Cour d'appel, 4 juin 2019, Monsieur d. S. et Madame j. M. épouse S. c/ L'État de Monaco

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Abstract🔗

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité de l'État (non) - Retard fautif dans l'exécution d'une décision de justice (non)

Résumé🔗

S'il est exact que l'annulation d'une décision administrative faisant grief emporte, pour l'administration, l'obligation de remettre la situation en conformité de cette annulation dans les meilleurs délais, il apparaît qu'aucun retard fautif dans l'exécution de la décision du Tribunal suprême du 12 juin 2006 ne peut être reproché à l'État. Après l'annulation de la décision de préemption d'un immeuble, ce dernier a été rétrocédé aux acquéreurs évincés le 29 mai 2007, à la suite de plusieurs échanges entre les parties.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 4 JUIN 2019

En la cause de :

  • 1) Monsieur d. S., né le 20 avril 1958 à Stockton Heath (Grande-Bretagne), de nationalité britannique, chef d'entreprise, demeurant et domicilié à Monaco 98000 - X1 ;

  • 2) Madame j. M.épouse S., née le 21 décembre 1960 à Munich (Allemagne), de nationalité allemande, sans profession, demeurant et domiciliée à Monaco 98000 - X1 ;

Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANTS,

d'une part,

contre :

  • - L'ÉTAT DE MONACO, représenté au sens de l'article 139 du Code de procédure civile par Son Excellence Monsieur le Ministre d'État au Palais du Gouvernement à Monaco - Place de la Visitation et en application de l'article 153 du Code de procédure civile à la Direction des Affaires Juridiques sis 13, avenue des Castelans à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Jacques MOLINIE, avocat au barreau de Paris ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 12 avril 2018 (R. 4274) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 27 juin 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000168) ;

Vu les conclusions déposées les 30 octobre 2018 et 26 mars 2019 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de l'ÉTAT DE MONACO ;

Vu les conclusions déposées le 18 décembre 2018 par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Monsieur d. S. et de Madame j. M.épouse S.;

À l'audience du 23 avril 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur d. S. et Madame j. M.épouse S.à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 12 avril 2018.

Considérant les faits suivants :

Selon compromis de vente reçu dans le courant de l'année 2005, en l'étude de Maître Henry REY, notaire, d. S. et j. M.épouse S. se sont portés acquéreurs d'un bien immobilier au troisième étage de l'immeuble situé X1 à Monaco, au prix de 1.250.000 euros, outre les commissions d'agence et les frais.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 avril 2005, adressée en application de l'article 38 de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000, relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947, le notaire a porté ce projet d'acquisition à la connaissance de S. E. M. le Ministre d'État.

Selon courrier en date du 18 mai 2005, reçu le 23 mai 2005 par le notaire, S. E. M. le Ministre d'État lui a fait savoir que l'État entendait exercer son droit de préemption.

Par requête en date du 5 septembre 2005, j. S. a saisi le Tribunal suprême aux fins d'annulation de la décision de préemption et, par décision du 12 juin 2006, cette juridiction a annulé la décision de préemption, retenant, au visa de l'article 38 de la loi précitée, que l'État bénéficiait d'un mois à compter de la notification de la décision d'aliéner pour exercer son droit de préemption alors qu'au cas d'espèce, la notification était intervenue le 21 avril 2005, que le délai pour préempter avait expiré le 21 mai 2005 et qu'aucun élément ne permettait de s'assurer que le courrier de S. E. M. le Ministre d'État était parvenu au notaire avant la date d'expiration du délai.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 28 juillet 2006, j. Margarete S. a sollicité de S. E. M. le Ministre d'État, le transfert à son profit de la propriété de l'appartement.

Divers courriers ont été échangés entre les époux S. et S. E. M. le Ministre d'État.

Selon acte authentique reçu le 29 mai 2007, en l'étude de Maître Henry REY, notaire, les époux S. ont acquis de l'État de Monaco le bien immobilier litigieux, au prix de 1.250.000 euros.

Estimant avoir subi un préjudice en raison des agissements irréguliers de l'État, les époux S. l'ont fait assigner, selon exploit d'huissier délivré le 25 novembre 2008, devant le Tribunal de première instance aux fins d'obtenir sa condamnation à leur payer la somme totale de 201.383 euros, outre celle de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 27 octobre 2011, confirmé par un arrêt de cette Cour du 12 février 2013, le Tribunal de première instance s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande indemnitaire formée par les époux S.

Le pourvoi en révision formé contre l'arrêt de la Cour d'appel a été rejeté le 26 mars 2014.

Les époux S. ont présenté une requête en indemnisation devant le Tribunal suprême qui, par décision du 25 novembre 2016, a rejeté leurs conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision de préemption annulée et les a renvoyés, pour le surplus de leurs demandes, devant le Tribunal de première instance.

Selon exploit d'huissier délivré le 14 mars 2017, les époux S. ont fait assigner l'ÉTAT DE MONACO devant le Tribunal de première instance en sollicitant, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation au paiement de la somme de 144.080,22 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'État, outre la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l'action en justice qu'ils ont dû engager.

Par jugement contradictoire du 12 avril 2018, le Tribunal de première instance a débouté d. S. et j. M.épouse S. de toutes les demandes qu'ils avaient formées à l'encontre de l'ÉTAT DE MONACO et les a condamnés aux dépens, avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu qu'aucune faute n'était démontrée à l'encontre de l'ÉTAT DE MONACO.

Par exploit d'appel et assignation délivré le 27 juin 2018, d. S. et j. M.épouse S. ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de cet exploit et des conclusions qu'ils ont déposées le 18 décembre 2018, les appelants demandent à la Cour de :

  • « - Accueillir les requérants en leur exploit d'appel et assignation comme recevable en la forme, au fond les y déclarant fondés,

  • - s'entendre la Cour réformer la décision entreprise et, statuant de nouveau,

  • - condamner l'État de Monaco à payer aux époux S. la somme de 144.080,22 euros en réparation des préjudices subis de son fait,

  • - outre celle de 50.000 euros au titre de légitimes dommages-intérêts complémentaires en réparation du préjudice spécifique tiré de la nécessité devant laquelle les requérants se sont trouvés d'ester en justice du fait de la résistance abusive de l'État,

  • - débouter l'ÉTAT DE MONACO de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

  • - condamner l'ÉTAT DE MONACO aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, aux offres de droit ».

Les appelants soutiennent que l'annulation d'une décision administrative faisant grief emporte, pour l'administration, l'obligation de remettre la situation en conformité de cette annulation dans les meilleurs délais et que le retard intervenu dans le transfert de propriété n'est pas normal.

Ils estiment en effet que l'État aurait dû de lui-même tirer les conséquences de la décision du 12 juin 2006, sans attendre qu'on l'y invite.

Ils font aussi valoir qu'un accord est très rapidement intervenu avec l'État, ce dès le 21 septembre 2006, pour la rétrocession de la propriété de l'appartement, et alors même que cette rétrocession n'était pas liée à l'existence d'un accord sur l'indemnisation du préjudice subi par eux.

Ils ajoutent qu'ils n'ont jamais subordonné le transfert de propriété au règlement concomitant de leur préjudice.

Ils estiment que les délais pris par l'État dans le traitement du dossier témoignent de sa volonté de retarder le transfert de propriété.

Ils considèrent par ailleurs que l'analyse des conséquences de l'annulation de la décision de préemption par le Tribunal suprême ne présentait aucune difficulté de nature à engendrer un délai de plusieurs mois, alors surtout que l'État dispose d'un service juridique.

Ils en concluent que de manière fautive, l'État n'a pas immédiatement tiré les conséquences de la décision du Tribunal suprême en leur proposant immédiatement et spontanément de procéder au transfert de propriété, et que cette carence est la cause directe du préjudice qu'ils ont subis.

Sur leur préjudice, les appelants font valoir qu'en raison de cette situation, ils ont supporté une hausse des taux d'intérêts, des loyers supplémentaires, une augmentation du coût des travaux de remise en état de l'appartement, ainsi que de nouveaux droits d'enregistrement.

Par conclusions déposées les 30 octobre 2018 et 26 mars 2019, l'ÉTAT DE MONACO demande à la Cour de :

  • « - rejeter l'appel formé par les époux S. à l'encontre du jugement du Tribunal de première instance du 12 avril 2018,

  • - rejeter l'ensemble des prétentions indemnitaires de Monsieur et Madame S. dirigées contre l'État de Monaco,

  • - condamner Monsieur et Madame S. à payer à l'ÉTAT DE MONACO une indemnité de 10.000 euros au titre de la procédure d'appel abusif,

  • - condamner Monsieur et Madame S. aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, aux offres de droit ».

Au soutien de ses conclusions, l'ÉTAT DE MONACO fait valoir qu'il n'a commis aucune faute lors de l'exécution de la décision du Tribunal suprême du 12 juin 2006 et qu'il appartient à celui qui entend mettre en cause la responsabilité administrative de rapporter la preuve de l'inaction de l'administration, de son préjudice et du lien causal entre l'inaction du préjudice prétendu.

Il précise qu'en l'absence de texte précisant les modalités de mise en œuvre de l'exécution des décisions du Tribunal suprême, que l'on peut se référer aux solutions jurisprudentielles françaises qui, dans le silence des textes, considèrent que l'administration dispose, pour s'acquitter de son obligation, d'un délai raisonnable.

Il fait valoir qu'en l'espèce, le fait qu'il n'ait pas exécuté la décision du Tribunal suprême lorsque le conseil des époux S. lui a demandé, par courrier du 28 juillet 2006, de tirer les conséquences de cette décision ne peut être regardé comme un retard fautif.

Il indique que si l'acte notarié transférant la propriété aux époux S. n'a été signé que neuf mois après le prononcé de la décision juridictionnelle, soit le 29 mai 2007, la responsabilité de ce retard n'incombe pas à l'État, ainsi que l'établit la chronologie des faits.

Selon l'ÉTAT DE MONACO, les époux S. ont entendu lier le transfert de propriété à une demande indemnitaire.

Il fait également observer que par un courrier en réponse en date du 21 septembre 2006, S. E. M. le Ministre d'État, tout en rejetant les prétentions indemnitaires des époux S. a proposé, dans un souci de mettre fin au litige, de procéder au transfert de propriété de l'appartement préempté.

En outre, ce n'est que le 19 décembre 2006 que les appelants ont finalement donné leur accord pour le transfert de propriété de l'appartement à leur profit, au prix qu'avait payé l'État.

Puis, après l'intervention de l'Administration des Domaines, l'acte notarié de transfert a pu être régularisé le 29 mai 2007.

Il apparaît que le délai d'un peu moins de deux mois qui s'est écoulé entre le 28 juillet 2006 et le 21 septembre 2006 procède d'une double cause : d'une part, la nécessité pour l'État de tirer les conséquences juridiques de l'annulation de la décision de préemption, d'autre part et surtout, le fait que les époux S. ont souhaité lier le transfert de propriété de l'appartement au versement d'une indemnité, ce qui posait le problème de la détermination des règles de responsabilité applicables.

Le délai supplémentaire de trois mois jusqu'à l'acceptation explicite du transfert par les époux S. est exclusivement la conséquence de la lettre du 16 octobre 2006 par laquelle les appelants ont différé leur accord sur le transfert de propriété en réitérant leur demande indemnitaire.

Enfin, le délai entre l'acceptation et la signature effective de l'acte de vente le 29 mai 2007 a pour cause le délai habituel d'établissement et de signature des actes authentiques ainsi que le changement de notaire par les époux S.

Subsidiairement, l'ÉTAT DE MONACO fait valoir que les appelants ne démontrent aucun préjudice indemnisable se rattachant aux conditions d'exécution de la décision du Tribunal suprême du 12 juin 2006.

Il considère qu'il en est ainsi des préjudices allégués liés à l'augmentation du coût des travaux, à l'augmentation du taux de l'emprunt, aux frais de justice et au montant du loyer qu'ils ont continué à payer pendant la période litigieuse.

Enfin, l'ÉTAT DE MONACO estime que l'appel des époux S. est totalement injustifié et revêt un caractère abusif.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions ci-dessus développées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

  • 1 - Attendu que l'appel, relevé dans les formes et délais prescrits par le Code de procédure civile, est régulier et recevable ;

  • 2 - Attendu qu'il incombe à celui qui entend rechercher la responsabilité de l'État, de rapporter la triple démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité direct entre eux ;

Attendu qu'au cas d'espèce, il est soutenu que l'ÉTAT DE MONACO a fait preuve de lenteur et de retard dans l'exécution de la décision rendue le 12 juin 2006 par le Tribunal suprême, sans en tirer immédiatement et spontanément les conséquences, ainsi qu'il aurait dû le faire ;

Qu'il est constant que par décision du 12 juin 2006, le Tribunal suprême siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative, a annulé la décision de préemption de S. E. M. le Ministre d'État du 18 mai 2005 ;

Qu'il est constant que l'acte authentique de vente de l'appartement litigieux entre l'ÉTAT DE MONACO et les époux S. a été signé le 29 mai 2007, soit près d'un an après l'annulation de la décision ;

Mais attendu que s'il est exact que l'annulation d'une décision administrative faisant grief emporte, pour l'administration, l'obligation de remettre la situation en conformité de cette annulation dans les meilleurs délais, il apparaît qu'au cas d'espèce, aucun retard fautif dans l'exécution de la décision du Tribunal suprême du 12 juin 2006 ne peut être reproché à l'État au regard de la chronologie rappelée ci-après :

  • - le 28 juillet 2006, le conseil des appelants a écrit un courrier à S. E. M. le Ministre d'État en ces termes :

    • « .../... Du fait de l'illégalité de la préemption, Madame M.épouse S. est fondée à demander au Tribunal de première instance de tirer les conséquences de son annulation en ordonnant le transfert de propriété à son bénéfice en contrepartie du paiement de la somme convenue dans la promesse de vente du bien litigieux, qu'elle n'a pu acquérir du fait de l'acte nul.

    • Par ailleurs, ma cliente souhaite également me mandater à l'effet de solliciter judiciairement, la condamnation de l'ÉTAT DE MONACO à l'indemniser du préjudice que lui a occasionné l'impossibilité d'acquérir, du fait de cette décision illégale, le bien immobilier litigieux.../...

    • Cependant, avant d'engager une telle procédure qui ne m'apparaît souhaitable ni pour l'administration ni pour ma cliente, j'ai estimé convenable de vous écrire afin d'explorer avec vous la possibilité, si l'administration y est disposée, d'apporter à ce litige une solution amiable et non contentieuse.

    • Cette dernière pourrait consister en ce que l'ÉTAT DE MONACO accepte de céder pour une somme de 1.250.000 euros à ma cliente les biens et droits immobiliers acquis illégalement sans que cette acquisition n'ait à être annulée par le Tribunal au préalable, en prenant en charge les frais et droits correspondants, et à verser à Madame M.épouse S. une indemnité forfaitaire et transactionnelle correspondant à ses préjudices.

    • Je suis dans l'attente de vous lire à ce sujet tout en attirant votre attention sur le fait que cet accord, s'il pouvait être pris, devrait intervenir dans la mesure du possible au mois de septembre prochain, c'est-à-dire avant la rentrée judiciaire car je ne pourrai différer l'engagement de cette procédure suivant les instructions formelles de ma cliente .../... » ;

  • - par un courrier en réponse reçu le 21 septembre 2006, S. E. M. le Ministre d'État a fait savoir au conseil des appelants que les chefs de demandes présentés par Madame S. ne lui semblaient pas constituer un préjudice indemnisable, précisant :

    • « Toutefois, dans un souci de mettre fin à ce litige et dans l'intérêt commun des parties, j'ai l'honneur de vous faire savoir que l'État est disposé à procéder au transfert de l'appartement préempté, au prix qu'il l'avait lui-même acquis (prix de vente, augmenté de la commission d'agence ; les frais notariés de l'acquisition initiale restant à la charge de l'État).

    • Si cette proposition recueillait l'accord de votre cliente, un protocole d'accord pourrait être établi très prochainement » ;

  • - le 16 octobre 2006, le conseil des appelants répondait par écrit à S. E. M. le Ministre d'État, lui demandant de « bien vouloir reconsidérer » sa « position sur le terrain de l'indemnisation », et précisant qu'à défaut, « il conviendrait qu'un accord intervienne, à tout le moins sur le transfert de propriété à son bénéfice concernant l'appartement litigieux, les parties réservant par ailleurs leurs droits » ;

  • - par courrier du 23 novembre 2016, S. E. M. le Ministre d'État confirmait au conseil des appelants qu'il rejetait la demande indemnitaire, et réitérait les termes de son courrier du 19 septembre 2006, indiquant : « L'État est, en effet, disposé à procéder au transfert de l'appartement précité au prix qu'il avait lui-même acquis (prix de vente, augmenté de la commission d'agence). Bien évidemment, si cette proposition recueillait l'accord de votre cliente, un protocole d'accord pourrait être établi très prochainement » ;

  • - le conseil des appelants répondait à S. E. M. le Ministre d'État par lettre recommandée avec avis de réception du 19 décembre 2006, distribuée le lendemain, dans les termes suivants :

    • « .../... J'ai l'honneur de vous confirmer en réponse que ma cliente accepte de procéder au transfert de l'appartement précité au prix qui avait été initialement payé par l'État. La question de l'indemnisation de cette dernière devra rester ouverte puisque aucun accord ne peut intervenir. Souhaitez-vous charger vos Services de la rédaction de ce protocole ou préférez-vous que le projet émane de ma cliente ?.../... » ;

  • - le 29 mars 2007, l'Administration des Domaines écrivait ainsi au conseil des appelants : « Il m'a été transmis la lettre que vous avez adressée, le 19 décembre 2006, à Son Excellence Monsieur le Ministre d'État aux intérêts de Madame Margaret S. Comme suite à cette dernière, je vous confirme que je me tiens à la disposition de votre client afin de procéder aux formalités de transfert de propriété de l'appartement situé X1 .../... » ;

  • - le conseil des appelants répondait à ce courrier le 16 avril 2007, précisant que sa cliente attendait de Maître Pierre-Louis AUREGLIA, notaire, la confirmation d'une date de signature ;

  • - le 25 avril 2007, l'Administration des Domaines prenait contact, par écrit, avec Maître AUREGLIA, lui demandant de lui faire parvenir le projet d'acte ;

Attendu qu'il s'évince, en effet, de ces échanges que dès le 21 septembre 2006, l'État s'est déclaré disposé à procéder immédiatement au transfert de propriété sans que, ainsi que l'ont pertinemment relevé les premiers juges, le délai écoulé entre le 28 juillet 2006, date de la lettre initiale du conseil des époux S. et le 21 septembre 2006, ne puisse être considéré comme excessif eu égard à la nécessité, pour l'ÉTAT DE MONACO, d'analyser les conséquences juridiques de l'annulation, dans un contexte où, en outre, le conseil des appelants envisageait une assignation de l'État en annulation de vente, et en indemnisation, devant le Tribunal de première instance ;

Qu'il s'en évince, en outre, et sans ambiguïté, que la demande formée par le conseil des appelants en transfert de propriété était liée à une demande indemnitaire, demande que l'État a du préalablement analyser avant de formuler sa réponse le 21 septembre 2006, dans laquelle il était, d'ailleurs, expressément fait référence à une décision du Conseil d'État français, relative aux conditions dans lesquelles la responsabilité de l'État pouvait être engagée suite à une décision de préemption, démontrant, ainsi, les recherches juridiques effectuées ;

Que du reste, les appelants ne le contestent pas utilement, qui admettent même : « ... Ce n'est donc pas l'Administration des Domaines qui a accéléré la signature de l'acte mais au contraire les époux S. qui ont, immédiatement après le refus de S. E. M. le Ministre d'État, dissocié le transfert de la propriété litigieuse, de l'indemnisation de leur préjudice .../... » ;

Que d'ailleurs, la Cour relève l'emploi peu adapté du terme « immédiatement » dès lors que ce n'est que par un courrier du 19 décembre 2006 et après avoir demandé à S. E. M. le Ministre d'État de reconsidérer son analyse, que le conseil des appelants a fait part de l'accord de sa cliente pour le transfert de propriété, sans y associer désormais une demande d'indemnisation ;

Que les appelants reconnaissent, en outre, que le notaire qu'ils avaient initialement choisi, Maître REY, a refusé de dresser l'acte, situation qui les a contraints à s'adresser à Maître AUREGLIA, ce qui a accru les délais ;

Qu'à cela, vient s'ajouter le délai d'établissement d'un acte authentique ;

Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, aucune négligence, aucune carence, aucun retard excessif ni déraisonnable, ne peuvent être imputés à faute à l'ÉTAT DE MONACO, pas plus qu'une volonté de sa part de retarder le transfert de propriété ;

Qu'il s'ensuit que les appelants, qui ne rapportent pas la preuve de l'inaction fautive de l'État, ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes indemnitaires formées à son encontre, ce par voie de confirmation du jugement entrepris ;

  • 3 - Attendu que l'appel représente l'exercice d'un droit et que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une faute ou d'une intention malveillante ;

Que dès lors, l'ÉTAT DE MONACO, défaillant à rapporter la preuve de l'abus commis par d. S. et j. M. épouse S. dans leur appel, sera débouté de sa demande de dommages-intérêts du chef d'appel abusif ;

  • 4 - Attendu que succombant en leur appel, les époux S. en supporteront les entiers dépens, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit l'appel formé par d. S. et j. M. épouse S. contre le jugement rendu le 12 avril 2018 par le Tribunal de première instance,

Confirme cette décision en toutes ses dispositions,

Déboute l'ÉTAT DE MONACO de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,

Condamne d. S. et j. M. épouse S. aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 4 JUIN 2019, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.

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