Cour d'appel, 11 décembre 2018, La SAM A c/ Madame e. a. m. PI. et autres
Abstract🔗
Faillites - Admission des créances - Opposabilité aux héritiers de la caution (non) - Effet relatif de la décision du juge commissaire
Cautionnement - Faute de la banque - Perte du droit préférentiel - Dépérissement des sûretés et privilèges - Omission de prendre les garanties hypothécaires - Mainlevée des nantissements - Aggravation de la situation obérée du débiteur principal
Résumé🔗
Ni le créancier, ni le débiteur n'ont formé de recours contre la décision d'admission de la créance émanant du juge commissaire, qui est donc devenue définitive. Pour juger que la décision d'admission de la créance ne s'imposait pas aux héritiers de la caution, le Tribunal a fait application de la jurisprudence issue d'un arrêt rendu le 1er juillet 1980 par la Cour de ce siège. Eu égard à la divergence entre la loi française du 13 juillet 1967 et l'article 470 du Code de commerce monégasque, la jurisprudence française relative à l'opposabilité de l'admission des créances n'est pas transposable à Monaco.
La banque a omis de prendre des inscriptions hypothécaires alors qu'elle avait conditionné son prêt à l'obtention de ces sûretés. Ultérieurement, la banque, pourtant bénéficiaire de nantissements sur trois fonds de commerce appartenant à son débiteur ainsi que de nantissements sur des actions détenues par lui sur une société, qui a procédé, dix-huit mois seulement après la signature de l'acte de cautionnement, à la mainlevée de l'ensemble de ses nantissements, alors que la situation financière du débiteur était obérée, a, en contribuant à l'aggravation de la situation déficitaire de ce dernier, rendu encore plus dommageables les conséquences résultant de l'absence des garanties hypothécaires sur les quatre appartements ayant appartenu à son débiteur. Enfin, il n'est pas établi que le débiteur ait eu un comportement fautif ou déloyal, ou qu'il ait fait preuve de négligence. La faute de la banque apparaît comme la cause exclusive de la perte du droit préférentiel de la caution. La banque est à l'origine de l'impossibilité préjudiciable pour la caution de voir s'opérer une subrogation en sa faveur dans les droits, hypothèques et privilèges qui auraient pu lui être transmis et doit être déboutée de sa demande en paiement.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 11 DÉCEMBRE 2018
En la cause de :
- La Société Anonyme Monégasque A, venant aux droits de la S. A. M. B anciennement dénommée S. A. M. D, dont le siège social est sis 15/17, avenue d'Ostende à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Administrateur Délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
1/ Madame e. a. m. PI., née le 20 janvier 1937 à Monaco, de nationalité française, retraitée, demeurant et domiciliée X1 à Monaco ;
2/ Monsieur e. g. l. NI., né le 30 janvier 1960 à Monaco, de nationalités française et italienne, employé de banque, demeurant et domicilié X2 à Monaco ;
3/ Mademoiselle s. n. l. NI., née le 27 novembre 1964 à Monaco, de nationalité italienne, gestionnaire, demeurant et domiciliée X1 à Monaco ;
Pris en leur qualité d'héritiers de Monsieur r. f. j. NI. ayant demeuré de son vivant X1 à Monaco, décédé le 16 août 2012 ;
Ayant tous trois élu domicile en l'Étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
4/ Monsieur j. Paul SA., ès-qualités de syndic de la liquidation des biens de Monsieur j. NI. demeurant en cette qualité 9, avenue des Castelans à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉS,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 26 janvier 2017 (R. 2576) ;
Vu l'exploit d'appel partiel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 1er mars 2017 (enrôlé sous le numéro 2017/000113) ;
Vu les conclusions déposées les 16 mai 2017 et 27 mars 2018 par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de Madame e. PI. Monsieur e. NI. et Mademoiselle s. NI. ès-qualités ;
Vu les conclusions déposées le 27 juin 2017 par Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j. Paul SA. ;
Vu les conclusions déposées le 6 février 2018 par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque A ;
À l'audience du 6 novembre 2018, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la Société Anonyme Monégasque A à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 26 janvier 2017.
Considérant les faits suivants :
Par lettre en date du 5 octobre 1988, la société anonyme dénommée « C » dite « C », aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la SAM A, venue aux droits de la SAM B, elle-même venue aux droits de la SAM D, elle-même venue aux droits de la SAM C, a consenti à j. NI. :
- un découvert en compte courant de 2.000.000 francs,
- un escompte de payer commercial de 2.000.000 francs.
Il était stipulé que le découvert produirait intérêt au taux de base de la banque de 9,95 %, majoré de 3 points, mais pouvant évoluer en fonction du marché monétaire. La banque se réservant également le droit de mettre fin à la convention à tout moment, moyennant un préavis d'un mois.
Pour la garantie de cette ouverture de crédit d'un montant total de 4.000.000 francs, la SAM C a obtenu :
- un nantissement pris par acte sous seing privé le 12 octobre 1988 sur le fonds de commerce sis X5 à Monaco et sur le fonds de commerce de la SAM E, propriétés de j. NI.
- un nantissement pris par acte sous seing privé le 12 octobre 1988 sur les actions détenues par j. NI. dans la SAM E,
- une promesse d'hypothèque sur 4 appartements appartenant à j. NI. sis X6 à Cap d'Ail.
En outre, par acte sous seing privé du 12 octobre 1988, r. NI. s'est porté caution personnelle et solidaire de son frère j. envers la SAM C, à concurrence de la somme de 4.000.000 francs, augmentée des intérêts, frais et accessoires.
Par acte sous seing privé en date du 3 octobre 1989, la SAM C a accordé à j. NI. une augmentation de sa ligne de crédit qu'elle a portée à la somme de 6.000.000 francs.
En contrepartie de cette augmentation du concours, j. NI. a affecté en nantissement un autre fonds de commerce de boucherie lui appartenant, sis X7 à MONACO.
Par lettre recommandée du 25 octobre 1989, la SAM C a informé j. NI. de son intention de rejeter toutes opérations se présentant sur un compte débiteur et de lui octroyer un délai de trois mois afin de réapprovisionner son compte, à l'époque, à découvert de plus de 6.942.000 francs.
Par courrier recommandé en date du 18 juin 1990, la SAM D, venue aux droits de la SAM C, a confirmé à j. NI. son accord de mainlevée des inscriptions de nantissement.
Dans ce même courrier, la banque a proposé à j. NI. l'octroi d'un crédit de 3.000.000 francs pour une durée de 5 ans, sous réserve :
- de l'encaissement de 5.000.000 francs dus au titre de l'expropriation,
- d'un règlement de 1.000.000 francs sous huitaine,
- du maintien des seules garanties : le cautionnement de r. NI. et la promesse d'hypothèque sur 4 appartements, sis X6 à Cap d'Ail, appartenant à j. NI.
Si dans un courrier du 23 juillet 1990, la banque a indiqué que l'encaissement de 5.000.000 francs avait été effectué au crédit du compte de j. NI. le règlement de 1.000.000 francs n'a toutefois pas été réalisé.
Par lettres recommandées des 10 octobre 1990 et 3 décembre 1990, la SAM D, faisant état d'un solde débiteur de 4.442.912,84 francs, a mis en demeure j. NI. et son frère r. NI. en qualité de caution, de payer cette somme et leur a déclaré mettre fin à la convention du 5 octobre 1988.
Par courrier du 17 décembre 1990, la SAM D a, à nouveau, mis en demeure j. NI. de payer cette somme dans le délai d'un mois.
Par ordonnance présidentielle rendue sur pied de requête en date du 24 avril 1991, la SAM D a été autorisée à prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur un appartement au rez-de-chaussée de l'immeuble sis X1 à Monaco, appartenant à r. NI. inscription d'hypothèque prise le 29 avril 1991 (volume 176, numéro 09), renouvelée le 16 mars 2001, puis le 14 janvier 2011 (volume 204, numéro 18), avec pour date de péremption le 13 janvier 2021.
Selon exploit d'huissier du 7 mars 1991, la SAM D a fait assigner j. NI. et r. NI. devant le Tribunal de première instance aux fins de les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 4.442.912,84 francs, outre intérêts conventionnels, représentant la dette due par le débiteur principal, j. NI. outre celle de 500.000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Suivant exploit d'huissier du 5 juin 1991, la SAM D a fait assigner r. NI. aux fins de le voir condamner au paiement de la somme de 4.442.912,84 francs, outre les intérêts conventionnels et de voir déclarer régulière l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 (volume 176, numéro 09) sur l'appartement de l'immeuble sis X1à Monaco.
Par ordonnance du Tribunal de grande instance de Nice en date du 7 juillet 1991, la SAM D a été autorisée à prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur une villa « F », n° 90/97 à Saint l. d'Eze, appartenant à j. NI.
Selon acte d'huissier délivré le 5 août 1991, la SAM D a fait assigner j. NI. aux fins de le voir condamner au paiement de la somme de 4.442.912,84 francs, outre les intérêts conventionnels, et de voir déclarer régulière l'inscription provisoire d'hypothèque prise au 4ème Bureau des Hypothèques de Nice le 10 juillet 1991, sur la villa « F » sise à Saint l. d'Eze.
Parallèlement, le 21 janvier 1992, j. NI. a porté plainte contre X des chefs d'usure, abus de confiance et escroquerie, invoquant notamment la convention du 12 octobre 1988 et la dégradation de ses relations avec la SAM D.
Par jugement en date du 19 mars 1992, le Tribunal de première instance de Monaco a :
- joint les instances initiées par la SAM D suivant assignations en date des 7 mars 1991, 5 juin 1991 et 5 août 1991 portant respectivement les numéros R.506 et R.703 de l'année 1991 et R.168 de l'année 1992,
- dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,
- avant-dire-droit au fond, ordonné une expertise comptable, désignant à cet effet Roland MELAN, en qualité d'expert, avec pour mission notamment de procéder à une évaluation de la créance alléguée et faire le compte entre les parties.
Par arrêt du 5 octobre 1993, la Cour d'Appel a jugé irrecevable l'appel principal formé le 23 juin 1992 par j. NI. contre ce jugement, ainsi que les appels incidents, et a condamné ce dernier à payer à la SAM D la somme de 10.000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.
Par ordonnance du 4 novembre 1993, le Juge chargé du contrôle de l'expertise a commis François BRYCH en qualité d'expert, en remplacement de Roland MELAN.
Par jugement du 3 novembre 1994, le Tribunal de première instance de Monaco a prononcé la liquidation des biens de j. NI. et désigné Pierre ORECCHIA en qualité de syndic, ensuite remplacé par j. Paul SA. le 20 octobre 1996 en raison d'un conflit d'intérêts.
Par ordonnance en date du 19 mars 1996, le Juge chargé du contrôle de l'expertise a renvoyé la cause et les parties à l'audience du Tribunal de première instance du 25 avril 1996, pour intervention du syndic de la liquidation des biens de j. NI.
La SAM D, devenue entre-temps la SAM B, a sollicité la désignation d'un nouvel expert aux lieu et place de François BRYCH.
Par jugement en date du 30 janvier 1997, le Tribunal de première instance de Monaco a :
- constaté l'intervention volontaire aux débats de j. Paul SA., syndic de la liquidation des biens de j. NI.
- débouté la SAM B, anciennement D, de sa demande tendant à voir désigner un autre expert,
- ordonné la continuation des opérations d'expertise comme indiqué dans le dispositif du jugement du 19 mars 1992.
Par arrêt en date du 6 janvier 1998, la Cour d'Appel a :
- réformé le jugement du 30 janvier 1997,
- sursis à statuer sur l'action en paiement dirigé contre j. NI. jusqu'à l'issue de la procédure collective,
- maintenu François BRYCH en qualité d'expert,
- ordonné que l'expertise prescrite par le jugement du 19 mars 1992 se poursuive à l'encontre de r. NI.
Un état estimatif des frais d'expertise ayant été établi à hauteur d'une somme comprise entre 373.000 et 943.000 francs, soit une moyenne de 658.000 francs, la SOCIÉTÉ B n'a pas voulu supporter le coût de cette expertise.
À l'occasion de la procédure collective, la créance de la SAM A, venue aux droits de la SOCIÉTÉ B a été admise à titre privilégié à hauteur de 677.317,70 euros, ce qui ne dispensait pas la banque de débuter les opérations d'expertise ordonnées par le jugement du 19 mars 1992.
Le 16 août 2012, r. NI. est décédé à Monaco, laissant pour lui succéder son conjoint survivant, e. PI. et deux enfants issus de cette union, e. NI. et s. NI.
Des conclusions en reprise d'instance ont été déposées le 5 juin 2014 et l'assignation a été délivrée le 25 septembre 2014 à leur égard aux fins de :
- dire et juger que la reprise d'instance s'effectuera à leur encontre suivant les derniers errements de la procédure,
- les voir condamner solidairement à payer à la SAM A la somme de 677.310,70 euros,
- voir déclarer régulière et valider l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 renouvelée le 14 janvier 2011, volume 176 n° 09 sur l'appartement sis X1à Monaco.
Par conclusions déposées les 14 janvier 2015 et 13 mai 2015, les consorts NI. ont soulevé in limine litis la péremption de l'instance pour discontinuation des poursuites pendant un an.
Par jugement avant-dire-droit du 28 juillet 2015, le Tribunal de première instance de Monaco a :
- ordonné la jonction des procédures initiées suivant assignations des 7 mars 1991, 5 juin 1991 et 5 août 1991, déjà jointes entre elles sous les numéros 506/91, 703/91 et 168/92, avec celle introduite par assignation du 25 septembre 2014 enrôlée sous le n° 2015/000149,
- débouté e. PI. e. NI. et s. NI. pris en leur qualité d'héritiers de r. NI. de leur exception de péremption d'instance,
- les a déboutés en conséquence de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- les a renvoyés à conclure au fond pour l'audience du 14 octobre 2015.
Par jugement contradictoire en date du 26 janvier 2017, le Tribunal de première instance a statué ainsi qu'il suit :
« - constate que plus aucune demande n'est formée à l'encontre de j. NI.
- déboute e. PI. e. NI. et s. NI. ès-qualités d'héritiers de r. NI. de leur demande de nullité de l'acte de cautionnement en date du 12 octobre 1988,
- déboute la SAM A de sa demande en paiement formée à l'encontre d e. PI. d e. NI. et de s. NI. ès-qualités d'héritiers de r. NI.
- ordonne la mainlevée de l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 et renouvelée le 16 mars 2001 et le 14 janvier 2011 au Bureau des hypothèques volume 176, n° 09 sur l'appartement formant le cinquième lot sis au rez-de-chaussée de l'immeuble sis X1 ledit lot enregistré à la Conservation des hypothèques de Monaco sous le numéro 48, volume 739, le 19 février 1986,
- déboute e. PI. e. NI. et s. NI. ès-qualités d'héritiers de r. NI. de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamne la SAM A aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
- ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef au vu du tarif applicable ».
Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu que :
- l'admission de la créance litigieuse ne revêtait aucune autorité de la chose jugée envers l'hoirie NI.
- en droit monégasque, il n'existait pas à la charge du banquier une obligation d'information de la caution,
- aucune réticence dolosive n'était caractérisée,
- si l'établissement bancaire avait permis la poursuite artificielle d'une activité irrémédiablement compromise, maintenant une apparence trompeuse de solvabilité, les défendeurs ne sollicitaient toutefois aucune condamnation au paiement de dommages-intérêts de ce chef,
- si la volonté d'opérer novation devait être non équivoque et résulter clairement des actes intervenus entre les parties, au cas d'espèce l'absence d'intention de nover résultait clairement d'un écrit,
- le comportement exclusivement fautif de la banque avait fait perdre un droit préférentiel à la caution et lui avait porté préjudice, en sorte que cette dernière devait bénéficier d'une décharge.
Par exploit d'appel et assignation délivré le 1er mars 2017, la société anonyme monégasque A a relevé appel de cette décision.
Aux termes de cet exploit et des conclusions qu'elle a déposées le 6 février 2018, la société anonyme monégasque A demande à la Cour de :
« - Sur l'appel principal,
- recevoir la SAM A en son appel parte in qua et l'y déclarer fonder,
- à titre principal,
- dire et juger que l'admission irrévocable de la créance de la SAM A s'impose aux hoirs NI. en leur qualité de cautions solidaires,
- à titre subsidiaire, dire et juger que les hoirs NI. ne sont nullement déchargés de leur obligation de caution en application de l'article 1876 du Code civil,
- Sur l'appel incident,
- dire et juger que les consorts NI. n'apportent pas la preuve d'une réticence dolosive de la banque au moment de la régularisation de l'acte de cautionnement,
- par conséquent, débouter les consorts NI. de leur demande tendant à la nullité de l'acte de cautionnement régularisé par Monsieur r. NI. le 5 octobre 1988,
- constater qu'aux termes de leurs écritures du 16 mai 2017, les consorts NI. formulent pour la première fois en cause d'appel une demande de dommages-intérêts à hauteur de 677.317,70 euros à l'encontre de la banque, fondée sur un prétendu soutien abusif de cette dernière à Monsieur j. NI. sans qu'elle ait été soumise préalablement au Tribunal de première instance,
Par conséquent,
- dire et juger que cette demande nouvelle est irrecevable en cause d'appel,
- dire et juger que la demande des consorts NI. tendant à obtenir la décharge de la caution du fait d'une prétendue novation opérée par l'acte du 3 octobre 1989 est infondée,
- dire et juger que la demande des consorts NI. tendant à limiter le montant de l'engagement de la caution à la somme totale de 609.796,07 euros est infondée,
En tout état de cause,
- réformer le jugement du 26 janvier 2017 en ce qu'il a débouté la SAM A de sa demande en paiement formée à l'encontre d e. PI. d e. NI. et de s. NI. ès-qualités d'héritiers de r. NI. et ordonné la mainlevée de l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 et renouvelée le 16 mars 2001 et le 14 janvier 2011 au Bureau des hypothèques volume 176, n° 09,
- débouter les consorts NI. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Et statuant à nouveau,
- condamner solidairement Madame e. PI. Monsieur e. NI. et Mademoiselle s. NI. à payer la somme de 677.317,70 euros à la SAM A,
- déclarer régulière et valide, avec toutes conséquences de droit, et donc définitive, l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991, renouvelée le 16 mars 2001 et le 14 janvier 2011 au Bureau des hypothèques, volume 176, n° 09 sur l'appartement formant le cinquième lot sis au rez-de-chaussée de l'immeuble X1 outre tous droits indivis y relatifs, ledit lot enregistré à la Conservation des hypothèques de Monaco sous le numéro 48, volume 739, le 19 février 1986,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- condamner les requis aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
La société appelante soutient, essentiellement, que :
- la décision d'admission de créance s'impose à la caution solidaire,
- le Tribunal a commis une erreur de droit manifeste en fondant sa décision de ce chef sur un arrêt rendu par la Cour d'appel le 1er juillet 1980, mais sur le fondement de l'ancienne loi sur la faillite et non sur le fondement de la loi n° 1.002 du 26 décembre 1977, pourtant seule applicable à la cause,
- la jurisprudence française a, sur le fondement de l'article 42 de la loi du 13 juillet 1967, comparable au texte monégasque, jugé que la décision irrévocable d'admission de la créance, ayant autorité de la chose jugée, s'imposait aux cautions solidaires,
- subsidiairement, la caution n'est nullement déchargée par subrogation : il ne peut être fait grief à la banque d'avoir perdu une garantie qui n'existait pas (la promesse d'hypothèque sur les appartements de Cap d'Ail). En outre, la caution ne peut prétendre être déchargée que si le droit préférentiel perdu existait avant son engagement ou a été constitué concomitamment, tel n'étant pas le cas en l'espèce,
- les hoirs NI. devront être déboutés de leur appel incident, dès lors d'une part, qu'il n'existe pas, en droit monégasque, une obligation légale d'information de la caution à la charge du banquier, et d'autre part, qu'aucune réticence dolosive ne peut être reprochée à la banque,
- en outre, la demande de condamnation au paiement de dommages-intérêts présentée sur le fondement du prétendu soutien abusif de la banque postérieurement à la régularisation de l'acte de caution devra être déclarée irrecevable comme nouvelle en cause d'appel,
- sur la prétendue décharge de la caution par novation, le Tribunal a justement retenu que la novation ne se présumait pas et qu'au cas d'espèce, elle avait été expressément exclue dans un acte du 3 octobre 1989,
- enfin, sur la prétendue limitation de l'engagement de la caution, d'une part, la banque ne peut pas rapporter la preuve négative selon laquelle elle n'a reçu aucun paiement, d'autre part, la caution porte sur une dette en principal, pouvant être augmentée des intérêts, frais et accessoires.
Aux termes de conclusions déposées les 16 mai 2017 et 27 mars 2018, e. PI. e. NI. et s. NI., ès-qualités d'héritiers de r. NI. demandent à la Cour de :
« - recevoir la SAM A des fins de son appel parte in qua en date du 1er mars 2017,
À titre principal,
- le déclarer mal fondé,
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 26 janvier 2017, en ce qu'il a débouté la SAM A de sa demande de paiement formée à l'encontre des consorts NI. ès-qualités d'héritiers de r. NI. et ordonné la mainlevée de l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 et renouvelée le 16 mars 2001 et le 14 janvier 2011 au Bureau des hypothèques volume 176, n° 09,
Subsidiairement,
- recevoir les consorts NI. en leur appel incident et les y déclarer bien fondés,
En conséquence,
- infirmer le jugement entrepris du 26 janvier 2017 en ce qu'il a débouté les consorts NI. de leur demande de nullité de l'acte de cautionnement en date du 12 octobre 1988 ainsi que de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire,
À titre principal,
- dire et juger que la société anonyme monégasque A a manqué à son obligation d'information de la caution et ce, de parfaite mauvaise foi, au moment de la régularisation de l'acte de cautionnement et qu'à ce titre, elle s'est rendue coupable d'une réticence dolosive à fournir à la caution des informations déterminantes de son consentement,
En conséquence,
- déclarer nul l'acte de cautionnement sous-seing-privé régularisé dans ces conditions par Monsieur r. NI. le 5 octobre 1988,
- ordonner la mainlevée de l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 et renouvelée le 16 mars 2001 et le 14 janvier 2011 au Bureau des hypothèques volume 176, n° 09, sur l'appartement de Monsieur r. NI. formant le cinquième lot sis au rez-de-chaussée de l'immeuble sis X1 ledit lot enregistré à la Conservation des hypothèques de Monaco sous le numéro 48, volume 739, le 19 février 1986,
À titre subsidiaire,
- dire et juger que la société anonyme monégasque A a, par son attitude fautive, soutenu abusivement et en toute connaissance de cause l'activité déficitaire de son débiteur principal, Monsieur j. NI. postérieurement à la signature de l'acte de cautionnement,
- dire et juger que cette attitude fautive engage sa responsabilité en ce qu'elle a causé aux consorts NI. un important préjudice ayant pour montant celui de la somme dont l'établissement bancaire sollicite aujourd'hui le paiement, soit 677.317,70 euros,
En conséquence,
- condamner la SAM A à payer aux héritiers de Monsieur r. NI. la somme de 677.317,70 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi content tenu du maintien abusif de son concours financier à l'activité déficitaire de Monsieur j. NI.
- ordonner la compensation entre la créance réclamée par la SAM A aux consorts NI. ès-qualités d'héritiers de Monsieur r. NI. et le montant du préjudice subi par les consorts NI. du fait de la faute de la banque dans son soutien abusif, avec toutes conséquences de droit,
- ordonner la mainlevée de l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991, renouvelée le 16 mars 2001 et le 14 janvier 2011 au Bureau des hypothèques volume 176, n° 09, sur l'appartement de Monsieur r. NI. formant le cinquième lot sis au rez-de-chaussée de l'immeuble sis X1 ledit lot enregistré à la Conservation des hypothèques de Monaco sous le numéro 48, volume 739, le 19 février 1986,
À titre plus subsidiaire,
- vu l'article 1129 du Code civil,
- dire et juger que l'augmentation de concours consentie par la société anonyme monégasque A à Monsieur j. NI. le 3 octobre 1989 a opéré novation,
En conséquence,
- dire et juger que les concluants, en leur qualité d'ayants droit de Monsieur r. NI. doivent être déchargés de l'obligation de satisfaire aux engagements de leur auteur envers la société anonyme monégasque A en sa qualité de caution personnelle et solidaire,
- ordonner la mainlevée de l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 et renouvelée le 16 mars 2001 et le 14 janvier 2011 au Bureau des hypothèques volume 176, n° 09, sur l'appartement de Monsieur r. NI. formant le cinquième lot sis au rez-de-chaussée de l'immeuble sis X1 ledit lot enregistré à la Conservation des hypothèques de Monaco sous le numéro 48, volume 739, le 19 février 1986,
À titre infiniment subsidiaire, et si par impossible la Cour devait faire partiellement ou intégralement droit aux demandes de la SAM A,
- vu l'article 1854 du Code civil,
- dire et juger que Monsieur r. NI. en qualité de caution, ne peut être tenu au-delà de son engagement contractuel,
- dire et juger que l'admission de la créance est inopposable aux consorts NI. ès-qualités d'héritiers de Monsieur r. NI. et peuvent en contester le montant,
Par voie de conséquence,
- dire et juger qu'en tout état de cause, les héritiers de Monsieur r. NI. en leur qualité d'ayants droit de Monsieur r. NI. ne pourront être tenus qu'au paiement de la somme maximale de 609.796,07 euros, sauf à tenir compte des sommes reçues par la SAM A dans le cadre de la liquidation des biens de Monsieur j. NI. et dont elle devra justifier,
- condamner la SAM A aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Les consorts NI. PI. font valoir, en substance, que :
- la décision judiciaire d'admission de la créance n'a qu'un effet relatif et ne s'impose pas à la caution, conformément au droit positif monégasque, la jurisprudence française sur ce point n'étant pas transposable en Principauté,
- la caution doit être déchargée, en raison de la perte du bénéfice de subrogation, du préjudice qui en est résulté et de son imputabilité au comportement exclusivement fautif de la banque appelante,
- subsidiairement, la banque a fait preuve de réticence dolosive et de mauvaise foi au moment de la conclusion de l'acte de cautionnement car d'une part, le consentement de r. NI. a été donné par erreur sur la solvabilité de la caution, d'autre part, la banque lui a dissimulé la situation financière obérée de son frère, dont elle avait pleinement connaissance,
- la banque a soutenu abusivement le débiteur, postérieurement à la régularisation de l'acte de cautionnement et la demande de dommages-intérêts formée de ce chef, déjà formée en première instance, est recevable,
- r. NI. s'est porté caution en considération de la dette initiale de son frère, d'un montant de 4.000.000 francs ; les augmentations des concours successifs ont entraîné une novation, déchargeant la caution de son engagement initial,
- l'engagement de la caution doit nécessairement être limité car la banque ne prouve pas qu'elle n'a reçu aucun paiement au titre de la liquidation des biens, alors pourtant qu'il existait un actif à distribuer de plus d'un million d'euros.
Par conclusions déposées le 27 juin 2017, j. Paul SA. demande à la Cour de :
« - constater que la SAM A ne forme aucune demande à l'encontre de Monsieur j. Paul SA., ès-qualités de syndic de la liquidation des biens de Monsieur j. NI.
- constater que par procès-verbal en date du 1er juin 2017, Monsieur le juge-commissaire de la liquidation des biens de Monsieur j. NI. a prononcé la clôture de la procédure et la dissolution de l'union,
- condamner la SAM A aux entiers dépens distraits au profit de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit ».
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus développées auquel il est expressément renvoyé.
SUR CE,
1 - Attendu que l'appel principal, relevé dans les formes et délais prescrits par le Code de procédure civile, est régulier et recevable ;
2 - Attendu qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de j. Paul SA., ès-qualités de syndic à la liquidation de j. NI. et que la procédure de liquidation a été clôturée le 1er juin 2017 ;
3 - Attendu que l'article 468 du Code de commerce énonce que le syndic dresse un état des créances contenant les propositions d'admission ou de rejet provisionnel, d'admission ou de rejet définitif, avec l'indication des créances dont les titulaires prétendent bénéficier d'une sûreté. Dans les huit jours, le juge-commissaire statue sur ces propositions par une décision portée sur l'état des créances. Celui-ci est aussitôt déposé au greffe général ;
Que l'article 470 du même Code énonce que dans les quinze jours de la publication de l'avis au Journal de Monaco, le débiteur ainsi que tout créancier qui a produit est recevable, même mandataire, à formuler des réclamations contre l'état des créances ;
Qu'enfin, l'article 471 énonce que le juge-commissaire arrête l'état des créances sous réserve des réclamations formulées. À l'égard des créances qui n'ont pas donné lieu à réclamation, la décision prise par le juge-commissaire en vertu du deuxième alinéa de l'article 468 devient définitive ;
Que ces textes sont issus de la loi n° 1.002 du 26 décembre 1977 ;
Attendu que l'ancien article 466, dans sa rédaction issue de la loi n° 218 du 6 mars 1936, était ainsi libellé :
« Tout créancier vérifié ou porté au bilan, est admis, pendant huit jours à dater de l'insertion visée à l'article 465, à formuler des contredits ou des réclamations au greffe général, soit par lui-même, soit par un avocat-défenseur par voie de mention sur l'état. Le failli aura le même droit. Ce délai est expiré, le juge-commissaire, d'après les propositions qui lui ont été faites par les syndics et sous réserve des contredits et réclamations soumis au tribunal, arrête définitivement l'état des créances et les syndics donnent effet à sa décision en signant, sur le bordereau des productions non contestées, la déclaration suivante : sur son affirmation, M. ou la société est admis comme créancier (chirographaire, privilégié ou hypothécaire), au passif de la faillite, pour la somme de » ;
Attendu qu'enfin l'article 42 de la loi française n° 67-563 du 13 juillet 1967 était ainsi libellé :
« Tout intéressé dispose d'un délai fixé par décret pour formuler ses réclamations ; à l'expiration de ce délai, le juge-commissaire arrête l'état des créances. Les créances qui n'ont pas fait l'objet d'une réclamation sont définitivement admises. Celles qui ont été contestées peuvent être admises à titre provisoire pour le montant fixé par le juge-commissaire. » ;
Attendu que sur le fondement de cette loi, la jurisprudence française a consacré l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du juge-commissaire arrêtant définitivement l'état des créances ;
Que, dès lors, selon cette jurisprudence, la créance ainsi admise ne peut plus être contestée dans sa quotité, et l'autorité de la chose jugée s'impose également aux cautions solidaires du débiteur principal, lorsqu'elles n'ont pas formulé de réclamations dans le délai imparti ;
Attendu qu'au cas d'espèce, la SAM A a produit une créance à hauteur de la somme de 1.082.876,08 euros ;
Que par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 29 mai 2013, le Greffier en chef a, en application de l'article 469 du Code de commerce, informé ce créancier que sa créance n'avait pas été admise conformément à sa production, mais à hauteur de 677.317,70 euros ;
Que ni le créancier, ni le débiteur n'ont formé de réclamation à l'encontre de la décision d'admission ;
Que dès lors, cette décision est devenue définitive, en application de l'article 471 du Code de commerce précité ;
Attendu que pour juger que la décision d'admission de la créance ne s'imposait pas aux héritiers de la caution, le Tribunal a fait application de la jurisprudence issue d'un arrêt rendu le 1er juillet 1980 par la Cour de ce siège, selon lequel :
« Si la jurisprudence considère que l'inscription d'un créancier à l'état des créances d'une faillite revêt l'autorité de la chose jugée, il est généralement reconnu que l'irrévocabilité de l'admission ne joue qu'à l'égard de la masse et non à l'égard des créanciers qui ne font pas partie de cette masse, ni des tiers auxquels l'admission est inopposable, car qu'on y voie un contrat ou une décision judiciaire, elle ne peut avoir qu'un effet relatif. » ;
Attendu que d'une part, contrairement à ce qui est soutenu par la société appelante, les textes français et monégasques sont différents ;
Qu'en effet, l'article 42 de la loi française du 13 juillet 1967 ouvre largement les recours contre la décision d'admission de la créance, permettant à « tout intéressé » de formuler des réclamations contre l'état des créances ;
Qu'à l'inverse, l'article 470 du Code de commerce réserve les recours aux seuls débiteurs et créanciers ;
Que dès lors, en l'état de la divergence des textes, il ne peut être considéré que la jurisprudence française relative à l'opposabilité de l'admission des créances, issue de l'application de l'article 42 précité de la loi du 13 juillet 1967, soit transposable à Monaco ;
Attendu que d'autre part, s'il est exact que l'arrêt du 1er juillet 1980 a été rendu sur le fondement de l'ancienne loi sur la faillite et non en vertu de la loi applicable à la présente cause, l'appelant n'explique pas en quoi ce changement de législation aurait été susceptible de modifier la solution retenue ;
Attendu qu'en conséquence, les seuls moyens soulevés par l'appelant sont inopérants pour démontrer « l'erreur de droit manifeste » invoquée et c'est, dès lors, à bon droit que les premiers juges, faisant application de la jurisprudence monégasque, ont considéré que la décision judiciaire d'admission de la créance n'avait qu'un effet relatif et ne s'imposait pas à la caution du débiteur ;
4 - Attendu que l'article 1876 du Code civil énonce que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ;
Qu'il appartient à la caution de démontrer que les garanties existaient antérieurement au cautionnement, ou que le créancier s'était engagé à les prendre, et que la perte du bénéfice de la subrogation est exclusivement imputable au créancier ;
Attendu qu'au cas d'espèce, il résulte des conclusions et pièces produites par les parties, que la société anonyme monégasque C a consenti, le 5 octobre 1988, à j. NI. une ouverture de crédit en compte-courant de 4.000.000 francs ;
Que cette ouverture de crédit a été garantie par :
- un nantissement pris le 12 octobre 1988 sur deux fonds de commerce appartenant au débiteur,
- un nantissement de valeurs mobilières, portant sur les 500 actions de 1.000 francs chacune, détenues par j. NI. dans la SAM E,
- une promesse d'hypothèque sur quatre appartements, situés à Cap-d'ail, appartenant à j. NI. ;
Que par acte sous-seing privé du 12 octobre 1988, r. NI. frère du débiteur s'est porté caution personnelle et solidaire de ce dernier, à concurrence de la somme de 4.000.000 francs ;
Que par acte sous-seing privé en date du 3 octobre 1989, la SAM C a accordé à j. NI. une augmentation de sa ligne de crédit, la portant ainsi à la somme de 6.000.000 francs, en contrepartie de laquelle le débiteur a affecté en nantissement un autre fonds de commerce de boucherie lui appartenant à Monaco ;
Que malgré l'augmentation du concours, et constatant que le compte de j. NI. était à découvert d'environ 6.942.000 francs, la SAM C a informé le débiteur, par lettre recommandée du 25 octobre 1989, soit trois semaines après ladite augmentation, qu'elle comptait rejeter toutes les opérations sur son compte débiteur et lui impartissait un délai de trois mois pour réapprovisionner son compte ;
Que cependant, par courrier du 18 juin 1990, la SAM C a donné son accord au débiteur pour la mainlevée des inscriptions de nantissements et lui a octroyé un nouveau crédit de 3 millions de francs pour une durée de cinq ans en échange de l'encaissement d'une somme de 5 millions de francs, du règlement d'une somme de 1.000.000 francs sous huitaine ainsi, que du maintien d'autres garanties constituées ;
Que la somme de 5.000.000 francs, à laquelle il est fait référence dans ce courrier, a pu être payée par j. NI. non pas grâce aux revenus de son activité professionnelle, mais grâce à la perception, par le débiteur, d'une indemnité de même montant résultant d'une expropriation ;
Qu'il n'est pas contesté que la somme de 1.000.000 francs à payer sous huitaine n'a, en revanche, jamais été acquittée ;
Attendu que d'une part, il est constant que la promesse d'hypothèque consentie par j. NI. le 5 octobre 1988, sur les quatre appartements situés à Cap-d'Ail lui appartenant, n'a jamais été concrétisée ;
Qu'il est tout aussi constant que, selon le courrier émis par la banque le 5 octobre 1988, cette promesse conditionnait l'ouverture de crédit ;
Qu'en effet, l'établissement bancaire y indiquait : « La mise en place des concours susmentionnés est subordonnée à la régularisation des garanties que vous nous avez proposées », parmi lesquelles la promesse d'hypothèque sur les quatre appartements ;
Que cependant, la banque n'explique pas les raisons pour lesquelles elle a choisi de débloquer l'ouverture de crédit sans même attendre la constitution de cette sûreté ;
Qu'en outre, elle ne rapporte pas la preuve que le débiteur ait fait preuve de réticence ou de mauvaise foi, ni qu'il ait entravé, de quelque manière que ce soit, la réalisation de cette sûreté ;
Qu'en outre, si cette promesse a été consentie dès le 5 octobre 1988, « sous réserve d'états hypothécaires négatifs sur ses 4 appartements », il n'est ni démontré, ni même allégué par la banque appelante que cette réserve ait fait échec à la prise de garanties hypothécaires ;
Qu'enfin, il n'est pas contestable que cette promesse, en date du 5 octobre 1988, était antérieure au cautionnement souscrit par r. NI. le 12 octobre 1988 ;
Qu'il s'en déduit que la banque s'est abstenue, antérieurement au cautionnement, de prendre une garantie hypothécaire qui devait pourtant, selon elle, conditionner la mise en place de son concours financier ;
Attendu que d'autre part, selon le courrier du 5 octobre 1988 émis par la banque, le débiteur avait également promis, à titre de garanties, un nantissement sur deux fonds de commerce ainsi qu'un nantissement d'actions par lui détenues dans une société ;
Que la banque avait subordonné la mise en place effective de ses concours financiers à des garanties cumulatives : la régularisation des trois nantissements promis et l'hypothèque sur les quatre appartements ;
Que pourtant, ces nantissements n'ont pas été constitués dès le 5 octobre 1988, mais selon actes sous seing privé dès le 12 octobre suivant, soit concomitamment à l'acte de cautionnement du frère de j. NI. sans que la banque ne démontre, ni n'allègue n'avoir pu, du fait du débiteur, les prendre avant ;
Qu'il apparaît également que le courrier du 5 octobre 1988 ne subordonne nullement la mise en place des concours bancaires au cautionnement du frère du débiteur ;
Qu'en outre, le comportement ultérieur de la banque, pourtant bénéficiaire de nantissements sur trois fonds de commerce appartenant à j. NI. ainsi que de nantissements sur des actions détenues par lui sur une société, qui a procédé, dix-huit mois seulement après la signature de l'acte de cautionnement, à la mainlevée de l'ensemble de ses nantissements, alors que la situation financière du débiteur était obérée, a, en contribuant à l'aggravation de la situation déficitaire de ce dernier, rendu encore plus dommageables les conséquences résultant de l'absence des garanties hypothécaires sur les quatre appartements ayant appartenu à j. NI. ;
Attendu qu'enfin, il n'est pas établi que le débiteur ait eu un comportement fautif ou déloyal, ou qu'il ait fait preuve de négligence à l'origine ;
Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, la faute de la banque apparaît comme la cause exclusive de la perte du droit préférentiel de la caution par :
- l'inaction de l'établissement bancaire dans la prise des garanties hypothécaires pourtant promises par le débiteur, antérieurement à l'acte de cautionnement du frère de ce dernier,
- et par la mainlevée des nantissements pourtant promis par le débiteur avant ce cautionnement ;
Que dès lors, la banque, qui a fait perdre un droit préférentiel à la caution, est à l'origine de l'impossibilité préjudiciable, pour celle-ci, de voir s'opérer une subrogation en sa faveur dans les droits, hypothèques et privilèges qui auraient pu lui être transmis ;
Attendu qu'en conséquence, le jugement sera également confirmé de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner le mérite de l'appel incident formé, uniquement à titre subsidiaire, par les intimés ;
Que les premiers juges ont donc, à bon droit, débouté la SAM A de sa demande en paiement formée à l'encontre d e. PI. d e. NI. et de s. NI. ès-qualités d'héritiers de r. NI. et ordonné la mainlevée de l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 et renouvelée le 16 mars 2001 et le 14 janvier 2011 au Bureau des hypothèques volume 176, n° 09 sur l'appartement formant le cinquième lot sis au rez-de-chaussée de l'immeuble sis X1 ledit lot enregistré à la Conservation des hypothèques de Monaco sous le numéro 48, volume 739, le 19 février 1986 ;
5 - Attendu que l'appelant, qui succombe, supportera les entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Bernard BENSA et de Maître Patrice LORENZI, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel principal formé à l'encontre du jugement rendu le 26 janvier 2017 par le Tribunal de première instance,
Déclare cet appel mal fondé,
Confirme le jugement rendu le 26 janvier 2017 par le Tribunal de première instance en toutes ses dispositions appelées,
Condamne la SAM A aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Bernard BENSA et de Maître Patrice LORENZI, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun en ce qui le concerne,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur e. SENNA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 11 DÉCEMBRE 201 8, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame s. PETIT-LECLAIR, Procureur Général.