Cour d'appel, 5 mars 2019, La SAM A c/ Madame c. a. E. divorcée B.
Abstract🔗
Référés - Injonction de communication de pièces détenues par un tiers - Ordonnance de compulsoire - Autorisation du tiers de se pourvoir en référé (non) - Difficultés d'exécution (non) - Pièces couvertes par le secret professionnel (non) - Refus légitime de la banque de déférer à l'injonction (non) - Prononcé d'une astreinte
Résumé🔗
L'instance engagée par la banque s'analyse en une instance en référé rétractation régie par les dispositions des articles 851 et 852 du Code de procédure civile et non en une action en difficultés d'exécution soumise aux dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile. Il convient donc de constater d'une part l'absence de dispositions légales autorisant le tiers, auquel il est fait injonction par ordonnance dite de compulsoire de communiquer une pièce, de se pourvoir en référé et d'autre part, de toute clause ayant dans l'ordonnance du 13 juillet 2017 réservé la voie de recours du pourvoi en référé. Le premier juge s'est dès lors à bon droit déclaré incompétent pour connaitre de la demande tendant à obtenir la rétractation de l'ordonnance présidentielle sur requête. La banque ne saurait se prévaloir du secret professionnel auquel elle est astreinte en application de l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier qui lui interdirait de communiquer des informations relatives à l'existence d'un compte ouvert dans ses livres. Le refus de communiquer la pièce est illégitime, celle-ci concernant simplement la dénomination et la forme d'entités juridiques, outre l'identité et les coordonnées de leur représentant légal ainsi que le cas échéant de leur mandataire agréé, toutes informations n'étant pas couvertes par le secret professionnel. L'injonction de communiquer sera assortie d'une astreinte provisoire de 2.000 euros par jour de retard.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 5 MARS 2019
En la cause de :
- La Société A, Société Anonyme de droit monégasque au capital de XXX euros, enregistrée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le numéro XX, dont le siège social est situé X1 à Monaco (98000) agissant poursuites et diligences de son Administrateur délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Olivier TAFANELLI, avocat au barreau de Nice ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Madame c. a. E. divorcée B., née le 27 février 1956 à Mannheim (Allemagne), de nationalité américaine, demeurant et domiciliée à Westchester (NY - USA), X2 (USA) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu l'ordonnance de référé rendue par le juge des référés, le 18 avril 2018 (R. 4384) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 30 avril 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000144) ;
Vu les conclusions déposées les 10 juillet 2018 et 8 janvier 2019 par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de Madame c. a. E. divorcée B.;
Vu les conclusions déposées le 23 octobre 2018 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SAM A ;
À l'audience du 22 janvier 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM A à l'encontre d'une ordonnance de référé du 18 avril 2018.
Considérant les faits suivants :
Aux termes d'une ordonnance en date du 13 juillet 2017 rendue sur requête du 7 juillet 2017, le Président du Tribunal de première instance a :
« autorisé c. E.à mandater tel huissier de justice de son choix à l'effet d'obtenir la communication par la SAM A, dont le siège est situé X1 à Monaco, des éléments suivants :
- la dénomination des entités juridiques dont c. E. son père, était, à la date de son décès survenu le 13 octobre 2016, le bénéficiaire exclusif ou dans lesquelles il disposait de parts,
- la forme juridique desdites entités,
- l'identité et les coordonnées de leur représentant légal ainsi que le cas échéant de leur mandataire agréé ».
Par exploit intitulé « assignation en référé rétractation d'une ordonnance de compulsoire », la SAM A a saisi le juge des référés le 1er août 2017, au visa des articles 414 et suivants, 851 et 852 du Code de procédure civile, L. 511-33 du Code monétaire et financier d'une demande tendant à voir rétracter en totalité l'ordonnance du 13 juillet 2017.
Suivant ordonnance en date du 11 décembre 2017, ce magistrat, relevant que la SAM A ne se prévalait d'aucune disposition légale autorisant le recours en référé rétractation à l'encontre d'une ordonnance de compulsoire et que le juge des requêtes n'avait pas inséré de clause de réserve de référé dans l'ordonnance du 13 juillet 2017, a ordonné la réouverture des débats à l'effet de recueillir les explications des parties sur le moyen de droit tiré de l'incompétence du juge des référés soulevé d'office sur le fondement des dispositions de l'article 263 du Code de procédure civile.
Aux termes d'une ordonnance en date du 18 avril 2018, le juge des référés statuant au visa des articles 263, 851 et 852 du Code de procédure civile :
se déclarait incompétent pour connaitre des demandes principale et reconventionnelle en rétractation de l'ordonnance présidentielle du 13 juillet 2017 formulées par la SAM A et Madame c. E.
et, vu l'article 415 du Code de procédure civile,
enjoignait à la SAM A de communiquer à c. E. la totalité des éléments mentionnés au dispositif de l'ordonnance présidentielle sur requête en date du 13 juillet 2017, dans le délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire passé ce délai de 2.000 euros par jour de retard pendant 3 mois, après quoi il serait à nouveau fait droit,
déboutait c. E. du surplus de ses demandes,
condamnait la SAM A aux entiers dépens de l'ordonnance.
Au soutien de cette décision, le premier juge a fait valoir en substance que :
l'instance engagée le 1er août 2017 s'analyse en une instance en référé rétractation régie par les dispositions des articles 851 et 852 du Code de procédure civile, et non en une procédure sur difficultés d'exécution soumise aux dispositions de l'article 415 du même Code,
en l'absence de dispositions légales autorisant le tiers auquel il est fait injonction par ordonnance de communiquer une pièce de se pourvoir en référé et à défaut de toute clause réservant cette voie de recours, le juge des référés doit se déclarer incompétent pour connaître de cette demande de rétractation de son ordonnance.
Suivant exploit en date du 30 avril 2018, la SAM A a interjeté appel de l'ordonnance de référé rendue le 18 avril 2018, signifiée le 20 avril 2018, à l'effet de voir la Cour infirmer en toutes ses dispositions cette décision et rétracter l'ordonnance du 13 juillet 2017 tout en déboutant Madame c. E. de toutes ses demandes, fins et conclusions à cet égard et également des fins de sa demande de dommages intérêts, en la condamnant aux entiers dépens.
Aux termes de l'ensemble de ses écritures d'appel, la SAM A fait valoir pour l'essentiel que :
il résulte de l'ordonnance critiquée l'incompétence du magistrat des référés pour statuer sur une assignation diligentée par un tiers qui souhaite remettre en cause la mesure de compulsoire dont il fait l'objet,
l'instance s'inscrivait en réalité dans le cadre des dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile permettant au président du Tribunal de statuer sur les difficultés d'exécution d'une décision judiciaire,
la décision critiquée prive le justiciable de son droit d'accès au juge pour faire trancher sa contestation,
il conviendra dès lors de réformer l'ordonnance d'incompétence rendue par le Président du Tribunal de première instance le 18 avril 2018 et déclarer la banque recevable à saisir les juridictions monégasques pour faire valoir ses droits,
la Cour devra par la suite évoquer l'affaire sur la demande de rétractation de l'ordonnance de compulsoire,
cette demande est fondée tant sur le défaut de qualité à agir de Madame c. E. qui ne démontre pas revêtir la qualité d'héritier réservataire, que sur le secret professionnel du banquier contraignant la SAM A à s'opposer à la communication des informations requises, lesquelles de nature confidentielle tendent à assurer la protection de la vie privée de sa clientèle que la préservation du secret des affaires,
aucune des exceptions respectivement énumérées par la loi permettant la levée du secret bancaire n'étant établie, cet empêchement légitime justifie la demande de rétractation de l'ordonnance de compulsoire du 13 juillet 2017.
Madame c. E. intimée, entend voir la Cour d'appel débouter la SAM A de l'ensemble de ses demandes, confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 18 avril 2018 et, relevant appel incident, demande à la Cour de faire droit à sa demande d'élargissement à l'effet de lui permettre de faire valoir ses droits.
Elle entend à cet égard voir la Cour :
- déclarer que l'appel interjeté par la SAM A à l'encontre de l'ordonnance de référé du 18 avril 2018 est nul pour défaut de motif,
- déclarer que l'appel interjeté par la SAM A à l'encontre de l'ordonnance de référé du 18 avril 2018 est irrecevable pour défaut de fondement légal,
- débouter la SAM A de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer l'ordonnance de référé du 18 avril 2018,
Y ajoutant :
autoriser c. E. en application des articles 851 et 852 du Code de procédure civile, à mandater tout huissier de justice de son choix, afin de se rendre au siège de la SAM A sis à MONACO X1, ou en tout autre lieu utile à Monaco afin que lui soient remis toutes informations, justifications et détails, assortis de tous documents et justificatifs relatifs aux :
comptes et actifs de toute nature acquis, détenus, administrés ou gérés directement ou indirectement, en ce compris par l'intermédiaire de tous trusts, fondations, sociétés, fiduciaires, personnes physiques ou morales, mandataires ou autres intermédiaires, au nom ou pour le compte de F. c. E. depuis leur entrée en relation jusqu'à la date de son décès le 13 octobre 2016,
comptes et actifs de toute nature acquis, détenus, administrés ou gérés, directement ou indirectement, en ce compris par l'intermédiaire de tous trusts, fondations, sociétés, fiduciaires, personnes physiques ou morales, mandataires ou autres intermédiaires, au nom ou pour le compte de la SAM B s'agissant du Single Family Office de F. c. E. depuis sa création en 1999 jusqu'à la date de son décès le 13 octobre 2016,
comptes et actifs de toute nature ayant fait l'objet de transferts au profit de tous héritiers en ligne directe ou indirecte, tiers ou quelque structure que ce soit, en ce compris tous biens ou valeurs acquis, donnés, restructurés, transférés ou vendus, même par l'intermédiaire de tous trusts, fondations, sociétés, fiduciaires, personnes physiques ou morales, mandataires ou autres intermédiaires, par, au nom ou pour le compte de F. c. E. directement ou indirectement, depuis leur entrée en relation jusqu'à la date de son décès le 13 octobre 2016,
ordonner que soient également remis à l'huissier instrumentaire tous documents et informations relatifs aux entités suivantes, le cas échéant les comptes bancaires qu'ils détiennent depuis leur entrée en relation jusqu'à la date du décès le 13 octobre 2016, en lien avec les deux propriétés du de cujus, à Monaco et Saint-Jean-Cap-Ferrat (France), ou toutes autres, à savoir :
la société de droit des Iles Cayman dénommée « C » dont le représentant légal et liquidateur est t. A. B. ou tout autre (ayant été propriétaire de la Villa Fiorentina),
la société civile immobilière de droit français dénommée « D » dont la gérante statutaire est h. K. G. veuve E. (propriétaire de la Villa Y),
la société de droit panaméen dénommée E dont le directeur est Monsieur t. A. B. (propriétaire de la Villa Z),
assortir ces mesures d'une astreinte de 10.000 euros par jour de retard jusqu'à parfaite exécution,
En tout état de cause,
condamner la SAM A à verser à c. E. la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,
condamner la SAM A aux entiers dépens, en ce compris tous frais et accessoires, frais d'huissier, d'expertises et de traduction éventuelle dont distraction faite au profit de Monsieur le Bâtonnier Richard MULLOT, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Madame c. E. expose en substance, aux termes de l'ensemble de ses écritures judiciaires, que :
l'appelante soutient à tort que sa demande de rétractation était fondée sur les dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile relatif à des difficultés d'exécution alors qu'une telle procédure règle les modalités d'exécution d'une ordonnance et ne tend nullement à la rétractation de cette décision, objet de la demande formée par la SAM A devant le juge des référés,
la banque confond volontairement et de mauvaise foi les concepts juridiques afin de légitimer une procédure initiée devant une juridiction incompétente dans la mesure où une telle voie de recours n'a pas été réservée par l'ordonnance du juge et qu'elle n'est pas expressément autorisée par la loi au sens des dispositions de l'article 852 du Code de procédure civile,
la SAM A ne s'est pas trouvée privée de son droit de recours effectif, seul le juge des référés se trouvant incompétent, ce qui n'est pas le cas des autres juridictions monégasques,
la banque fait preuve d'une inertie fautive depuis plus de 10 mois pour avantager ses riches clients,
la réserve héréditaire est un droit d'ordre public et l'héritier réservataire qu'est Madame c. E. fille du de cujus, se confond de plein droit avec la personne de son père et dispose des mêmes droits que lui,
le secret bancaire ne peut être opposé au titulaire du compte ni à ses héritiers qui continuent sa personne,
même si Madame c. E. est une héritière virtuelle jusqu'à la conclusion de l'action en réduction elle dispose des droits sans restriction à l'information successoraux et des droits transmis par le défunt, ce que confirment divers avis de droit,
la Cour de révision a au demeurant affirmé dans divers arrêts que le secret bancaire n'est pas absolu et qu'une mesure d'information procède d'un motif légitime et nécessaire à la protection des droits de l'héritier réservataire dont la saisine est fondée sur des règles successorales d'ordre public,
l'ordonnance présidentielle de compulsoire querellée en date du 13 juillet 2017 limitait les divulgations aux seules informations relatives à la dénomination des entités juridiques dont Monsieur E.était le bénéficiaire exclusif en sorte qu'il conviendra d'obtenir que des mesures complémentaires soient ordonnées afin d'avoir un accès complet à l'information sur le patrimoine du de cujus,
il conviendra donc d'étendre le périmètre de l'ordonnance présidentielle du 13 juillet 2017 et d'enjoindre à la SAM A de communiquer toutes les informations relatives au compte personnel de Monsieur E. ainsi que celles relatives aux sociétés C, D et E.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que les appels, tant principal qu'incident, ont été formés dans les conditions de délais et de forme prévues par le Code de procédure civile et doivent être déclarés recevables ;
1 - Attendu qu'aux termes de l'exploit en date du 30 avril 2018 la SAM A est appelante de l'ordonnance rendue le 18 avril 2018 par le juge des référés aux termes de laquelle ce magistrat s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes principales et reconventionnelles en rétractation de l'ordonnance présidentielle du 13 juillet 2017 formulées tant par la SAM A que Madame c. E.;
Que cette ordonnance de compulsoire tendant à la communication d'informations de pièces détenues par un tiers a été rendue dans le cadre de la procédure sur pied de requête initiée devant le Président du Tribunal de première instance ;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 852 du Code de procédure civile que :
« On ne pourra se pourvoir en référé contre une ordonnance sur requête que dans les cas suivants :
- 1/ lorsque cette voie de recours est expressément autorisée par la loi,
- 2/ lorsque en l'absence d'une prohibition légale elle aura été formellement réservée par l'ordonnance du juge » ;
Attendu qu'appliquant les règles de procédure du for, le premier juge a légitimement observé que, contrairement à certaines dispositions du droit positif monégasque, notamment les articles 24 alinéa 2 du Code civil, 200-2 alinéa 2 du Code civil et 492 du Code de procédure civile autorisant expressément la partie à laquelle est opposée une ordonnance de séquestre, de saisie, voire de résidence séparée, à saisir le juge des référés pour contester cette mesure, aucun texte ne permet au tiers auquel il est fait injonction par une ordonnance dite de « compulsoire » de communiquer une pièce ou un acte, à se pourvoir en référé contre cette décision ;
Qu'il est en revanche loisible à la partie qui se heurte à une difficulté d'exécution d'une telle ordonnance, face à la position contraire ou à l'obstruction opposée par ce tiers, de saisir le juge des référés en difficulté d'exécution sur le fondement des dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que ce n'est pas la partie concernée, mais bien le tiers, la SAM A, qui a saisi le juge des référés sur le fondement des articles 414 et suivants du Code de procédure civile, d'une action intitulée « assignation en référé rétractation d'une ordonnance de compulsoire » visant expressément les dispositions des articles 851 et 852 du Code de procédure civile relatifs aux ordonnances sur requête et à la procédure de rétractation qui s'y trouve prévue ;
Qu'il en résulte, sans équivoque possible, que l'action ainsi introduite par la SAM A devant le juge des référés, ne tendait pas à lui soumettre une difficulté inhérente à l'exécution de l'ordonnance de compulsoire en date du 13 juillet 2017, telle que prévue par l'article 415 du Code de procédure civile, mais bien d'obtenir de ce magistrat la rétractation pure et simple de cette décision ;
Que le premier juge a, par la décision déférée, à bon droit estimé que l'instance engagée par la SAM A le 1er août 2017 s'analysait en une instance en référé rétractation régie par les dispositions des articles 851-852 du Code de procédure civile et non en une action en difficultés d'exécution soumise aux dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile ;
Qu'aucune confusion ne saurait être instaurée dans les règles de procédure civile du for permettant d'affirmer que la faculté de référer au Président du Tribunal de première instance de difficultés d'exécution d'une décision judiciaire, au sens des dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile, caractériserait l'un des cas de pourvoi en référé rétractation réservé par l'article 852 du Code de procédure civile contre une ordonnance sur requête, le fondement et le régime procédural de ces deux actions étant totalement différents ;
Attendu qu'il convient en définitive de faire application des dispositions de l'article 852 du Code de procédure civile et de constater d'une part l'absence de dispositions légales autorisant le tiers, auquel il est fait injonction par ordonnance dite de compulsoire de communiquer une pièce, de se pourvoir en référé et d'autre part, de toute clause ayant dans l'ordonnance du 13 juillet 2017 réservé la voie de recours du pourvoi en référé ;
Que le premier juge s'est dès lors à bon droit déclaré incompétent pour connaitre de la demande tendant à obtenir la rétractation de l'ordonnance présidentielle sur requête en date du 13 juillet 2017 formulée par la SAM A ;
Attendu que la SAM A, appelante, sera dès lors déboutée de ses prétentions et la décision déférée confirmée de ce chef ;
2 - Attendu que dans le cadre de son appel incident, c. E. sollicite l'élargissement de l'ordonnance dont la rétractation est demandée à des mesures qui ont notamment été rejetées par le Président du Tribunal qui a estimé qu'elles ne présentaient pas de caractère limité et qu'elles étaient susceptibles de porter atteinte, tant au secret professionnel auquel l'établissement bancaire est tenu, qu'aux droits d'éventuels tiers ;
Mais attendu que ce faisant, c. E. demande en réalité à la Cour qui est en l'espèce l'émanation du juge des référés, de revenir sur le refus qui lui a été initialement opposé par ce magistrat, voire d'élargir le champ de l'ordonnance sur requête du 13 juillet 2017 dont elle demande donc implicitement mais nécessairement la rétractation ;
Qu'en conséquence, une telle demande reconventionnelle n'apparaît pas recevable pour les raisons précisées ci-dessus à l'occasion de l'examen de l'appel principal, les conditions légales permettant de se pourvoir en référé contre une ordonnance sur requête n'apparaissant pas réunies en l'espèce ;
3 - Attendu enfin que la demande formée par c. E. tendant à voir enjoindre à la SAM A d'exécuter l'ordonnance du 13 juillet 2017 sous astreinte provisoire portée à 10.000 euros par jour de retard apparaît fondée sur les dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile, attribuant compétence au juge des référés pour statuer sur les difficultés d'exécution d'une décision judiciaire ou d'un titre exécutoire ;
Qu'à cet égard, le premier juge a à bon droit relevé, et par des motifs que la Cour adopte, que les difficultés d'exécution prévues à l'article 415 du Code de procédure civile procèdent de toutes contestations pouvant être soulevées au fond ou en la forme entre les parties ou par des tiers de nature à affecter l'accomplissement des obligations imposées par la décision judiciaire en cause, sans pouvoir conduire, à la rétractation pure et simple de l'ordonnance présidentielle sur requête ;
Que cette demande de modification de l'astreinte provisoire formée dans le cadre d'une instance en rétractation excédant la compétence du premier juge n'a pas été régulièrement formée et a été à bon droit rejetée ;
4 - Attendu enfin que la SAM A, appelante, réitère en cause d'appel les raisons présidant à son refus de déférer à l'ordonnance rendue le 13 juillet 2017, se prévalant en particulier du secret professionnel auquel elle est astreinte en application de l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier qui lui interdirait de communiquer des informations relatives à l'existence d'un compte ouvert dans ses livres ;
Mais attendu que le premier juge a rappelé à bon droit l'aspect illégitime d'un tel refus d'exécution dans la mesure où les informations devant être communiquées à c. E. ne concernent ni l'existence de comptes, ni l'identité des titulaires, mandataires ou personnes ayant le pouvoir de les faire fonctionner, mais simplement la dénomination et la forme d'entités juridiques, outre l'identité et les coordonnées de leur représentant légal ainsi que le cas échéant de leur mandataire agréé, toutes informations n'étant pas couvertes par le secret professionnel institué par l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier ;
Attendu qu'il y a dès lors lieu de confirmer également la décision déférée en ce qu'elle a fait droit à la demande de c. E. en enjoignant à la SAM A d'exécuter dans le délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance, l'ordonnance sur requête en date du 13 juillet 2017 et en assortissant cette injonction d'une astreinte provisoire de 2.000 euros par jour de retard ;
Attendu en définitive que l'ordonnance rendue le 18 avril 2018 par le juge des référés sera confirmée en toutes ses dispositions et les parties déboutées de leurs prétentions plus amples ou contraires ;
5 - Attendu qu'il n'est enfin pas établi que la résistance de la SAM A procède d'une intention dolosive, ni que le présent recours révèle une erreur équipollente au dol en sorte que la demande de dommages-intérêts formée par c. E. sera purement et simplement rejetée ;
Attendu que les dépens d'appel demeureront à la charge de la SAM A ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevables les appels principal et incident,
Au fond, déboute respectivement chacune des parties de l'ensemble de leurs prétentions,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des référés le 18 avril 2018,
Laisse les dépens d'appel à la charge de la SAM A et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de juge ment susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 5 MARS 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT- LECLAIR, Procureur Général.