Cour d'appel, 17 décembre 2018, b. L. A. et j. VE. c/ Le Ministère Public
Abstract🔗
Abus de confiance - Transaction immobilière - Dissipation de fonds - Rémunération de l'apporteur d'affaires - Absence de contrepartie effective - Complicité d'abus de confiance - Utilisation d'un compte bancaire pour encaisser les fonds dissipés
Résumé🔗
Si la profession d'apporteur d'affaires, lequel a pour rôle de mettre en relation la personne susceptible de devenir client et la société qui effectue la prestation recherchée, n'est pas réglementée en Principauté et que sa rémunération, si elle représente ordinairement entre 5 et 10 % des honoraires perçus par l'agence, peut atteindre des pourcentages beaucoup plus élevés, de l'ordre de 50 %, voire bien au-delà, il reste que le fait pour un gérant de société de verser une commission à un prétendu apporteur d'affaires sans contrepartie effective constitue, en droit monégasque, le délit d'abus de confiance. Or, en l'espèce, il est établi que l'agence immobilière gérée par le prévenu a négocié une transaction immobilière portant sur la vente d'un bien au prix de 7.037.200 euros et que la mère du prévenu a perçu, dans le cadre de cette vente, une commission en qualité d'apporteur d'affaires d'un montant de 296.000 euros sans contrepartie effective. Par ailleurs, s'agissant de l'élément intentionnel de l'infraction, le prévenu ne saurait, en sa qualité de gérant de l'agence immobilière, être considéré comme de bonne foi. Il convient donc de confirmer la condamnation.
Il convient également de confirmer la condamnation de la prévenue du chef de complicité d'abus de confiance. En effet, elle a permis la dissipation de la somme de 296.000 euros rémunérant son prétendu rôle d'apporteur d'affaires dans une transaction immobilière grâce à l'utilisation de son compte bancaire pour l'encaissement de cette somme.
Motifs🔗
COUR D'APPEL CORRECTIONNELLE
ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2018
En la cause de :
1) b. LA., née le 7 juillet 1955 à BAGNÈRES DE BIGORRE (65), de Jean et de Mélanie DO. de nationalité monégasque, infirmière scolaire, demeurant X1 à MONACO (98000) ;
Prévenue de :
COMPLICITÉ D'ABUS DE CONFIANCE ;
PRÉSENTE aux débats, assistée de Maître s. FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Michel CARDIX, avocat au Barreau de Nice ;
2) j. VE., né le 5 juillet 1987 à TARBES (65), de c. et de b. LA. de nationalité française, agent immobilier, demeurant X2 à MONACO (98000) ;
Prévenu de :
ABUS DE CONFIANCE ;
PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANTS / INTIMÉS
Contre :
Le MINISTÈRE PUBLIC ;
INTIMÉ / APPELANT
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 12 novembre 2018 ;
Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 27 mars 2018 ;
Vu les appels interjetés le 10 avril 2018 par Maître s. FILIPPI, avocat-défenseur, pour b. LA. prévenue, par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat, pour j. VE. prévenu, et par le Ministère Public à titre incident ;
Vu l'ordonnance présidentielle en date du 17 août 2018 ;
Vu les citations, suivant exploits, enregistrés, de Maître Claire NOTARI, Huissier, en date du 4 septembre 2018 ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu les conclusions de Maître s. FILIPPI, avocat-défenseur, pour b. LA. en date du 9 novembre 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, pour j. VE. en date du 9 novembre 2018 ;
Ouï Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, en son rapport ;
Ouï b. LA. et j. VE. prévenus, en leurs réponses ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, pour j. VE. prévenu, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;
Ouï Maître Michel CARDIX, avocat au Barreau de Nice, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à assister b. LA. prévenue, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;
Ouï les prévenus, en dernier, en leurs moyens de défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par jugement contradictoire en date du 27 mars 2018, le Tribunal correctionnel a, sous les préventions :
b. LA. :
« De s'être à MONACO, courant 2016, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,
rendue complice du délit d'abus de confiance, commis par j. VE. en lui procurant des moyens ayant servi à l'action, en l'espèce en acceptant sur son compte bancaire personnel une somme de 296.000 euros, et avoir par divers moyens de paiement versé la somme de 227.615 euros à Madame LI. la somme de 50.000 euros à Madame k. BR. et avoir conservé pour elle la somme de 18.385 euros »,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26, 41, 42 et 337 du Code pénal,
j. VE. :
« D'avoir, à MONACO, courant 2016, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, étant gérant associé de la SARL A à l'enseigne C,
détourné ou dissipé, au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, des fonds, meubles, effets, deniers, marchandises, billets, promesses, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui auraient été remis qu'à titre de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à usage ou pour un travail, salarié ou non, à charge de les rendre ou représenter, ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé, en l'espèce en faisant verser sans contrepartie une somme de 296.000 euros à Madame b. LA. ventilée in fine en l'acquisition de nouvelles parts à son nom sans remboursement de la société pour un montant de 227.615 euros, le versement de 50.000 euros à Madame k. BR. et l'appropriation d'une somme de 18.385 euros par Madame b. LA. »,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 337 du Code pénal,
- déclaré b. LA. et j. VE. coupables du délit qui leur est respectivement reproché,
en répression, faisant application des articles visés par la prévention,
- condamné b. LA. et j. VE. à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis chacun, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code pénal ayant été adressé aux condamnés,
- condamné b. LA. et j. VE. solidairement aux frais.
Maître s. FILIPPI, avocat-défenseur, pour b. LA. prévenue, et Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat, pour j. VE. prévenu, ont interjeté appel de cette décision par acte de greffe en date du 10 avril 2018.
Le Ministère Public a interjeté appel incident de ladite décision le même jour.
Considérant les faits suivants :
Le 23 janvier 2017, le Service d'Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers transmettait au Procureur général un courrier qui lui avait été adressé, le 21 décembre 2016, par c. CA.
Aux termes de ce courrier, ce dernier dénonçait des faits susceptibles d'avoir été commis par son épouse, b. LA. ainsi que par le fils de celle-ci, j. VE. et ce, à l'occasion de l'activité immobilière exercée par celui-ci en sa qualité de gérant d'une agence immobilière, la SARL A, à l'enseigne C, située X4 à MONACO.
Alors détenu à la maison d'arrêt de Monaco pour des faits de corruption, sur dénonciation de son épouse, b. LA. c. CA. expliquait que le fils de cette dernière détournait des commissions de son agence qu'il reversait à sa mère, présentée faussement comme un apporteur d'affaires, et évoquait, en particulier, une commission d'un montant de 298.000 euros que celle-ci avait perçue avant de la rétrocéder.
c. CA. adressait des courriers dans des termes comparables au Procureur général, au Directeur des services fiscaux, au Directeur de la Sûreté publique ainsi qu'à Édouard LEVRAULT, Juge d'instruction, qui le transmettait immédiatement au Procureur général.
Le 26 janvier 2017, le Procureur général prescrivait au Directeur de la Sûreté publique de procéder à une enquête sur les faits ainsi dénoncés.
L'enquête effectuée permettait d'apprendre que j. VE. fils de b. LA. exerçait la profession d'agent immobilier au sein de la SARL A à l'enseigne C, située X1 à Monaco, dont il était également gérant associé. Il estimait les revenus mensuels retirés de cette activité professionnelle à la somme de 2.000 euros, hors dividendes.
Entendu une première fois par les services de police le 20 avril 2017, j. VE. expliquait que la SARL A, agence immobilière, avait été créée en décembre 2014, que les différents associés étaient, outre lui-même, m. LI. o. VA. et a. GO. qu'en juillet 2016, l'une des associées, m. LI. avait voulu céder ses parts sociales à la mère de j. VE. b. LA. mais que cette dernière, qui n'avait pas obtenu l'autorisation gouvernementale, n'avait pas pu devenir associée. Il précisait que sa mère avait été apporteur d'affaires pour la SARL A, qu'elle avait toujours sur elle des cartes de visite à son nom à lui, en sa qualité de gérant de la SARL, qu'elle les distribuait à ses connaissances, que grâce à cela, la société avait eu trois ou quatre clients et qu'à ce titre, sa mère avait été rémunérée par un chèque de 296.000 euros, correspondant aux trois ou quatre clients apportés par elle en 2016. Il ajoutait que sa mère avait réinvesti une partie de sa commission d'apporteur d'affaires dans le financement de l'acquisition des parts sociales de m. LI. précisant qu'elle l'avait payée par un chèque émis en juillet 2016.
À la question suivante posée par les services de police : « Avez-vous des pièces justificatives de cette commission versée à Mme LA. notamment des documents relatifs aux transactions auxquelles elle se rapporte ? », j. VE. répondait : « Je vous ferai parvenir les pièces qui concernent les différentes transactions. Il s'agit d'une vente en mai 2016, s'agissant du lot n° 429, sis X6 à Monaco, avec la SCP D, de Mme s. PA. Le montant de la transaction était de plus de 7 millions d'euros. Il y a eu une autre vente en juillet mais que je n'ai pas comptée dans la commission car ma mère devait devenir associée. Enfin, il y a eu quelques locations apportées par ma mère, peut-être une ou deux. Il faut que je vérifie celles qui ont été finalisées. ».
j. VE. précisait aussi qu'il n'y avait pas, pensait-il, de statut officiel d'apporteur d'affaires et que leur rémunération était librement décidée par l'agence.
À la question suivante posée par les services de police : « La commission versée à Mme LA. a-t-elle été directement ou indirectement, entièrement ou partiellement et sous quelque forme que ce soit, rétrocédée à la SARL A ou à un de ses associés ? », j. VE. répondait : « Absolument pas ».
Il remettait aux services de police un ensemble de documents, parmi lesquels la copie d'une attestation relative au paiement de la commission d'apporteur d'affaires versée à sa mère, précisant que l'original de cette attestation avait déjà été remis aux policiers en octobre 2016, à l'occasion d'une autre procédure.
De l'enquête effectuée par les services de police, il apparaissait que :
- l'agence C avait perçu, au titre de la transaction portant sur le lot n° 429 dépendant du X6, les sommes de 112.800 euros de la part de la SCP D, acquéreur, et de 400.000 euros de Madame SC. venderesse,
- la somme de 296.000 euros perçue par b. LA. correspondait à plus de 57 % des honoraires de l'agence alors que dans la pratique professionnelle, les apporteurs d'affaires percevaient une rétribution variant entre 5 et 10 % du montant des honoraires de l'agence,
- après avoir encaissé la somme de 296.000 euros, b. LA. émettait un chèque d'un montant de 50.000 euros au bénéfice de k. BR. négociatrice en immobilier, ainsi qu'un chèque d'un montant de 227.615 euros au profit de m. LI. pour le rachat de ses parts sociales,
- le 8 juin 2016, la SARL A avait émis un chèque d'un montant de 90.000 euros au bénéfice de Lydia HE. également en paiement d'une commission d'apporteur d'affaires dans la vente du lot n° 429 du X6,
k. BR. négociatrice en immobilier, était entendue par les services de police. Elle déclarait qu'elle connaissait b. LA. essentiellement par rapport à son fils, qu'elle n'avait jamais eu de rapports professionnels avec celle-ci et qu'en particulier, cette dernière ne lui avait jamais apporté d'affaires. Interrogée sur l'encaissement d'un chèque d'un montant de 50.000 euros émis, son bénéfice, le 9 juin 2016 par b. LA. elle expliquait qu'il s'agissait d'une commission que lui devait j. VE. auquel elle avait présenté, deux ans auparavant, l'agence immobilière à la vente à Fontvieille dont il s'était ensuite porté acquéreur. Elle précisait que j. VE. avait mis plus d'un an à lui payer cette somme.
À la question suivante posée par les services de police : « M. VE. vous a-t-il contactée préalablement à votre venue dans nos locaux ? Si oui, que vous a-t-il dit ? », k. BR. répondait : « Oui. Il m'a demandé de ne pas donner la version que je viens de vous relater et qui est la vérité. Il voulait que je dise qu'il s'agissait d'un remboursement d'un prêt personnel fait il y a plusieurs années. Il ne m'a pas dit ce qui pouvait lui être reproché par la police. ».
Le 16 mai 2017, les fonctionnaires de la Sûreté publique recevaient un courriel de j. VE. leur expliquant les raisons pour lesquelles sa mère s'était vue attribuer la qualité d'apporteur d'affaires à l'occasion de la transaction portant sur un lot dépendant du X6, en mai 2016.
Dans ce courrier, il expliquait : « Madame LA. a tout bonnement permis à la transaction d'avoir lieu, en introduisant divers intervenants dont la personne acquéreur. Cet appartement loué par mes soins (15.000+ charges mensuel) (SIC) m'a aussi rapporté des honoraires locatifs, et j'ai l'exclusivité sur la revente dudit appartement. En cas de revente, Madame LA. ne touchera pas d'honoraires comme apporteur et la commission sera intégralement pour l'agence comme cela fut convenu avec elle avant la vente initiale. Ensuite, le client acquéreur m'a acheté un appartement au X7, et Madame LA. n'a pas été rémunéré (SIC). J'ai loué cet appartement (20.000 € charges comprises mensuel) (SIC) à k. GL. le défenseur de l'Asm et elle n'a pas non plus été rémunéré (SIC). Enfin, j'ai obtenu trois biens à vendre en exclusivité grâce à ce client acquéreur, il s'agit d'un client capital pour mon agence. Nous sommes également en négociation sur plusieurs autres biens à l'achat en Principauté. ».
s. PA. épouse AG. acquéreur via la SCP D, du lot n° 429 au X6 (appartement de trois pièces avec parking et cave) pour un montant de 7.037.200 euros, était entendue par les services de police. Elle expliquait que la SCP D avait bien payé la somme de 112.800 euros à l'agence immobilière C à titre d'honoraires pour la vente, et qu'elle avait uniquement traité, pour cette vente, avec j. VE. et « une dame qui possède une agence immobilière à Saint-Tropez » (identifiée comme k. BR.. À la question posée par les services de police, elle répondait que le nom de b. LA. ne lui disait rien ; informée qu'il s'agissait de la mère de j. VE. elle indiquait qu'elle ne l'avait rencontrée qu'une seule fois en compagnie de son fils et que leur entrevue avait duré une minute.
Les services de police procédaient ensuite à l'audition de m. LI. ancienne associée de la SARL A. Elle indiquait qu'elle savait que b. LA. était la mère de j. VE. qu'elle ne l'avait jamais rencontrée, qu'elle ignorait si cette dernière avait été apporteur d'affaires pour l'agence C et qu'elle n'avait pas connaissance d'un chèque de 296.000 euros émis le 6 juin 2016 par la SARL A au bénéfice de b. LA. Entendue sur le chèque d'un montant de 227.615 euros émis à son ordre par b. LA. le 29 juin 2016, elle expliquait qu'il s'agissait du paiement de la cession de ses parts sociales à celle-ci.
Jannick RA. épouse CA. expert-comptable en charge la comptabilité de la SARL A, était également entendue sur la commission perçue par b. LA. Elle déclarait : « Pour la commission perçue par Mme CA. il s'agit d'une somme conséquente par rapport aux honoraires perçus par l'agence. M. VE. m'avait expliqué que cela était dû au fait que la participation de Mme CA. avait été importante dans cette transaction, et notamment qu'elle connaissait bien Mme PA. de la SCP D. J'avais fait la remarque à M. VE. qu'au regard de l'importance de la commission versée à Mme CA. il pouvait être gênant pour la société A que Mme CA. n'ait pas de statut officiel. Étant monégasque, elle n'est pas imposable. Dans l'éventualité que ce paiement soit interprété comme le versement d'un salaire, j'ai prévu d'effectuer une provision pour risques à la clôture du bilan 2016. Il n'y a donc pas eu de paiements de charges sociales sur ce versement car il est considéré comme une commission. Je ne me souviens pas d'autres cas où seraient intervenus des apporteurs d'affaires pour le compte de C ».
Dans une audition ultérieure, Jannick RA CA. expliquait qu'après avoir fait des recherches, elle avait remarqué qu'une autre commission, d'un montant de 90.000 euros, relative à la vente du lot n° 429 avait été payée le 8 juillet 2016 par chèque à Lydia HE.
Les fonctionnaires de la Sûreté publique procédaient à l'audition de Lydia HE. décoratrice d'intérieur. Au sujet de ses liens professionnels avec l'agence immobilière C, le témoin précisait qu'une année auparavant, une de ses clientes, s. PA. était à la recherche d'un appartement, qu'elle l'avait présentée à j. VE. et l'avait même accompagnée lors de la première visite de l'appartement situé au X6. Une fois la vente réalisée, j. VE. lui avait dit qu'elle avait droit à une commission en tant qu'apporteur d'affaires, dont il avait décidé du montant, lui remettant ainsi un chèque de 90.000 euros. Elle déclarait ne pas connaître b. LA. ni k. BR.
Entendu sous le régime de la garde à vue, j. VE. indiquait que sa mère avait apporté d'autres affaires à l'agence car elle distribuait ses cartes professionnelles depuis huit ans, que la pratique, quant à la rémunération des apporteurs d'affaires, était complètement libre, laissée à l'entière appréciation de l'agent immobilier, et qu'il n'y avait donc rien de choquant dans le montant de la rémunération versée à sa mère. Il déclarait qu'il n'avait pas encore remboursé à sa mère le montant des parts sociales achetées par elle au prix de 227.615 euros, alors même que ses parts sociales lui avaient été attribuées par la suite. Il attendait que la situation judiciaire s'aplanisse pour régulariser la situation.
Il lui était donné connaissance de la déclaration de s. PA. qui disait ne pas connaître sa mère. Il répondait : « J'ai l'intime conviction que c'est ma mère qui a présenté Mme PA. en tant qu'acquéreur du lot n° 429. J'ai dû me tromper. J'ai plusieurs intervenants par affaires, donc je ne suis pas en mesure d'être affirmatif ». Sur le chèque d'un montant de 90.000 euros émis le 8 juillet 2016 au bénéfice de Lydia HE. il déclarait que Lydia lui avait permis de finaliser l'affaire et qu'il lui semblait qu'elle avait effectué un travail de projet de rénovation de l'appartement. Il précisait : « Vous m'indiquez que Mme HE. déclare que c'est elle qui a présenté Mme PA. à l'agence C. J'en prends acte mais je ne m'en souviens plus ».
Interrogé sur la différence entre le montant de la cession des 25 parts sociales de m. LI. acquitté par sa mère, soit 227.615 €, et le montant figurant dans l'acte de cession du 1er juillet 2016, soit 15.000 euros, j. VE. indiquait : « Entre la valeur des parts sociales et ce que vaut le contenu de l'agence au jour de la vente (portefeuille, matériel), il y a un écart ».
Les services de police l'interrogeaient ensuite sur l'acte de cession des parts sociales du 27 février 2017, faisant apparaître que la cession n'avait plus lieu entre m. LI. et sa mère mais entre lui-même et m. LI. et ce pour un montant de 3.750 €. Il répondait : « Je fais confiance à M. D. qui a rédigé cet acte de cession. Je ne maîtrise pas la comptabilité, je fais confiance à mes collaborateurs ».
En fin d'audition, il indiquait aux services de police que sa mère avait vraisemblablement présenté le vendeur du lot n° 429 à l'agence, et non l'acheteur.
b. LA. également placée en garde à vue, expliquait, sur sa situation personnelle, qu'elle était de nationalité monégasque, qu'elle exerçait la profession d'infirmière scolaire à Monaco, qu'elle était actuellement suspendue par le Ministre d'État du fait de son inculpation dans une autre affaire, et que ses revenus mensuels s'élevaient à 4.200 euros, outre 930 euros de retraite française.
Sur les faits, elle déclarait qu'en juillet 2016, elle avait acheté les 25 parts sociales de m. LI. alors associée de la SARL A, pour un montant de 227.615 euros, réglé au moyen d'un chèque tiré sur la banque LCL, qu'elle avait en effet souhaité s'associer avec son fils, qu'elle avait financé cette acquisition au moyen d'une commission d'apporteur d'affaires perçue quelque temps auparavant de l'agence C. Elle précisait qu'au moment où avait perçu cette commission, elle avait déjà l'idée de s'associer avec son fils et qu'elle ne destinait cette somme qu'à l'agence, ne souhaitant pas la dépenser autrement.
Elle expliquait aussi que la commission lui avait été versée suite à la vente du lot n° 429 du X6 parce qu'elle avait présenté le futur acquéreur de ce lot à l'agence C, précisant qu'elle était souvent dans des soirées mondaines, qu'elle rencontrait beaucoup de monde, qu'elle avait toujours sur elle des cartes professionnelles de son fils et qu'elle les distribuait à de nombreuses personnes.
À la question suivante des services de police : « Dans le cadre de la transaction évoquée, qui avez-vous présenté à qui ? Et qui connaissiez-vous au moment des faits ? », b. LA. répondait : « Je n'en sais rien, je ne peux pas vous dire les noms. Je ne m'en souviens pas. J'ai donné des cartes à X personnes mais je ne connaissais pas la plupart de ces personnes ».
À la question suivante : « Les noms de Mme s AG. PA. la SCP D, Mme Michèle SC. Mme Lydia HE. vous disent-ils quelque chose ? », Elle répondait « Pas du tout, dans ce milieu tout le monde s'appelle « chéri » et je ne connais que le nom des personnes importantes de Monaco ».
Il lui était également demandé si en distribuant les cartes professionnelles de son fils de manière ponctuelle, elle se considérait comme un apporteur d'affaires en matière immobilière, ce à quoi elle répondait : « Dans la mesure où une des personnes à qui j'ai donné une carte, contacte j. pour son travail, je peux me considérer comme apporteur d'affaires », ajoutant qu'elle n'avait jamais exercé cette activité pour une autre agence.
Elle précisait aussi que son fils lui avait dit que les apporteurs d'affaires n'étaient pas réglementés à Monaco, qu'elle n'aurait pas de souci mais elle se déclarait ignorante de la pratique en ce domaine.
Les services de police l'informaient que la rémunération des apporteurs d'affaires représentait, ordinairement, entre 5 et 10 % des honoraires perçus par l'agence alors qu'au cas d'espèce, la sienne représentait plus de 57 % des honoraires encaissés par l'agence C. Sur ce point, elle répondait que ce n'était pas réglementé, que ce n'était donc pas illégal, qu'il n'y avait ni tromperie ni malhonnêteté, qu'elle n'avait jamais fait faire de visite des appartements de l'agence C et qu'elle avait juste distribué occasionnellement des cartes professionnelles.
b. LA. était également interrogée sur l'émission, le 9 juin 2016, soit le lendemain de l'encaissement de la somme de 296.000 euros d'un chèque d'un montant de 50.000 euros au bénéfice de k. BR. Elle expliquait qu'elle avait croisé une certaine k. à l'agence de son fils, laquelle travaillait dans l'immobilier à Saint-Tropez, qu'elle ne la fréquentait pas, qu'elle n'avait jamais été en affaires avec elle, et qu'elle ne connaissait pas les raisons de l'émission de ce chèque, précisant « Si j. l'a fait, c'est qu'il devait le faire ».
j. VE. était cité à comparaître devant le Tribunal correctionnel du chef d'abus de confiance et b. LA. du chef de complicité de ce délit.
Par jugement contradictoire en date du 27 mars 2018, le Tribunal correctionnel déclarait b. LA. et j. VE. coupables des délits qui leur étaient respectivement reprochés et, en répression, les condamnait, chacun, à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis.
Pour statuer ainsi, le Tribunal retenait que le rôle d'apporteur d'affaires de b. LA. n'était pas établi, que j. VE. avait varié dans ses déclarations quant au rôle de sa mère, que le versement d'une commission d'apporteur d'affaires à b. LA. n'était pas justifié, qu'il apparaissait que cette commission, qui lui avait été versée sans motif réel, avait servi à rembourser une dette personnelle de son fils et à désintéresser une des associées de la SARL A, sans que les prévenus n'aient à exposer des fonds d'origine personnelle, qu'ainsi j. VE. s'était rendu coupable d'abus de confiance, que les auditions démontraient que b. LA. avait une parfaite connaissance de l'arrivée des fonds sur son compte ainsi que de leur destination et que dès lors, en acceptant que d'importantes sommes d'argent transitent sur son compte, elle avait activement aidé son fils et devait être considérée comme complice.
Par actes d'appel en date du 10 avril 2018, b. LA. et j. VE. relevaient appel de cette décision.
Le même jour, le Procureur général en relevait appel à titre incident.
Par conclusions transmises le 9 novembre 2018 par télécopie, le conseil de j. VE. sollicitait l'infirmation du jugement de relaxe de son client. Il exposait, en substance, que b. LA. avait bien la qualité d'apporteur d'affaires, qu'en Principauté, cette profession n'était pas réglementée, que la commission versée était à la fois justifiée dans son principe et dans son montant au regard des pratiques en la matière, du bénéfice réalisé par l'agence immobilière, et de l'approbation de cette commission par les associés de la société A.
Par conclusions déposées le 12 novembre 2018, le conseil de b. LA. sollicitait l'infirmation du jugement et la relaxe de sa cliente aux motifs, essentiellement, que celle-ci était réellement intervenue dans la vente de l'appartement de Madame SC. à la SCP D, ainsi qu'en attestait le notaire, Maître MINEO, que la commission perçue était justifiée en l'absence de toute règlementation, en Principauté, de la profession et de la rétribution des apporteurs d'affaires et qu'une fois rémunérée, la prévenue avait la libre disposition des fonds perçus.
À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, le Procureur général requérait la confirmation du jugement sur la culpabilité et le prononcé d'une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et d'une interdiction professionnelle à l'égard de j. VE.
Les conseils des prévenus développaient oralement leurs conclusions.
Les prévenus étaient entendus en dernier.
SUR CE,
1 - Attendu que les appels, principaux et incident, relevés dans les formes et délais prescrits par les articles 406 et 411 du Code de procédure pénale, sont réguliers et recevables.
2 - Attendu que l'article 337 du Code pénal énonce que quiconque aura détourné ou dissipé, au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, des fonds, meubles, effets, deniers, marchandises, billets, promesses, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui auraient été remis qu'à titre de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à usage ou pour un travail, salarié ou non, à charge de les rendre ou représenter, ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé, sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et de l'amende prévue au chiffre 3 de l'article 26.
Attendu qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure et des débats que la SARL A, exerçant l'activité d'agence immobilière sous l'enseigne C, a, dans le courant du mois de mai 2016, négocié une transaction immobilière portant sur la vente, constatée le 31 mai 2016 par acte authentique, du lot n° 429, dépendant de la résidence X6 à MONACO, par Madame SC. à la SCP D, représenté par s. PA. moyennant le prix de 7.037.200 euros.
Que b. LA. mère de j. VE. a perçu, suite à cette vente, une commission en qualité d'apporteur d'affaires d'un montant de 296.000 euros, qui lui a été payée par chèque en date du 6 juin 2016.
Attendu que l'apporteur d'affaires a pour rôle de mettre en relation la personne susceptible de devenir client et la société qui effectue la prestation recherchée.
Qu'il apparaît que cette profession n'est pas réglementée en Principauté et que la rémunération de l'apporteur d'affaires, si elle représente ordinairement entre 5 et 10 % des honoraires perçus par l'agence, peut atteindre des pourcentages beaucoup plus élevés, de l'ordre de 50 %, voire bien au-delà.
Attendu que cependant, le fait pour un gérant de société de verser une commission à un prétendu apporteur d'affaires, mais en réalité sans contrepartie effective, constitue, en droit monégasque, le délit d'abus de confiance.
Qu'au cas particulier, il ressort de l'enquête et des débats que la rémunération versée à b. LA. à hauteur de 296.000 euros, l'a été sans contrepartie effective.
Attendu qu'en effet, les services de police n'ont d'une part, pas pu identifier les clients auxquels b. LA. ainsi qu'elle le soutient, aurait remis des cartes de visite de son fils, grâce auxquelles ceux-ci seraient entrés en relation avec l'agence C, d'autre part ont diligenté des investigations qui ont permis de déterminer que la rémunération versée à la prévenue, l'avait été sans contrepartie.
Que d'ailleurs, la plupart des témoins entendus par les services de police et qui, par leur profession, ont eu des contacts avec l'agence immobilière C, ont affirmé ne pas connaître, ou très peu, b. LA. et ne l'ont, en toute hypothèse, pas décrite comme apporteur d'affaires pour le compte de l'agence.
Que contrairement à ce qui est soutenu, l'enquête n'a pas établi que b. LA. aurait « activement contribué au développement de l'agence immobilière C gérée par son fils, en lui apportant entre 2015 et 2017, plusieurs clients qui ont fait affaire avec cette dernière ».
Qu'en premier lieu, il apparaît que la période visée par la prévention, pour chacun des deux prévenus, est « courant 2016 ».
Que, dès lors, les clients que la prévenue aurait apportés à l'agence, dans une période postérieure à celle visée par la prévention, ne peuvent évidemment pas être pris en considération pour apprécier le bien-fondé de la rémunération obtenue en juin 2016.
Qu'il en va ainsi, en particulier de Jacques BO. représentant la société JB développement, qui a émis une offre d'achat le 2 août 2017.
Que par ailleurs, certaines attestations versées aux débats par j. VE. ne peuvent être considérées comme probantes car aucune précision n'y figure sur la date à laquelle serait intervenue la mise en relation avec l'agence grâce à la prévenue.
Qu'il en va ainsi des attestations établies par Jacques BO. le 2 novembre 2018, par Marie-Hélène ES. le 25 octobre 2018 et par Elena MA. le 17 octobre 2018.
Qu'en outre, l'attestation émise par Stellakis MI. rédigée en langue anglaise, et non traduite en français, ne sera pas prise en considération.
Que, par ailleurs, la circonstance, alléguée par j. VE. selon laquelle sa « mère avait également d'autres affaires (SIC) par le biais de l'agence puisque cela fait huit ans qu'elle distribue mes cartes professionnelles à son entourage », n'est pas pertinente au regard d'une part, de la date d'immatriculation de la SARL A le 2 avril 2015, d'autre part, de la période visée par la prévention.
Attendu que, par ailleurs, l'enquête et les débats ont mis en évidence l'imprécision des déclarations faites par les deux prévenus, tant devant les services de police que devant la Cour, quant à l'identité des clients qui auraient été mis en relation avec l'agence par b. LA.
Qu'une telle imprécision est injustifiable au regard du montant particulièrement élevé de la commission perçue, rappelé lors de son audition, par Jannick RA. épouse CA. expert-comptable en charge la comptabilité de la SARL A, en ces termes :
« Pour la commission perçue par Mme CA. il s'agit d'une somme conséquente par rapport aux honoraires perçus par l'agence. M. VE. avait expliqué que cela était dû au fait que la participation de Mme CA. avait été importante dans cette transaction, et notamment qu'elle connaissait bien Mme PA. de la SCP D. J'avais fait la remarque à M. VE. qu'au regard de l'importance de la commission versée à Mme CA. il pouvait être gênant pour la société A que Mme CA. n'ait pas de statut officiel ».
Qu'en outre, interrogée par les services de police sur l'identité des clients auxquels elle aurait distribué des cartes de visite de l'agence, la prévenue a déclaré :
« Je n'en sais rien, je ne peux pas vous dire les noms. Je ne m'en souviens pas. J'ai donné des cartes à X personnes mais je ne connaissais pas la plupart de ces personnes »,
et à la question suivante : « Les noms de Mme s AG. PA. la SCP D, Mme Michèle SC. Mme Lydia HE. vous disent-ils quelque chose ? »,
elle a répondu : « Pas du tout, dans ce milieu tout le monde s'appelle « chéri » et je ne connais que le nom des personnes importantes de Monaco ».
Que j. VE. n'a pas été plus précis, ni lors de l'enquête, ni au cours des débats, ne citant aucun nom de clients qui auraient été mis en relation avec l'agence par l'intermédiaire de sa mère.
Que de plus, celui-ci n'a pas craint d'affirmer que sa mère avait mis en relation l'acheteur du lot n° 429 avec l'agence avant de dire finalement, dans une dernière version, qu'il se serait agi du vendeur.
Que toutefois, cette deuxième version est postérieure à l'audition, par les services, de Lydia HE. qui a affirmé avoir été rémunérée en qualité d'apporteur d'affaires, à hauteur de 90.000 euros, pour avoir présenté l'acheteur, s. PA. à l'agence immobilière C.
Qu'elle est également postérieure à l'audition de s. PA. dont les termes ne sont pas contestés, selon laquelle elle ne connaissait pas b. LA. laquelle n'avait donc pas pu la présenter à l'agence.
Que les enquêteurs ont donné connaissance à j. VE. des dépositions de Lydia HE. et de s. PA. lors de son audition du 26 juin 2017.
Que dès lors, la dernière version proposée par le prévenu apparaît comme un ajustement aux informations préalablement recueillies par les enquêteurs.
Que b. LA. allègue que l'imprécision de ses déclarations en garde à vue était due à la situation difficile qu'elle traversait à cette époque en raison d'une autre procédure judiciaire.
Que cependant, la procédure judiciaire à laquelle la prévenue fait référence est toujours en cours.
Qu'enfin, la durée de l'enquête, qui a débuté en début d'année 2017, et s'est poursuivie par des réquisitions, par une première audition de j. VE. le 20 avril 2017, par l'audition de nombreux témoins, puis par une nouvelle audition de j. VE. le 26 juin 2017, et enfin par l'audition de b. LA. reportée par les services de police à sa demande le 6 juillet 2017, permettait à cette dernière d'apporter des précisions et de rassembler des pièces justificatives de ses dires, ce qu'elle n'a pas fait.
Que s'agissant de la vente du lot n° 429, est produit aux débats un mandat de vente exclusif établi le 29 octobre 2015 à Grenoble entre d'une part, le mandant, Maître Bruno MINEO, notaire à Grenoble, représentant la venderesse, Michelle SC. demeurant à MONACO, et d'autre part, le mandataire, l'agence C, par lequel la mandante a confié au mandataire un mandat exclusif de vente portant sur l'appartement du X6 correspondant au lot n° 429.
Que le 9 octobre 2018 ce notaire a établi une attestation en ces termes :
« Je soussigné, Maître Bruno MINEO, notaire à Grenoble, 7 rue Vicat, déclare avoir été mis en relation en 2015, avec l'agence C, représentée par Monsieur j. VE. par l'intermédiaire de Madame b. LA. sa mère, à l'effet de mettre en vente le bien immobilier appartenant à Madame Michèle SC. situé à Monaco, X5.
L'agence C a trouvé un acquéreur en la personne de la SCP D ».
Qu'il est soutenu que les termes de cette attestation, incontestable au regard de la qualité de son auteur, démontreraient suffisamment l'intervention décisive de b. LA. dans la vente du lot n° 429.
Mais attendu d'une part, que cette attestation est rédigée en termes très génériques qui ne permettent pas de reconnaître à b. LA. un rôle d'apporteur d'affaires dans la vente du lot considéré.
Que d'autre part, les services de police ont établi un procès-verbal de contact téléphonique avec Michelle SC. en ces termes :
« Interrogée sur les circonstances de la vente du lot n° 429 au X6 en juin 2016, elle explique qu'elle avait personnellement contacté plusieurs agences immobilières de la Principauté et qu'elle avait finalement mandaté l'agence C. Elle indique qu'auparavant, elle ne connaissait pas M. VE. ni son agence.
À notre question spécifique, elle répond qu'elle ne connaît pas Mme b. LA CA. ni la mère de M. VE. et que personne n'a présenté M. VE. ou l'agence C.
Après avoir mandaté l'agence C, elle a confié les formalités relatives à la transaction au notaire Maître MINEO, puis à Maître REY ».
Qu'il ressort de ce procès-verbal que la venderesse a contacté elle-même l'agence immobilière C, sans l'intermédiaire de b. LA. et ce, avant de confier les formalités de la vente à son notaire.
Qu'il n'est pas soutenu par les prévenus que les déclarations de Michelle SC. seraient inexactes.
Que néanmoins, ces déclarations ne sont pas incompatibles avec l'attestation de Maître MINEO, dont il se déduit qu'il a été mis en contact, une fois l'agence C mandatée par Michelle SC. avec b. LA.
Qu'au surplus, il apparaît que Lydia HE. dont le rôle d'apporteur d'affaires dans la vente du lot n° 429 est établi par l'enquête et les débats, et n'est pas contesté, a indiqué aux enquêteurs, qu'elle ne connaissait pas b. LA.
Que les termes de son audition ne sont pas contestés par les prévenus.
Que, pourtant, b. LA. a soutenu devant la Cour : « Concernant la rémunération litigieuse, j'ai permis à Me MIGNOT (en réalité, Me MINEO), rencontré lors d'une soirée, de rencontrer mon fils. ».
Que déjà, lors des débats devant le Tribunal correctionnel, elle avait pu affirmer : « Je ne me souviens plus de la date à laquelle j'ai rencontré Maître MINEO, mais je suis sûre que c'était au Yacht Club », alors que la prévenue s'était montrée incapable de citer le moindre nom lors de l'enquête préliminaire.
Qu'elle s'est montrée tout aussi évasive lors des débats en première instance, comme devant la Cour au sujet des autres personnes auxquelles elle aurait remis les cartes de visite de son fils, déclarant : « Lors de soirées mondaines, j'ai été amenée à remettre la carte professionnelle de mon fils mais je ne connais pas forcément le nom des personnes à qui je les ai données. ».
Qu'en conséquence, au regard de l'ensemble de ces éléments, il est suffisamment établi que la somme de 296.000 euros a été remise par j. VE. ès-qualités de gérant de la SARL A, à sa mère b. LA. sans contrepartie, et non pour un travail déterminé, et que cette remise d'agent constitue une dissipation ou un détournement de fonds au préjudice de la société A exerçant l'activité d'agence immobilière à l'enseigne C.
Attendu qu'enfin, l'abus de confiance est une infraction intentionnelle.
Que l'existence, comme l'absence, d'intention délictuelle est souverainement appréciée par les juges du fond.
Qu'au cas d'espèce, il se déduit des circonstances précédemment retenues, que j. VE. a, ès-qualités de gérant de la SARL A, sciemment versé à sa mère une commission conséquente, d'un montant de 296.000 euros, non justifiée par des prestations effectivement accomplies par cette dernière pour le compte de cette société.
Que le prévenu ne peut, en sa qualité de gérant de la SARL A, être considéré comme de bonne foi.
Que dès lors, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a déclaré j. VE. coupable du délit d'abus de confiance.
3 - Attendu que l'article 42 du Code pénal énonce, notamment, que sont punis comme complices ceux qui auront, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'action dans les faits qui l'auront préparée ou facilitée, ou dans ceux qui l'auront consommée.
Attendu qu'au cas d'espèce, il est acquis que b. LA. a permis la dissipation de la somme de 296.000 euros au préjudice de la SARL A, grâce à l'utilisation de son compte bancaire pour l'encaissement de cette somme, et ce, en toute connaissance de cause.
Que dès lors, le jugement entrepris doit également être confirmé en ce qu'il l'a déclarée coupable du délit de complicité d'abus de confiance.
4 - Attendu que les faits reprochés aux prévenus revêtent, en Principauté de Monaco, un caractère de gravité certain.
Qu'en effet, la loi n° 1.252 du 12 juillet 2002 sur les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, soumet toute personne physique ou morale qui souhaite se livrer, à titre de profession habituelle, à certaines opérations portant sur les biens immobiliers à l'obtention préalable d'une autorisation administrative.
Que cette autorisation n'est accordée que sous conditions, dont celle d'offrir toutes garanties de moralité professionnelle.
Qu'au cas d'espèce, il apparaît que j. VE. ès-qualités de gérant de la SARL A, a fait, des fonds de la société qu'il dirige, un usage contraire à ses intérêts, et ce, avec la complicité de sa mère.
Qu'il apparaît, en outre, que postérieurement à ces faits, soit le 2 décembre 2016, b. LA. n'a pas hésité à solliciter, du gouvernement, l'autorisation de devenir associée de cette société, et d'exploiter un fonds de commerce de transactions sur immeubles et fonds de commerce.
Que, sur leur situation personnelle, j. VE. exerce la profession de gérant de la société A et b. LA. celle d'infirmière scolaire à Monaco, actuellement suspendue du fait de son inculpation dans une affaire distincte.
Qu'ils n'ont jamais été condamnés, ni en Principauté de Monaco.
Que cependant, les faits poursuivis, qui ont permis à j. VE. avec l'aide de sa mère, d'acquérir 25 parts sociales de la société sur les fonds de celle-ci, sans utiliser ses deniers personnels et sans avoir au jour de l'audience, régularisé la situation, sont révélateurs d'un concert frauduleux.
Attendu qu'en conséquence, au regard de l'ensemble des éléments ci-dessus, la Cour confirme la peine de QUATRE MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, prononcée à leur encontre par le Tribunal correctionnel et, ajoutant à cette condamnation, les condamne également, chacun, à une peine d'amende de 3.000 euros.
5 - Attendu que les prévenus seront condamnés aux frais du présent arrêt.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
Statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels.
Confirme le jugement rendu le 27 mars 2018 par le Tribunal correctionnel en ses dispositions appelées.
Y ajoutant,
Condamne j. VE. et b. LA. chacun, à une peine d'amende de 3.000 euros (TROIS MILLE EUROS).
Condamne les prévenus aux frais du présent arrêt.
Composition🔗
Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le douze novembre deux mille dix-huit, qui se sont tenus devant Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur général adjoint, assistés de Mademoiselle Bénédicte SEREN, Greffier ;
Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013, relative à l'administration et à l'organisation judiciaires ;
Lecture étant donnée à l'audience publique du dix-sept décembre deux mille dix-huit par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Mademoiselle Bénédicte SEREN, Greffier, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur général, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013.