entre les parties comme en témoigne la mention en en-tête de la note manuscrite (« Enreg. ce samedi/chèque Banque mardi ») constituant la pièce n° 31 susvisée ;
Qu'il convient encore de relever que le montant ainsi acquitté correspond exactement à l'addition du montant de la vente directe d'articles du catalogue de la société Z. (59 000 euros) et de celle du lot n° 3495 opérée sur mandat (8 000 euros) ;
Qu'il sera enfin souligné qu'a été portée en marge du document manuscrit daté du 11 septembre 2013 la mention suivante :
« 67 000 CHÈQUE CFM 05283 3000012 »
accréditant la thèse développée par l'appelante selon laquelle le paiement litigieux correspondait au paiement comptant de la vente contestée ;
Que l'analyse conjuguée de l'ensemble de ces pièces justifie de la réalité d'une transaction distincte intervenue entre la société M Z. di A. Z. & C. SAS et g. R.au mois de septembre 2013 pour un montant de 67 000 euros ;
Que l'examen des modalités d'autres ventes intervenues entre la société Z. et g. R. révèle par ailleurs que ce dernier a précédemment émis des chèques en règlement de ses acquisitions dont le montant correspondait exactement au paiement intégral des factures émises (chèques de 10 512 euros et 2 568 euros du 31 octobre 2013 figurant en pièce F, non invalidés par les premiers juges) ;
Que s'il bénéficiait d'un échéancier amiablement consenti le 23 avril 2013 par son vendeur lui accordant des facilités de paiement, g. R. ne justifie pas de ce que le paiement par lui effectué de la somme de 67 000 euros correspondrait à l'une des mensualités arrêtées, lesquelles s'établissent aux sommes de 24 000 euros, 50 000 euros, 110 000 euros et 100 000 euros (ramenée à 1 000 euros après restitution d'une partie de la marchandise d'une valeur de 99 000 euros) ;
Que dans un tel contexte et au regard des éléments ci-dessus développés, la Cour ne peut le suivre dans son affirmation selon laquelle le règlement de la somme de 67 000 euros représenterait un paiement partiel des sommes dues au titre des ventes passées début 2013 et en juillet 2013, dont le montant avait été précisément défini dans le cadre de l'échéancier convenu ;
Que les approximations de g. R. concernant ses engagements financiers ressortent également des termes de son mail daté du 13 décembre 2014 adressé au conseil de son vendeur, dans lequel il explique avoir eu en sa possession, en attendant de décider d'acheter le 23 avril 2013, des timbres pour une valeur de 210 000 euros, dont il a restitué le 30 octobre 2013 une partie pour un montant de 99 000 euros, et que « le solde de 111 000 euros a donc été réglé le 5 août 2014 par un virement bancaire de 110 000 euros » ;
Qu'il ne s'explique pas sur la différence de 1 000 euros entre ces deux sommes, qu'il passe totalement sous silence, alors qu'elle représentait clairement le solde de l'échéance due au 15 avril 2014 après déduction de la restitution de 99 000 euros ;
Que cette désinvolture s'exprime également dans le non-respect des délais de paiement accordés, le paiement précité venant s'imputer sur les échéances exigibles aux 31 mars 2014 (110 000 euros) et 15 avril 2014 (1 000 euros) selon ses propres affirmations visant la somme de 111 000 euros, sans que l'intéressé ne justifie ni même n'allègue qu'un report supplémentaire de paiement lui aurait été consenti par son vendeur ;
Qu'enfin, l'analyse des pièces produites par l'appelante, réalisée à la lumière des explications fournies dans ses écritures, permet de définir le modus operandi mis en place par les parties dans le cadre de leurs relations commerciales, le vendeur présentant diverses marchandises au domicile de son client, listées sur papier libre avec leur prix, que ce dernier conserve par devers lui le temps nécessaire à leur examen propre à déterminer ses choix d'acquisition, au terme duquel le vendeur établit une proposition d'achat comprenant une remise à titre commercial ;
Qu'à ce titre, le document signé le 10 juillet 2013 par g. R. pour un montant total de 109 000 euros comporte, avant chaque intitulé de marchandise propre à la société, une petite case qui a été cochée pour chacun des articles correspondants, suggérant que ce dernier a confirmé son choix d'acquisition pour l'ensemble des éléments soumis à son examen ;
Que la facture pro forma N° 3 établie le 31 mai 2014 (pièce n° 7 de l'appelante), dont l'intimé ne conteste pas la teneur, confirme cet état de fait ;
Que le montant de son acquisition s'élevait donc à la somme de 109 000 euros ;
Que bien plus, il affirme dans son mail daté du 13 décembre 2014 : « pour ma part, j'ai pris connaissance, en attendant de décider de l'achat du 10 juillet 2013, des timbres aux prix répertoriés dans la liste des tarifs de la société Z. n° 23 de l'année 2013 pour un total de 109 000 euros... J'ai réglé 67 000 euros de ce montant le jour même », alors que le chèque litigieux a été émis le 17 septembre 2013, et non comme il l'affirme le 10 juillet 2013, jour de la vente ;
Qu'il s'ensuit de plus fort que le chèque de 67 000 euros n'a pu être émis par g. R. en règlement partiel de la vente du 10 juillet 2013 ;
Attendu qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, les premiers juges ont considéré à tort que le paiement de la somme de 67 000 euros devait être imputé sur les créances résultant des ventes conclues début 2013 et en juillet 2013 ;
Que le jugement déféré sera donc réformé de ce chef et g. R. condamné à payer la somme de 67 000 euros à la société M Z. di A. Z. & C. SAS au titre du solde des ventes précitées, en sus de celle de 42 986 euros à laquelle il a été condamné par les premiers juges, avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2014, date de la mise en demeure ;
Sur la demande de délais de paiement
Attendu qu'aux termes de l'article 1099 du Code civil, « le débiteur peut point forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette, même divisible ;
Les juges peuvent néanmoins, en considération de la position du débiteur, et en usant de ce pouvoir avec une grande réserve, accorder des délais modérés pour le paiement et surseoir à l'exécution des poursuites, toutes choses demeurant en état » ;
Attendu que si g. R. soutient, concernant le paiement de la somme de 42 986 euros à laquelle il a été condamné, qu'il « rencontre des difficultés financières qui ne lui permettent pas de faire face à l'intégralité de ce règlement en un seul versement », force est de constater qu'il ne produit, pas plus qu'en première instance, d'éléments concernant sa situation financière personnelle, ses ressources et charges, empêchant par la même la Cour d'apprécier le bien-fondé de sa demande de délais au regard de sa position de débiteur ;
Que la demande présentée à ce titre ne peut de ce fait prospérer alors en tout état de cause que l'appelante souligne à juste titre que celui-ci a déjà bénéficié, de fait, d'importants délais liés à la durée de la procédure ;
Que la décision déférée mérite donc confirmation de ce chef ;
Sur les demandes accessoires de dommages-intérêts
Attendu que g. R. qui succombe en appel et ne s'est pas acquitté, fût-ce partiellement, du paiement de la somme de 42 986 euros dont il se reconnaissait pourtant redevable avant même la délivrance de l'assignation à son endroit le 24 février 2015, ne peut raisonnablement soutenir que son adversaire aurait fait un usage abusif de son droit d'ester en justice et d'interjeter appel ;
Que la demande de dommages-intérêts présentée à ce titre sera rejetée ;
Attendu que la société M Z. di A. Z. & C. SAS réclame l'allocation à son profit de la somme de 15 000 euros à titre de légitimes dommages-intérêts pour résistance abusive de g. R. ;
Que les développements précédents auxquels la Cour se réfère, démontrent à suffisance la résistance abusive de l'intimé pour assumer le paiement du solde des transactions intervenues, dont il admet qui plus est se trouver pour partie redevable depuis plusieurs années ainsi qu'il vient d'être rappelé ;
Que ce comportement fautif a nécessairement causé un préjudice à la société M Z. di A.Z.& C. SAS qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme arbitrée à 8 000 euros ;
Sur les dépens
Partie succombante en totalité, g. R. sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevables les appels principal et incident,
Prononce la nullité de la pièce n° 35 communiquée par la société M Z. di A. Z. & C. SAS et l'écarte des débats,
Constate que les dispositions non appelées du jugement rendu le 15 décembre 2016 sont définitives,
Confirme le jugement rendu le 15 décembre 2016 en ce qu'il a :
condamné g. R. à payer à la société de droit italien M Z. di A. Z. & C. SAS la somme de 42 986 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2014,
débouté g. R. de sa demande de délais de paiement,
débouté g. R. de sa demande en paiement de dommages-intérêts,
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne g. R. à payer à la société de droit italien M Z. di A. Z. & C. SAS la somme de 67 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2014,
Condamne g. R. à payer à la société de droit italien M Z. di A. Z. & C. SAS la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
Condamne g. R. aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Madame Claire GHERA Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 2 JUILLET 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.