Cour d'appel, 4 juin 2019, Monsieur m. T. et Monsieur g. T. c/ Monsieur a. S. et autres

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Abstract🔗

Société – Qualité d'associé – Affectio societatis

Résumé🔗

Il est constant que la qualité d'associé d'une société suppose « la capacité, le consentement, l'apport en biens ou en industrie, l'affectio societatis, l'acceptation des risques attachés à l'entreprise, la participation aux résultats, la contribution aux pertes ». Il doit être observé néanmoins, que la volonté commune de partager les risques d'une entreprise s'apprécie de manière évidemment variable selon le type de société et la situation de l'associé. L'acceptation des risques de l'entreprise, qui est présente par définition dans une société de personnes, n'a pas la même portée dans une société de capitaux qui a essentiellement pour effet de créer une nouvelle personne morale dont le patrimoine est totalement indépendant de celui des propriétaires de parts ou d'actions. Si l'affectio societatis peut correspondre à l'élément intentionnel du contrat de société, celui-ci n'est pas le même pour l'associé majoritaire ou l'associé minoritaire, l'associé en nom collectif ou l'actionnaire, l'acquéreur d'un titre en bourse ou l'associé unique. Il n'existe pas de conception unitaire de la notion d' affectio societatis et que cette question fait débat devant les juridictions qu'autant que des difficultés apparaissent entre associés, de nature à remettre en cause le pacte social existant naturellement entre eux. Il est de principe que l'associé dispose d'un droit à rester dans la société, de sorte que, hors le cas d'inexécution de l'apport, si l'intérêt de l'entreprise sociale peut justifier la validité d'une clause d'exclusion insérée dans les statuts, la mise en oeuvre de celle-ci conduit à l'indemnisation de l'associé exclu, laquelle consiste en une cession forcée dans laquelle le prix des droits sociaux concernés doit être déterminé et payé. En l'espèce, en considération de la convention de prête-nom la qualité d'associé s'apprécie dans la personne du mandant.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 4 JUIN 2019

En la cause de :

  • 1/ Monsieur m. T., né le 15 janvier 1954 à Monaco, de nationalité monégasque, Administrateur de société, demeurant X1 à Monaco ;

  • 2/ Monsieur g. T., né le 3 octobre 1943 à Monaco, de nationalité monégasque, Administrateur de société, demeurant X2 à Monaco ;

Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Cathy LELLOUCHE HANNOUNE, avocat au barreau de Nice ;

APPELANTS,

d'une part,

contre :

  • 1/ Monsieur a. S., né le 15 janvier 1949 à Montpellier (34), retraité, demeurant « X3 » - X3- Ordino (Principauté d'Andorre) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître g. BAUDOUX, avocat au barreau de Nice ;

  • 2/ Monsieur s. D., né le 24 avril 1961 à Lille (59), de nationalité française, demeurant X4 - 62840 Fleurbaix (Pas de Calais - France), assisté de Monsieur g. D. ès-qualités de curateur renforcé de Monsieur s. D., nommé à cette fonction suivant jugement de placement sous curatelle renforcée du 22 septembre 2014, rendu par le Tribunal d'instance de Tourcoing, intervenant forcé ;

  • 3/ La société anonyme monégasque dénommée G, ayant pour sigle « Y », dont le siège social est sis actuellement X5 à Monaco, prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉS,

  • 4/ Monsieur r. GA., né le 31 janvier 1939 à Trieste (Italie), de nationalité italienne, demeurant X6 à Monaco, décédé le 24 juin 2016 ;

INTIMÉ, DEFAILLANT,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 19 mai 2016 (R. 5301) ;

Vu l'exploit d'appel et assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 7 juillet 2016 (enrôlé sous le numéro 2017/000006) ;

Vu l'attestation de réassignation en date du 11 octobre 2016 ;

Vu l'exploit de réassignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 26 octobre 2016, (enrôlé sous le numéro 2017/000049) ;

Vu les arrêts avant-dire-droit en date des 13 juin 2017 et 18 décembre 2018 ;

Vu les conclusions déposées le 18 février 2019 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur m. T. et de Monsieur g. T.;

Vu les conclusions déposées le 5 mars 2019 par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de Monsieur s. D. et de Monsieur g. D. en qualité de curateur renforcé de Monsieur s. D. désigné par jugement du Tribunal d'instance de Tourcoing du 22 septembre 2014, en présence de la société anonyme monégasque dénommée G, ayant pour sigle « Y » ;

Vu les conclusions déposées le 26 mars 2019 par Maître Sophie LAVAGNA avocat-défenseur, au nom de Monsieur a. S.;

À l'audience du 2 avril 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur m. T. et Monsieur g. T. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 19 mai 2016.

Considérant les faits suivants :

Suivant protocole en date du 14 juin 1984, e. L. représentant la totalité des actionnaires de la SAM G, s'est engagé à céder à a B. avocat, agissant pour son compte et pour celui de toutes personnes physiques ou morales qu'il jugera utiles de se substituer, les 2.500 actions constituant le capital social de ladite société moyennant le prix de 160.000 francs.

a B. substituait a. S. qui ne souhaitait pas apparaître officiellement dans l'acte.

a. S. a travaillé en qualité de courtier dans la société, ayant pour objet la vente de fournitures de bureau, puis à partir du 30 janvier 1989 comme directeur commercial.

a. S. a entretenu des relations fiduciaires avec e. L. et m. T. qui avaient accepté d'être porteurs des actions et administrateurs de la société et d'agir pour son compte, lui-même ne souhaitant pas figurer officiellement.

En 1989 e. L. a été remplacé par Monsieur g. T.

Le 18 octobre 1996, a. S. a été licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement, il a assigné la SAM G devant le Tribunal du travail de Monaco afin d'obtenir paiement d'un certain nombre d'indemnités.

Par jugement du 24 février 2000, le Tribunal du travail a rejeté ses demandes et s'est déclaré incompétent estimant que « dès lors que Monsieur a. S. réunissait ainsi entre ses mains indirectement l'intégralité du capital social de la SAM G, il ne se trouvait pas en état de subordination à l'égard de cette société et de ses dirigeants officiels ».

Cette décision a été confirmée par l'arrêt de la Cour d'appel du 21 juin 2001 et la Cour de révision a rejeté le pourvoi formé par a. S.

Par acte du 2 mai 2001, s. D. a acquis de m. T. et r. GA.100 % des parts sociales de la SAM G pour la somme de un Franc.

Par jugement du 7 octobre 2010 rendu à la suite de l'assignation de a. S. du 23 décembre 2005, le Tribunal de première instance de Monaco a notamment :

  • - dit que les actions de la SAM G ayant pour sigle Y ont été acquises pour le compte de a. S. dans le cadre d'une convention de prête-nom,

  • - mis hors de cause e. L.

  • - dit que m. et g. T. porteurs des actions pour le compte d a. S. ont outrepassé leurs pouvoirs dans les opérations successives de cession et que l'acte du 2 mai 2001 lui est inopposable.

Aux termes d'un premier exploit d'huissier du 27 octobre 2011, a. S. s'estimant victime des agissements de plusieurs porteurs de parts dans le cadre d'une opération de cession d'actions, a fait assigner g. et m. T. aux fins de les voir condamner, sur le fondement de l'article 1229 du Code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer les sommes suivantes :

  • « - 1.417.663 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,

  • - 150.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

  • - 9.000 euros en compensation des frais de justice exposés ».

Aux termes d'un second exploit d'huissier du 27 octobre 2011, a. S. a fait assigner s. D. et la SAM G aux fins de les voir condamner, sur le fondement de l'article 1229 du Code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer les sommes suivantes :

  • « - 1.417.663 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice à caractère financier,

  • - 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

  • - 5.000 euros en remboursement des frais dont il a du faire l'avance ».

s. D. dûment autorisé par décision du Tribunal de première instance du 28 juin 2012 à appeler en garantie m. T. et r. GA. les a fait assigner par exploit d'huissier du 20 septembre 2012, aux fins d'être relevé et garanti par eux de toute condamnation prononcée à son encontre.

Aux termes d'un premier jugement du 10 janvier 2013, le Tribunal a sursis à statuer sur l'intégralité des demandes formées par a. S. à l'encontre de g. et m. T. telles que contenues dans l'assignation du 27 octobre 2011 jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur la plainte avec constitution de partie civile déposée le 24 novembre 2008 par a. S. à l'encontre de g. et m. T.

Par arrêt en date du 20 janvier 2014 la Cour d'appel a confirmé le jugement correctionnel du Tribunal de première instance du 12 février 2013 en ce qu'il a rejeté les exceptions d'irrecevabilité et de nullité, dit l'action publique éteinte par prescription et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile d a. S.

Par jugement en date du 19 mai 2016, le Tribunal de première instance a :

  • « - ordonné la jonction des instances enregistrées sous les n° 2012/000159, n° 2012/000209 et n° 2013/000109 et dit qu'elles se poursuivront sous le n° 2012/000159,

  • - constaté qu'a. S. est propriétaire de l'intégralité des actions de la SAM G ayant pour sigle « Y »,

  • - ordonné à m. T. et r. GA. de transférer l'intégralité des actions de la SAM G en leur possession à a. S. dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et ce sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l'issue de ce délai,

  • - dit que l'action en responsabilité engagée par a. S. n'est pas prescrite,

  • - dit que g. et m. T. ont eu un comportement fautif ayant causé à a. S. un préjudice,

  • - dit que s. D. a eu un comportement fautif ayant causé à a. S. un préjudice,

  • - constaté que la SAM G n'a commis aucune faute,

Avant-dire-droit sur l'évaluation des préjudices subis par a. S.

  • - ordonné à la SAM G de communiquer à a. S. dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à l'issue de ce délai, les documents suivants :

    • les bilans comptables de la SAM G et de ses éventuelles filiales, depuis 1996,

    • les procès-verbaux d'assemblée générale de ladite société depuis 1996 permettant de connaître le montant des dividendes perçus par les actionnaires,

  • - sursis à statuer dans l'attente de la communication de ces documents sur l'ensemble des autres demandes,

  • - renvoyé l'affaire à l'audience du 5 OCTOBRE 2016 à 9 heures pour les conclusions d a. S.

  • - réservé les dépens en fin de cause ».

Ce jugement a été signifié aux parties défenderesses le 7 juin 2016.

Pour statuer ainsi le Tribunal a retenu que :

  • - par jugement définitif du 7 octobre 2010 le Tribunal a constaté qu'a. S. était le seul actionnaire de la SAM G et jugé que l'acte de cession du 2 mai 2001 par lequel m. T. et r. GA. avaient cédé à s. D. l'intégralité des actions, lui était inopposable, de sorte que la demande en restitution est juridiquement fondée et désormais matériellement possible du fait de la restitution des actions par s. D. à m. T. et r. GA.

  • - l'action en responsabilité visant à obtenir réparation d'un préjudice calculé sur la perte de chance d'avoir pu percevoir des salaires, n'est pas soumise à la prescription quinquennale de l'article 2092 bis du même Code,

  • - en agissant sans rendre compte de leur gestion à leur mandant et en disposant des droits qui appartenaient à celui-ci, g. et m. T. ont outrepassé les pouvoirs qui leur avaient été confiés en 1984 par a. S. lors de la conclusion de la convention de prête-nom, ce qui caractérise une faute contractuelle ayant causé un préjudice à ce dernier,

  • - s. D. savait qu'il n'avait pas acquis les actions de leur véritable propriétaire ; le fait d'avoir acquis et conservé de mauvaise foi les parts sociales de la SAM G de l'année 2001 à l'année 2012 constitue une faute délictuelle ayant causé à a. S. le véritable propriétaire, un réel préjudice,

  • - le préjudice d a. S. ne peut pas être calculé sur la base de son « ancienne rémunération » au sein de la société, les juridictions du travail ayant définitivement jugé qu'il n'existait aucun lien de subordination entre lui et la SAM G ; son préjudice financier doit par conséquent être calculé par référence à la perte de ses droits d'actionnaire, correspondant au montant des dividendes qu'il aurait dû percevoir, ce qui nécessite d'ordonner à la SAM G de communiquer, sous astreinte, ses bilans comptables et ceux de ses éventuelles filiales ainsi que les procès-verbaux d'assemblée générale depuis 1996.

Par exploit en date du 7 juillet 2016, m. et g. T. ont interjeté appel du jugement susvisé rendu le 19 mai 2016 par le Tribunal de première instance à l'effet de voir la Cour :

  • « - infirmer le jugement du Tribunal de première instance en date du 19 mai 2015 (SIC),

  • - constater qu'a. S. a renoncé à sa qualité d'associé de la SAM G dès 1996,

  • - débouter a. S. de l'intégralité de ses demandes,

  • - constater que le Tribunal a statué ultra petita en estimant que son préjudice équivaudrait au montant des dividendes qu'il aurait dû percevoir en raison de ses droits d'actionnaire de la SAM G,

  • - condamner a. S. au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

  • - condamner a. S. aux entiers dépens de l'instance d'appel ».

La Cour a ordonné la réassignation de r. GA. non comparant à l'audience du 11 octobre 2016.

Les éléments communiqués à la Cour ont par la suite permis de considérer que r. GA. était décédé.

Suivant arrêt du 13 juin 2017 la Cour d'appel, statuant sur la seule recevabilité de l'appel contestée par a. S. a déclaré m. et g. T. recevables en leur appel, a renvoyé les parties à l'audience de mise en état du 11 juillet 2017 pour fixation du calendrier de procédure et a réservé les dépens en fin de cause.

Par arrêt avant-dire-droit au fond du 18 décembre 2018 la Cour a :

  • - ordonné la réouverture des débats,

  • - invité a. S. à produire l'extrait d'acte de décès de r. GA. à l'audience du 22 janvier 2019,

  • - invité les parties à s'expliquer contradictoirement sur les conséquences découlant de ce décès au regard des dispositions des articles 389 et 390 du Code de procédure civile et sur son incidence quant à la validité de leurs demandes dirigées contre r. GA. dépourvu de capacité juridique du fait de son décès, selon le calendrier suivant :

    • m. et g. T. appelants, par conclusions à l'audience du 12 février 2019,

    • s. D. assisté de son curateur renforcé g. D. intimé et appelant incident, la SAM G, intimée, par conclusions à l'audience du 5 mars 2019,

    • a. S. intimé, par conclusions à l'audience du 26 mars 2019,

  • - dit que la cause sera plaidée à l'audience du 2 avril 2019,

  • - réservé les dépens.

m. et g. T. par conclusions en réponse du 18 février 2019 demandent à la Cour de :

  • - constater que l'instance est interrompue depuis la notification du décès de Monsieur GA. soit le 5 février 2019,

  • - constater que les concluants ne formaient aucune demande à son encontre,

  • - infirmer le jugement du Tribunal de première instance du 19 mai 2016,

  • - constater qu'a. S. a renoncé à sa qualité d'associé de la SAM G dès 1996,

  • - débouter a. S. de l'intégralité de ses demandes,

  • - constater que le Tribunal a statué ultra petita en estimant que son préjudice équivaudrait au montant des dividendes qu'il aurait dû percevoir en raison de ses droits d'actionnaire de la SAM G,

  • - condamner a. S. au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

  • - dire que a. S. ne peut avoir aucun droit de restitution sur les actions nouvelles de la SAM G liées à l'augmentation de capital auquel il n'a pas souscrit,

À titre subsidiaire,

  • - condamner a. S. au paiement de la somme de 500.000 euros assortie des intérêts au jour du paiement sur le fondement de l'article 1222 du Code civil,

  • - condamner a. S. aux entiers dépens de l'instance d'appel distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Au soutien de leurs demandes m. et g. T. font valoir en substance que :

  • - les parts et actions d'une société ne peuvent être attribuées et ne peuvent être la propriété que de celui qui peut se prévaloir de la qualité d'associé,

  • - a. S. a renoncé à sa qualité d'associé de la SAM G ainsi que cela résulte notamment de l'action qu'il a engagée devant le Tribunal du travail le 6 janvier 1997 contre ladite société et de ses affirmations exposées dans le cadre de cette instance judiciaire,

  • - il s'est désintéressé de la société depuis 1996 alors que celle-ci était en difficulté financière ; il n'a sollicité de se voir reconnaître propriétaire des actions que suivant conclusions du 13 mai 2015, soit 4 ans après l'introduction de l'instance le 27 octobre 2011 pour l'indemnisation d'un prétendu préjudice financier, et 20 ans après son départ de la société, ce qui manifeste qu'il avait abandonné sa qualité d'associé depuis de nombreuses années, tant sur le plan de la gestion que sur le plan judiciaire,

  • - du fait de la renonciation du donneur d'ordre à sa qualité d'associé, le prête-nom, en l'occurrence m. T. s'est investi lui-même dans le redressement de l'entreprise, de sorte qu'il s'est trouvé investi de la qualité d'associé, en effectuant un apport majeur en capital,

  • - la renonciation d a. S. qui résulte d'une volonté exprimée et d'une passivité de plus de 9 ans lui interdit de revendiquer la propriété de titres au demeurant émis à l'occasion, pour la plus grande partie d'entre eux, d'une augmentation de capital suivie par m. T.

  • - il ne s'est pas opposé à l'augmentation de capital décidée en 1998 et n'y a pas souscrit, ne s'estimant plus actionnaire de la société,

  • - à titre subsidiaire, il n'a aucun droit sur les actions nouvelles liées à l'augmentation de capital de la SAM G, et il ne peut pas revendiquer la propriété d'une entreprise qui a totalement changé depuis près de 20 ans,

  • - ils n'ont pas commis de faute dans l'exécution de leur mandat, mais ils ont bien au contraire assumé la charge et la gestion de la société quand elle était en difficultés financières et commerciales, démontrant ainsi leur capacité à se comporter en associés responsables, face au désintérêt et à l'attitude désinvolte d a. S.

  • - en considérant qu'a. S. était en droit de réclamer une indemnité équivalente au montant des dividendes qu'il aurait dû percevoir en raison de ses droits d'actionnaires, le Tribunal a statué « ultra petita », dès lors qu'a. S. ne réclamait qu'une indemnité sur la base de son ancienne rémunération,

  • - à titre subsidiaire, si la Cour devait faire droit aux demandes d a. S. elle devra examiner leur demande reconventionnelle sur le fondement de la gestion d'affaires en application des dispositions des articles 1219 et 1222 du Code civil,

  • - il n'est pas admissible qu'a. S. qui n'a contribué ni à la survie ni au développement de la SAM G puisse profiter de sa valeur actuelle ; il doit donc être condamné au paiement d'une somme de 500.000 euros sur le fondement de la gestion d'affaires.

Suivant conclusions déposées le 5 mars 2019, tenant pour entièrement répétées leurs précédentes écritures, s. D. appelant incident, et g. D. en qualité de curateur renforcé de s. D., nommé à cette fonction par jugement du 22 septembre 2014 du Tribunal d'instance de Tourcoing, intervenant forcé sur assignation d a. S. en présence de la SAM G, demandent à la Cour de :

  • - constater l'interruption de l'instance introduite par g. et m. T. à l'encontre du jugement rendu le 19 mai 2016 par le Tribunal de première instance, depuis la notification du décès de r. GA. soit le 5 février 2019,

  • - infirmer le jugement du 19 mai 2016 rendu par le Tribunal de première instance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a constaté que la SAM G n'a commis aucune faute,

Et statuant à nouveau de :

  • - rejeter l'ensemble des demandes d a. S.

  • - constater que s. D. pris en la personne de g. D. ès-qualités, n'a commis aucune faute et n'a fait subir aucun préjudice à a. S.

  • - constater qu'a. S. a renoncé à sa qualité d'associé de la SAM G dès 1996,

  • - constater que le Tribunal de première instance a statué ultra petita en estimant que le préjudice d a. S. équivaudrait au montant des dividendes qu'il aurait dû percevoir en raison de ses droits d'actionnaire de la SAM G,

  • - constater la prescription des demandes d a. S.

  • - débouter a. S. de l'intégralité de ses demandes,

  • - condamner a. S. à verser à s. D. pris en la personne de g. D. ès-qualités, la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

  • - condamner a. S. à verser à la SAM G la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

  • - condamner a. S. à verser à g. D. en qualité de curateur renforcé de s. D. la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

  • - à titre subsidiaire, limiter la revendication d a. S. aux 2.500 actions de la SAM G acquises à l'origine,

  • - rejeter la revendication d a. S. sur les 7.500 actions de la SAM G souscrites par m. T. suite à l'augmentation de capital intervenue le 9 mars 1998,

  • - à défaut, condamner m. T. et r. GA. à relever et garantir s. D. pris en la personne de g. D. ès-qualités, et la SAM G de toute condamnation qui pourrait éventuellement être prononcée à leur encontre,

En tout état de cause,

  • - condamner a. S. aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

À l'appui de leurs demandes ils font valoir que :

  • - le jugement du Tribunal de première instance du 7 octobre 2010 qui a considéré qu'il existait une convention de prête-nom au bénéfice d a. S. et que les consorts T. avaient outrepassé leurs pouvoirs en cédant à s. D. les parts de la société suivant acte du 2 mai 2001, n'est pas opposable à s. D. qui n'y était pas partie,

  • - s. D. n'a eu aucun comportement fautif ; il a acquis les actions de la SAM G en toute bonne foi, auprès des dirigeants de la société alors que dans le même temps, a. S. mettait tout en œuvre devant la juridiction du travail pour faire constater qu'il n'était pas le « maître » de la société,

  • - a. S. a renoncé à sa qualité d'associé de la SAM G, cette renonciation étant démontrée par les nombreux actes positifs, notamment dans le cadre d'instances judiciaires,

  • - subsidiairement, la revendication d a. S. ne pourrait porter que sur un quart des actions de la SAM G, les autres trois-quarts appartenant à m. T. après l'augmentation de capital du 9 mars 1998,

  • - r. GA. étant décédé, aucune obligation ne peut être mise à sa charge,

  • - a. S. a calculé son prétendu préjudice sur les salaires qu'il n'aurait pas perçus ; en calculant son préjudice par référence à la perte de ses droits d'actionnaires, le Tribunal de première instance a statué ultra petita,

  • - ils sont fondés à demander des dommages et intérêts dès lors que par son comportement abusif, a. S. les a contraints à ester en justice pour sauvegarder leurs droits.

a. S., aux termes de conclusions d'intimé et en réponse déposées le 26 mars 2019, liminairement, vu le décès de r. GA. s'en rapporte à la décision de la Cour sur la question de l'interruption de l'instance et lui demande de :

  • - vu le jugement de placement sous curatelle renforcée du 22 septembre 2014 rendu par le Tribunal d'instance de TOURCOING, dire et juger recevable l'intervention forcée de g. D. à la présente procédure en qualité de curateur renforcé de s. D. majeur protégé,

  • - déclarer irrecevable la demande reconventionnelle formée par les consorts T. à son encontre en cause d'appel tendant à le voir condamner au paiement de la somme de 500.000 euros assortie des intérêts au jour du paiement sur le fondement de l'article 1222 du Code civil,

  • - confirmer la décision avant-dire-droit du 19 mai 2016 rendu par le Tribunal de première instance,

  • - renvoyer les parties devant le Tribunal de première instance afin qu'il puisse statuer sur les autres demandes en l'état du sursis à statuer prononcé aux termes du jugement avant dire droit du 19 mai 2016,

En tout état de cause,

  • - débouter les consorts T. de l'ensemble de leurs demandes,

  • - débouter s. D. pris en la personne de son curateur, de l'ensemble de ses demandes,

  • - condamner g. et m. T. et s. D. pris en la personne de son curateur, en tous les dépens, distraits au profit de Maître Sophie LAVAGNA, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

a. S. expose principalement les éléments suivants :

  • - la demande formulée par m. et g. T. pour la première fois dans leurs conclusions du 20 février 2018 tendant au paiement d'une somme de 500.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1222 du Code civil est irrecevable en application de l'article 431 du Code de procédure civile,

  • - en acceptant d'être porteurs de l'intégralité des actions de la SAM G et d'être administrateurs de la société pour son compte, g. et m. T. ont accepté d'agir en étant ses mandataires,

  • - g. et m. T. ont outrepassé leurs droits en vendant les actions de la SAM G dont ils n'étaient pas propriétaires,

  • - le Tribunal du travail par jugement du 24 février 2000 a retenu que « il résulte des pièces versées aux débats que Monsieur a. S. était en réalité, par l'intermédiaire d'un prête-nom le véritable maître de cette entreprise (.../...) qu'il ne se trouvait pas en état de subordination à l'égard de cette société et de ses dirigeants officiels »; cette décision a été confirmée par le Tribunal de première instance suivant jugement du 21 juin 2001, et la Cour de révision a rejeté le recours en révision par arrêt du 14 février 2002,

  • - s. D. devenu propriétaire des actions le 2 mai 2001, savait donc pertinemment, au regard de l'action prud'homale pendante, qu'il n'avait pas acquis les actions de la SAM G du véritable propriétaire ; il n'est jamais intervenu dans le cadre du contentieux social pour affirmer qu'il était le porteur des actions ; il ne peut prétendre que l'acquisition a été réalisée de bonne foi,

  • - s. D. a restitué les actions à m. T. et r. GA. en 2012, soit deux ans après que le Tribunal de première instance de Monaco par jugement du 7 octobre 2010 ait « dit que Messieurs m. et g. T. porteurs des actions pour le compte de Monsieur a. S. ont outrepassé leurs pouvoirs dans les opérations successives de cession et que l'acte du 2 mai 2001 lui est inopposable » ; cette seule circonstance fait échec à l'argument développé par les consorts T. selon lequel il aurait renoncé à ses droits et n'aurait jamais fait aucun acte positif aux fins de recouvrer ceux-ci,

  • - il a été privé depuis octobre 1996 de tout bénéfice dans sa propre société que ce soit par le biais de versement de salaires, et par le biais de distribution de dividendes ; il a donc indubitablement subi un préjudice tant économique que moral,

  • - il est fondé à solliciter une indemnité équivalente au montant des dividendes dont il a été privé,

  • - c'est parce que les consorts T. ont refusé de produire les documents comptables de la SAM G qu'il n'a eu d'autre choix que de se référer aux pertes économiques liées à son licenciement pour proposer au Tribunal une évaluation de son préjudice ; celui-ci n'a donc pas statué ultra petita,

  • - il ne peut valablement être soutenu qu'il a abusé des voies de droit étant précisé que les consorts T. et s. D. ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un préjudice, ni l'étendue de celui-ci pour justifier les sommes réclamées à ce titre.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

  • Sur l'interruption de l'instance

Attendu qu'en application des dispositions des articles 389 et 392 du Code de procédure civile « l'instance sera interrompue par le décès de l'une des parties » ; « elle sera reprise par un exploit d'assignation, si elle ne l'est par les parties d'un commun accord. Sur cette reprise, il sera procédé suivant les derniers errements » ;

Attendu qu'il est établi par l'acte de décès versé aux débats que r. GA. est décédé le 24 juin 2016 ;

Qu'il convient de constater qu'aux termes de leurs dernières écritures, d'une part a. S. sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a notamment « ordonné à m. T. et r. GA. de transférer l'intégralité des actions de la SAM G en leur possession à a. S. dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et ce sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l'issue de ce délai », et d'autre part, s. D. avec son curateur, g. D. demande à la Cour, à titre subsidiaire de « condamner m. T. et r. GA. à le relever et garantir ainsi que la SAM G de toute condamnation qui pourrait éventuellement être prononcée à leur encontre » ;

Que si a. S. indique dans ses dernières écritures du 26 mars 2019 « qu'il ne manquera pas, par acte séparé, de mettre en cause lesdits héritiers dans la procédure présente afin que celle-ci reprenne son cours » force est de constater qu'il n'a au jour de l'audience justifié d'aucune mise en cause régulière des héritiers de r. GA. et que, concluant au fond, il s'en rapporte à la décision de la Cour sur la question de l'interruption de l'instance ;

Que s. D. assisté de son curateur g. D. tout en maintenant au fond une demande subsidiaire contre r. GA. n'a pas non plus appelé en cause les héritiers de celui-ci ;

Qu'il doit par conséquent être constaté que l'instance est reprise par les parties d'un commun accord, sans qu'elles n'aient souhaité appeler en cause les héritiers de r. GA. décédé le 24 juin 2016 ;

Qu'il s'ensuit que les demandes maintenues et dirigées contre r. GA. par a. S. et s. D. assisté de son curateur, sont irrecevables dès lors que ce défendeur se trouve dépourvu de capacité juridique du fait de son décès ;

  • Sur l'irrecevabilité d'une demande nouvelle en cause d'appel

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 431 du Code de procédure civile, « les parties peuvent, pour justifier les demandes qui avaient été soumises au premier juge, invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. Elles ne peuvent former aucune demande nouvelle, à moins qu'il ne s'agisse de compensations ou que la demande nouvelle ne soit la défense à l'action. Elles peuvent toutefois demander des intérêts, arrérages, loyers et autres accessoires échus depuis le jugement de première instance, et des dommages-intérêts depuis le préjudice subi depuis celui-ci » ;

Qu'en l'espèce, m. et g. T. appelants, demandent à la Cour, à titre subsidiaire, de condamner a. S. au paiement de la somme de 500.000 euros assortie des intérêts au jour du paiement sur le fondement de l'article 1222 du Code civil ;

Que cette demande a été formulée pour la première fois devant la Cour suivant conclusions du 20 février 2018 et reprise dans les conclusions déposées le 18 février 2019 ;

Qu'elle ne peut être considérée comme étant une défense à l'action principale, dès lors qu'elle est formulée par les appelants à titre subsidiaire, après que les premiers juges les ont condamnés à transférer l'intégralité des actions de la SAM G à a. S. et ont jugé fautif leur comportement à l'égard de celui-ci ;

Que cette demande, fondée sur les dispositions relatives à la gestion d'affaires et tendant à l'allocation d'une somme d'argent, n'est pas destinée à faire écarter la demande principale mais constitue une demande nouvelle, non soumise à l'appréciation des premiers juges, et par conséquent irrecevable en application des dispositions précitées de l'article 431 du Code de procédure civile ;

  • Sur la renonciation d a. S. à sa qualité d'associé

Attendu que les appelants considèrent que c'est à tort que le Tribunal de première instance a estimé juridiquement légitime la demande de restitution à a. S. des parts sociales détenues par m. T. et r. GA. au motif principal que le Tribunal a méconnu la perte de sa qualité d'associé d a. S. lui interdisant de revendiquer, des années après sa renonciation à cette qualité, la propriété des parts qui découle directement de cette qualité ;

Qu'il est constant que la qualité d'associé d'une société suppose « la capacité, le consentement, l'apport en biens ou en industrie, l'affectio societatis, l'acceptation des risques attachés à l'entreprise, la participation aux résultats, la contribution aux pertes » ;

Qu'il doit être observé néanmoins, que la volonté commune de partager les risques d'une entreprise s'apprécie de manière évidemment variable selon le type de société et la situation de l'associé ;

Que l'acceptation des risques de l'entreprise, qui est présente par définition dans une société de personnes, n'a pas la même portée dans une société de capitaux qui a essentiellement pour effet de créer une nouvelle personne morale dont le patrimoine est totalement indépendant de celui des propriétaires de parts ou d'actions ;

Que si l'affectio societatis peut correspondre à l'élément intentionnel du contrat de société, celui-ci n'est pas le même pour l'associé majoritaire ou l'associé minoritaire, l'associé en nom collectif ou l'actionnaire, l'acquéreur d'un titre en bourse ou l'associé unique ;

Qu'il n'existe pas de conception unitaire de la notion d'affectio societatis et que cette question fait débat devant les juridictions qu'autant que des difficultés apparaissent entre associés, de nature à remettre en cause le pacte social existant naturellement entre eux ;

Qu'en l'occurrence, il est constant qu'a. S. a acquis, seul, le 14 juin 1981 les 2.500 actions constituant le capital social de la SAM G ;

Qu'il en résulte que les arguments des appelants relatifs à la perte de l'affectio societatis d a. S. sont nécessairement limités dans leur portée, voire inopérants, en présence d'une société de capitaux à actionnaire unique ;

Qu'en tout état de cause, la disparition de l'affectio societatis conduit, selon les statuts de la société, au retrait possible de l'associé ou au retrait autorisé par décision de justice, étant observé que l'associé retrayant ne perd pas sa qualité d'associé tant qu'il n'est pas payé de la valeur de ses droits sociaux ;

Qu'il est de principe que l'associé dispose d'un droit à rester dans la société, de sorte que, hors le cas d'inexécution de l'apport, si l'intérêt de l'entreprise sociale peut justifier la validité d'une clause d'exclusion insérée dans les statuts, la mise en œuvre de celle-ci conduit à l'indemnisation de l'associé exclu, laquelle consiste en une cession forcée dans laquelle le prix des droits sociaux concernés doit être déterminé et payé ;

Qu'en l'espèce, en considération de la convention de prête-nom la qualité d'associé s'apprécie dans la personne du mandant ;

Que les appelants soutiennent qu'a. S. a renoncé à sa qualité d'associé par des actes volontaires, s'agissant notamment de ses déclarations lors du procès devant les juridictions du travail ;

Qu'il convient d'observer sur ce point que les déclarations d a. S. lors du procès social aux termes desquelles il revendiquait la qualité de salarié et estimait que m. T. avait toujours eu le contrôle de la société, sont contrebalancées par les affirmations de la SAM G prise en la personne de son administrateur m. T. aux termes desquelles il était soutenu qu'a. S. avait toujours été « le maître de l'entreprise » ;

Que le procès initié devant le Tribunal du travail en 1997 ayant donné lieu au jugement du 24 février 2000 s'est poursuivi en appel devant le Tribunal de première instance dont la décision est intervenue le 21 juin 2001 ;

Qu'il doit être souligné que tout en prônant devant les juridictions du travail qu'a. S. était le seul maître de l'entreprise, m. et g. T. se sont déclarés le 2 mai 2001, lors de la cession des actions à s. D. seuls actionnaires de la SAM G et ont déclaré avoir la pleine propriété des titres ;

Que le jugement du Tribunal de première instance du 7 octobre 2010 mentionne à cet égard que si « a. S. a entendu tirer avantage de son contrat de travail pour obtenir des indemnités de licenciement on ne peut cependant en déduire qu'il ait renoncé à ses droits alors qu'à la même période a B.(agissant pour le compte d a. S., par lettre du 27 septembre 1996 adressée à m. T. voulait, au nom de son client, régulariser la cession des actions à une société de droit étranger, ce qui implique qu'a. S. s'en estimait bien encore propriétaire. Cette analyse est corroborée par le courrier qu'a B. a adressé à son client a. S. le 4 janvier 2007 » ;

Que cette analyse des courriers constituant les pièces n° 26 et n° 32 de l'intimé demeure pertinente et conduit d'une part à écarter l'argumentation soutenue par les appelants et par s. D. assisté de son curateur, d'une renonciation d a. S. à sa qualité d'associé résultant de ses écrits judiciaires devant le Tribunal du travail et d'autre part à considérer que le désintérêt d a. S. pour le sort de sa société n'est pas démontré ;

Que m. et g. T. soutiennent que l'absence de souscription d a. S. à l'augmentation de capital décidée par l'assemblée générale de la société en novembre 1997 et réalisée en mars 1998 démontre l'intention de celui-ci de ne plus être actionnaire ;

Qu'il apparaît cependant que m. et g. T. propriétaires apparents de la SAM G, ne pouvaient opérer la souscription susvisée que dans le cadre du mandat confié par la convention de prête-nom ;

Que m. et g. T. en leur qualité de prête-noms ne pouvaient lancer cette opération d'augmentation de capital de la société sans l'accord de leur mandant ;

Que toutefois, m. et g. T. n'établissent pas avoir informé leur mandant, a. S. de ce qu'ils entendaient procéder à cette opération ;

Que l'argument selon lequel l'information a été faite par l'annonce dans le journal d'annonces légales de Monaco est dénué de portée en considération de ce qu'a. S. demeurait dans la Principauté d'Andorre et n'était pas résident monégasque ;

Qu'en toute hypothèse, m. et g. T. n'établissent pas que les manquements allégués de l'associé réel, qui est leur mandant, aient pu opérer un transfert des actions de ce mandant à leur profit et leur conférer la qualité d'associés et/ou de propriétaires des actions ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les appelants et s. D. assisté de son curateur, ne démontrent pas qu'a. S. ait renoncé à sa qualité d'associé de la SAM G et se trouverait dès lors privé de tout droit à restitution sur les actions dont il a été dépossédé ;

  • Sur l'action en responsabilité

Attendu que s. D. assisté de son curateur g. D. soutient que l'action à son encontre est prescrite ;

Que c'est à bon droit cependant que les premiers juges ont constaté que l'action d a. S. ne tendait pas au paiement de salaires mais consistait en une action en responsabilité tendant à obtenir la réparation d'un préjudice financier, de sorte que la prescription quinquennale prévue à l'article 2092 bis du Code civil ne trouvait pas à s'appliquer ;

Que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que l'action en responsabilité engagée par a. S. n'était pas prescrite ;

Qu'il est avéré que dès 1996, soit avant même l'opération d'augmentation de capital, m. et g. T. se sont appropriés les droits d a. S. sur les actions de la SAM G pour les transmettre à des tiers, r. GA. auquel ils ont cédé 625 actions en fin d'année 1996, puis s. D. auquel ils ont cédé la totalité des actions le 2 mai 2001 ;

Que s'ils justifient ces différentes opérations par la nécessité de faire face aux difficultés de la société, force est de constater qu'ils n'établissent pas en avoir rendu compte à a. S. ni lui avoir notifié une renonciation à leurs obligations de mandataires ;

Que les premiers juges ont rappelé à bon droit que m. et g. T. avaient en 2005 été mis en demeure par le conseil d a. S. de lui rendre compte de leur mandat de fiducie et de lui communiquer les états comptables et procès-verbaux des assemblées générales ;

Que l'absence de compte-rendu de leur gestion à leur mandant et la cession de droits qui appartenaient à celui-ci caractérisent les fautes contractuelles de m. et g. T. telles que retenues à bon droit par les premiers juges ;

Qu'il n'est pas contesté par les parties que s. D. a acquis de m. T. et de r. GA. le 2 mai 2001 l'ensemble des actions de la SAM G pour la somme de un franc ; qu'il a été informé dès la conclusion du contrat de vente de l'instance pendante devant la juridiction du travail opposant la société à a. S.;

Qu'en sa qualité de nouveau représentant légal de cette société suite à son acquisition, s. D. a eu connaissance de ce que devant la juridiction du travail la société qu'il représentait soutenait qu'a. S. était le seul maître de l'entreprise ;

Qu'il avait donc connaissance du mandat de fiducie donné à m. et g. T. par a. S. et ne pouvait donc pas être de bonne foi dans l'acquisition de la totalité des parts sociales de la SAM G en mai 2001 pour un prix symbolique, sans qu'a. S. n'ait été informé ;

Que s. D. a néanmoins continué d'agir en maître de l'affaire, jusqu'à ce que par arrêt du 2 mai 2012 la Cour d'appel de Monaco infirme l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction suite à la plainte avec constitution de partie civile déposée le 24 novembre 2008 par a. S. contre m. et g. T. pour abus de confiance, et qu'il décide alors de restituer à m. T. la totalité des actions le 9 mai 2012 ;

Que s. D. a donc acquis et conservé de mauvaise foi les parts sociales de la SAM G de mai 2001 à mai 2012 et causé ainsi un préjudice à a. S. véritable propriétaire de ces parts ;

Qu'en conséquence, la décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a retenu d'une part la responsabilité contractuelle de m. et g. T. et d'autre part la responsabilité délictuelle de s. D. comme ayant causé un préjudice à a. S.;

  • Sur le préjudice

Attendu qu'a. S. fait valoir que depuis son éviction de la société tant en qualité de salarié qu'en qualité d'actionnaire, il a subi un double préjudice, l'un constitué par la non-perception des salaires et avantages qu'il aurait dû continuer à percevoir, l'autre par l'absence de perception des dividendes auxquels il peut prétendre ;

Qu'il est constant qu'a. S. malgré les demandes faites par l'intermédiaire de son conseil notamment en 1996 et en 2005, puis dans le cadre de l'instance pendante devant le Tribunal de première instance, n'a pas pu avoir accès aux documents comptables de la société dont il a été totalement évincé de la gestion suite à la rupture des relations contractuelles le 18 octobre 1996 ;

Que dès lors, en considérant qu'a. S. avait été privé de ses droits sur la société du fait des fautes commises par les consorts T. et D. le Tribunal n'a pas statué ultra petita en décidant que son préjudice financier ne pouvait pas être calculé sur la base de son ancienne rémunération au sein de la SAM G, mais devait être calculé par référence à la perte de ses droits d'actionnaire ;

Attendu que les appelants et s. D. ne sont pas fondés à soutenir l'absence de droit d a. S. sur les actions de la SAM G créées dans le cadre de l'augmentation de capital de mars 1998, dès lors que celle-ci a été réalisée en fraude des droits du légitime propriétaire des actions de la société après que m. et g. T. l'ont dépossédé de ses actions ;

Que pour la même raison les consorts T. et D. ne sont pas fondés à arguer de ce qu'a. S. actionnaire unique de la société, ne pourrait pas profiter de la valeur actuelle de celle-ci du fait de son changement d'activité ;

Qu'il convient donc de débouter m. et g. T. ainsi que s. D. de leur demande tendant à faire juger qu'a. S. n'aurait aucun droit de restitution sur les actions nouvelles de la SAM G liées à l'augmentation de capital intervenue en 1998 ;

Que le jugement déféré doit donc recevoir confirmation en ce qu'il a, avant dire droit sur l'évaluation des préjudices subis par a. S. ordonné à la SAM G de communiquer à celui-ci, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision et sous astreinte provisoire de 100 euros par jour à l'issue de ce délai les documents comptables de la société et de ses éventuelles filiales depuis 1996 ainsi que les procès-verbaux d'assemblée générale de ladite société depuis 1996 permettant de connaître le montant des dividendes perçus par les actionnaires ;

Qu'il résulte des écritures de s. D. assisté de son curateur et des consorts T. que s. D. a restitué en mai 2012 à m. T. l'ensemble des actions de la SAM G en sa possession;

Qu'il convient en définitive de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions, sauf à préciser que seul m. T. est tenu de transférer l'intégralité des actions de la SAM G en sa possession à a. S. dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et ce sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l'issue de ce délai ;

  • Sur la demande de dommages-intérêts

Attendu que m. et g. T. et s. D. assisté de son curateur, qui succombent en leurs demandes, ne démontrent pas le caractère abusif de l'action engagée contre eux par a. S. et doivent par conséquent être déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts à son encontre ;

Que la SAM G qui ne démontre pas la faute commise par a. S. à son encontre, susceptible de lui causer un préjudice, doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu que g. T. m. T. et s. D. assisté de son curateur g. D. doivent être condamnés aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco du 13 juin 2017,

Vu l'arrêt avant-dire-droit de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco du 18 décembre 2018,

Constate que, nonobstant l'absence de mise en cause des héritiers de r. GA. décédé le 24 juin 2016, les parties d'un commun accord ont entendu reprendre l'instance,

Déclare irrecevables les demandes d a. S. et de s. D. assisté de son curateur g. D. en ce qu'elles sont dirigées contre r. GA. décédé le 24 juin 2016, dont les héritiers n'ont pas été appelés en cause,

Déclare irrecevable la demande subsidiaire de m. et g. T. tendant à la condamnation d a. S. au paiement d'une somme de 500.000 euros sur le fondement de l'article 1222 du Code civil, formulée pour la première fois en cause d'appel,

Déboute m. et g. T. ainsi que s. D. de leur demande tendant à faire juger qu'a. S. n'aurait aucun droit de restitution sur les actions nouvelles de la SAM G liées à l'augmentation de capital intervenue en 1998,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions sauf à préciser que seul m. T. est tenu de transférer l'intégralité des actions de la SAM G en sa possession à a. S. dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et ce sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l'issue de ce délai,

Déboute m. et g. T. et s. D. assisté de son curateur g. D. de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Déboute la SAM G de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Condamne g. T. m. T. et s. D. assisté de son curateur g. D. aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 4 JUIN 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.

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