Cour d'appel, 12 novembre 2018, Le Ministère Public c/ d G
Abstract🔗
Infractions contre les biens - Appropriations frauduleuses - Vol - Complicité par aide et assistance (non) - Détournement de l'attention de la victime - Dissimulation des agissements des auteurs - Preuve rapportée (non) - Prêt d'un véhicule - Connaissance de cause (non)
Résumé🔗
Il est reproché au prévenu de s'être rendu complice par aide et assistance de deux vols de sacs à main, et plus précisément d'avoir détourné l'attention du personnel des magasins victimes et de s'être positionné de façon adéquate pour cacher les agissements des auteures des vols. Cependant, si l'examen des images vidéo des caméras de surveillance montre la soustraction frauduleuse opérée par des jeunes femmes accompagnées d'un homme au sein du premier magasin, la comparaison du profil et de l'allure physique de cet homme permet d'exclure la participation du prévenu à ces faits. Quant au second vol, la victime ne mentionne pas la présence d'un homme accompagnant les auteures. Enfin, le prêt d'un véhicule loué par le prévenu à l'une des auteures des vols est insuffisant à caractériser un acte de complicité dans la préparation desdits vols en l'absence de preuve d'un prêt intervenu en connaissance de cause. Il convient donc de confirmer la relaxe du prévenu.
Motifs🔗
Dossier PG n° 2015/000780
Cour d'appel correctionnelle
ARRET DU 12 NOVEMBRE 2018
En la cause du :
MINISTÈRE PUBLIC ;
APPELANT
Contre :
d G, né le 22 août 1962 à KRASNOYARSK (Russie), de Vladimir et de Valentina KO. de nationalité russe, entraîneur de hockey sur glace, demeurant X1à SAINT PETERSBOURG (Russie) ;
Prévenu de :
COMPLICITÉ DE VOLS
DEFAILLANT
INTIME,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 8 octobre 2018 ;
Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 30 janvier 2018 ;
Vu l'appel interjeté le 7 février 2018 par le Ministère public, à titre principal ;
Vu l'ordonnance présidentielle en date 5 mars 2018 ;
Vu la citation, suivant exploit, enregistré, de Maître Claire NOTARI, Huissier, en date du 9 mars 2018 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï Eric SENNA, Conseiller, en son rapport ;
Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par jugement contradictoire en date du 30 janvier 2018, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :
« D'avoir à Monaco, le 16 mai 2015, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription,
- été complice, en connaissance de cause, des délits de vols commis par S a K b et TE an. en les aidant ou les assistant sciemment dans leur préparation ou consommation, en l'espèce en détournant l'attention du personnel du magasin et en cachant leurs agissements par un positionnement adéquat, et ce au préjudice de A,
D'avoir à Monaco, le 16 mai 2015, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription,
- été complice, en connaissance de cause, des délits de vols commis par S a K b et TE an. en les aidant ou les assistant sciemment dans leur préparation ou consommation, en l'espèce en détournant l'attention du personnel du magasin, et ce au préjudice de B »
DÉLITS prévus et réprimés par les articles 26, 27, 41, 42, 309 et 325 du Code pénal,
- reçu a G en son opposition, régulière en la forme,
- mis à néant les dispositions du jugement en date du 12 juillet 2016 le concernant,
et jugeant à nouveau,
- relaxé a G des fins de la poursuite,
- ordonné la mainlevée du mandat d'arrêt décerné par le Tribunal correctionnel le 12 juillet 2016 à l'encontre d a G
- laissé les frais, y compris ceux réservés dans le jugement en date du 5 janvier 2018, à la charge du Trésor.
Le Ministère public a interjeté appel principal de ladite décision le 7 février 2018.
Considérant les faits suivants :
Le 16 mai 2015, r. m. DA CO. PA. responsable de vente auprès du commerce « A » situé à Monaco se présentait à la Direction de la Sûreté Publique pour déposer une plainte contre inconnu suite au vol le même jour d'un sac de marque A, modèle « W », d'une valeur marchande de 37.000 euros. Il expliquait qu'après avoir visionné les caméras de vidéosurveillance de son commerce, il s'était aperçu que le vol avait été commis vers 16 h par trois jeunes femmes dont il communiquait le signalement précis.
Le 18 mai 2015, n. MA. responsable administratif du commerce B à Monaco déposait une plainte contre inconnu suite au vol d'un sac à main de marque B, modèle Boy, d'une valeur marchande de 3.400 euros, commis le 16 mai 2015, entre 15 h et 16 h. Il indiquait qu'une photographie des trois jeunes filles ayant commis un vol au sein de ce commerce lui était parvenu et qu'un employé du commerce les avait formellement reconnues comme étant présentes à l'intérieur du magasin l'après-midi du vol. Il précisait que la boutique n'était pas équipée d'un système de vidéosurveillance.
Les investigations permettaient d'établir que le véhicule avec lequel s'étaient rendus les auteurs présumés des vols commis à Monaco avait été loué du 14 au 18 mai 2015 auprès de l'agence de location AVIS de l'aéroport de Nice par un nommé d G qui avait voyagé par le même vol en provenance de Moscou le 14 mai 2015 avec c T laquelle avait été interpellée le 9 juillet 2015 à Monaco pour un vol de sacs commis dans un magasin A.
L'enquête permettait aussi d'obtenir les photographies d a S b K c T et M H apparaissant dans les fiches INTERPOL et correspondant aux personnes présentes le 16 mai 2015 à Monaco et plus précisément dans le commerce A dont l'exploitation des caméras de surveillance faisait apparaître le rôle joué par chacune d'elle.
Par jugement du Tribunal correctionnel en date du 12 juillet 2016 rendu par défaut, a S b K c T M H et d G étaient déclarés coupables des faits qui leur étaient respectivement reprochés et ont chacun été condamnés à la peine d'un an d'emprisonnement et un mandat d'arrêt était décerné à leur encontre.
En exécution de ce mandat, d G était interpellé le 7 juin 2017 en Italie, puis extradé le 4 janvier 2018 en Principauté de Monaco.
Au cours de sa présentation le même jour devant le Procureur général qui lui donnait connaissance de ce jugement, d G formait opposition et par jugement en date du 5 janvier 2018 son maintien en détention était ordonné par le Tribunal correctionnel.
d G à qui il est reproché des faits de complicité des vols commis par a S b K c T et M H en détournant l'attention des membres du personnel des commerces A et B et en cachant les agissements des auteurs des vols par un positionnement adéquat au sein de la boutique A, a contesté l'ensemble des faits en déclarant notamment à l'audience :
« Le 14 mai 2015 j'ai bien pris l'avion pour venir à NICE pour les vacances et j'ai pris une voiture en location pour 4 jours. Je connais a S qui fait office d'interprète en langue italienne. Elle est venue à Nice dans le même avion que moi. Nous projetions d'aller en Italie pour faire des achats dans les magasins d'usine à Florence. Mais je ne suis pas venu à MONACO à cette date, j'étais à NICE. Madame S recevait une rémunération lorsqu'il y avait des transactions. Nous ne sommes pas allés à Florence car il y avait du retard dans la livrais on des marchandises (...) Le 18 mai 2015, je suis reparti en Russie et a S faisait également partie du vol. Mais je suis allé seul à l'aéroport avec la voiture de location que j'ai rendue. Je ne connais pas Madame T Pendant mon séjour, j'ai prêté la voiture deux fois à a S car elle devait se rendre à SAN REMO. Elle ne m'a rien dit de ce qu'elle devait faire. Entre le 14 et le 18 mai 2015 je ne suis pas venu à Monaco . J 'y étais d éjà venu mais 7 ans auparavant . »
Après visionnage des images de vidéosurveillance par le Tribunal, il ajoutait : « Sur la vidéo que vous me montrez je reconnais Madame S; elle porte la veste jaune. C'est la seule personne que je connais sur cette vidéo. Sur la vidéo « palier », le monsieur ce n'est pas moi et d'ailleurs sur aucune des vidéos que vous m'avez montrées. ».
Par jugement en date du 30 janvier 2018, le Tribunal correctionnel a statué comme suit :
- reçoit a G en son opposition,
- met à néant les dispositions du jugement en date du 12 juillet 2016 le concernant,
- relaxe a G des fins de la poursuite,
- ordonne la mainlevée du mandat décerné le 12 juillet 2016 à son encontre,
- laisse les frais à la charge du Trésor, y compris ceux réservés dans le jugement du 5 janvier 2018.
Pour statuer en ce sens, le Tribunal a retenu essentiellement que :
- l'étude des vidéos des caméras de surveillance à l'extérieur et dans la boutique démontrait la soustraction frauduleuse d'un sac opérée par des jeunes femmes lesquelles par ailleurs s'étaient rendues le 16 mai 2015 en Principauté de Monaco au moyen du véhicule loué par d G et étaient accompagnées d'un homme au sein de la boutique A au moment du vol,
- la comparaison du profil et de l'allure physiques de cet homme apparaissant sur les images avec ceux d d G excluait l'implication de ce dernier dans les faits dont la juridiction était saisie,
- la location du véhicule avec lequel les mis en cause se sont rendus à Monaco, non contestée par d G lequel a affirmé l'avoir prêté à a S au cours de leur séjour dans la région niçoise du 14 au 18 mai 2015, ne peut suffire à elle seule à caractériser un acte de complicité de vol.
Les casiers judiciaires monégasque et français d d G ne portent mention d'aucune condamnation.
À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, le Ministère public a requis de la Cour qu'il était possible de requalifier les faits poursuivis en complicité par fourniture de moyens sous réserve que le prévenu puisse s'expliquer sur cette requalification et qu'en l'état, la complicité par aide et assistance ne pouvait pas être caractérisée.
Le conseil d d G a écrit le 4 octobre 2018 pour indiquer qu'il était sans nouvelles d d G et que faute d'instructions, il renonçait à le défendre. Il sera par suite statué par arrêt de défaut.
SUR CE,
Attendu qu d G a été poursuivi pour des faits de complicité de vols par aide et assistance, que compte tenu de son absence lors des débats devant la Cour au cours desquels celui-ci n'était pas représenté, il s'ensuit que le prévenu doit répondre des faits qui lui sont reprochés sous la prévention figurant aux termes de la citation qui lui a été délivrée ;
Attendu que pour relaxer le prévenu des fins de la poursuite, les premiers juges ont justement relevé que l'examen des images vidéos des caméras de surveillance à l'extérieur et dans la boutique démontrait la soustraction frauduleuse d'un sac opérée par des jeunes femmes lesquelles étaient accompagnées d'un homme au sein de la boutique A au moment du vol ;
Mais que la comparaison du profil et de l'allure physiques de cet homme apparaissant sur les images avec ceux d d G excluait la participation de ce dernier dans les faits dont la juridiction était saisie ;
Qu'en outre, s'agissant du vol dans la boutique B, il convient de relever que la présence d'un homme accompagnant les auteures du vol n'est nullement mentionnée par la victime et ne ressort pas des éléments de l'enquête ;
Qu'en conséquence, il ne peut pas être reproché à d G d'avoir aidé à la consommation de ces vols ;
Attendu que par ailleurs, que le prêt du véhicule loué par le prévenu à a S au cours de leur séjour dans la région niçoise du 14 au 18 mai 2015 est insuffisant pour caractériser un acte de complicité dans la préparation des vols dès lors qu'aucun élément de l'enquête ne démontre que ce prêt de véhicule serait intervenu en connaissance de cause alors que le prévenu a contesté connaître les intentions délictueuses d a S lors de son déplacement à Monaco ;
Que dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a relaxé le prévenu des fins de la poursuite ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle, publiquement et par défaut,
Statuant par défaut à l'égard d a v. G
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement du Tribunal correctionnel en date du 30 janvier 2018,
Laisse les frais à la charge du Trésor.
Composition🔗
Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le huit octobre deux mille dix-huit, qui se sont tenus devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur général adjoint, assistés de Mademoiselle Bénédicte SEREN, Greffier stagiaire ;
Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013, relative à l'administration et à l'organisation judiciaires ;
Lecture étant donnée à l'audience publique du douze novembre deux mille dix-huit par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Mademoiselle Bénédicte SEREN, Greffier stagiaire, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Premier Substitut du Procureur général, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de ladite Loi.