Cour d'appel, 19 mars 2019, Monsieur b. F. et la SA G c/ Madame m. H.
Abstract🔗
Responsabilité médicale - Chirurgien-dentiste - Nullité de l'expertise judiciaire (non) - Atteinte aux droits de la défense (non) - Respect du principe du contradictoire (oui) - Rejet de la demande de contre-expertise - Intervention d'autres praticiens entre l'opération litigieuse et l'expertise judiciaire - Élément non pris en compte par les experts judiciaires - Preuve (non)
Résumé🔗
L'intimée, insatisfaite de la réhabilitation prothétique réalisée par l'appelant, chirurgien-dentiste, l'a assigné en responsabilité. C'est vainement que ce dernier demande la nullité du rapport d'expertise judiciaire pour non-respect du principe du contradictoire. En effet, il n'est pas établi, comme il le prétend, que les experts auraient rencontrés la victime hors sa présence. De même, il invoque tout aussi vainement un non-respect des droits de la défense et du principe du contradictoire qui résulterait d'une transmission tardive du pré-rapport dès lors que cette difficulté a déjà été tranchée, avant l'établissement du rapport définitif, par le magistrat en charge du contrôle des expertises, lequel a prorogé le délai accordé aux experts pour déposer leurs conclusions définitives et ce, dans le but précisément spécifié de permettre à l'avocat de l'appelant de présenter ses dires dans les mêmes conditions que celles dont a bénéficié la partie adverse, et donc d'assurer le respect des droits de la défense. Il convient de préciser à cet égard qu'il a ainsi disposé d'un délai d'environ 3 mois pour formuler des observations, ce qu'il a fait à deux reprises. Enfin, s'agissant du prétendu défaut de réponse à ses observations, cet argument sera également écarté dès lors que les experts ont établi et déposé un document complétant leur rapport définitif intitulé « Réponses aux dires ». En conséquence, il convient de confirmer le rejet des moyens de nullité invoqués.
S'agissant de la demande de contre-expertise, l'appelant fait valoir qu'entre l'intervention qu'il a pratiquée et l'expertise judiciaire, sa patiente aurait fait procéder à de nouveaux traitements prothétiques par d'autres praticiens. Ainsi, les conclusions des experts judiciaires ne correspondraient pas à l'analyse du travail qu'il a réalisé et l'ensemble des symptômes et troubles constatés ne lui seraient pas imputables. Cependant, les experts ont expressément appréhendé cette problématique et répondu aux interrogations susceptibles d'en découler, étant précisé que la patiente a toujours contesté avoir fait l'objet de soins ayant modifié son état dentaire. Le rejet de la demande de contre-expertise sera donc confirmée.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 19 MARS 2019
En la cause de :
1/ Monsieur b. F., chirurgien-dentiste, demeurant à Monaco - X1;
2/ La société anonyme de droit français G, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n°XX, dont le siège social est sis à Paris La Défense (92076) - X2, agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANTS,
d'une part,
contre :
- Madame m. H., née le 5 mars 1952 à Stroke Upon Trent (Royaume-Uni), administrateur de société, demeurant à Monaco - X2 ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat près la même Cour ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 15 février 2018 (R. 3038) ;
Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 5 avril 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000120) ;
Vu les conclusions déposées les 19 juin 2018 et 5 février 2019 par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de Madame m. H.;
Vu les conclusions déposées le 19 décembre 2018 par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de Monsieur b. F. et de la société anonyme de droit français G ;
À l'audience du 12 février 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par Monsieur b. F. et la société anonyme de droit français G à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 15 février 2018.
Considérant les faits suivants :
Le Docteur b. F. chirurgien-dentiste exerçant en Principauté de Monaco, a procédé dans le courant des années 2012 et 2013 à une réhabilitation prothétique sur la personne de m. H. laquelle insatisfaite du résultat a, par exploit d'huissier délivré le 10 novembre 2015, fait assigner le Docteur b. F. ainsi que son assureur, la société anonyme de droit français G, devant le Tribunal de première instance dans le cadre d'une action en responsabilité et aux fins de désignation d'un expert.
Par jugement avant dire droit du 17 mars 2016, ce Tribunal a ordonné une mesure d'expertise, confiée au Docteur m. G., avec mission :
« - d'entendre contradictoirement les parties et tous sachants dans le respect de l'article 354 du Code de procédure civile ; de prendre communication de tous documents utiles et plus particulièrement du dossier médical de Mme H.
- d'examiner Mme m. H.
- de faire l'historique complet de l'état de Mme H. au point de vue dentaire, en précisant notamment :
l'état de la patiente avant la consultation et sur la finalité des soins envisagés,
les actes précis accomplis par le Docteur F. avec leur chronologie détaillée, en donnant toute explication sur les termes médicaux employés,
les soins prodigués,
- de dire si la pose de prothèses en céramique telle que prescrite et réalisée était adaptée au cas de Mme H. et plus généralement si les actes et traitements médicaux étaient justifiés, en argumentant son avis,
- de dire si les actes accomplis et les soins réalisés étaient diligents, attentifs et conformes aux données acquises et actuelles de la science médicale (en précisant quelles sont ces données) ; dans la négative donner son avis circonstancié sur la nature des erreurs, des imprudences, manque de précautions, négligences pré, per ou post opératoires qui ont été commises,
- de fournir au Tribunal les éléments médicaux permettant de statuer sur l'éventuelle responsabilité du Docteur F.
- de décrire avec précision, les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués,
- de fixer la date de consolidation des blessures,
- d'apporter les éléments permettant de déterminer les préjudices subis par la victime.
Au titre des préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation :
- dépenses de Santé Actuelles (DSA),
- frais divers (FD) : au vu des décomptes et des justificatifs fournis, donner son avis sur d'éventuelles dépenses de santé ou de transport exposées par la victime avant la consolidation de ses blessures qui n'auraient pas été prises en charge par les organismes sociaux ou par des tiers payeurs, en précisant le cas échéant si le coût ou le surcoût de tels faits se rapporte à des soins ou plus généralement à des démarches nécessitées par l'état de santé de la victime et s'ils sont directement en lien avec les lésions résultant des faits à l'origine des dommages,
- perte de gains professionnels actuels (PGPA) indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été avant sa consolidation et du fait de son incapacité fonctionnelle résultant directement des lésions consécutives aux faits à l'origine des dommages, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement une activité professionnelle ou économique ou encore sportive.
Au titre des préjudices patrimoniaux permanents après consolidation :
- dépenses de santé futures (DSF),
- perte de gains professionnels futurs (PGPF) : indiquer si en raison de l'incapacité permanente dont la victime reste atteinte après sa consolidation, celle-ci va subir des préjudices touchant à son activité professionnelle autres que ceux résultant de la perte de revenus liée à l'invalidité permanente,
- incidence professionnelle (IP) : indiquer si en raison de l'incapacité permanente dont la victime reste atteinte après sa consolidation, celle-ci va subir des préjudices touchant à son activité professionnelle autres que ceux résultant de la perte de revenus liée à l'invalidité permanente.
Au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires avant consolidation :
- déficit fonctionnel temporaire (DFT) : indiquer si la victime a subi un déficit fonctionnel temporaire, en préciser sa durée, son importance et au besoin sa nature,
- souffrances endurées (SE) : décrire les souffrances physiques et psychiques endurées par la victime, depuis les faits à l'origine des dommages jusqu'à la date de consolidation, du fait des blessures subies et les évaluer sur une échelle de 1 à 7 degrés,
- préjudice esthétique temporaire (PET) : décrire la nature et l'importance du dommage esthétique subi temporairement jusqu'à consolidation des blessures et l'évaluer sur une échelle de 1 à 7 degrés,
Au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents après consolidation :
- déficit fonctionnel permanent (DFP) : indiquer si la victime a subi un déficit fonctionnel permanent subsistant après la consolidation des lésions ; en évaluer l'importance et en chiffrer le taux,
- préjudice d'agrément (PA) : donner son avis sur l'existence d'un préjudice d'agrément résultant de l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs,
- préjudice esthétique permanent (PEP) : décrire la nature et l'importance du préjudice esthétique subi de façon définitive après la consolidation des blessures et l'évaluer sur une échelle de 1 à 7 degrés ».
Aux termes d'une ordonnance du 28 avril 2016, le Juge chargé du contrôle des expertises a désigné un co-expert en la personne du Docteur b. F.
À la suite de l'examen clinique qui a eu lieu le 30 juin 2016, les experts ont établi un pré-rapport à la date du 22 juillet 2016 et ont déposé leur rapport définitif le 26 novembre 2016.
À la suite du dépôt de ce rapport d'expertise, le Docteur b. F. et la SA G ont conclu à sa nullité en excipant du non-respect du contradictoire, faisant valoir qu'après l'accedit du 30 juin 2016, tenu en présence de l'ensemble des parties, les experts auraient reçu m. H. hors la présence du défendeur et auraient discuté avec elle des conclusions auxquelles ils parvenaient.
Suivant jugement en date du 15 février 2018, le Tribunal de première instance a :
« - ordonné la restitution à m. H. de l'original ou de la copie de l'intégralité des moulages ainsi que des bridges transitoires en résine haut et bas réalisés dans le cadre du travail de réhabilitation prothétique effectué par le Docteur b. F.
- dit n'y avoir lieu à assortir cette condamnation d'une astreinte,
- débouté le Docteur b. F. et la société anonyme de droit français G de leur demande principale d'annulation du rapport d'expertise établi le 26 novembre 2016 par les Docteurs G. et F.,
- débouté le Docteur b. F. et la société anonyme de droit français G de leur demande subsidiaire tendant à voir ordonner la communication par m. H. de son entier dossier de remboursement de soins effectués par l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A et/ou son organisme privé pour la période d'octobre 2013 à ce jour,
- débouté le Docteur b. F. et la société anonyme de droit français G de leur demande encore plus subsidiaire de désignation d'un nouvel expert,
- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du JEUDI 15 MARS 2018 à 9 heures,
- enjoint au Docteur b. F. et la société anonyme de droit français G de conclure sur le fond pour cette date,
- réservé les dépens en fin de cause ».
Au soutien de cette décision, les premiers juges ont en substance retenu que la preuve d'un manquement au respect du contradictoire n'était pas rapportée, les droits de la défense ayant été parfaitement respectés ; ils ont par ailleurs estimé que la demande de contre-expertise était dépourvue de pertinence et aurait pour effet de retarder inutilement l'issue de l'instance au fond alors que le travail des experts était parfaitement étayé et documenté.
Suivant exploit en date du 5 avril 2018, b. F. et la société anonyme G ont interjeté appel du jugement susvisé à l'effet de voir la Cour :
- donner acte au Docteur F. qu'il n'entend pas s'opposer à la demande concernant des moulages et les bridges, sous réserve qu'il leur soit délivré reçu par Madame H.
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le Docteur F. et la SA G des fins de leur demande principale aux fins d'annulation du rapport d'expertise établi le 26 novembre 2016 et subsidiaire tendant à voir ordonner la communication par Madame H. de son entier dossier de remboursement de soins effectués par l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A et/ou organisme privé pour la période d'octobre 2013 à ce jour et de leur demande encore plus subsidiaire aux fins de désignation d'un nouvel expert,
et, statuant à nouveau :
- vu le non-respect du contradictoire par les experts G. et F., annuler le rapport d'expertise des Docteurs G. et F. en date du 26 novembre 2016 avec toutes conséquences légales et débouter Madame H. de ses demandes, fins et conclusions,
- sur le fond, en l'état des critiques présentées par le Docteur F. la SA G du rapport des experts G. et F., du caractère partial du déroulement des opérations d'expertise, voir dire n'y avoir lieu à homologation du rapport des experts G. et F. et débouter Madame H. de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- subsidiairement si la Cour s'estimait insuffisamment informée, voir enjoindre à Madame H. de communiquer son entier dossier de remboursement de soins effectués par l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A et/ou son organisme privé pour la période d'octobre 2013 à ce jour,
- et plus encore subsidiairement vu les contestations développées par le Docteur F. étayées par les comptes-rendus du professeur MI., recevoir le Docteur F. et la SA G en leur demande de contre-expertise et voir désigner tel expert spécialiste en odontologie et hors la région PACA avec la même mission que celle précédemment fixée par le jugement avant-dire droit du 17 mars 2016,
- y ajoutant, voir dire et juger que les experts commis devront se faire communiquer les modèles effectués par les praticiens consultés par Madame H. tels que résultant de son dire du 2 novembre 2016,
- voir condamner Madame H. aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de cet appel et aux termes de l'ensemble de leurs écritures, b. F. et la société anonyme G font valoir que :
- le fait pour l'expert de ne pas respecter les obligations découlant du principe du contradictoire induit nécessairement la nullité de l'expertise, tel étant le cas puisque le rapport aurait été dicté en présence du patient, une telle mention étant expressément portée sur les conclusions de l'expert,
- Madame H. a consulté le Docteur F. non pour des motifs esthétiques, mais en raison de l'état déplorable de sa denture nécessitant une restructuration complète,
- il est faux d'affirmer qu'aucune information n'avait été soumise par le Docteur F. alors que celui-ci lui a présenté un devis le 20 juin 2012 lui indiquant les travaux projetés sur sa dentition et leur coût,
- les travaux du Docteur F. n'ont en réalité pas débuté en janvier 2013 mais en septembre 2012 et la patiente s'était déclarée immédiatement satisfaite du résultat sans émettre aucune remarque concernant une éventuelle différence de taille entre les dents provisoires et définitives,
- un délai de 20 mois s'est écoulé après l'exécution des travaux sans aucune doléance de la part de la patiente,
- les experts n'ont pas consigné d'observation selon laquelle l'occlusion de Madame H. ne correspondait pas à celle qui avait été établie par le Docteur F.
- le pré-rapport du 22 juillet 2016 postérieur à l'accedit du 30 juin 2016 mentionne en page 33 qu'il a été dicté en la présence du patient c'est-à-dire Madame H. le Docteur F. et son conseil le professeur M. n'étant pas présents,
- le Docteur F. n'a reçu ce pré-rapport que le 1er septembre 2016, les experts G. et F. ne lui laissant qu'un délai expirant le 30 septembre 2016 pour déposer ses dires, et le juge des expertises ayant alors accordé une prorogation de délai,
- le dire du 21 octobre 2016 mentionne des réserves qui n'ont pas été consignées dans le rapport d'expertise en relation avec une différence d'occlusion constatée au moment de l'examen clinique puis à la fin du traitement réalisé, en sorte que l'impartialité des experts judiciaires est remise en cause,
- l'analyse technique faite par le professeur MI. dans le cadre des travaux démontre que les experts judiciaires ont constaté un décalage antéro-postérieur avant le début du traitement et pendant toutes les phases du traitement puisqu'il mentionne classe 2 à droite molaire et bout-à-bout molaire gauche alors que leurs conclusions mentionnent l'inverse en contradiction avec leurs constatations contenues en page 9, 11 et 26 du rapport,
- lors de l'unique accedit tenu par les experts le 30 juin 2016, la denture de Madame H. n'était pas identique à celle qui était la sienne à la fin du traitement réalisé par le Docteur F. le 20 avril 2015, cette patiente ayant reconnu avoir consulté un certain nombre de confrères de la place et hors de la place sans qu'il soit établi avec certitude que ces praticiens n'auraient pas eux-mêmes effectué de modifications sur les prothèses définitives posées par le Docteur F.
- cette suspicion légitime avait conduit les appelants à demander aux premiers juges qui soient enjoints à Madame H. de verser aux débats son entier dossier médical de l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A et/ou de son organisme privé de remboursement pour la période d'avril 2013 au 7 novembre 2017,
- les opérations expertales ont été menées en contradiction avec les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme en sorte qu'une contre-expertise devra être instaurée en l'état de l'annulation sollicitée du rapport des experts G. et F. en date du 26 novembre 2016.
Madame m. H. intimée, entend pour sa part voir la Cour :
À titre principal :
- confirmer le jugement du Tribunal de première instance du 15 février 2018 en toutes ses dispositions,
- débouter le Docteur b. F. et la SA G de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
À titre subsidiaire :
- constater que les experts G. et F. ont procédé aux opérations d'expertise en respectant le principe du contradictoire et n'ont pas procédé en l'absence du Docteur b. F.
- constater que les experts n'ont pas procédé aux opérations d'expertise avec partialité au détriment du Docteur b. F.
- débouter le Docteur b. F. et la SA G de leur demande principale de nullité du rapport d'expertise du 26 novembre 2016,
- débouter le Docteur b. F. et la SA G de leur demande subsidiaire tendant à voir ordonner la communication par m. H. de son entier dossier de remboursement de soins effectués par l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A et/ou son organisme privé pour la période d'octobre 2013 à ce jour,
- débouter le Docteur b. F. et la SA G de leur demande encore plus subsidiaire de désignation d'un nouvel expert afin de réaliser une contre-expertise,
- constater que le rapport des experts G. et F. établi le 26 novembre 2016 ne souffre d'aucune lacune, erreur, incohérence ou omission,
- homologuer le rapport des experts G. et F. du 26 novembre 2016 avec toutes conséquences de droit,
- constater que le Docteur b. F. a manqué à son obligation de moyens dans le cadre des soins prodigués à Madame H.
En tout état de cause,
- donner acte à Madame m. H. de ce qu'elle se réserve le droit de solliciter la restitution d'éléments complémentaires après avoir fait procéder à l'examen des éléments restitués par le Docteur b. F. le 29 mai 2018,
- condamner solidairement le Docteur b. F. et la SA G au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,
- condamner solidairement le Docteur b. F. et la SA G aux entiers dépens.
Aux termes d'écritures complémentaires, Madame H. ajoutant à ses demandes, entend voir en tout état de cause ordonner la remise par le Docteur b. F. de l'original ou la copie de l'intégralité des moulures ainsi que des bridges transitoires en résine haut et bas réalisés dans le cadre du travail de réhabilitation effectué ainsi que tous les éléments nécessaires à la réalisation d'une nouvelle réhabilitation prothétique et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir et la condamnation solidaire du Docteur b. F. et la SA G au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.
Aux termes de l'ensemble de ses écritures judiciaires, m. H. expose en substance que :
- les experts ont respecté le principe du contradictoire, la mention apposée dans le pré-rapport d'expertise du 22 juillet 2016 dans le rapport final du 26 novembre 2016 selon laquelle le rapport a été dicté en présence du patient fait partie d'une trame utilisée par les praticiens dans le cadre de leurs comptes-rendus de consultation, une telle affirmation procédant ainsi d'une simple erreur matérielle,
- la chronologie des faits rappelée dans le rapport et dans le dossier d'expertise démontre au demeurant que le Docteur F. et son conseil ont été informés de tous les actes de l'expertise et ont participé à l'unique rencontre entre les techniciens et Madame H.
- le Docteur F. et la SA G ont bénéficié du même délai que Madame H. pour faire parvenir leurs observations et ils n'ont pas été pénalisés par l'erreur relative à l'acheminement du pré-rapport d'expertise, en sorte que les droits de la défense ont été parfaitement respectés,
- sur la demande de diligences complémentaires requises par le docteur F. et la SA G, il résulte des pièces communiquées par Madame H. dans son dire du 2 novembre 2016 qu'aucune modification occlusale n'a été pratiquée après l'intervention du Docteur F. en sorte que sa demande d'acte complémentaire était infondée,
- aucun élément ne pouvait dès lors leur permettre de contester utilement le rapport des experts G. et F., la demande de contre-expertise apparaissant dépourvue de pertinence et de nature à retarder inutilement la procédure,
- la demande tendant à voir dire n'y avoir lieu à homologation du rapport des experts G. et F. n'apparaît pas devoir être tranchée à ce stade, mais avec le fond de l'affaire ; il sera néanmoins observé que les experts ont répondu de manière détaillée à tous les dires déposés par les parties et que leur exacte appréciation de l'état de santé de Madame H. ne comporte aucune erreur, lacune, contradictions ou omission mais procède d'un travail sérieux en sorte que l'homologation du rapport s'impose en tout état de cause,
- la demande de restitution des moulures réalisées par le Docteur F. et notamment des 2 modèles de restauration provisoire effectués dans le cadre du traitement a donné lieu à la suite du jugement entrepris à la remise de certains modèles qu'il conviendra d'examiner pour déterminer s'il y a lieu d'ordonner la communication d'éléments complémentaires,
- les appelants persistant à contester leurs responsabilités et la régularité des mesures expertales comme la probité des experts, leur résistance liée à l'absence de tout argument nouveau en cause d'appel rend totalement abusive leur résistance et l'exercice de leur droit d'action en appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel formé dans les conditions de forme et de délai prescrites par le Code de procédure civile doit être déclaré recevable ;
Attendu que l'appel formé par le Docteur F. et la SA G tend principalement à voir annuler le rapport d'expertise établi le 26 novembre 2016 par les Docteurs G. et F., subsidiairement à voir ordonner la communication par Madame H. de son entier dossier de remboursement de soins effectués par l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A et/ou un organisme privé pour la période comprise entre le mois d'octobre 2013 et ce jour et à titre encore plus subsidiaire à la désignation d'un nouvel expert ;
Sur la demande d'annulation du rapport d'expertise :
Attendu qu'il est prétendu que le rapport d'expertise établi 26 novembre 2016 par les Docteurs G. et F., serait entaché de nullité pour non-respect du contradictoire en l'état d'une réunion entre les experts et Madame H. hors la présence des appelants, d'un délai insuffisant pour présenter leurs dires et du défaut de prise en compte de leurs réserves et observations formulées dans ces dires ;
1-Attendu qu'à la fin du pré-rapport et du rapport d'expertise se trouve portée la mention suivante : « rapport dicté en présence du patient », laissant supposer aux appelants que Madame H. aurait été reçue par les deux experts judiciaires, à leur insu et hors leur présence ;
Mais attendu qu'il résulte des pièces produites qu'aux termes d'une ordonnance du 9 juin 2016, le Juge chargé du contrôle des expertises a fixé au jeudi 30 juin 2016 à 15 heures, au pavillon Odontologie de l'établissement public B à Marseille, la date et le lieu de commencement des opérations d'expertise ;
Qu'il n'est pas contesté qu'à cette date s'est tenu un accedit en présence d'une part de m. H. accompagnée de sa fille, et, d'autre part du Docteur b. F. et du médecin conseil de la SA G, le Docteur p. MI.;
Qu'il est non moins constant qu'il a également été procédé ce jour-là à l'examen de m. H. sans qu'il y ait eu un quelconque accedit ultérieur, aucune pièce de la procédure ne permettant d'établir que les experts auraient reçu Madame H. à une autre occasion ;
Qu'il résulte des pièces produites qu'à la suite de ce rendez-vous, un pré-rapport a été établi à la date du 22 juillet 2016 suivi du rapport d'expertise définitif déposé le 26 novembre 2016 ;
Qu'aucun élément de la procédure ne démontre, ni ne permet même de présumer l'existence d'un autre rendez-vous, ni surtout d'un second examen clinique au cours duquel le rapport aurait été établi en la seule présence de Madame H.;
Attendu que les premiers juges en ont, par voie de conséquence, justement déduit que la mention litigieuse « rapport dicté en présence du patient » ne correspondait nullement à un fait établi mais procédait d'une erreur matérielle dans la présentation formelle du rapport d'expertise tout à fait inopérante pour démontrer la méconnaissance par les experts du principe du contradictoire ;
2-Attendu qu'il est encore reproché aux experts d'avoir méconnu les droits de la défense et le principe du contradictoire en raison d'une transmission tardive du pré-rapport, au regard de laquelle le délai de présentation des dires du Docteur F. et de la SA G se serait trouvé réduit par rapport à celui conféré à Madame H.;
Mais attendu que cette difficulté a d'ores et déjà été tranchée, avant l'établissement du rapport définitif, par le magistrat en charge du contrôle des expertises, lequel a prorogé le délai accordé aux experts pour déposer leurs conclusions définitives et ce, dans le but précisément spécifié, de permettre à l'avocat de b. F. de présenter ses dires, dans les mêmes conditions que celles dont a bénéficié la partie adverse, et donc d'assurer le respect des droits de la défense ;
Qu'il résulte à cet égard des pièces de la procédure d'expertise que le Docteur F. et la SA G qui ont reçu le pré-rapport à la date du 1er septembre 2016 ont donc disposé d'un délai d'environ 3 mois pour établir leur dire, puisqu'ils s'étaient vu conférer un délai ne pouvant excéder le 30 novembre 2016 ;
Que force est au demeurant de constater que ces parties ont pu régulièrement formuler leurs observations les 24 octobre et 14 novembre 2016 ;
Attendu que la décision entreprise a dès lors à bon droit constaté le respect des droits de la défense à ce titre ;
3-Attendu sur le défaut de réponse à leurs observations allégué par les appelants qu'il résulte à suffisance des pièces produites que les experts G. et F. ont établi et déposé un document complétant leur rapport définitif intitulé « Réponses aux dires », tout en expliquant avoir déjà répondu à la majorité des arguments développés par les parties dans le corps du rapport mais déclarant les reprendre dans ce document ;
Que l'analyse de ce document de plusieurs pages permet de constater que les experts G. et F. ont expressément répondu à l'hypothèse selon laquelle une modification occlusale aurait été pratiquée par l'un des praticiens consultés par Madame H. après son départ du cabinet du Docteur F. en faisant valoir que le Docteur F. et son conseil avaient eux-mêmes reconnu leur prothèse avec les corono plasties réalisées sans retrouver de traces d'éventuels traitements distincts postérieurs ;
Que force est encore de constater que par courrier en date du 13 décembre 2016 les Docteurs G. et F. ont répondu de façon négative à des courriers de demandes d'acte en expliquant de façon objective leur position aux termes de laquelle l'examen clinique réalisé de façon contradictoire n'avait selon eux pas permis de retrouver la trace de meulages effectués au niveau des réhabilitations prothétiques alors même qu'une complète concordance résultait de l'analyse des signes cliniques, des empreintes et des radios ;
Attendu que les premiers juges ont ainsi, par des motifs que la Cour adopte, justement estimé que les experts ont bien répondu à chacune des questions soulevées par les défendeurs dans leurs dires et, ce faisant, respecté le principe du contradictoire, leur opposition à toute demande d'investigation complémentaire procédant du débat au fond et n'apparaissant pas de nature à entacher de nullité le rapport d'expertise ;
Attendu qu'il s'induit de cette analyse que le rapport d'expertise a été régulièrement établi par Messieurs G. et F. dans le respect des droits et principes essentiels, en sorte que les moyens de nullité invoqués n'apparaissent pas pertinents, la décision entreprise devant être confirmée de ce chef ;
Sur la demande tendant à la désignation d'un nouvel expert :
Attendu que les appelants font valoir au soutien de cette demande de contre-expertise qu'à l'issue des soins pratiqués par le Docteur F. et avant son examen par les experts G. et F., m. H. aurait fait procéder à de nouveaux traitements prothétiques par d'autres praticiens ;
Qu'ils en déduisent que les conclusions des experts ne correspondent pas à l'analyse du travail réalisé par le Docteur b. F. en sorte que l'ensemble des symptômes et troubles constatés ne lui seraient pas imputables ;
Mais attendu qu'il s'induit sans équivoque possible de l'analyse du rapport d'expertise que les Docteurs G. et F. ont expressément appréhendé cette problématique et répondu aux interrogations susceptibles d'en découler, m. H. ayant quant à elle toujours contesté avoir fait l'objet de soins ayant modifié son état dentaire ;
Que dans le cadre de leur réponse aux dires des 24 octobre et 14 novembre 2016 émanant de b. F. et de son assureur, les experts ont précisé qu'avant le traitement, les relations interdentaires étaient normales et que dès le stade de la réhabilitation prothétique, les dents avaient été placées en avant, sans calage ;
Qu'ils ont en particulier relevé que le Docteur F. lui-même, ainsi que son conseil, avait reconnu « leur prothèse », avec les corono plasties qu'ils avaient effectuées et n'ont pas retrouvé dans le cadre de l'examen clinique direct, la trace d'éventuels traitements, en sorte que l'étude d'autres moulages était apparue inopérante ;
Que les experts judiciaires ont encore noté dans les commémoratifs de leur rapport au chapitre « Historique de la pathologie », que l'étude de l'ensemble des consultations réalisées par m. H. à l'issue de son traitement par le Docteur F. (certificats des Docteurs O. du 17 septembre 2015, L. du 4 octobre 2015, B. du 1er juillet 2015, annexés au rapport) ne permettait pas d'établir que l'un de ces chirurgiens-dentistes ait pratiqué quelques soins ou traitements sur la dentition de celle-ci ;
Attendu qu'aucune lacune, omission ou erreur n'apparaît de la sorte imputable aux experts G. et F., la question probatoire inhérente à l'intervention d'autres chirurgiens-dentistes relevant du débat au fond à intervenir ;
Attendu qu'il ne saurait dès lors être fait droit à la demande de contre-expertise formée par les appelants, le jugement déféré devant être confirmé en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'ordonner une nouvelle expertise dont l'effet serait de retarder inutilement l'issue de l'instance ;
Attendu qu'il n'appartient pas par ailleurs à la Cour de se prononcer sur les demandes subsidiaires de non homologation, formée par les appelants, et d'homologation formée par l'intimée, du rapport des experts G. et F., cette question relevant de l'appréciation souveraine du juge du fond devant lequel l'affaire a d'ores et déjà été renvoyée après le jugement dont appel en date du 15 février 2018 ;
Qu'il ne saurait davantage être à ce stade enjoint à Madame H. de communiquer son entier dossier de remboursement de soins effectués par l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public A et/ou son organisme privé pour la période d'octobre 2013 à ce jour, la nécessité de disposer de tels éléments probants devant également être souverainement appréciée par le juge du fond ;
Attendu qu'il ne saurait enfin être donné acte à Madame H. de ce qu'elle se réservait dans ses premières écritures le droit de solliciter la restitution d'éléments complémentaires après avoir fait procéder à l'examen des éléments restitués par le Docteur F. le 29 mai 2018, une telle demande de « donner acte » étant dépourvue d'effet juridique ;
Attendu s'agissant enfin de la demande formée par l'intimée dans son dernier jeu d'écriture tendant à la remise par le Docteur b. F. de l'original ou la copie de l'intégralité des moulures ainsi que des bridges transitoires en résine haut et bas réalisés dans le cadre du travail de réhabilitation effectué ainsi que tous les éléments nécessaires à la réalisation d'une nouvelle réhabilitation prothétique et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, qu'une telle demande a été nouvellement formée avant la clôture des débats soit à une date à laquelle l'appelant n'avait plus la possibilité de répliquer en l'état du calendrier procédural instauré ;
Attendu qu'à défaut de débat contradictoire sur ce point, il ne saurait dès lors être fait droit en l'état à cette demande nouvelle de restitution des moulures ainsi que des bridges transitoires en résine haut et bas réalisés dans le cadre du travail de réhabilitation effectué par le Docteur F. qui pourra être soumise au Tribunal de première instance déjà saisi au fond, les droits de Madame H. étant réservés sur ce point ;
Attendu que Madame H. ne démontre pas qu'en relevant appel du jugement de première instance le Docteur b. F. et la SA G aient commis une faute ayant fait dégénérer en abus leur droit d'action ni aient fait preuve de malveillance, en sorte qu'elle sera déboutée des fins de sa demande de dommages-intérêts de ce chef ;
Attendu que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a réservé les dépens de première instance ;
Attendu que les dépens d'appel seront supportés par les appelants qui succombent ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel recevable,
Au fond le déclare infondé et confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 15 février 2018,
Dit n'y avoir lieu de faire droit, en l'état, à la demande formée par Madame m. H. de restitution des moulures ainsi que des bridges transitoires en résine haut et bas réalisés dans le cadre du travail de réhabilitation effectué par le Docteur b. F. et réserve ses droits sur ce point,
Déboute Madame m. H. des fins de sa demande de dommages-intérêts,
Condamne aux dépens d'appel b. F. et la SA G et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 19 MARS 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.