Cour d'appel, 29 janvier 2019, Madame e BBB c/ Madame AAA
Abstract🔗
Contrat de travail – Modification – Conditions - Licenciement – Conditions – Motif valable (oui) – Caractère abusif (non)
Résumé🔗
Lorsque le salarié refuse d'accepter la modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, l'employeur s'il ne renonce pas à la modification envisagée doit procéder au licenciement du salarié. Le refus du salarié ne présentant pas en tant que tel un caractère fautif, la modification contestée doit, pour constituer un motif valable de licenciement, être justifiée par l'intérêt réel de l'entreprise. En l'espèce, la modification du contrat de travail de Madame BBB était justifiée par l'intérêt des enfants de Madame AAA passant du primaire au collège et que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que le licenciement de Madame BBB avait été mis en œuvre pour un motif valable.
Madame BBB se plaint d'avoir subi un licenciement abusif au regard des circonstances dans lesquelles il est intervenu. Elle fait état de vexations de la part de son employeur eu égard au ton utilisé envers elle. Elle verse aux débats l'attestation de Monsieur EEE datée du 3 novembre 2016, dont il n'est pas contesté qu'elle a été établie alors que celui-ci était en litige avec la mère de Madame AAA. Les premiers juges ont à juste titre analysé que ce témoignage ne pouvait suffire à établir des conditions de travail difficiles dès lors qu'il ne faisait état que d'un seul incident précis en date du 24 juin 2014. S'il témoigne de la souffrance psychologique éprouvée par Madame BBB il est cependant insuffisant à lui seul pour établir un lien avec un quelconque comportement fautif de l'employeur. Les premiers juges ont analysé de manière pertinente que les éléments avancés par Madame BBB tenant au refus de lettre de recommandation, au courrier de Madame AAA du 12 septembre 2014 et au mail des enfants du 6 octobre 2014 ne pouvaient démontrer un quelconque abus de l'employeur dans la mise en œuvre de la rupture du contrat de travail, dès lors qu'il s'agit de faits postérieurs à la lettre de licenciement.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 29 JANVIER 2019
En la cause de :
- Madame e BBB, demeurant « X1 » - X1à Nice (06200) ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 14-BAJ-15, par décision du Bureau du 15 décembre 2015
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Madame AAA, domiciliée « Le X2 » - X2à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du travail, le 21 décembre 2017 ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 9 février 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000087) ;
Vu les conclusions déposées le 29 mai 2018 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de Madame AAA;
Vu les conclusions déposées le 10 juillet 2018 par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de Madame e BBB;
À l'audience du 13 novembre 2018, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Madame e BBB à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail du 21 décembre 2017.
Considérant les faits suivants :
Madame e BBB a été engagée par Madame AAA en qualité de professeur particulier d'anglais-français, pour une durée déterminée à compter du 7 septembre 2009 jusqu'au 31 août 2010.
Suivant convention du 1er septembre 2010 ce contrat a été transformé en contrat de travail à durée indéterminée, Madame BBB percevant une rémunération de 2.000 euros bruts par mois pour 39 heures de travail par semaine.
Au moment de la rupture du contrat de travail en juillet 2014, Madame BBB percevait un salaire mensuel de 2.700 euros nets.
Au cours de l'année 2014 les deux enfants de Madame AAA nées en 2003 et 2005, ont brillamment réussi les évaluations de fin de classe primaire, validant les acquis prévus par le programme pour accéder en classe de collège.
Madame BBB a été placée en arrêt de travail du 25 juin au 14 juillet 2014.
Par courrier du 25 juin 2014 Madame AAA a fait connaître à Madame BBB que ses enfants allaient devoir intégrer une scolarité correspondant au niveau collège et qu'elle était « contrainte de procéder à l'embauche de nouveaux enseignants qui pourront assumer un enseignement plus approfondi dans les différentes matières au programme d'un collège ».
En conséquence, Madame AAA a proposé à Madame BBB une modification de son contrat de travail par avenant tendant à une réduction du temps de travail à 20 heures par semaine, avec une diminution de son salaire au prorata du nombre d'heures à effectuer.
Madame BBB a refusé cette proposition par courrier du 1er juillet 2014.
Le 15 juillet 2014 Madame AAA a notifié à Madame BBB son licenciement en l'informant qu'elle était dispensée de l'exécution de son préavis.
Par courrier recommandé du 30 septembre 2014 Madame BBB a contesté le solde de tout compte notifié le 31 juillet 2014.
Considérant son licenciement abusif et intervenu dans des conditions abusives et vexatoires, Madame BBB a saisi le Tribunal du travail en conciliation par requête reçue au greffe le 24 avril 2015.
Aucune conciliation n'est intervenue et l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement contradictoire du 21 décembre 2017, le Tribunal du travail a :
« - écarté des débats les pièces n° 16 et 27 produites par Madame BBB en ce qu'elles ne comportent pas de traduction française, en totalité pour la pièce n° 16 et certains documents de la pièce n° 27,
- dit que le licenciement de Madame BBB par Madame AAA repose sur un motif valable et ne revêt pas un caractère abusif,
- débouté Madame BBB de toutes ses demandes,
- laissé les dépens à la charge de Madame BBB »
Pour statuer ainsi, le Tribunal du travail a retenu que :
à la date où elle a été formulée la modification proposée du contrat de travail de Madame BBB répondait à un intérêt réel pour l'entreprise, en ce que l'intérêt des enfants justifiait l'embauche de professeurs spécialisés dans des matières précises afin de leur assurer un enseignement de qualité,
le licenciement avait été mis en œuvre pour un motif valable de sorte que Madame BBB devait être déboutée de sa demande en paiement de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845,
les circonstances dans lesquelles le licenciement était intervenu n'étaient pas susceptibles de constituer un abus, le déroulement de la procédure n'ayant révélé aucune légèreté blâmable de l'employeur, ni aucune précipitation fautive,
Madame BBB avait été remplie de ses droits et ne pouvait prétendre à aucune somme complémentaire.
Par exploit d'appel et assignation délivré le 9 février 2018, Madame BBB a relevé appel de cette décision.
Aux termes de cet exploit et des conclusions qu'elle a déposées le 10 juillet 2018, Madame BBB demande à la Cour de :
l'accueillir en son appel et le déclarer bien-fondé,
En conséquence,
réformer le jugement du Tribunal du travail du 21 décembre 2017 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
constater que les pièces n° 16 et 27 ont fait l'objet d'une traduction assermentée,
dire n'y avoir lieu à les écarter des débats,
condamner Madame AAA au paiement de :
4.211 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
2.700 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
619,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
70.000 euros pour licenciement abusif,
dire que les sommes réclamées seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la requête introductive d'instance,
ordonner la délivrance des bulletins de salaires et attestation Pôle emploi, solde de tout compte, conformes à la décision à intervenir,
débouter Madame AAA de ses demandes, fins et conclusions,
condamner Madame AAA aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraction faite comme en matière d'assistance judiciaire.
Au soutien de son appel, Madame BBB fait valoir principalement que :
- l'intégralité des pièces communiquées et notamment les pièces n° 16 et 27 ont été traduites,
- elle n'a pas osé contester immédiatement le bien-fondé de la décision de son employeur dès lors qu'au cours d'un entretien précédant la réception du courrier du 25 juin 2014, Madame AAA lui avait affirmé qu'elle n'avait pas les compétences requises pour continuer l'enseignement, que son temps de travail serait diminué de moitié et que si elle refusait, elle serait licenciée,
- en soutenant qu'elle n'aurait pas les compétences pour prodiguer un enseignement Key Stage 3, le Tribunal a dénaturé la volonté des parties, et notamment du courrier du 25 juin 2014, ce qui constitue une erreur d'appréciation qui devra emporter réformation du jugement,
- les premiers juges ont de manière erronée considéré qu'elle ne justifierait que d'une expérience « limitée pour l'essentiel à l'enseignement en primaire », alors qu'elle dispose d'un diplôme d'enseignante écoles secondaires et collèges en Angleterre et Pays de Galles et compte au moins huit années d'expérience en collège outre une expérience d'enseignement pour adultes,
- Madame AAA ne prouve pas qu'elle n'aurait pas eu les compétences requises pour poursuivre son enseignement, alors qu'elle prodiguait déjà aux enfants l'enseignement de toutes les matières du primaire et d'autres plus complexes (droit ou politique),
- après le licenciement, Madame AAA n'a procédé qu'à l'embauche de professeurs uniques dont il n'est pas justifié qu'ils aient eu des compétences supérieures aux siennes ; par conséquent, la demande de modification de son contrat de travail n'apparaît pas justifiée et son licenciement n'est pas fondé sur un motif valable,
- constatant qu'elle entendait contester la mesure de licenciement, Madame AAA a exercé sur elle d'importantes pressions : refus pour des motifs erronés de lui établir une lettre de recommandation, communications de mauvaises références sur elle, mail menaçant adressé à sa fille pour la dissuader de toute contestation et retrait de ses salaires, circonstances qui démontrent le caractère abusif du licenciement,
- l'employeur reste lui devoir la somme de 3.319,26 euros au titre de son préavis et des indemnités compensatrices de congés payés,
- compte tenu de l'absence de motif valable de licenciement, il lui est dû en outre une indemnité de licenciement de 4.211 euros déduction faite de l'indemnité de congédiement déjà versée,
- il est justifié enfin de lui verser une somme de 70.000 euros de dommages et intérêts en l'état du préjudice financier et du préjudice moral subis, étant précisé qu'elle était seulement à une année de sa retraite et qu'elle a été insultée, méprisée et menacée par son employeur.
Madame AAA, aux termes de conclusions déposées le 29 mai 2018, demande à la Cour de confirmer le jugement du 21 décembre 2017 en toutes ses dispositions, de débouter Madame BBB de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et de condamner celle-ci au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître GIACCARDI, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Elle soutient en substance que :
- la proposition de modification du contrat de travail de Madame BBB était justifiée par le passage de ses enfants de la classe primaire au collège et par son souhait de leur faire prodiguer des enseignements plus approfondis,
- Madame BBB le savait puisqu'elle n'a pas remis en cause le bien-fondé de la décision de son employeur sur ce point, mais a refusé la modification de son contrat de travail seulement pour des raisons financières,
Madame BBB ne démontre pas le caractère abusif du licenciement et elle a été parfaitement remplie de ses droits.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
1-Attendu que l'appel formé dans les conditions de forme et délai prescrites par le Code de procédure civile doit être déclaré recevable ;
2-Attendu que les pièces n° 16 et 27 produites par Madame BBB ont fait l'objet en cause d'appel d'une traduction en langue française, langue officielle de l'Etat de Monaco ;
Qu'il convient donc d'infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a écarté ces pièces, faute de traduction, et de les admettre désormais aux débats, avec leur traduction (pièces 16 bis et 27 bis) ;
3-Attendu que lorsque le salarié refuse d'accepter la modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, l'employeur s'il ne renonce pas à la modification envisagée doit procéder au licenciement du salarié ;
Que le refus du salarié ne présentant pas en tant que tel un caractère fautif, la modification contestée doit, pour constituer un motif valable de licenciement, être justifiée par l'intérêt réel de l'entreprise ;
Qu'en l'occurrence le licenciement de Madame BBB est intervenu à la suite du refus de celle-ci d'accepter la modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, proposée par courrier du 25 juin 2014 et tendant à une réduction de son temps de travail hebdomadaire de 39 heures à 20 heures avec diminution de son salaire au prorata du nombre d'heures à effectuer ;
Que le refus de Madame BBB d'accepter la réduction substantielle de son temps de travail et par voie de conséquence de sa rémunération ne revêt pas, en lui-même, de caractère fautif ;
Que pour apprécier la validité du motif de la rupture du contrat de travail, il appartient à la juridiction saisie de rechercher si la modification proposée par Madame AAA répondait à un intérêt réel et de s'assurer que les circonstances de mise en œuvre de la rupture par l'employeur ont été exemptes d'abus de droit ;
Que selon le courrier du 25 juin 2014, Madame AAA a motivé la proposition de modification du temps de travail de Madame BBB à son service dans les termes suivants : « compte-tenu de l'âge de mes enfants qui vont intégrer une scolarité correspondant au niveau de collège (en France et à Monaco), je me vois contrainte de procéder à l'embauche de nouveaux enseignants qui pourront assumer un enseignement plus approfondi dans les différentes matières au programme d'un collège » ;
Qu'il est établi que les enfants de Madame AAA ont brillamment réussi en 2014 les évaluations en mathématiques et français, sanctionnant ainsi de manière positive leur fin de CM2 et leur passage au niveau supérieur ;
Qu'il résulte du courrier du Directeur de l'Education Nationale de la Jeunesse et des Sports du 16 juillet 2014 que Madame AAA avait le souhait de voir ses enfants poursuivre leur scolarité selon le « Cambridge program- year 7 of Key Stage 3 », en complétant ce programme par des matières complémentaires telles que langue et littérature françaises ainsi qu'histoire et géographie ;
Que cette décision de Madame AAA est également formulée dans le courrier qu'elle a adressé le 12 septembre 2014 à Madame BBB;
Que le courrier de proposition de modification du contrat de travail du 25 juin 2014, qui fait état de la nécessité d'embaucher de nouveaux enseignants qui pourront assumer un enseignement plus approfondi dans les différentes matières au programme d'un collège, n'est pas en contradiction avec ces précisions données par la suite ;
Que de surcroît, il est établi par les pièces produites que dès le mois de février 2014 Madame AAA avait envisagé de recruter des professeurs spécialisés notamment pour les mathématiques et sciences, niveau 6ème et collège, et si possible niveau Year 7 (British curriculum) ;
Que par conséquent, il ne peut être soutenu que les premiers juges ont dénaturé la volonté des parties en recherchant si Madame BBB avait les capacités d'enseigner le « Key Stage 3 », correspondant aux trois années de scolarité des élèves entre 11 et 14 ans dans les écoles en Angleterre et au Pays de Galles, soit aux enseignements de matières diversifiées telles qu'ils sont dispensés au collège ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que Madame BBB avait les capacités pour enseigner les matières du programme de primaire ;
Que si au titre de sa formation elle a suivi entre 1972 et 1974 une formation d'enseignants en Grande-Bretagne au poste d'assistant FLE (Français Langue Etrangère) dans les écoles secondaires dans le Surrey, a obtenu en 1988 un « diplôme d'enseignant pour adultes et enseignement supérieur Professeur FLE » et a suivi entre 1987 et 1990 un diplôme d'enseignante écoles secondaires et collèges en Angleterre et Pays de Galles, force est de constater qu'elle a enseigné principalement en école primaire, dans les écoles publiques britanniques de la région du Surrey (1988 à 2004), à l'International School of Monaco (2006 à 2009) et auprès des enfants de Madame AAA(de septembre 2009 à juillet 2014) ;
Que le parcours professionnel de Madame BBB mentionne qu'entre novembre 2005 et août 2006 elle a travaillé à l'Ecole internationale de Nice en qualité « d'enseignante et surveillante de l'examen de l'IB/IGCSE » ;
Que cette expérience apparaît réduite à quelques mois de sorte que le Tribunal a donc, à juste titre, considéré que le curriculum vitae de Madame BBB démontrait pour l'essentiel une expérience limitée à un enseignement primaire ;
Qu'il doit être retenu en outre que Madame BBB détentrice d'un baccalauréat de philosophie, d'un diplôme de premier cycle DUEL Modern Languages (anglais, français et allemand) et d'une licence ès lettres (anglais-allemand) ne justifie pas de compétences particulières pour l'enseignement des matières scientifiques du collège et plus précisément celles du « Key Stage 3 », comportant notamment un enseignement en Mathématiques, Science, Informatique, Design et Technologie ;
Que Madame BBB semble avoir admis qu'elle ne disposait pas de telles compétences puisqu'elle a contribué à rédiger en février 2014, à la demande de son employeur, une annonce en vue du recrutement d'un « professeur en maths et sciences à temps partiel, niveau 6ème et collège, et si possible niveau Year 7 (British curriculum) » ;
Qu'elle n'a au demeurant pas argumenté son refus de la proposition de modification de son contrat de travail en faisant valoir qu'elle disposait des compétences nécessaires pour enseigner les matières du collège, se bornant à l'expliquer par des considérations financières ;
Attendu qu'il est établi par les pièces produites que Madame AAA a employé successivement trois professeurs particuliers ;
Que la volonté de Madame AAA était d'offrir à ses filles un enseignement plus approfondi correspondant aux exigences des spécialités enseignées au collège ;
Qu'ayant ainsi analysé l'intérêt de ses enfants, il relevait de son pouvoir de direction d'embaucher un ou plusieurs professeurs ;
Qu'en l'occurrence, le Tribunal a analysé de manière pertinente que tant Madame CCC que Monsieur DDD disposaient de compétences plus complètes que celles de Madame BBB pour enseigner les matières du collège, notamment dans le domaine scientifique et en informatique ;
Qu'il s'ensuit que la modification du contrat de travail de Madame BBB était justifiée par l'intérêt des enfants de Madame AAA passant du primaire au collège et que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que le licenciement de Madame BBB avait été mis en œuvre pour un motif valable ;
Que la décision doit être confirmée sur ce point et en ce qu'elle a débouté Madame BBB de sa demande en paiement de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 ;
4-Attendu que Madame BBB se plaint d'avoir subi un licenciement abusif au regard des circonstances dans lesquelles il est intervenu ;
Qu'elle fait état de vexations de la part de son employeur eu égard au ton utilisé envers elle ;
Qu'elle verse aux débats l'attestation de Monsieur EEE datée du 3 novembre 2016, dont il n'est pas contesté qu'elle a été établie alors que celui-ci était en litige avec la mère de Madame AAA;
Que les premiers juges ont à juste titre analysé que ce témoignage ne pouvait suffire à établir des conditions de travail difficiles dès lors qu'il ne faisait état que d'un seul incident précis en date du 24 juin 2014 ;
Qu'au demeurant le fait rapporté relatif à « une violente intervention de la Princesse AAA envers Madame BBB elle lui a crié d'une manière très violente et dénigrante : vous êtes folle, hystérique » est contesté par l'intimée ;
Que selon les pièces versées aux débats, Madame BBB a été en arrêt de travail du 25 juin 2014 au 14 juillet 2014 ;
Qu'elle produit un certificat médical daté du 17 juin 2015 certifiant qu'elle présente un syndrome dépressif aigu depuis le 8 juillet 2014, dont l'origine semble due à un conflit avec son employeur ;
Qu'il convient d'observer que ce certificat médical, qui reprend les dires de Madame BBB relatifs à des « vexations, d'irrespect et même de propos aux limites de l'insulte » a été établi le 17 juin 2015, soit juste après la requête introductive d'instance devant le Tribunal du travail ;
Que s'il témoigne de la souffrance psychologique éprouvée par Madame BBB il est cependant insuffisant à lui seul pour établir un lien avec un quelconque comportement fautif de l'employeur ;
Que les premiers juges ont analysé de manière pertinente que les éléments avancés par Madame BBB tenant au refus de lettre de recommandation, au courrier de Madame AAA du 12 septembre 2014 et au mail des enfants du 6 octobre 2014 ne pouvaient démontrer un quelconque abus de l'employeur dans la mise en œuvre de la rupture du contrat de travail, dès lors qu'il s'agit de faits postérieurs à la lettre de licenciement ;
Que Madame BBB fait état de mauvaises références données par Madame AAA à une société de recrutement avec laquelle elle était en contact pour l'obtention d'un nouveau poste ;
Que cependant, la lecture de la pièce 16 bis et notamment du mail du 2 septembre 2014 adressé par l'agence « Nanny, Tata & Co. » à Madame BBB permet de constater que l'agence a été en contact avec « quelqu'un de la maison » de l'ancien employeur de Madame BBB sans qu'il puisse être considéré qu'il s'agit de Madame AAA;
Qu'au demeurant il a été indiqué que Madame BBB était « fantastique avec les enfants plus jeunes âgés de 8-9 ans, douée et agréable », mais qu'elle était « partie sans mettre convenablement un terme à la relation professionnelle » ;
Que ces propos n'apparaissent pas dénigrants sur les qualités professionnelles de Madame BBB;
Que celle-ci, en tout état de cause, n'établit pas qu'elle n'a pas eu le poste convoité en considération de cet échange, les mails versés aux débats étant muets sur ce point ;
Que Madame BBB ne démontre donc pas plus avec cet élément, postérieur au licenciement, un comportement abusif de l'employeur dans sa décision de mettre un terme au contrat de travail ;
5-Attendu qu'enfin Madame BBB soutient que Madame AAA a fait annuler indûment un virement en sa faveur représentant le dernier mois de préavis qui lui était dû et qu'elle aurait ainsi agi de mauvaise foi avec « la volonté de l'asphyxier financièrement » ;
Qu'en application de l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture de contrat à durée indéterminée sans préavis ou sans que le délai-congé ait été intégralement observé emporte obligation pour la partie responsable de verser à l'autre une indemnité dont le montant correspond à la rémunération et aux avantages de toute nature dont aurait bénéficié le travailleur durant le délai de préavis qui n'aura pas été effectivement respecté ;
Que les premiers juges ont constaté que l'indemnité compensatrice de préavis due à Madame BBB s'élevait à la somme de 6.192,66 euros, somme retenue par l'employeur, que Madame AAA justifiait de trois virements au bénéfice de Madame BBB chacun de 2.730 euros dont 30 euros de frais, effectués le 25 juillet 2014, le 27 août 2014 et le 25 septembre 2014, ce dernier virement ayant été annulé le 13 octobre 2014 ;
Que pour calculer ce qui lui a été versé au titre du préavis allant du 17 juillet au 17 septembre, Madame BBB soutient n'avoir perçu le 25 juillet 2014 que « la somme de 594,55 euros déduction faite du salaire dû jusqu'au 17 juillet 2014 » ;
Que ce raisonnement ne peut être validé, dès lors que par ailleurs le solde de tout compte du 31 juillet 2014 lui attribue une somme de 457,27 pour le maintien du salaire du 7 juillet au 17 juillet 2014 ;
Que le solde de tout compte du 31 juillet 2014, après déduction des cotisations sociales a été fixé à la somme de 11.920,40 euros, étant observé toutefois que la somme due par l'employeur figurant sur le dernier bulletin de salaire du mois de juillet 2014 s'établit à 11.425,99 euros ;
Qu'ayant constaté que Madame BBB avait perçu la somme totale de 14.125,99 euros au moyen d'un chèque de 8.725,99 euros et de deux virements de 2.700 euros, les premiers juges en ont conclu, de manière pertinente, que Madame BBB ne pouvait prétendre au virement de la somme 2.700 euros du 25 septembre 2014, celui-ci étant sans cause ;
Que Madame BBB ne démontre pas valablement que Madame AAA reste lui devoir la somme de 3.319,26 euros ;
Qu'il s'ensuit que le jugement déféré doit être également confirmé en ce qu'il a débouté Madame BBB de sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents et de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
6-Attendu que Madame BBB qui succombe en ses demandes, doit supporter les entiers dépens tant de première instance que d'appel, distraits au profit de Maître GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel recevable,
Confirme le jugement rendu le 21 décembre 2017 par le Tribunal du travail, sauf en ce qu'il a écarté des débats les pièces n° 16 et 27 dont Madame BBB a produit en cause d'appel la traduction en langue française,
Condamne Madame BBB aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 29 JANVIER 2019, par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Mademoiselle Bénédicte SEREN, Greffier, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général Adjoint.