Cour d'appel, 13 mai 2019, r. S. c/ Le Ministère Public
Abstract🔗
Droit pénal - Application des peines - Révocation partielle du sursis (oui) - Régime de la liberté d'épreuve - Non-respect des mesures de surveillance et d'assistance - Non-respect de l'obligation d'indemniser la victime - Prise en compte de l'indemnisation partielle
Résumé🔗
En application des dispositions de l'article 397 du Code pénal, le régime de la liberté d'épreuve emporte, pour le condamné qui y est soumis pendant le délai fixé, l'observation des mesures de surveillance et d'assistance prévues par l'ordonnance n° 3.960 du 12 février 1968 ainsi que le respect des obligations imposées spécialement par la juridiction de jugement. En cas de non-respect des mesures de surveillance ou des obligations imposées, la suspension de la peine peut être révoquée en tout ou partie par le Tribunal correctionnel saisi à cette fin par le juge de l'application des peines conformément à l'article 400 du Code pénal. Or, en l'espèce, il est établi que l'appelant, condamné à une peine de sept mois d'emprisonnement avec sursis et au placement sous le régime de la liberté d'épreuve pendant trois ans avec obligation de rembourser la victime, n'a pas satisfait, à cette obligation. En effet, non seulement il ne s'est pas présenté à plusieurs convocations de l'assistance sociale et a changé de domicile sans l'en informer, mais il n'a effectué que quelques paiements sporadiques pour un montant total de 1.850 euros à valoir sur une créance indemnitaire de près de 9.000 euros. Ainsi, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu qu'il avait commis des manquements graves et répétés en ne respectant pas le régime de la liberté d'épreuve. Cependant, il s'agit de la seule et unique condamnation pénale figurant au casier judiciaire de l'intéressé, et sa mobilisation actuelle pour répondre à ses obligations pécuniaires doit pouvoir s'inscrire dans la durée dans l'intérêt de la partie civile. En conséquence, une mise à exécution partielle de la peine d'emprisonnement dans la limite de trois mois apparaît suffisante. Le jugement sera donc réformé en ce sens.
Motifs🔗
COUR D'APPEL CORRECTIONNELLE
ARRÊT DU 13 MAI 2019
En la cause de :
r. S., né le 9 juin 1984 à NIMES (30), de père inconnu et de a. S. de nationalité française, serveur, demeurant X1 à SAINT-RAPHAEL (83700) ;
Aux fins de :
VOIR STATUER PAR LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE MONACO, EN APPLICATION DE L'ARTICLE 400 DU CODE PÉNAL SUR L'EXÉCUTION DE LA PEINE PRONONCÉE À SON ENCONTRE LE 24 MARS 2015 PAR LE TRIBUNAL DE MONACO À SEPT MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS ET PLACEMENT SOUS LE RÉGIME DE LA LIBERTÉ D'ÉPREUVE PENDANT TROIS ANS AVEC OBLIGATION DE REMBOURSER LA VICTIME, r. S. N'AYANT PAS SATISFAIT, AU COURS DU DÉLAI D'ÉPREUVE, AUX OBLIGATIONS IMPOSÉES PAR LE JUGE DE L'APPLICATION DES PEINES ;
PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Clyde BILLAUD, avocat-stagiaire près la Cour d'appel de Monaco, commis d'office et plaidant par ledit avocat-stagiaire ;
APPELANT / INTIMÉ
Contre :
Le MINISTÈRE PUBLIC ;
INTIMÉ / APPELANT
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 1er avril 2019 ;
Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 29 janvier 2019 ;
Vu les appels interjetés le 5 février 2019 par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, pour le compte de Maître Clyde BILLAUD, avocat-stagiaire et celui de r. S. prévenu, que par le Ministère Public à titre incident ;
Vu l'ordonnance présidentielle en date du 15 février 2019 ;
Vu la citation à prévenu, suivant exploit, enregistré, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, Huissier, en date du 21 février 2019 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï Eric SENNA, Conseiller, en son rapport ;
Ouï r. S. prévenu, en ses réponses ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Clyde BILLAUD, avocat-stagiaire, pour r. S. prévenu, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;
Ouï le prévenu en dernier, en ses moyens de défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par jugement contradictoire en date du 29 janvier 2019, le Tribunal correctionnel a, sur la poursuite :
« aux fins de voir statuer, voir statuer par le Tribunal correctionnel de Monaco, en application de l'article 400 du Code pénal sur l'exécution de la peine prononcée à son encontre le 24 mars 2015 par le Tribunal de Monaco a sept mois d'emprisonnement avec sursis et placement sous le régime de la liberté d'épreuve pendant trois ans avec obligation de rembourser la victime, r. S. n'ayant pas satisfait, au cours du délai d'épreuve, aux obligations imposées par le juge de l'application des peines » ;
jugeant à nouveau, après jugement avant-dire-droit au fond en date du 15 mai 2018 ayant notamment reçu r. S. en son opposition, régulière en la forme et mis à néant les dispositions du jugement en date du 25 septembre 2017,
ordonné la révocation partielle du sursis accordé à r. S. par jugement en date du 24 mars 2015, à hauteur de QUATRE MOIS D'EMPRISONNEMENT ;
condamné r. S. aux frais qui comprendront également ceux réservés par jugement avant dire droit du 15 mai 2018.
Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, pour le compte de Maître Clyde BILLAUD, avocat-stagiaire et celui de r. S. prévenu, a interjeté appel de cette décision par acte de greffe en date du 5 février 2019.
Le Ministère Public a interjeté appel incident de ladite décision le même jour.
Considérant les faits suivants :
Suivant jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Monaco le 24 mars 2015, r. S. a été condamné, pour des faits de violences sans IIT sur personne ayant vécu durablement avec l'auteur à la peine de sept mois d'emprisonnement avec sursis et placement sous le régime de la liberté d'épreuve pendant trois ans avec obligation d'indemniser la victime, c. R. de ses préjudices une fois liquidés.
Le 13 mai 2015, le juge de l'application des peines notifiait au condamné, outre les mesures de surveillance prescrites à l'article 3 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.960 du 12 février 1968, les modalités d'exécution de la décision prise par la juridiction de jugement et son obligation principale d'indemniser la victime.
Dans un rapport en date du 28 février 2017, l'assistante sociale des services judiciaires faisant fonction d'agent de probation relevait que r. S. n'avait fait aucun versement à la partie civile et ne s'était plus présenté à ses convocations.
C'est en cet état que le juge de l'application des peines saisissait le 6 mars 2017 le Tribunal correctionnel sur le fondement de l'article 400 du Code pénal.
Par jugement de défaut en date du 25 septembre 2017 le Tribunal correctionnel prononçait la révocation totale de la mesure.
Par rapport en date du 22 novembre 2017, l'assistante sociale des services judiciaires relevait que r. S. s'était présenté à elle et qu'il s'était engagé à verser la somme de 1.500 euros à valoir sur une créance indemnitaire de 8.939,36 euros.
Il justifiait le 14 décembre 2017 d'un versement de 50 euros, puis le 17 avril 2018 de plusieurs versements pour un montant total de 200 euros.
Statuant sur opposition de r. S. par jugement en date du 15 mai 2018 le Tribunal ordonnait le sursis à statuer au 18 décembre 2018 dans l'attente de nouveaux versements auquel le prévenu s'était engagé.
À l'audience de renvoi, r. S. expliquait devant le Tribunal correctionnel que sa situation professionnelle en 2018 n'était pas stable, confirmait n'avoir versé qu'une somme de 1.500 euros et indiquait pouvoir régler la somme de 1.300 euros d'ici le mois de janvier 2019.
Par jugement en date du 29 janvier 2019 le Tribunal correctionnel recevait r. S. en son opposition et statuant à nouveau, révoquait partiellement la mesure à hauteur de 4 mois d'emprisonnement en considérant que ce dernier avait manqué à ses obligations de la liberté d'épreuve mais que devait être pris en compte les paiements partiels à hauteur de 1.500 euros effectués depuis.
Le casier judiciaire monégasque de r. S. ne comporte que la mention de cette condamnation.
Lors de l'audience devant la Cour, r. S. assisté de son conseil, a été entendu en ses observations aux termes desquelles, il sollicite la réformation du jugement et la non-révocation de la peine en faisant valoir que sa mise à exécution aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle dès lors qu'il a vécu une période d'errance de plusieurs mois sans logement et sans emploi et qu'il a retrouvé une stabilisation à Saint-Raphaël (83). Il ne conteste pas les manquements qui lui sont reprochés et reconnait n'avoir réglé qu'une faible partie de l'indemnisation due à la partie civile. Il précise avoir réglé une somme complémentaire de 350 euros depuis le jugement de révocation et s'engage à lui verser mensuellement un montant d'au moins 200 euros.
Le Ministère Public, appelant incident, a requis la confirmation du jugement en relevant que la situation en 2019 est restée la même que celle de 2015, que la période probatoire était terminée, que les versements effectués étaient insuffisants pour justifier de la bonne foi de l'appelant, qu'il avait changé d'adresse sans la communiquer et n'avait pas répondu à certaines convocations, qu'il avait bénéficié de très larges délais et que le Tribunal avait pris une décision exceptionnelle de sursis à statuer pour lui permettre de régulariser sa situation, ce qui n'a pas été fait.
SUR CE,
Attendu qu'en application des dispositions de l'article 397 du Code pénal, le régime de la liberté d'épreuve emporte pour le condamné qui y est soumis pendant le délai fixé, l'observation des mesures de surveillance et d'assistance prévues par l'Ordonnance Souveraine n° 3.960 du 12 février 1968 ainsi que le respect des obligations imposées spécialement par la juridiction de jugement ;
Qu'en cas de non-respect des mesures de surveillance ou des obligations imposées spécialement par la juridiction de jugement, la suspension de la peine peut être révoquée en tout ou partie par le Tribunal correctionnel saisi à cette fin par le juge de l'application des peines conformément à l'article 400 du Code pénal ;
Qu'en l'espèce, il est constant que r. S. ne s'est pas présenté à plusieurs convocations de l'assistance sociale, qu'il a changé de domicile sans l'en informer et a interrompu ses versements au bénéfice de la partie civile auxquels il était astreint après un premier versement mensuel de 50 € et n'a fait que quelques paiements sporadiques au cours de la période probatoire qui est terminée depuis le 8 avril 2018 ;
Que depuis sa comparution devant le Tribunal au mois de mai 2018, l'intéressé justifie avoir réglé la somme de 1.850 € due à cette dernière à titre de réparation des conséquences des infractions ;
Que le Tribunal a justement retenu que l'appelant avait commis des manquements graves et répétés en ne respectant pas le régime de la liberté d'épreuve alors qu'il était en mesure de s'acquitter des sommes dues au cours du délai de trois ans et qu'il avait même pu disposer pour ce faire d'un délai supplémentaire octroyé par les premiers juges ;
Qu'il convient d'observer, qu'il s'agit de la seule et unique condamnation pénale figurant au casier judiciaire de l'intéressé et que sa mobilisation actuelle pour répondre à ses obligations pécuniaires doit pouvoir s'inscrire dans la durée dans l'intérêt de la partie civile ;
Qu'une mise à exécution partielle de la peine d'emprisonnement dans la limite de trois mois d'emprisonnement apparaît dès lors suffisante et serait susceptible de permettre à l'appelant, si ses efforts devaient se poursuivre avec régularité, de solliciter le bénéfice des dispositions des articles 598 et suivants du Code de procédure pénale ;
Qu'il convient par conséquent de réformer le jugement déféré en ce sens ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
Statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Réforme le jugement du Tribunal correctionnel du 29 janvier 2019 en ce qu'il a ordonné la révocation du sursis à hauteur de quatre mois d'emprisonnement,
Statuant à nouveau de ce chef ;
Ordonne la révocation partielle du sursis accordé à r. S. par jugement du 24 mars 2015, à hauteur de trois mois d'emprisonnement,
Condamne r. S. aux frais du présent arrêt.
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le treize mai deux mille dix-neuf, par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier substitut du Procureur général, assistés de Mademoiselle Bénédicte SEREN, Greffier.