Cour d'appel, 5 février 2019, La SAM A c/ La SA B et Monsieur a. GA.,

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Abstract🔗

Cessation des paiements - Caractérisation (oui)

Résumé🔗

Dès lors que la créance de la banque au titre de trois prêts présente un caractère certain, liquide et exigible et que la société ne peut faire face à ce passif exigible supérieur à 20 millions d'euros avec son actif disponible, l'état de cessation des paiements est caractérisé.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 5 FÉVRIER 2019

En la cause de :

  • - La Société Anonyme Monégasque dénommée A, exploitant son activité sous l'enseigne « Y », dont le siège social est sis X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président Administrateur Délégué en exercice, Monsieur l. MA. domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Jean-Marie CANAC, avocat au barreau de Nice ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - 1/ La Société B, société anonyme de droit français au capital de XXX euros, dont le siège social est X2 à Paris (75001), immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro XX, prise en la personne de son Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Gilbert MANCEAU, avocat au barreau de Paris ;

  • - 2/ Monsieur a. GA., expert-comptable, pris en sa qualité de syndic à la cessation des paiements de la société anonyme monégasque A, demeurant X3 à Monaco,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat près la même Cour, substituant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉS,

EN PRÉSENCE DE :

  • Madame le Procureur Général près la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, séant en ses bureaux au Parquet Général, Palais de Justice, rue Colonel Bellando de Castro audit Monaco ;

COMPARAISSANT EN PERSONNE

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 6 juillet 2017 (R. 6655) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 14 septembre 2017 (enrôlé sous le numéro 2018/000028) ;

Vu les conclusions déposées les 21 novembre 2017 et 26 juin 2018 par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la SA B ;

Vu les conclusions déposées le 19 décembre 2017 par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de Monsieur a. GA. ;

Vu les conclusions déposées les 9 janvier 2018, 20 février 2018 et 10 avril 2018 par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque dénommée A ;

Vu les conclusions déposées le 16 octobre 2018 par le ministère public ;

À l'audience du 23 octobre 2018, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties, le ministère public entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la Société Anonyme Monégasque dénommée A à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 6 juillet 2017.

Considérant les faits suivants :

Par acte en date du 17 novembre 1998, l'ETAT DE MONACO a donné à bail à construction à la SAM A, un terrain d'une superficie de 842 m2 situé X3 à Monaco, en vue de l'édification d'un immeuble à usage d'hôtel devant être dénommé « Z ». Ce contrat de bail a fait l'objet de six avenants, le dernier en date du 17 juin 2014, ayant porté sa durée initiale de 50 ans à 75 ans, à compter de juillet 2003.

La construction et l'aménagement de l'hôtel ont été financés notamment par le recours à l'emprunt auprès d'un pool bancaire dont les droits sont exercés par la SA B, qui a accordé trois emprunts à la SAM A :

un prêt notarié en date du 29 août 2001, reçu par Maître o. P., notaire à Paris, d'un montant de 9.909.186,12 euros, destiné à financer la construction et l'aménagement de l'hôtel, stipulé remboursable sur douze ans du 6 septembre 2001 au 6 septembre 2013, avec un taux d'intérêt révisable trimestriellement à l'Euribor trois mois plus une partie fixe à 1,60 % avec faculté d'option à taux fixe.

Ce prêt était assorti de garanties : promesse d'affectation hypothécaire sur le droit au bail à construction, cautionnement personnel et solidaire de l. MA. Président administrateur délégué de la SAM A, limité à la somme de 2.972.555,84 euros, nantissements d'actions, promesse de délégation de loyers à provenir d'un bail commercial à consentir à une société filiale de la SAM A, dénommée B, promesse de constitution d'un gage de comptes d'instruments financiers.

Il a fait l'objet d'un avenant en date du 18 mai 2006, reçu par Maître i. J., notaire à Paris, portant notamment prorogation de sa durée jusqu'au 6 septembre 2021, sur le montant de 9.909.186,12 euros correspondant au capital restant dû au 6 mars 2006.

Un prêt notarié en date du 1er août 2003, reçu par Maître g. H., notaire à Paris, d'un montant de 4.000.000 euros, destiné à financer les travaux et les dépenses complémentaires relatifs à la construction de l'hôtel, stipulé remboursable sur douze ans du 6 septembre 2003 au 6 septembre 2015, avec un taux d'intérêt révisable trimestriellement à l'Euribor trois mois plus une partie fixe à 1,60 % avec faculté d'option à taux fixe.

Des garanties étaient stipulées en faveur de la banque : promesse d'affectation hypothécaire sur le droit au bail à construction, cautionnement personnel et solidaire de l. MA. cautionnement hypothécaire et solidaire de s. MA. promesse de délégation de loyers à provenir d'un bail commercial à consentir à la société filiale B.

Ce prêt a fait l'objet d'un avenant le 18 mai 2006, portant sur un montant de 4.000.000 euros (capital restant dû de 3.423.538,59 euros et partie des échéances échues de 576.461,41 euros) avec prorogation de la durée jusqu'au 6 septembre 2021.

un prêt notarié en date du 18 mai 2006, reçu par Maître i. J., notaire à Paris, d'un montant de 3.000.000 euros, destiné à financer la restructuration des dettes de la société emprunteuse, stipulé remboursable en quinze ans, dont deux années de différé d'amortissement, du 18 mai 2006 au 18 mai 2021, avec un taux d'intérêt révisable trimestriellement à l'Euribor trois mois plus une partie fixe à 1,60 % l'an.

Diverses garanties étaient également stipulées, dont le cautionnement réel de la SA B, sur le fonds de commerce d'hôtellerie.

Au cours de l'année 2008, une mise en commun des actifs des sociétés SAM A et SA B a été réalisée, par le biais notamment d'une cession le 18 décembre 2008 du fonds de commerce à la SAM A, et de la dissolution anticipée de la SA B aux termes d'une assemblée générale extraordinaire en date du 23 mars 2009.

Le nantissement de fonds de commerce demeurait bénéficier à la SA B.

Par acte en date du 27 juin 2016, la SA B a assigné la SAM A devant le Tribunal de première instance en sollicitant que soit constaté son état de cessation des paiements avec fixation provisoire au 12 février 2015.

Par jugement en date du 6 juillet 2017, le Tribunal a statué comme suit :

  • - constate avec toutes conséquences de droit l'état de cessation des paiements de la SAM A ayant son siège social X1 à Monaco et exerçant le commerce à l'enseigne « Y »,

  • - fixe provisoirement au 12 février 2015 la date de cette cessation des paiements,

  • - nomme Sébastien BIANCHERI, en qualité de juge commissaire,

  • - désigne a. GA., expert-comptable, en qualité de syndic,

  • - dit que le présent jugement sera exécutoire sur minute et par provision en vertu de l'article 572 du Code de commerce soumis à la publicité prévue par l'article 415 dudit Code,

  • - ordonne l'enrôlement des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Par acte en date du 14 septembre 2017 et par conclusions en date des 9 janvier, 20 février et 10 avril 2018, la SAM A a formé appel de ce jugement en ces termes :

« - recevoir la SAM A en son appel,

- le déclarer bien fondé,

- réformer le jugement entrepris en date du 6 juillet 2017 qui a prononcé la cessation des paiements de la SAM A,

Et statuant à nouveau,

- débouter la société anonyme B de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, distraits au profit de Maître Bernard BENSA, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».

aux motifs essentiellement que :

  • - elle n'a pas d'autre passif que celui lié aux trois prêts bancaires,

  • - la créance invoquée n'est pas certaine, liquide et exigible pour être constitutive d'un passif déclaré,

  • - la dette impayée ne doit pas être litigieuse,

  • - il est avéré que les concours ne pouvaient être remboursés sans cession de l'actif,

  • - la passivité de la banque a eu pour effet de transformer tacitement les trois prêts initiaux en prêts « in fine »,

  • - la responsabilité de la SA B peut être recherchée sur plusieurs terrains notamment le caractère inapproprié des concours consentis et des manquements à son devoir de conseil et à son obligation de mise en garde de l'emprunteur,

  • - le pool bancaire mené par la SA B a dépassé son rôle de dispensateur de crédit pour s'immiscer dans sa gestion,

  • - la restructuration des prêts intervenue en 2006 a eu pour effet d'augmenter sensiblement le montant des garanties de la banque sans modifier véritablement les taux d'intérêt,

  • - l'opération ayant amené la disparition de la SA B n'a été réalisée que sous la pression de la banque qui souhaitait voir regrouper murs et fonds de commerce au sein d'une même structure, ce qui a eu au moins deux conséquences néfastes : le coût intrinsèque de l'opération, de près d'un million d'euros et l'élargissement de la base de calcul de la redevance due à l'État, calculée en fonction du chiffre d'affaires de la SAM A, qui n'était constitué jusqu'à cette date que des loyers que payait la SA B à la SAM A et qui désormais inclut l'exploitation commerciale de l'hôtel,

  • - au plan de l'exploitation de l'hôtel, plusieurs facteurs présents dès la stipulation des contrats de prêts démontrent que le montage a été mal réalisé, les capacités de remboursement de la SAM A ayant été surévaluées par la banque,

  • - dès les premières échéances, elle n'a pu rembourser que les intérêts de la dette,

  • - la situation factuelle que la banque a laissé se développer pendant quinze années démontre qu'en réalité les emprunts consentis sont des prêts « in fine », c'est-à-dire dont le capital et les intérêts sont stipulés remboursables uniquement à l'échéance,

  • - les parties étaient quasiment d'accord sur le contenu d'un protocole d'accord et la banque a interrompu de manière frauduleuse les négociations,

  • - la société n'était pas en état de cessation des paiements, dans la mesure où la créance de la banque n'est pas exigible,

  • - la banque est fautive puisqu'elle a mis en place des crédits ruineux et disproportionnés ce sans mise en garde contre le risque de non remboursement, en présence d'un investisseur non averti,

  • - la banque omet d'indiquer que l. MA. a investi quatre millions d'euros de fonds propres au cours de l'exploitation de l'hôtel pour maintenir l'activité,

  • - une mesure de cessation des paiements sur le fondement de contrats contestés et dont la cause est problématique pose un réel problème auquel le juge doit répondre,

  • - les prêts seront remboursés par essence lors de la cession imminente des actifs,

  • - l'assignation en cessation des paiements a été délivrée pour empêcher la vente et non pour obtenir un quelconque remboursement.

Par conclusions des 21 novembre 2017 et récapitulatives du 26 juin 2018 a SA B sollicite la confirmation du jugement en ces termes :

« - constater avec toutes conséquences de droit, l'état de cessation des paiements de la société anonyme A,

- adopter les motifs du jugement du Tribunal de première instance du 6 juillet 2017,

- confirmer en toutes ses dispositions ledit jugement,

- ordonner l'enrôlement des dépens en frais privilégiés de la procédure collective ».

aux motifs essentiellement que :

  • - l'appelante a cessé tout paiement depuis janvier 2007,

  • - il s'agissait de trois prêts amortissables avec des échéances trimestrielles et non de prêts in fine et d'ailleurs aucun avenant n'a été conclu postérieurement au 19 mai 2006,

  • - elle est titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible,

  • - l'action en responsabilité que l'appelante vient d'initier à son encontre devant le Tribunal de commerce de Paris conduit nécessairement à évacuer dans la présente instance toute discussion sur le caractère approprié ou non des concours consentis,

  • - une éventuelle créance indemnitaire hypothétique et future ne peut pas se compenser avec sa créance certaine, liquide et exigible,

  • - aucune faute n'a été commise par la banque à l'occasion de la rupture des pourparlers car elle ne pouvait accepter le contre-projet de protocole remettant en cause le dispositif envisagé par une suspension provisoire de l'exigibilité de la dette en vue d'initier un processus irrévocable de vente de l'immeuble et du fonds de commerce,

  • - les garanties prises en contrepartie des concours n'étaient pas disproportionnées puisque les actifs à ce jour sont évalués à 50 millions d'euros alors que les prêts consentis ont représenté au total 18 millions d'euros,

  • - il est apparu dès 2008 que le résultat d'exploitation ne permettrait pas d'assurer valablement l'amortissement des emprunts, si bien que des pourparlers ont été initiés par les dirigeants de la SAM A aux fins de céder le fonds de commerce, outre une hypothèse de réorientation de l'exploitation en résidence hôtelière, finalement non réalisée,

  • - malgré des règlements sporadiques intervenant chaque année, elle n'a reçu aucun justificatif d'une avancée concrète des démarches engagées en vue de la vente des actifs et a mis en demeure, par courrier recommandé de son conseil en date du 4 février 2015, la SAM A de régler le total des échéances impayées pour un montant de 8.413.223,92 euros, à défaut de quoi, elle entendait se prévaloir de la déchéance du terme, entrainant l'exigibilité anticipée de l'intégralité des sommes restant dues, soit un montant de 20.948.208,59 euros,

  • - le paiement sollicité n'étant pas intervenu, elle a entrepris une ultime démarche amiable visant à remédier, par une suspension provisoire de l'exigibilité de la dette, à l'état de cessation des paiements de la SAM A,

  • - un processus de négociation a été mis en place, tendant à une réalisation des actifs au plus tard le 31 mars 2017,

  • - en l'absence de suspension de l'exigibilité de la créance, l'état de cessation des paiements de la SAM A est caractérisé, celle-ci ne contestant pas la régularité des titres exécutoires constitués par les titres authentiques,

  • - le temps écoulé sans que la SAM A ne s'acquitte de la totalité des échéances à sa charge ne peut entrainer une requalification des contrats en prêts in fine, puisqu'elle a seulement pris acte que depuis plusieurs années, la société cherchait à céder l'hôtel, ce qui aurait permis le remboursement total des emprunts,

  • - c'est dans cette seule perspective qu'elle n'a pas mis en œuvre plus tôt les stipulations contractuelles aboutissant à la déchéance du terme,

  • - l'incapacité de procéder au remboursement n'est pas contestée en tant que telle et est démontrée par les rapports établis par les commissaires aux comptes de la SAM A,

  • - la demande de mise en place d'un prêt in fine par courrier du 18 novembre 2008 démontre qu'il n'en existait pas avant et le silence de la banque à ce courrier ne vaut pas acceptation,

  • - la situation n'a pas évolué depuis que le premier juge a statué et l'état de cessation de paiement est toujours caractérisé devant la Cour d'appel.

Par conclusions en date du 19 décembre 2017, a. GA. ès-qualités de syndic à la cessation des paiements de la SAM A sollicite la confirmation du jugement en faisant valoir essentiellement que :

  • - les moyens soulevés par l'appelante sont inopérants au regard de l'objet de la procédure et de l'office limité du juge dans le cadre de l'article 408 du Code de commerce,

  • - l'état de cessation de paiement de la SAM A était caractérisé au 12 février 2015, celle-ci ne disposant pas des liquidités pour faire face à une dette proche de 21 millions.

Par conclusions en date du 15 octobre 2018, le Procureur Général requiert la confirmation du jugement en faisant valoir essentiellement que :

  • - une éventuelle action en requalification des contrats, qui n'est pas établie, et en responsabilité contre un dispensateur de crédits n'a pas pour effet de paralyser l'ouverture d'une procédure collective du bénéficiaire desdits crédits,

  • - la SAM A a poursuivi ses remboursements dans des proportions comprenant tant les intérêts que le remboursement du capital,

  • - le Tribunal a justement apprécié qu'à la date de la mise en demeure, le 12 février 2015, la SAM A ne possédait pas les liquidités qui lui permettraient de faire face à son passif exigible,

  • - l'existence de discussions engagées aux fins d'aboutir à un accord, nonobstant une rupture éventuellement fautive de l'une ou l'autre des parties, est sans incidence sur le constat de l'état de cessation des paiements.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel régularisé dans les formes et délais prescrits est recevable ;

Attendu que le conseil de l'appelante sollicite le renvoi de l'affaire, que le conseil de l'intimée s'y est opposé ;

Que la nature de l'empêchement n'est pas précisée alors que la date de l'audience des plaidoiries a été fixée le 26 juin 2018 ;

Qu'il convient de rejeter cette demande ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 408 du Code de commerce, l'état de cessation des paiements d'une société commerciale apparait caractérisé quand celle-ci ne peut faire face à son passif exigible avec son actif disponible ;

Que l'instance introduite sur assignation du créancier sur le fondement de ce texte tend uniquement au constat de la cessation des paiements ou de son absence ;

Qu'à cet égard, l'action en responsabilité que l'appelante a initiée à l'encontre du prêteur devant le Tribunal de commerce de Paris pour se voir allouer une indemnisation, motif pris du caractère inapproprié des concours consentis et de manquements au devoir de conseil et à son obligation de mise en garde de l'emprunteur, est sans incidence sur l'existence de la créance contractuelle résultant des trois emprunts ;

Qu'en l'espèce, le Tribunal a constaté justement que la créance dont se prévalait la SA B présentait un caractère certain, liquide et exigible ;

Qu'ainsi, la créance de la SA B, évaluée à la somme de 20.999.534,14 euros au 22 avril 2016 et à la somme de 20.948.208,59 euros suivant mise en demeure du 4 février 2015, avait pour origine trois contrats de prêt authentiques en date du 29 août 2001 pour un montant de 9.909.186,12 euros, en date du 1er août 2003 pour un montant de 4.000.000 euros et en date du 18 mai 2006 pour un montant de 3.000.000 euros ;

Qu'il est constant que les stipulations de ces contrats de prêt et de leurs avenants prévoient que le défaut de règlement de tout ou partie des échéances à bonne date, constitue une cause de déchéance du terme de chacun des prêts rendant exigible par anticipation l'intégralité des sommes dues au titre de chacun d'eux ;

Qu'en l'espèce, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 4 février 2015, le conseil de la SA B a adressé à la SAM A une mise en demeure où il était rappelé qu'en application des trois contrats de prêt des soldes débiteurs restaient dus, correspondant aux échéances demeurées impayées et ce pour les montants respectifs, au 6 décembre 2014 de 465.604,70 euros, 1.721.446,19 euros et 6.226.223,92 euros et qu'à défaut d'acquittement de telles dettes sous huitaine, ledit courrier « valant mise en demeure », elle entendait se prévaloir de la déchéance du terme ;

Attendu que contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, qui considère que ces prêts devraient être qualifiés de prêts in fine, il s'agissait de prêts amortissables contenant des échéances trimestrielles de remboursement ;

Qu'en effet, la SAM A ne démontre aucunement que le respect des obligations de paiement résultant des trois prêts successifs en 2001, 2003 et 2006 ne pouvait être réalisé que par la vente de l'hôtel alors que le récapitulatif des paiements qu'elle a effectués de 2010 à 2017 établit que celle-ci a continué à régler les échéances, même très partiellement, dans des proportions comprenant tant les intérêts que le remboursement du capital ;

Qu'en outre, l'appelante en sollicitant par courrier du 18 novembre 2008 la mise en place d'un prêt in fine dont elle attendait une réponse expresse de la banque, rapporte elle-même a contrario la preuve qu'à cette date, il n'existait pas de convention de cette nature entre les parties ;

Qu'à cet égard, les premiers juges ont justement considéré d'une part, que le silence de l'intimée à ce courrier ne pouvait pas valoir acceptation puisque la restructuration radicale de la charge de la dette de la SAM A qu'elle supposait était un élément substantiel déterminant qui nécessitait une réponse expresse, s'agissant tant des conditions d'un éventuel prêt in fine que des montants précis pouvant être concernés ;

Que d'autre part, le fait que celle-ci ait pris la mesure que le remboursement intégral ne pourrait intervenir que par la vente de l'actif de la SAM A ne constituait pas la preuve de ce que sa volonté ait été de se voir rembourser seulement en 2021, date d'échéance des prêts ;

Que dans ces conditions, le Tribunal a examiné si à la date du 12 février 2015, la SAM A disposait des liquidités pour faire face au paiement d'une créance certaine, liquide et exigible d'un montant de vingt millions d'euros ;

Qu'il est constant que suite à la mise en demeure du 4 février 2015, aucun paiement du montant sollicité n'est intervenu, et que par suite, la déchéance du terme était donc acquise ;

Que si des négociations ont été engagées entre les parties en vue d'un protocole d'accord suspendant l'exigibilité de la dette en contrepartie d'une vente de l'hôtel au plus tard en mars 2017, il est constant que celles-ci n'ont pas abouti ;

Que les conditions de la rupture des pourparlers apparaissent indifférentes dans le cadre de la présente instance qui tend uniquement au constat de la cessation des paiements ou de son absence dès lors que ceux-ci visaient à suspendre l'exigibilité de la dette alors que la déchéance du terme était déjà acquise dans le cadre de l'exécution des contrats ;

Que par ailleurs, la fraude alléguée par l'appelante, consistant en la volonté de favoriser des repreneurs choisis par la banque, n'apparait nullement démontrée ;

Attendu que dans ces conditions, en l'état de la situation définitivement obérée de la société, qui ne pouvait pas faire face au passif exigible avec son actif disponible, les premiers juges ont justement constaté l'état de cessation des paiements de la SAM A tant au moment de l'introduction de l'instance qu'au jour où ceux-ci ont statué et fixé à bon droit la date provisoire de cessation des paiements au 12 février 2015 ;

Attendu que depuis cette date, la SAM A n'est pas revenue in bonis et que, ne pouvant pas à ce jour faire face au passif exigible avec son actif disponible, il convient par conséquent de confirmer le jugement ;

Attendu que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit la SAM A en son appel,

Rejette la demande de renvoi de l'affaire formée par la SAM A,

Le déclare mal fondé,

Confirme le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 6 juillet 2017 en toutes ses dispositions,

Dit que les dépens seront enrôlés en frais privilégiés de procédure collective,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 5 FÉVRIER 2019, par Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général Adjoint.

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