Cour d'appel, 18 décembre 2018, Monsieur p. BA. c/ Monsieur c. AL.

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Abstract🔗

Exequatur - Décision répressive italienne - Prescription de l'action publique - Absence de prescription de l'action civile - Indemnisation de la victime - Méconnaissance de l'ordre public international (non)

Résumé🔗

En application de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé, il convient de faire droit à la demande d'exequatur. La décision italienne a accordé une indemnisation à la victime d'une infraction, tout en constatant que l'action publique était prescrite, ce qui est conforme au droit italien. Un tel mécanisme normatif ne méconnaît pas la conception monégasque de l'ordre public international en ce qu'il est justifié par la volonté du législateur étranger de privilégier les droits des victimes.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2018

En la cause de :

  • - Monsieur p. BA., né le 10 juillet 1969 à Monaco (98000), de nationalité française, employé de banque, demeurant et domicilié X1à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

  • - Monsieur c. AL., né le 25 juin 1954 à Barrafranca (Italie), de nationalité italienne, enseignant, demeurant et domicilié Via X2à Sanremo (Italie) ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 161-BAJ-16, par décision du Bureau du 14 janvier 2016

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

EN PRÉSENCE DE :

  • - Madame le Procureur Général près la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, séant en son Parquet Général, au Palais de Justice, rue Colonel Bellando de Castro audit Monaco ;

COMPARAISSANT EN PERSONNE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 22 mars 2018 (R. 3888) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 7 mai 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000147) ;

Vu les conclusions déposées le 11 juillet 2018 par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur c. AL.;

Vu les conclusions déposées le 2 octobre 2018 par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de Monsieur p. BA.;

Vu les conclusions déposées le 12 novembre 2018 par le ministère public ;

À l'audience du 20 novembre 2018, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties, le ministère public entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur p. BA. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 22 mars 2018.

Considérant les faits suivants :

Dans le courant de l'année 1999, Monsieur c. AL. a ouvert un compte bancaire dans les livres de la banque A à Monaco, la gestion de ses intérêts y étant alors assurée par Monsieur p. BA.

Monsieur p. BA. a ultérieurement été employé par la SAS B où il exerçait les fonctions de gestionnaire de biens immobiliers et a, en cette qualité servi d'intermédiaire le 2 octobre 2004, à Monsieur AL. dans le cadre d'un compromis de vente portant sur un bien immobilier conclu avec son propre père Monsieur f. BA.

Monsieur AL. exposant avoir versé une somme de 25.000 euros au moment de la signature de ce compromis sans qu'aucune suite ne lui ait été donnée, a déposé une plainte en Italie pour escroquerie à l'encontre de Messieurs f. et p. BA. lesquels ont, par jugement rendu le 29 novembre 2013 par le Tribunal d'Imperia, été reconnus coupables en tant qu'auteur et co-auteur du délit reproché et condamnés à l'indemniser à hauteur de 40.000 euros outre les frais de procédure, soit une somme totale de 45.075 euros.

Aux termes d'un arrêt rendu le 1er décembre 2014 par la Cour d'appel de Gênes cette décision était confirmée et une somme supplémentaire a été allouée à Monsieur AL. à hauteur de 2.537 euros.

Le 16 juin 2015, la Cour suprême de cassation de Rome, statuant sur pourvoi a relaxé Messieurs BA. au motif de ce que le délit était prescrit et confirmait les décisions prises en matière d'indemnisation.

Un arrêt a été rendu par cette Cour Suprême le 3 février 2016, rectifiant celui du 16 juin 2015 et a confirmé la condamnation à des dommages-intérêts.

Monsieur c. AL. a alors, suivant exploit en date du 14 novembre 2016, fait assigner Monsieur p. BA. en présence de Monsieur le Procureur Général devant le Tribunal de première instance de Monaco en vue d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, le prononcé de l'exequatur de l'arrêt rendu le 16 juin 2015 et rectifié le 3 février 2016 par la Cour de cassation de Rome.

Suivant jugement en date du 22 mars 2018, Tribunal de première instance a :

« - déclaré recevable l'action engagée par c. AL. aux termes de son acte introductif d'instance délivré le 14 novembre 2016,

- dit n'y avoir lieu à accomplissement d'une mesure d'instruction complémentaire,

- déclaré exécutoire en Principauté de Monaco la sentence rendue le 16 juin 2015 par la Cour Suprême de Cassation italienne rectifiée par Ordonnance du 3 février 2016 en ce qu'elle a confirmé les dispositions civiles de la sentence rendue le 4 novembre 2014 par la Cour d'appel de Gênes et déposée en chancellerie le 1er décembre 2014, confirmant elle-même la sentence du Tribunal d'Imperia en date du 29 novembre 2013,

- débouté p. BA. de sa demande de dommages

et intérêts,

- débouté c. AL. de sa demande de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné p. BA. aux entiers dépens de l'instance ».

Les premiers juges ont en substance observé qu'il n'était pas nécessaire de procéder à un complément d'investigation en l'état des textes normatifs et des avis juridiques versés aux débats ; ils ont, faisant application des dispositions de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé, relevé que les deux décisions dont l'exequatur est requis sont motivées en fait et en droit et ne présentent aucune disposition contraire à la conception monégasque de l'ordre public international.

Suivant exploit en date du 7 mai 2018, Monsieur p. BA. a interjeté appel du jugement rendu le 22 mars 2018 par le Tribunal de première instance, signifié le 11 avril 2018, dont il sollicite la réformation en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté c. AL. de sa demande de dommages-intérêts.

Il demande à la Cour, statuant à nouveau, de :

  • - constater que la reconnaissance ou l'exécution de l'arrêt de la Cour suprême de cassation de Rome du 16 juin 2015, rectifié le 3 février 2016, est contraire à l'ordre public monégasque,

  • - constater que la reconnaissance de l'exécution de l'arrêt de la Cour Suprême de cassation de Rome du 16 juin 2015, rectifié le 3 février 2016, est en opposition avec la loi monégasque,

  • - dire et juger, en toute hypothèse, que les conditions des articles 13 et suivants de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relatives au droit international privé ne sont pas réunies,

  • - et en conséquence débouter l'appelant de toutes ses demandes, fins et prétentions et le condamner à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre des frais engagés pour sa défense en justice ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de son appel, p. BA. fait valoir en substance que :

  • - la décision dont l'exequatur est en cause émanant de la Cour Suprême de cassation de Rome a déclaré prescrit le délit pour lequel il était poursuivi en application du Code de procédure pénale italien, néanmoins l'arrêt de cette Cour Suprême en date du 3 février 2016 qu'a rectifié celui du 16 juin 2015 a confirmé la condamnation à des dommages-intérêts alors même que la prescription du délit avait été constatée par l'arrêt du 16 juin 2015,

  • - c'est donc à tort que les premiers juges ont estimé recevable l'action de Monsieur AL. en refusant l'accomplissement d'une mesure d'instruction complémentaire. C'est également à tort qu'ils ont estimé que l'extinction de l'action publique ne faisait pas obstacle s'agissant des décisions italiennes à la reconnaissance des droits de la partie civile et à l'indemnisation de ses préjudices, méconnaissant ainsi la distinction fondamentale entre faute pénale et faute civile,

  • - en l'état de la prescription du délit pour lequel p. BA.était poursuivi, la juridiction italienne n'a pu apprécier ni la faute pénale ni la faute civile dès lors qu'il ne se trouve aucune référence à une disposition civile italienne dans la décision italienne dont l'exequatur était demandé,

  • - le versement de dommages-intérêts ne repose sur aucun fondement ni pénal ni civil et il est contraire à la loi monégasque de condamner un prévenu au versement de dommages-intérêts alors même que le délit ayant justifié la réparation se trouve prescrit,

  • - la condamnation au versement de dommages-intérêts a été obtenue par le biais d'une simple requête en rectification d'erreur matérielle alors que l'article 438-8 du Code de procédure civile n'ouvre cette possibilité de rectification qu'aux erreurs « purement matérielles »,

  • - cette décision italienne est donc contraire à la conception monégasque de l'ordre public international,

  • - tout juge a par ailleurs l'obligation de motiver ses décisions, il s'agit là d'un principe d'ordre public auquel ne peut déroger une décision étrangère,

  • - l'arrêt de la Cour de cassation suprême de Rome du 16 juin 2015 rectifié le 3 février 2016 n'est pas motivé et ne saurait donc être déclaré exécutoire à Monaco,

  • - la réformation du jugement entrepris s'impose et l'intimé sera condamné à lui payer une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre des frais engagés pour faire valoir ses moyens de défense.

Monsieur c. AL. intimé, entend pour sa part voir confirmer le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 22 mars 2018 en ce qu'il a notamment déclaré recevable l'action engagée par exploit du 14 novembre 2016, dit n'y avoir lieu à accomplissement d'une mesure d'instruction complémentaire, déclaré exécutoire en Principauté de Monaco la sentence rendue le 16 juin 2015 par la Cour Suprême de cassation italienne rectifiée par ordonnance du 3 février 2016 en ce qu'elle a confirmé les dispositions civiles de la sentence rendue le 4 novembre 2014 et débouter Monsieur BA. de sa demande de dommages-intérêts.

Relevant par ailleurs appel incident, Monsieur c. AL. entend voir réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté des fins de sa demande de dommages-intérêts et demande à la Cour, statuant à nouveau, de condamner Monsieur BA. au paiement d'une somme de 20.000 euros au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, de le débouter de toutes ses demandes fins et conclusions et de le condamner aux entiers dépens.

c. AL. fait valoir pour l'essentiel que :

  • - l'appelant ne développe aucun grief contre le jugement rendu par le Tribunal de première instance mais reprend la même argumentation que celle développée devant les premiers juges dont il a été débouté,

  • - l'avis de droit dressé par Maître GUGLIELMI ne démontre pas le défaut de fondement de la décision rendue par la Cour Suprême de Rome dont l'exequatur est demandé,

  • - la conception monégasque de l'ordre public international ne s'oppose pas à ce qu'un jugement rendu en application d'un fondement émanant d'une loi étrangère même prohibée par des dispositions monégasques produise ses effets en Principauté,

  • - la loi italienne a été parfaitement appliquée même si elle est différente de la loi monégasque sur la question de la prescription,

  • - les premiers juges ont parfaitement mis en exergue que l'extinction de l'action publique consacrée en Italie ne faisait pas obstacle à la reconnaissance des droits de la partie civile et à l'indemnisation de ses préjudices, un tel mécanisme n'apparaissant pas contraire à l'ordre public international,

  • - le comportement adopté par Monsieur p. BA. depuis le début de la procédure apparaît dilatoire et doit être sanctionné dans la mesure où la procédure d'appel ne repose sur aucun grief, ni élément précis et a été initiée de façon téméraire.

Aux termes d'ultimes écrits judiciaires, l'appelant réitère le bénéfice de son exploit d'appel et développe son argumentation aux termes de laquelle les premiers juges ne pouvaient se limiter à dire que les conceptions italienne et monégasque étaient différentes sans en tirer toutes conséquences de droit, la conception monégasque de l'ordre public international s'opposant à ce qu'une décision italienne prononce une condamnation sans l'appréciation d'une faute civile.

p. BA. ajoute que cette décision est contraire aux dispositions législatives sur la rectification d'erreur matérielle, l'article 438-8 du Code de procédure civile n'ouvrant cette voie de recours qu'aux erreurs purement matérielles et l'arrêt rendu le 16 juin 2015, rectifié le 3 février 2016, par la Cour de cassation suprême de Rome, non motivé, ne lui permettant pas de connaître les motifs à l'origine de sa condamnation civile.

Aux termes de conclusions en date du 9 novembre 2018 le Ministère public a conclu à la confirmation du jugement rendu par le Tribunal de première instance le 22 mars 2018 en ce qu'il a déclaré exécutoire en Principauté de Monaco la décision rendue le 16 juin 2015 par la Cour Suprême de cassation italienne rectifiée par ordonnance du 3 février 2016 en ce qu'elle a confirmé les dispositions civiles de la décision rendue le 4 novembre 2014 par la Cour d'appel de Gênes et déposée en chancellerie le 1er décembre 2014 confirmant elle-même la décision du Tribunal d'Imperia du 29 novembre 2013 tout en demandant qu'il lui soit donné acte de ce que le Ministère public s'en remet à la décision de la Cour quant à la demande reconventionnelle.

Au soutien de telles écritures le Ministère public observe en substance que c'est à juste titre que le Tribunal de première instance a relevé que les décisions dont l'exequatur est sollicité sont motivées en fait et en droit et ont permis à Monsieur BA. d'avoir une connaissance éclairée des motifs retenus, tandis que la preuve d'une contrariété manifeste à l'ordre public monégasque n'était pas rapportée et que la dissociation de l'action publique de l'action civile ne pouvait être considérée comme contraire à l'ordre public monégasque.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels principal et incident ont été régulièrement formés dans les conditions de forme et de délai prescrites par le Code de procédure civile et doivent être déclarés recevables, étant précisé qu'il est fait appel de l'ensemble des dispositions du jugement rendu le 22 mars 2018 par le Tribunal de première instance ;

Attendu qu'aucun grief précis n'est articulé à l'encontre de la partie du jugement déféré concernant la recevabilité de l'action, force étant de constater que l'ensemble des moyens développés par l'appelant ont trait au bien-fondé de la demande d'exequatur qu'il convient de vérifier au regard des dispositions de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 15 de la loi n° 1.448 qu'un jugement rendu par un Tribunal étranger n'est ni reconnu ni déclaré exécutoire dans la Principauté si :

  • il été rendu par une juridiction incompétente au sens de l'article 17,

  • les droits de la défense n'ont pas été respectés notamment lorsque les parties n'ont pas été régulièrement citées et mises à même de se défendre,

  • la reconnaissance ou l'exécution est manifestement contraire à l'ordre public monégasque,

  • il est contraire à une décision rendue entre les mêmes parties dans la Principauté ou avec une décision antérieurement rendue dans un autre État et reconnue dans la Principauté,

  • un litige est pendant devant un Tribunal de la Principauté, saisi en premier lieu, entre les mêmes parties portant sur le même objet ;

Attendu qu'il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 18 de la loi susvisée que le demandeur aux fins d'exécution doit produire une expédition authentique du jugement, l'original de l'exploit de signification ou de tout autre acte en tenant lieu dans l'état où le jugement a été rendu, un certificat délivré soit par la juridiction étrangère dont il émane, soit par le greffier de cette juridiction constatant que cette décision n'est ni frappée, ni susceptible d'être frappée d'opposition ou d'appel et qu'elle est exécutoire sur le territoire de l'État où elle est intervenue ;

Qu'il est également nécessaire, au sens de cet article, que les pièces soient légalisées par un agent diplomatique ou consulaire de la Principauté accrédité auprès de l'État étranger ou à défaut par les autorités compétentes de cet État et lorsqu'elles ne sont pas rédigées en français qu'elles soient accompagnées de leur traduction en langue française, faite par un traducteur assermenté ou officiel et dûment légalisées ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que les conditions de forme inhérentes aux pièces produites ont toutes été respectées ;

Attendu sur le fond de la demande d'exequatur, qu'il résulte des faits de l'espèce que suivant jugement du Tribunal d'Imperia en date du 29 novembre 2013 Monsieur p. BA. a été condamné à une peine d'une année de réclusion outre une amende de 400 euros et au paiement à Monsieur AL. de la somme de 40.000 euros, décision confirmée par la Cour d'appel de Gênes le 4 novembre 2014 ;

Attendu que l'arrêt dont l'exécution est requise en Principauté de Monaco rendu le 16 juin 2015 par la Cour de cassation de Rome a annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Gênes au motif que le délit poursuivi était atteint par la prescription, cette décision ayant été rectifiée par un autre arrêt de la Cour de cassation de Rome le 3 février 2016 confirmant les dommages intérêts ;

Attendu qu'il est soutenu que l'exécution de cet arrêt de la Cour de cassation de Rome serait manifestement contraire à l'ordre public monégasque dans la mesure où des dommages-intérêts sont octroyés alors que l'infraction a été déclarée prescrite ;

Attendu qu'il résulte en l'espèce des dispositions de l'article 578 du Code de procédure pénale italien, régulièrement appliquées par les juridictions de l'État dont émane la décision concernée, que « lorsque le prévenu a été condamné, même génériquement, aux restitutions ou aux dommages-intérêts en conséquence du délit en faveur de la partie lésée, le juge d'appel et la Cour de cassation, qui déclarent le délit éteint par amnistie ou par prescription, décident sur l'impugnation seulement en ce qui concerne les sanctions civiles » ;

Attendu que l'avis de droit en date du 30 septembre 2016 établi par Monsieur e. SP. comme son complément en date du 8 juin 2017, confirment que l'ensemble des règles de procédure pénale italienne ont été respectées par la Cour de cassation de Rome, la prescription de l'action publique n'entraînant pas la prescription de l'action civile selon les règles spécifiques du droit italien ;

Attendu qu'il résulte dès lors de l'article 578 du Code de procédure pénale italien qu'il était régulièrement loisible aux juridictions italiennes de statuer sur les conséquences civiles d'une infraction en dépit de l'extinction de l'action publique par amnistie ou prescription ;

Qu'en effet, si le Code de procédure pénale italien dissocie le régime applicable à l'action publique et aux intérêts civils dans le procès pénal en permettant d'admettre les droits de la partie civile et l'indemnisation de ses préjudices mêmes en cas d'extinction de l'action publique, un tel mécanisme normatif bien que différent de la solution retenue par le droit du for, ne méconnaît pas la conception monégasque de l'ordre public international en ce qu'il est justifié par la volonté du législateur étranger de privilégier les droits des victimes ;

Attendu s'agissant du bien-fondé de la demande d'exequatur que s'il résulte des dispositions de l'article 15 de la loi n° 1.448, qu'un jugement rendu par un Tribunal étranger n'est ni reconnu ni déclaré exécutoire dans la Principauté si un litige est pendant devant un Tribunal de la Principauté, saisi en premier lieu, entre les mêmes parties portant sur le même objet, force est de constater que tel n'est pas le cas des deux instances concernant les parties ;

Qu'en effet, suivant exploit en date du 13 juillet 2016, Monsieur AL. a fait délivrer à la société C en qualité de tiers saisi et à Monsieur p. BA. un acte de saisie-arrêt et assignation tendant à voir valider la saisie arrêt pratiquée à l'encontre de Monsieur p. BA. et obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 47.612 euros et autoriser le tiers saisi à se libérer valablement des sommes qu'il détient pour le compte du débiteur ;

Attendu en revanche, que l'instance ayant donné lieu au jugement entrepris du 22 mars 2018 n'a pas pour objet d'obtenir la validation d'une sûreté prise sur des sommes dont Monsieur BA. est redevable mais tend à voir déclarer exécutoire à Monaco l'arrêt de la Cour de cassation italienne en date du 16 juin 2015 rectifié le 3 février 2016 ;

Attendu qu'il s'ensuit que les deux instances, bien qu'opposant les mêmes parties, ont des objets radicalement distincts de sorte que les premiers juges ont justement estimé que les dispositions de l'alinéa 5 de l'article 15 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 ne sont pas de nature à faire obstacle en l'espèce à la demande d'exequatur ;

Attendu que la méconnaissance des dispositions de l'article 15 alinéa 3 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 est également invoquée, Monsieur BA. estimant que les décisions rendues par les juridictions italiennes sont dépourvues de motivation, ce qui heurterait la conception monégasque de l'ordre public international ;

Attendu qu'il s'induit toutefois de l'analyse des décisions juridictionnelles italiennes -sous-tendant la demande d'exequatur- rendues par la Cour de cassation italienne en 2015 et 2016, que l'arrêt du 16 juin 2015 qui a reçu le recours de Messieurs BA. apparaît motivé en fait et en droit, tout comme l'arrêt en rectification d'erreur matérielle en date du 3 février 2016 ;

Attendu que les premiers juges en ont à bon droit déduit que ces deux arrêts de la Cour de cassation de Rome ont permis à Monsieur BA. d'être parfaitement informé des motifs présidant à la solution du litige et à la condamnation civile prononcée contre lui ;

Attendu enfin que l'appelant p. BA. réitère en cause d'appel le moyen développé en première instance tendant à dire que la décision du 3 février 2016 serait contraire aux dispositions législatives sur la rectification d'erreur matérielle ;

Attendu s'agissant de l'arrêt rectificatif que celui-ci vise expressément l'article 130 du Code de procédure pénale italien dont Monsieur SP. indique dans son avis du 8 juin 2017 qu'il est relatif à la rectification d'erreur matérielle en matière pénale, étant acquis que seules les dispositions processuelles de l'État dont émane l'arrêt étranger sont applicables et ce, à l'exclusion des dispositions de l'article 438 du Code de procédure civile monégasque invoquées à tort par l'appelant ;

Que les premiers juges en ont dès lors à bon droit déduit que le droit italien permettant aux juridictions de ce pays de se prononcer sur les droits de la partie civile, la reprise d'une première décision par la voie de la rectification suite à l'omission de statuer sur ce point ne saurait davantage être considérée comme contraire à la conception monégasque de l'ordre public international ;

Attendu en définitive que rien ne s'opposant à ce qu'il soit fait droit à la demande d'exequatur présentée par Monsieur AL. la décision entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions de ce chef et en ce que Monsieur p. BA. succombant a été débouté des fins de sa demande de dommages intérêts ;

Attendu sur l'appel incident formé par Monsieur c. AL. qu'il n'est pas établi que la résistance opposée par Monsieur p. BA. à la demande d'exequatur procède d'une volonté dilatoire et caractérise une résistance fautive en sorte qu'il convient de confirmer la décision déférée en ce que la demande d'indemnisation présentée par Monsieur AL. a été rejetée ;

Attendu que le jugement rendu le 22 mars 2018 par le Tribunal de première instance sera confirmé en toutes ses dispositions et Monsieur p. BA. condamné aux entiers dépens d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels principal et incident,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 mars 2018 par le Tribunal de première instance,

Condamne Monsieur p. BA. aux entiers dépens, distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 18 DECEMBRE 2018, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général Adjoint.

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