Cour d'appel, 23 avril 2019, La Société AVIVA ASSURANCES c/ Monsieur s. H.

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Abstract🔗

Accident du travail - Résidence secondaire - Parcours normal - Liberté de choix - Absence de détour pour raisons personnelles

Résumé🔗

Il résulte des dispositions de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 que les accidents survenus par le fait du travail ou à l'occasion du travail, en quelque lieu que celui-ci s'effectue, donnent droit, dans les conditions indiquées par la présente loi, au profit de la victime ou de ses représentants, à une indemnité à la charge de l'employeur, quel qu'il soit, dès lors qu'il aura été prouvé, par tous les moyens, que la victime exécutait, à un titre quelconque, même d'essai ou d'apprentissage, un contrat valable ou non de louage de service. L'alinéa 2 du même texte assimile de plein droit à un accident du travail, l'accident survenu au travailleur salarié alors qu'il se rend de sa résidence ou du lieu où il prend habituellement ses repas au lieu de son travail et vice-versa, à la condition qu'il ne se soit pas détourné du parcours normal ou qu'il ne l'ait pas interrompu pour un motif étranger à son emploi.

En l'espèce, il résulte à cet égard de la déclaration d'accident du travail dénuée d'équivoque établie par son employeur le 3 février 2017 que la victime de l'accident se rendait ce matin-là à son travail depuis sa résidence secondaire située à Nice. L'enquête diligentée par le Juge chargé des accidents du travail fait état des déclarations de ce salarié confirmant avoir dormi la nuit précédente chez ses parents à Nice, habitation qu'il décrit comme constituant sa résidence secondaire. La loi des accidents du travail ne fait référence qu'à la notion de résidence, sans autre précision, ou du lieu où le salarié prend habituellement ses repas comme point de départ ou de destination du trajet emprunté par le salarié. Force est au demeurant de constater que la notion d'habitude n'est attribuée par le législateur qu'au lieu de restauration choisi par le salarié. Il est en outre admis qu'entrent dans la notion de résidence, outre la résidence principale, également la résidence secondaire dès lors que celle-ci présente un caractère de stabilité même si celle-ci apparaît périodique. Il incombe par ailleurs à celui qui se prévaut de l'occupation d'une résidence secondaire de démontrer que sa présence dans les lieux, même épisodique, correspond à une installation assez complète, voire à une jouissance exclusive. En l'espèce, les critères tirés de la jouissance exclusive d'une partie de cet appartement et de la réalité de l'installation corrélative de l'intimé dans les lieux, comme de sa stabilité, apparaissent dès lors établis. Il est à cet égard indifférent de savoir si Monsieur s. H. acquitte ou non la taxe foncière ou la taxe d'habitation puisque seul le propriétaire ou l'usufruitier c'est-à-dire son propre père en est redevable.

Le salarié dispose d'une totale liberté de choix quant à l'itinéraire emprunté pour autant que le trajet se réalise dans une période de temps concordante avec les horaires de travail et que le détour ne soit pas motivé par des raisons étrangères à son emploi ou dans un but personnel.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 23 AVRIL 2019

En la cause de :

  • - La Société AVIVA ASSURANCES, Société Anonyme au capital social de 178.771.908,38 euros, inscrite au RCS de Nanterre, sous le numéro 306 522 665, dont le siège social est sis, 13, rue du Moulin Bailly à 92271 Bois Colombes Cedex (France), agissant poursuites et diligences de son Directeur Général en exercice, demeurant de droit audit siège et représentée en Principauté de Monaco par ses agents généraux Monsieur d. D. et Madame n. D. demeurant en cette qualité X1à Monaco ;

Es-qualité d'assureur loi de la SARL B D.;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - Monsieur s. H., né le 10 décembre 1971 à Senlis (France), de nationalité française, exerçant la profession de Directeur développement commercial au sein de la SARL B D. demeurant X2à 06240 Beausoleil (France) et provisoirement hébergé c/o M. c. H.- X3 à 06800 Cagnes-sur-Mer (France) ;

Bénéficiaire de plein droit de l'assistance judiciaire au titre de la législation sur les accidents du travail

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 8 mars 2018 (R. 3544) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 4 avril 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000117) ;

Vu les conclusions déposées les 12 juin 2018, 13 novembre 2018 et 5 mars 2019 par Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, au nom de Monsieur s. H.;

Vu les conclusions déposées les 2 octobre 2018 et 22 janvier 2019 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la Société AVIVA ASSURANCES ;

À l'audience du 19 mars 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la Société AVIVA ASSURANCES à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 8 mars 2018.

Considérant les faits suivants :

s. H. est employé en qualité de directeur développement commercial au sein de la société B D.SARL dont l'assureur-loi est la société anonyme de droit français AVIVA ASSURANCES.

Le 25 janvier 2017, s. H. a été victime d'un accident de la circulation sur l'autoroute A8 en direction de MONACO, alors qu'il se rendait sur son lieu de travail depuis le domicile de ses parents situé à NICE.

s. H. a été transporté à l'hôpital Pasteur à Nice où ont été constatées de multiples fractures du bassin, de l'aileron sacré ainsi que des vertèbres L4 et L5 puis il a effectué sa convalescence au sein de la clinique « La Serena » à Nice.

La compagnie AVIVA ASSURANCES a refusé de prendre en charge les conséquences pécuniaires de l'accident, considérant qu'il n'est pas survenu sur le trajet habituel de l'accidenté pour se rendre sur son lieu de travail, puisque s. H. réside à BEAUSOLEIL.

Après l'enquête diligentée le 2 juin 2017 par le Juge chargé des accidents du travail, l'assureur-loi a maintenu son refus de prise en charge, par courrier adressé le 26 juillet 2017.

Le Juge chargé des accidents du travail rendait alors une ordonnance de non-conciliation le 3 août 2017 renvoyant l'affaire devant le Tribunal de première instance.

Suivant acte d'huissier en date du 15 novembre 2017, s. H. fait assigner devant le Tribunal de première instance la Société Anonyme (SA) AVIVA ASSURANCES, pour voir dire que l'accident survenu le 25 janvier 2017 constitue un accident du travail au sens de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 et ordonne la prise en charge par l'assureur-loi des conséquences pécuniaires de l'accident. Il sollicite également la condamnation de la SA AVIVA ASSURANCES à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et ajoute que son état n'apparaissant toujours pas consolidé, il conviendra de renvoyer l'affaire devant le Juge chargé des accidents du travail aux fins de désignation d'un médecin expert.

Par jugement en date du 8 mars 2018, le Tribunal de première instance a :

  • dit que l'accident survenu le 25 janvier 2017 sur l'autoroute A8, dans le sens NICE-MONACO, dont a été victime s. H. constitue un accident du trajet résidence-travail au sens de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958,

  • ordonné par conséquent la prise en charge par la SA AVIVA ASSURANCES des soins et arrêts de travail de s. H. qui en sont résultés,

  • renvoyé l'affaire devant le Juge chargé des accidents du travail aux fins qu'il appartiendra,

  • débouté s. H. de sa demande de dommages et intérêts,

  • condamné la SA AVIVA ASSURANCES aux dépens de l'instance.

Au soutien de cette décision les premiers juges ont en substance relevé que le point de départ du trajet se situait dans le domicile des parents de la victime à Nice et constituait sa propre résidence secondaire en sorte qu'il s'agissait bien d'un parcours normal pour se rendre sur son lieu de travail, aucun détour n'apparaissant susceptible de caractériser un détournement dudit parcours ; il en est déduit que l'accident caractérise bien un accident de trajet résidence travail au sens des dispositions de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 et que les soins et arrêts travail qui en découlent doivent être pris en charge par l'assureur loi.

Suivant exploit en date du 4 avril 2018, la société AVIVA ASSURANCES, assureur-loi de l'employeur, a relevé appel du jugement rendu le 8 mars 2018 par le Tribunal de première instance à l'effet de voir, aux termes de l'ensemble de ses écritures, confirmer cette décision en ce que Monsieur H. a été débouté de sa demande de dommages-intérêts et l'infirmer pour le surplus et, voir la Cour, statuant à nouveau :

  • dire et juger que le permis de travail de Monsieur s. H. chez l'employeur B D. a été obtenu sur la base de déclarations de domicile mensongères, en fraude à la loi monégasque,

  • dire et juger que les déclarations de domicile mensongères de Monsieur s. H. procèdent d'une intention frauduleuse et violent l'article 5 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté,

  • en conséquence dire et juger que l'accident de la circulation subi par Monsieur s. H. le 25 janvier 2017 ne constitue pas un accident du travail au sens des dispositions de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958,

  • dire et juger que les conséquences pécuniaires dudit accident ne relèvent pas de la législation sur les accidents du travail et ne doivent pas être prises en charge par l'assureur-loi,

  • débouter Monsieur s. H. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

À titre subsidiaire :

  • dire et juger que la chambre dont dispose Monsieur s. H. au domicile de ses parents ne constitue pas une résidence secondaire au sens de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 sur les accidents du travail,

  • dire et juger que l'accident de la circulation subi le 25 janvier 2017 est dépourvu de tout lien avec son activité professionnelle, celui-ci ayant fait le choix de dormir chez ses parents par pure convenance personnelle et s'étant manifestement détourné du parcours normal pour se rendre sur son lieu de travail pour un motif étranger à son emploi,

En conséquence,

  • dire et juger que l'accident de circulation subi le 25 janvier 2017 ne constitue donc pas un accident du travail au sens des dispositions de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 et que les conséquences pécuniaires dudit accident ne relèvent pas de la législation sur les accidents du travail et ne doivent pas être prises en charge par l'assureur-loi,

  • débouter Monsieur s. H. de l'ensemble de ses demandes,

  • condamner Monsieur s. H. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de son appel et aux termes de l'ensemble de ses écritures la société AVIVA ASSURANCES expose pour l'essentiel que :

  • Monsieur H. a faussement déclaré que sa résidence principale se situe à Beausoleil alors qu'il réside en réalité à Cagnes-sur-Mer,

  • Madame h. Z. affirme que Monsieur H. lui a demandé une domiciliation chez elle pour pouvoir travailler à Monaco alors qu'il ne vivait pas à domicile, ni à la date de l'embauche, ni au moment de l'accident,

  • une telle domiciliation mensongère méconnaît les dispositions de l'article 5 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté,

  • Monsieur H. a choisi de prendre l'autoroute au niveau de l'entrée de Saint Isidore faisant ainsi un détour de 16 km et n'empruntant donc pas le chemin le plus direct pour rejoindre son lieu de travail,

  • il doit en être déduit que soit Monsieur H. a menti et n'a pas dormi chez ses parents mais bien à

Cagnes-sur-Mer à moins qu'il ne soit repassé à son domicile de Cagnes-sur-Mer avant de partir au travail le 25 janvier 2017,

  • l'attestation fournie par le père de Monsieur H. n'est pas suffisante pour caractériser l'existence d'une résidence secondaire,

  • le fait de recevoir du courrier à cette adresse ne caractérise pas davantage l'existence d'une résidence stable,

  • Monsieur H. n'apparaît être ni propriétaire, ni occupant de l'appartement de ses parents dans lequel une simple pièce est mise à sa disposition occasionnellement,

  • s'agissant du choix du trajet emprunté, si Monsieur H. était sous l'emprise de médicaments lorsqu'il a déclaré le 25 janvier 2017 avoir choisi d'accéder à l'autoroute par l'entrée Saint Isidore, il a néanmoins réitéré une semaine plus tard cette version et n'a rectifié ses dires que le 7 mars 2017 pour affirmer alors avoir emprunté l'autoroute depuis l'entrée Nice-Est,

  • la veille de l'accident, il revenait d'un déplacement professionnel et a décollé de Paris à 18h45 en sorte qu'il a atterri à Nice aux alentours de 20 heures ce qui lui laissait largement le temps de rejoindre son domicile de Beausoleil,

  • c'est délibérément que Monsieur H. a choisi de passer la nuit à Nice et de faire la route jusqu'à Monaco le jour suivant en sorte que son accident apparaît dépourvu de tout lien avec son activité professionnelle, ce salarié n'étant pas contraint d'emprunter l'autoroute pour se rendre d'ordinaire à son travail,

  • l'assureur-loi s'est donc légitimement opposé à la prise en charge de l'accident du 25 janvier 2017 dans le cadre de la législation sur les accidents du travail,

  • en tout état de cause, le fait pour la compagnie d'assurances de mandater un huissier pour se rendre à son adresse de Beausoleil et parler à sa logeuse n'a provoqué aucune atteinte à sa vie privée, l'assureur-loi étant parfaitement en droit de confirmer les soupçons qu'il avait sur le lieu de résidence de la victime.

Monsieur s. H. intimé, entend voir déclarer recevable son appel incident et débouter l'assureur-loi de l'ensemble de ses prétentions.

À titre liminaire il entend voir la Cour d'appel :

  • se déclarer incompétente pour statuer sur les nouvelles demandes de la société AVIVA ASSURANCES portant sur le permis de travail de Monsieur H.et renvoyer cette société à mieux se pourvoir,

  • à tout le moins déclarer irrecevables les moyens portant sur la validité du permis de travail de Monsieur H.

Sur le fond il entend voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a notamment déclaré que l'accident dont il a été victime le 25 janvier 2017 constitue un accident du trajet résidence travail au sens de l'article 2 de la loi n° 636 et ordonner en conséquence la prise en charge par la compagnie AVIVA ASSURANCES des soins et arrêts de travail de Monsieur H.

Relevant par ailleurs appel incident, il entend voir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a été débouté des fins de sa demande de dommages-intérêts et demande à la Cour, statuant à nouveau, de condamner la société AVIVA ASSURANCES au paiement des sommes de :

  • 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de son refus abusif de prise en charge des conséquences de l'accident dont il a été victime,

  • 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour l'atteinte à la vie privée et familiale subie,

  • 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif. Monsieur s. H. fait notamment valoir que :

  • la loi n° 636 ne fait aucune distinction entre la résidence principale et la résidence secondaire du travailleur,

  • la jurisprudence monégasque considère que la résidence secondaire entre dans la notion de résidence,

  • ses avis d'impôt et de nombreux courriers sont acheminés à l'adresse de ses parents,

  • de nombreux voisins de la famille attestent qu'ils le croisent fréquemment dans l'immeuble où habitent ses parents,

  • la jurisprudence en matière d'accidents du travail ne limite pas la résidence secondaire aux conditions d'imposition du logement mais à l'utilisation effective qui en est faite par le salarié,

  • s'agissant des allégations inhérentes à la fausseté de la déclaration portant sur sa résidence principale, il était déjà résident à Beausoleil depuis de nombreuses années puisqu'il avait déjà exercé plusieurs emplois à Monaco,

  • il vivait au demeurant en concubinage avec Madame Z. à Beausoleil au X2 là où se trouvait située sa résidence principale au moment de l'accident,

  • il n'a jamais commis aucune fraude aux dispositions de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 réglementant les conditions d'embauchage de licenciement en Principauté de Monaco,

  • l'assureur-loi verse aux débats un rapport non contradictoire rédigé par un enquêteur d'assurances dont les informations ne sont pas vérifiables, assureur-loi s'abstenant de verser au débat les pièces sur lesquelles se fonde l'enquêteur privé,

  • lesdites investigations portent une atteinte manifeste à la vie privée et familiale de Monsieur H.et ont été réalisées en violation des principes du contradictoire et de la loyauté des preuves,

  • s'il a été obligé pour des raisons pratiques d'emménager à Cagnes-sur-Mer dans l'appartement de son oncle situé de plain-pied en rez-de-chaussée c'est parce qu'il se trouvait complètement immobilisé à la sortie de l'hôpital en raison de ses multiples fractures, mais un tel déménagement est postérieur à l'accident de la route,

  • en tout état de cause il a quitté sa résidence secondaire pour se rendre à son travail sans se détourner du parcours normal, étant précisé que dans le procès-verbal de la gendarmerie il a bien rectifié son erreur initiale en déclarant avoir utilisé l'entrée Nice-Est pour rejoindre l'autoroute,

  • il revenait la veille d'un déplacement professionnel depuis Paris et c'est donc bien dans le cas de son activité professionnelle qu'il s'est arrêté pour dormir à Nice chez ses parents et qu'il a rejoint le lendemain matin son lieu de travail situé à Monaco,

  • l'assureur-loi ne démontre pas l'existence d'un détour à des fins personnelles et la présomption édictée par l'article 2 de l'alinéa 1 de la loi n° 636 permet de qualifier son trajet d'accident de trajet travail,

  • l'immixtion réalisée par l'assureur-loi dans sa vie privée a excédé les nécessités de l'enquête en l'état des investigations réalisées auprès de ses voisins et amis.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels principal et incident ont été formés dans les conditions de forme et de délai prescrites par le Code de procédure civile et doivent être déclarés recevables ;

Attendu que force est en premier lieu de constater que les demandes formées par conclusions postérieures à son exploit d'appel par la société AVIVA ASSURANCES relatives tant au permis de travail de Monsieur s. H. qu'à la régularité de ses déclarations de domicile présentent le caractère de demandes nouvelles au sens des dispositions de l'article 431 du Code de procédure civile en ce qu'elles ne procèdent pas d'une demande de compensation ni d'une défense à l'action tendant à la prise en charge d'un accident du travail trajet ;

Que ces demandes seront en conséquence déclarées irrecevables ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 que les accidents survenus par le fait du travail ou à l'occasion du travail, en quelque lieu que celui-ci s'effectue, donnent droit, dans les conditions indiquées par la présente loi, au profit de la victime ou de ses représentants, à une indemnité à la charge de l'employeur, quel qu'il soit, dès lors qu'il aura été prouvé, par tous les moyens, que la victime exécutait, à un titre quelconque, même d'essai ou d'apprentissage, un contrat valable ou non de louage de service ;

Que l'alinéa 2 du même texte assimile de plein droit à un accident du travail, l'accident survenu au travailleur salarié alors qu'il se rend de sa résidence ou du lieu où il prend habituellement ses repas au lieu de son travail et vice-versa, à la condition qu'il ne se soit pas détourné du parcours normal ou qu'il ne l'ait pas interrompu pour un motif étranger à son emploi ;

Attendu qu'il est établi par les pièces produites, cet élément de fait n'étant au demeurant nullement contesté, que la veille du jour de l'accident, c'est-à-dire le 24 janvier 2017, s. H. revenait d'un déplacement professionnel à Paris, atterrissant à l'aéroport de Nice entre 20 heures et 20h30 ;

Qu'il est constant que le lendemain matin, soit le 25 janvier 2017, s. H. quittait Nice pour se rendre sur son lieu de travail situé à Monaco lorsqu'il a été victime d'un accident de la circulation sur l'autoroute A8 ;

Que ce salarié explique avoir dormi au retour de Paris dans la chambre qui lui est réservée chez ses parents c'est-à-dire dans ce qu'il considère être sa résidence secondaire ;

Attendu qu'il résulte à cet égard de la déclaration d'accident du travail dénuée d'équivoque établie par son employeur le 3 février 2017 que la victime de l'accident se rendait ce matin-là à son travail depuis sa résidence secondaire située à Nice ;

Attendu que l'enquête diligentée par le Juge chargé des accidents du travail fait état des déclarations de ce salarié confirmant avoir dormi la nuit précédente chez ses parents au X4 à Nice, habitation qu'il décrit comme constituant sa résidence secondaire ;

Attendu que la loi des accidents du travail ne fait référence qu'à la notion de résidence, sans autre précision, ou du lieu où le salarié prend habituellement ses repas comme point de départ ou de destination du trajet emprunté par le salarié ;

Que force est au demeurant de constater que la notion d'habitude n'est attribuée par le législateur qu'au lieu de restauration choisi par le salarié ;

Qu'il est en outre admis qu'entrent dans la notion de résidence, outre la résidence principale, également la résidence secondaire dès lors que celle-ci présente un caractère de stabilité même si celle-ci apparaît périodique ;

Qu'il incombe par ailleurs à celui qui se prévaut de l'occupation d'une résidence secondaire de démontrer que sa présence dans les lieux, même épisodique, correspond à une installation assez complète, voire à une jouissance exclusive ;

Attendu à cet égard que s. H. justifie de ce que l'avis d'impôt sur les revenus de l'année 2016, établi le 27 juillet 2017, lui a été envoyé à l'adresse de ses parents par l'administration fiscale, tandis que le constat d'huissier dressé par Maître MATHIEU révèle que l'appartement de Monsieur Daniel H. dispose d'une mezzanine aménagée composée d'un espace bureau et d'un espace chambre séparé comprenant un dressing dont les étagères et la penderie sont remplis de vêtements masculins correspondant aux effets personnels de son fils, s. H. ;

Que les critères tirés de la jouissance exclusive d'une partie de cet appartement et de la réalité de l'installation corrélative de Monsieur s. H. dans les lieux, comme de sa stabilité, apparaissent dès lors établis, Daniel H. son père déclarant qu'il habite régulièrement au domicile parental X4- 06000 à Nice où il dispose en permanence d'une chambre qu'il occupe régulièrement à chaque occasion jugée opportune ;

Qu'il est à cet égard indifférent de savoir si Monsieur s. H. acquitte ou non la taxe foncière ou la taxe d'habitation puisque seul le propriétaire ou l'usufruitier c'est-à-dire son propre père en est redevable ;

Attendu qu'en ce qui concerne les allégations inhérentes à une fausse domiciliation à Beausoleil de Monsieur s. H. qu'il résulte des pièces produites aux débats que celui-ci disposait depuis de nombreuses années d'un permis de travail valable en Principauté de Monaco et travaillait déjà auprès d'autres employeurs avant d'être embauché par la société B D. en sorte que l'argument inhérent à une fausse déclaration de ce chef pour bénéficier d'une priorité à l'embauche n'apparaît pas opérant ;

Attendu que les premiers juges ont dès lors à bon droit estimé que le domicile des parents de s. H. sis X4 à NICE, constitue bien la résidence secondaire de celui-ci, pour en déduire valablement que le trajet effectué depuis Nice en direction de Monaco le matin du 25 janvier 2017 caractérisait son parcours normal pour se rendre sur son lieu de travail depuis sa résidence secondaire ;

Attendu, s'agissant du détournement de parcours allégué par l'assureur-loi, qu'il est fait grief à s. H. d'avoir emprunté l'entrée d'autoroute à Nice Saint Isidore c'est-à-dire en un lieu se trouvant à l'opposé de sa destination et se situant loin du X4 à Nice ;

Qu'il en est déduit par la société AVIVA ASSURANCES que la victime s'est manifestement détournée du parcours normal afin de se rendre sur son lieu de travail ;

Mais attendu que le salarié dispose d'une totale liberté de choix quant à l'itinéraire emprunté pour autant que le trajet se réalise dans une période de temps concordante avec les horaires de travail et que le détour ne soit pas motivé par des raisons étrangères à son emploi ou dans un but personnel ;

Qu'à cet égard, les premiers juges ont estimé souverainement que le chemin emprunté par s. H. caractérisait une autre possibilité pour rallier l'autoroute compte-tenu des difficultés matinales de circulation au sein du centre-ville de Nice, donnant son sens au choix d'un accès à l'autoroute A8 par l'entrée Nice Saint-Isidore ;

Qu'enfin et surtout, l'assureur-loi qui a fait usage d'informations fournies par le salarié à son employeur quelques heures après l'accident, n'a pas démontré l'existence d'un détour à des fins personnelles, alors même que dans le procès-verbal de gendarmerie Monsieur s. H. déclarait s'être trompé sous l'effet du choc et expliquait avoir emprunté l'entrée d'autoroute de Nice-Est, la plus proche de sa résidence de la veille ;

Attendu qu'il sera par voie de conséquence admis que Monsieur s. H. a quitté sa résidence, à la supposer occasionnelle, située chez ses parents X4 à Nice pour rejoindre directement le lieu de son emploi le matin du 25 janvier 2017 dans le cadre d'un trajet et d'une période de temps adaptés à son lieu et à ses horaires de travail, avant d'être victime le 25 janvier 2017 d'un accident de trajet résidence-travail au sens de la présomption établie par l'article 2 alinéa 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 ;

Attendu que le jugement déféré sera de ce chef confirmé, les soins et arrêts travail découlant de cet accident devant dès lors être pris en charge par l'assureur-loi, la compagnie AVIVA ASSURANCES, dans le cadre de la loi n° 636 sur les accidents du travail et l'appelante sera déboutée de l'ensemble de ses prétentions ;

Attendu sur les demandes d'indemnisation présentées par s. H. qu'il n'est pas établi par les pièces produites que les investigations mises en œuvre par l'assureur-loi aient caractérisé une immixtion dans la vie privée de ce dernier ni excédé la nécessité de l'enquête ;

Attendu qu'il n'est pas davantage démontré par s. H. en quoi le refus de prise en charge par la compagnie d'assurance des conséquences pécuniaires de son accident ou la voie de recours exercée contre le jugement de première instance auraient présenté un caractère abusif, la SA AVIVA ASSURANCES n'ayant fait preuve d'aucune manœuvre déloyale ni commis d'erreur équipollente au dol en faisant valoir ses moyens et arguments ;

Qu'il s'ensuit que s. H. sera débouté de l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts ;

Attendu que les parties seront déboutées de toutes leurs demandes plus amples ou contraires et le jugement déféré confirmé en toutes ses dispositions ;

Que la SA AVIVA ASSURANCES, succombant en appel sera également condamnée aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'assistance judiciaire ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels,

Déclare irrecevables les demandes nouvelles formées par la société AVIVA ASSURANCES relatives au permis de travail et aux déclarations de domicile de Monsieur s. H.

Déboute la société AVIVA ASSURANCES et s. H. de l'ensemble de leurs prétentions,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 mars 2018 par le Tribunal de première instance,

Condamne la SA AVIVA ASSURANCES aux entiers dépens, distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011.

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 23 AVRIL 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.

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