Cour d'appel, 18 juin 2019, Monsieur m. c. an. a.P. c/ La SAM A et autres

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Abstract🔗

Responsabilité – Responsabilité contractuelle (non) – Conditions – Responsabilité délictuelle (non) – Conditions

Intervention forcée – Conditions – Recevabilité (non)

Résumé🔗

m. P. fonde, à titre principal, son action en paiement sur la responsabilité contractuelle de la SAM A, auquel il est fait reproche d'avoir reversé, en fraude des instructions du stipulant et des droits de son héritier, les fonds objet du contrat d'assurance vie numéroté YY souscrit par son père ma. P. le 2 mars 2005. Lorsque le demandeur invoque cumulativement les responsabilités contractuelle et délictuelle, il convient d'abord de rechercher si les conditions d'application de la responsabilité contractuelle sont réunies, la responsabilité délictuelle ne pouvant être invoquée qu'à titre subsidiaire. La responsabilité contractuelle est susceptible d'être engagée uniquement s'il existe une relation contractuelle unissant les parties en présence. Procédant à une analyse pertinente des pièces précitées, le Tribunal a exactement retenu que le contrat d'assurance-vie litigieux, bien que proposé par la SAM A et souscrit par son intermédiaire, ce qui n'est pas contesté, avait été conclu entre ma. P. adhérent et assuré, et la SA C, laquelle avait au demeurant reconnu dans son courrier du 16 janvier 2014 avoir procédé au versement des capitaux décès aux bénéficiaires désignés. Tirant les conséquences de ses constatations, c'est dès lors à bon droit que le Tribunal a relevé que l'établissement bancaire était un tiers au contrat, après avoir justement écarté les décisions invoquées par m.P.au soutien de ses prétentions, lesquelles rendues dans le cadre de sa requête en compulsoire sont étrangères à l'objet du présent litige et desquelles en toutes hypothèses il ne résulte nullement que la SAM A était partie au contrat d'assurance-vie souscrit le 2 mars 2005 par ma. P. En l'absence de relation contractuelle, la responsabilité contractuelle de la SAM A en vertu de l'exécution dudit contrat ne peut être recherchée par m. P. m. P. a invoqué à titre subsidiaire la responsabilité délictuelle de la SAM A devant la Cour, ce qu'il est en droit de faire dès lors que les conditions d'application de la responsabilité contractuelle de la SAM A ne sont pas réunies en l'espèce. m.P.ne caractérise pas la faute qu'aurait commise la banque, tiers au contrat. En effet il n'est établi, ni que la clause bénéficiaire a été méconnue par la SA C, co-contractant, et que le contrat a été exécuté irrégulièrement, ni que la SAM A aurait injustement versé des fonds en vertu du contrat litigieux ou commis toute autre faute lui ayant causé un dommage.

En cause d'appel, seules sont admises la tierce opposition à l'arrêt et l'intervention volontaire, en application de l'article 432 du Code de procédure civile. En l'espèce, que la dénonce de procédure et assignation en date du 29 mars 2018 diligentée par m. P. à l'encontre de la SA C constitue une demande en intervention forcée dirigée contre un tiers, formée pour la première fois en cause d'appel. Ne figurant pas au nombre des cas spécifiés par la loi, une telle demande, qui aurait en outre pour effet de priver la compagnie d'assurances du principe du double degré de juridiction, doit être déclarée irrecevable, ce d'autant que sa mise en cause tardive, soit près de deux ans après l'introduction de la procédure, est de nature à la priver de faire valoir utilement sa défense. Cette irrecevabilité rend sans objet le surplus des prétentions des parties.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 18 JUIN 2019

  • I - En la cause n° 2018/000002 (appel et assignation du 4 juillet 2017) ;

  • Monsieur m. c. an. a. P., né le 13 septembre 1952 à Monaco, de nationalité monégasque, retraité, demeurant à Monaco - X1 ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Florent ELLIA, avocat au barreau de Nice ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

  • - La Société Anonyme Monégasque dénommée A exploitée sous l'enseigne A, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le numéro XX dont le siège social est sis X2 à Monaco, prise en la personne de son Président Administrateur Délégué en exercice demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

  • II - En la cause n° 2018/000124 (dénonce de procédure et assignation en intervention forcée du 29 mars 2018) ;

  • Monsieur m. c. an. a. P., né le 13 septembre 1952 à Monaco, de nationalité monégasque, retraité, demeurant à Monaco - X1 ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Florent ELLIA, avocat au barreau de Nice ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

  • La Société Anonyme de droit français C, entreprise régie par le Code des Assurances, Société Anonyme au capital de ZZ euros, immatriculée au RCS de Paris sous le n° Siret ZZZ, dont le siège social est sis X3 - 75008 Paris, prise en la personne de son Directeur Général domicilié es-qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître François-Genêt KIENER, avocat au barreau de Paris ;

INTIMÉE,

EN PRÉSENCE DE :

  • - Madame m-o. J., Secrétaire Général de la Société Anonyme Monégasque dénommée A exploitée sous l'enseigne A, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le numéro XX dont le siège social est sis X2 à Monaco, prise en sa qualité d'agent responsable, au moment des faits, de la SA C suivant Arrêté Ministériel n° 2001-58 du 5 février 2001 ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 11 mai 2017 (R. 4910) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD P. huissier, en date du 4 juillet 2017 (enrôlé sous le numéro 2018/000002) ;

Vu l'exploit de dénonce de procédure et assignation en intervention forcée du ministère de Maître Patricia GRIMAUD P. huissier, en date du 29 mars 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000124) ;

Vu les conclusions déposées le 6 février 2018 par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque dénommée A exploitée sous l'enseigne A ;

Vu les conclusions déposées les 9 mars 2018 et 27 novembre 2018 par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur m. c. an. a. P. ;

Vu les conclusions déposées le 2 octobre 2018 par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme de droit français C ;

À l'audience du 12 mars 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties et en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel et la dénonce de procédure et assignation en intervention forcée relevés par Monsieur m. c. an. a. P.à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 11 mai 2017 (R 4910).

Considérant les faits suivants :

Le Tribunal de première instance, statuant sur l'action en paiement de m. P. diligentée à l'encontre de la SAM A, a, suivant jugement en date du 11 mai 2017, déclaré irrecevable m. P. en ses demandes, débouté la SAM A de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts et condamné m. P. aux entiers dépens.

Pour déclarer irrecevable la demande principale en paiement, les premiers juges, ayant mis en évidence que le contrat d'assurance-vie souscrit par le père de m. P. avait été conclu par celui-ci et la SA C, par l'intermédiaire de la SAM A, ont retenu que l'obligation d'exécuter le contrat, et donc de verser le capital, incombait à l'assureur et non à l'établissement bancaire, tiers au contrat.

Pour rejeter la demande reconventionnelle en dommages-intérêts, le Tribunal a considéré que dans la mesure où la SAM A pouvait apparaître comme un interlocuteur qualifié, m. P. avait pu se méprendre sur la recevabilité de son action.

Par exploit en date du 4 juillet 2017 (procédure n° 2018/000002), m. P. a interjeté appel de ce jugement signifié le 7 juin 2017 et fait assigner la SAM dénommée A.

Aux termes de son appel et de ses conclusions en date des 9 mars et 27 novembre 2018, il demande à la Cour de :

  • accueillir le requérant en ses fins, moyens et conclusions et l'y déclarer recevable et bien-fondé,

En conséquence,

  • prononcer la réformation intégrale du jugement querellé,

Et dès lors,

  • À titre principal,

    • dire et juger que la Société Anonyme Monégasque A est tenue par les dispositions du contrat souscrit par feu ma. P.

    • condamner la Société Anonyme Monégasque A à payer à Monsieur m. P. la somme d'un million d'euros en exécution du contrat, avec intérêts au taux légal depuis le 15 août 2013,

    • condamner la Société Anonyme Monégasque A à payer à Monsieur m. P. le montant 50 % de l'épargne capitalisée sur le contrat depuis son origine,

    • condamner la Société Anonyme Monégasque A à payer à Monsieur m. P. la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

    • condamner la Société Anonyme Monégasque A aux entiers dépens de l'instance distrait au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat aux offres de droit,

  • Subsidiairement,

    • si par impossible, la Cour devait estimer que la Société Anonyme Monégasque A n'est pas partie au contrat souscrit, dire et juger alors que la Société Anonyme Monégasque A revêt la qualité d'intermédiaire au contrat d'assurance-vie et dès lors,

    • dire et juger que la Société Anonyme Monégasque A est responsable de l'exécution irrégulière du contrat qui engage sa responsabilité délictuelle,

    • condamner la Société Anonyme Monégasque A à payer à Monsieur m. P. la somme d'un million d'euros en exécution du contrat, avec intérêts au taux légal depuis le 15 août 2013,

    • condamner la Société Anonyme Monégasque A à payer à Monsieur m. P. le montant 50 % de l'épargne capitalisée sur le contrat depuis son origine,

    • condamner la Société Anonyme Monégasque A à payer à Monsieur m. P. la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

    • condamner la Société Anonyme Monégasque A aux entiers dépens de l'instance distrait au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat aux offres de droit.

Rappelant qu'il est l'unique héritier de son père, ma. P. décédé à Monaco le 15 août 2013, lequel avait souscrit plusieurs contrats d'assurance-vie, dont le contrat n° YY, stipulé au bénéfice de deux personnes, ch. CA. et j. B. chacune pour 50 % du capital, et à défaut au bénéfice des héritiers légaux, que ch. CA. étant prédécédée, le capital devait lui revenir, que la SAM A lui avait rétorqué le 16 janvier 2014 que l'ensemble des capitaux avaient été versés aux bénéficiaires désignés, qu'il a contraint par voie de justice la SAM A à lui remettre toutes informations relatives à la modification du contrat d'assurance-vie susmentionné et que ces documents ont révélé que les fonds ont été reversés par la banque en fraude des instructions du stipulant et des droits de son héritier, il sollicite la réformation du jugement critiqué au motif que les premiers juges ont eu une mauvaise appréciation des éléments de la cause en estimant que le client monégasque d'un établissement bancaire monégasque qui souscrit un placement financier auprès de sa banque n'est pas recevable à agir à l'encontre de celle-ci.

Il fait valoir pour l'essentiel que :

  • - à titre principal, la SAM A est engagé contractuellement par le contrat signé, proposé au profit de ses clients, signé dans ses locaux en présence d'un fondé de pouvoir, son père profane en la matière ayant d'autant plus pu légitimement croire que son co-contractant était la SAM A en l'état des mentions figurant sur le contrat et du fait que l'établissement bancaire, méconnaissant les dispositions de l'article L. 520-1 du Code des assurances, a omis d'informer le souscripteur de l'identité réelle du gestionnaire de l'assurance-vie,

  • - à titre subsidiaire, la SAM A, intermédiaire à la souscription du contrat, a engagé sa responsabilité délictuelle en exécutant irrégulièrement l'offre souscrite,

  • - le courtier est tenu d'un devoir de conseil sur les caractéristiques des produits d'assurance qu'il propose et sur leur adéquation avec la situation personnelle et les attentes de ses clients, cette obligation résultant de la jurisprudence avant la loi du 16 décembre 2005,

  • - héritier de ma. P. il a non seulement qualité pour agir, mais aussi un intérêt né, actuel et personnel en l'état du préjudice subi pour avoir été privé de ce qui lui revenait de droit.

Par ailleurs, il sollicite dans le corps de ses conclusions la jonction de la présente procédure avec celle en intervention forcée de la SA C et de recevoir cette dernière en ses observations dans le cadre du présent litige, cette dernière ayant indiqué que le capital représentant l'épargne constituée au titre du contrat n° YY a été intégralement versé à Madame l. B. épouse B. le 13 novembre 2013, pour un montant de 2.255.079,13 euros, par virement sur un compte ouvert en son nom auprès de la SAM A, excluant que la SAM A soit étranger à cette opération.

En réplique, la SAM A a conclu le 6 février 2018 pour s'opposer aux prétentions de m. P. qui sera débouté de son appel, relever appel partiel incident, être reçu et déclaré bien fondé en son appel et voir en conséquence la Cour :

À titre principal :

  • - confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré m. P. irrecevable en ses demandes,

  • - le réformer en ce qu'il a débouté la SAM A de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau :

  • - condamner m. P. à payer à la SAM A la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

À titre subsidiaire, au cas de réformation du jugement sur l'exception de fin de non-recevoir :

  • - débouter m. P. de l'intégralité de ses demandes comme étant radicalement infondées,

En toutes hypothèses :

  • - condamner m. P. à payer à la SAM A la somme complémentaire de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,

  • - condamner m. P. aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Sarah FILIPPI.

la SAM A expose en substance au soutien de ses prétentions que :

  • - l'action en paiement de m. P. a un fondement contractuel,

  • - le contrat litigieux a été conclu avec la SA C et il n'a pour sa part agi qu'en tant qu'intermédiaire ayant recueilli le consentement de ma. P. pour le compte de la compagnie d'assurances, qualité que lui a reconnue la Cour d'appel dans son arrêt en date du 29 septembre 2015 à l'occasion duquel elle a statué sur la communicabilité des informations requises par m. P.

  • - d'ailleurs le premier réflexe de m. P. a été d'écrire à la compagnie d'assurances,

  • - l'obligation d'exécuter le contrat et de payer le capital incombait à la SA C,

  • - il n'est donc pas le cocontractant du souscripteur et l'action en paiement est irrecevable,

  • - les dispositions de l'article L.520-1 du Code des assurances invoquées par l'appelant et faisant peser sur le banquier une obligation d'information, lui sont inopposables dans la mesure où le contrat a été conclu avant leur entrée en vigueur, alors qu'à supposer qu'un tel manquement soit retenu, il serait dénué d'incidence en l'absence de lien de causalité entre le prétendu défaut d'information et le versement du capital par la compagnie d'assurances.

Au soutien de son appel incident il relève que les termes explicites du contrat excluent que m. P. ait pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, ce d'autant plus que d'une part il a initialement écrit à la compagnie d'assurances, que d'autre part dans ses conclusions il évoque la qualité « d'intermédiaire » de la SAM A.

Enfin, à titre subsidiaire, la SAM A soutient que m. P. est tout aussi infondé en ses prétentions faute pour lui de rapporter la preuve du paiement erroné qu'il allègue.

Il ajoute que la SAM A ne peut voir sa responsabilité délictuelle engagée pour inexécution irrégulière des instructions qu'il a reçues de son client, faute d'avoir exécuté la clause bénéficiaire, relevant que la SA C a reconnu dans un courrier du 16 janvier 2014 avoir procédé au versement des capitaux aux bénéficiaires désignés.

En dernier lieu la SAM A reproche à m. P. d'avoir initié un appel sans avoir exposé de véritable moyen critique à l'encontre du jugement, se contentant de reprendre son argumentation de première instance.

Il estime que le fait pour l'appelant d'invoquer subsidiairement la responsabilité délictuelle de la banque est révélateur de ce qu'il ne pouvait ignorer que son action n'était pas fondée.

La demande en dommages-intérêts pour appel abusif est justifiée.

Suivant exploit en date du 29 mars 2018 (procédure n° 2018/000124) m. P. a fait dénoncer la procédure et assigner la SA C en intervention forcée, en présence d o. J. es-qualités d'agent responsable de la Compagnie d'assurances assignée, tout en sollicitant la jonction avec celle objet de son appel.

Il estime en effet utile de recevoir les observations de la SA C qui est mise en cause par la SAM A au titre de la responsabilité des dysfonctionnements relevés, leurs intérêts étant intimement mêlés.

Suivant conclusions en date du 2 octobre 2018, la SA C demande à la Cour de bien vouloir :

À titre liminaire,

  • - juger que le droit applicable au litige entre elle et m. P. est le droit français,

  • - juger qu'aucune circonstance nouvelle ne justifie son appel en cause,

  • - juger que cet appel en cause est tardif,

  • - juger que m. P. ne justifie pas d'un intérêt légitime à attraire la SA C,

En conséquence,

  • - juger irrecevable la demande d'appel en cause formée par m. P.à son encontre,

À titre principal,

  • - lui donner acte de l'absence de demande formée à son encontre,

  • - juger que son maintien dans la cause est injustifié et infondé,

  • - prononcer sa mise hors de cause,

En toute hypothèse,

  • - condamner m. P. ou tout succombant à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • - condamner m. P. ou tout succombant aux dépens avec distraction au profit de Maître Didier ESCAUT.

La compagnie d'assurances fait valoir à titre liminaire que le droit applicable au litige entre elle et m. P. est le droit français en application des dispositions de l'article 68 et 69 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé et 3 et 4 de la convention de Rome applicable au contrat d'assurances vie.

Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande d'intervention forcée formée à son encontre au triple motif suivant :

  • - à défaut de fondement légal, une assignation en intervention forcée ne peut être diligentée pour la première fois en cause d'appel, sauf à méconnaitre le principe du contradictoire et celui de double degré de juridiction,

  • - seule l'évolution du litige postérieurement au jugement est de nature à rendre recevable la demande d'intervention forcée, circonstance qui n'est pas démontrée au cas présent, en droit français parfaitement transposable en droit monégasque,

  • - le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense, or elle a été attraite à la procédure 2 ans après son introduction.

Enfin la SA C observe que m. P. ne forme aucune demande à son encontre de sorte qu'il n'a aucun intérêt légitime à solliciter son intervention forcée et qu'elle devra être mise hors de cause, ce d'autant plus qu'il l'a attraite aux mêmes fins par devant le Tribunal de première instance.

L'allocation des dommages-intérêts réclamés est justifiée par les frais qu'elle a dû engager pour faire valoir ses droits.

Enfin m. P. a répliqué le 27 novembre 2018 pour s'opposer à l'appel en garantie de g. B. et cl. BAL. née B. sollicité du Tribunal de première instance, en faisant observer que cette demande n'est pas justifiée dès lors que les héritiers de l. B. n'ont commis aucune faute.

À l'audience de plaidoiries, Maître Sarah FILIPPI, conseil de m-o. J. a sollicité sa mise hors de cause.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu, quant à la procédure, que les appels régularisés dans la forme et les délais légaux sont recevables ;

Attendu qu'il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de joindre les procédures diligentées à la requête de m. P. et enrôlées respectivement sous les numéros de rôle 2018/000002 et 2018/000124, en l'état du lien de connexité existant entre la procédure d'appel et celle en intervention forcée ;

Attendu que la demande de mise hors de cause de m-o. J. est sans objet, n'étant pas contesté que celle-ci n'est pas partie à la cause ;

  • Sur la responsabilité contractuelle de la SAM A

Attendu que m. P. fonde, à titre principal, son action en paiement sur la responsabilité contractuelle de la SAM A, auquel il est fait reproche d'avoir reversé, en fraude des instructions du stipulant et des droits de son héritier, les fonds objet du contrat d'assurance vie numéroté YY souscrit par son père ma. P. le 2 mars 2005 ;

Que lorsque le demandeur invoque cumulativement les responsabilités contractuelle et délictuelle, il convient d'abord de rechercher si les conditions d'application de la responsabilité contractuelle sont réunies, la responsabilité délictuelle ne pouvant être invoquée qu'à titre subsidiaire ;

Attendu que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites selon l'article 989 du Code civil ;

Que l'article 1020 de ce Code dispose que « Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point aux tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 976 » ;

Qu'ainsi la responsabilité contractuelle est susceptible d'être engagée uniquement s'il existe une relation contractuelle unissant les parties en présence ;

Attendu, en l'espèce, qu'il résulte des éléments constants de la cause que ma. P. titulaire de comptes ouverts dans les livres de la SAM A a souscrit deux assurances-vie intitulées B ;

Que plus particulièrement, il a adhéré le 2 mars 2005 à un contrat collectif d'assurance-vie sur document à en-tête de la SA C et de la société D ;

Qu'après le décès de son père, m. P. a appris que ce contrat désignait deux bénéficiaires pour moitié chacune du capital, dont l'une était décédée préalablement au souscripteur et que les fonds avaient été intégralement versés à l'autre bénéficiaire ;

Que le bulletin d'adhésion de ce contrat, produit en la cause, rappelle la faculté de renonciation conférée par la loi au souscripteur, lequel pour l'exercer devait adresser une lettre recommandée avec accusé de réception au siège de la SA C ;

Qu'en outre figure au bas dudit document une autorisation de prélèvement au profit de la SA C, étant également précisé en fin de la page précédente : « CONTRAT ASSURÉ PAR la SA C » ;

Qu'enfin au cours de sa vie, le contrat a fait l'objet de diverses demandes de modification ;

Qu'est produit aux débats le courrier du 5 avril 2005 adressé à ma. P. par la SA C accompagné de l'avenant de changement de bénéficiaire ;

Attendu que de son côté, m. P. a envoyé le 6 janvier 2014, à l'adresse de la SA C à Paris, une lettre portant notification du décès de son père le 15 août 2013 et de celui d'une des deux bénéficiaires du contrat et par laquelle il souhaitait savoir s'il était bénéficiaire des contrats d'assurance-vie « que mon père a souscrit auprès de votre compagnie » ;

Qu'en réponse la SA C lui a fait connaître que son père ma. P. était titulaire de deux contrats d'assurance-vie auprès d'elle et qu'à la suite de son décès, les capitaux décès avaient été versés au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) selon les clauses bénéficiaires ayant pris effet avant 2012 ;

Attendu que procédant à une analyse pertinente des pièces précitées, le Tribunal a exactement retenu que le contrat d'assurance-vie litigieux, bien que proposé par la SAM A et souscrit par son intermédiaire, ce qui n'est pas contesté, avait été conclu entre ma. P. adhérent et assuré, et la SA C, laquelle avait au demeurant reconnu dans son courrier du 16 janvier 2014 avoir procédé au versement des capitaux décès aux bénéficiaires désignés ;

Que cette analyse n'est pas utilement combattue par l'appelant qui ne verse aucun justificatif de quelconques versements par la SAM A en vertu du contrat litigieux ;

Que tirant les conséquences de ses constatations, c'est dès lors à bon droit que le Tribunal a relevé que l'établissement bancaire était un tiers au contrat, après avoir justement écarté les décisions invoquées par m. P. au soutien de ses prétentions, lesquelles rendues dans le cadre de sa requête en compulsoire sont étrangères à l'objet du présent litige et desquelles en toutes hypothèses il ne résulte nullement que la SAM A était partie au contrat d'assurance-vie souscrit le 2 mars 2005 par ma. P.;

Qu'en l'absence de relation contractuelle, la responsabilité contractuelle de la SAM A en vertu de l'exécution dudit contrat ne peut être recherchée par m. P.;

Attendu qu'en cause d'appel m. P. développe un nouveau moyen tenant à la méconnaissance, par la banque en sa qualité d'intermédiaire au contrat d'assurance, de son devoir d'information tel que résultant de l'application de l'article L. 520-1 du Code des assurances, faisant partie intégrante de la réglementation monégasque par application des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance n° 4178 du 12 décembre 1968 ;

Que l'article précité a mis à la charge de l'intermédiaire en assurance, tel que défini par l'article L. 511-1, un devoir d'information ;

Qu'à supposer que la SAM A ait cette qualité, ce qui n'est pas soutenu, et que ce devoir d'information s'impose à lui, il convient de relever que l'article invoqué est issu de la loi française n° 2015-1564 du 15 décembre 2005, laquelle est postérieure à la formation du contrat litigieux et n'a dès lors pas vocation à le régir ;

Que le moyen soutenu est dès lors inopérant ;

Attendu, enfin, que m. P. a invoqué à titre subsidiaire la responsabilité délictuelle de la SAM A devant la Cour, ce qu'il est en droit de faire dès lors que les conditions d'application de la responsabilité contractuelle de la SAM A ne sont pas réunies en l'espèce ;

Attendu que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, en application de l'article 1229 du Code civil ;

Qu'il incombe à celui qui s'en prévaut d'établir une faute, un dommage et un lien entre les deux ;

Attendu qu'en l'espèce m. P. ne caractérise pas la faute qu'aurait commise la banque, tiers au contrat ;

Qu'en effet il n'est établi, ni que la clause bénéficiaire a été méconnue par la SA C, co-contractant, et que le contrat a été exécuté irrégulièrement, ni que la SAM A aurait injustement versé des fonds en vertu du contrat litigieux ou commis toute autre faute lui ayant causé un dommage ;

Attendu qu'il suit de ce qui précède que m. P. doit être débouté de sa demande en paiement à l'encontre de la SAM A ;

Attendu que la décision entreprise sera en conséquence réformée mais uniquement en ce qu'elle l'a déclaré irrecevable en ses demandes, la sanction du défaut de réunion des conditions d'application des responsabilités contractuelle et délictuelle invoquées étant le rejet de la prétention ;

  • Sur la demande en intervention forcée

Attendu qu'en cause d'appel, seules sont admises la tierce opposition à l'arrêt et l'intervention volontaire, en application de l'article 432 du Code de procédure civile ;

Attendu, en l'espèce, que la dénonce de procédure et assignation en date du 29 mars 2018 diligentée par m. P.à l'encontre de la SA C constitue une demande en intervention forcée dirigée contre un tiers, formée pour la première fois en cause d'appel ;

Que ne figurant pas au nombre des cas spécifiés par la loi, une telle demande, qui aurait en outre pour effet de priver la compagnie d'assurances du principe du double degré de juridiction, doit être déclarée irrecevable, ce d'autant que sa mise en cause tardive, soit près de deux ans après l'introduction de la procédure, est de nature à la priver de faire valoir utilement sa défense ;

Que cette irrecevabilité rend sans objet le surplus des prétentions des parties ;

  • Sur les demandes en dommages-intérêts

Attendu que la demande en dommages-intérêts de m. P. qui succombe en son appel ne saurait prospérer ;

Attendu sur la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la SAM A, qu'aucun comportement dolosif de la part de m. P. dans le cadre de la procédure, de nature à créer un préjudice qu'il conviendrait d'indemniser par l'allocation de dommages-intérêts, ne résulte des pièces de la procédure, le jugement étant à cet égard confirmé ;

Que d'autre part le droit d'interjeter appel reconnu à tout plaideur n'a pas dégénéré en abus dans le cas d'espèce, rien ne permettant de dire que m. P. a agi dans l'intention de nuire aux intérêts de la SAM A, qui sera en conséquence débouté de sa demande de ce chef ;

Qu'enfin, m. P. a pu se méprendre sur l'étendue et la portée de ses droits en faisant appeler la société d'assurances en intervention forcée ; que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol, en sorte que la SA C doit être déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Attendu enfin que m. P. qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de ce dernier ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels,

Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros de rôle 2018/000002 et 2018/000124,

Dit que la demande de mise hors de cause de m-o. J. est sans objet,

Réforme le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 11 mai 2017 en ce qu'il a déclaré m. P. irrecevable en ses demandes,

Statuant du chef réformé,

Déboute m. P. de ses demandes,

Le confirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute la SAM A de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,

Déclare irrecevable la demande en intervention forcée de la SA C,

Déboute la SA C de sa demande en paiement de dommages-intérêts,

Condamne m. P. aux dépens d'appel distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI et Maître Didier ESCAUT, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun pour ce qui le concerne,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint c. Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 18 JUIN 2019, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint c. assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général.

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