Cour d'appel, 28 septembre 2018, La Société A c/ La Société B
Abstract🔗
Contrat entre commerçants – Demande en paiement – Bien-fondé (oui)
Résumé🔗
Sur la demande en paiement de la somme de 38.624,76 euros formée par la société B, au titre du règlement de la facture impayée portant le numéro FA 1070, que cette réclamation s'inscrit dans le cadre d'une relation de prestation de service de maintenance et de réparation de navires liant d'une part la société B et, d'autre part, la société A Les premiers juges ont à bon droit apprécié, s'agissant de relations conclues entre commerçants et au regard de la liberté qui préside à la détermination de leur commune intention, que la preuve d'un accord était rapportée de l'existence d'un marché de travaux portant sur la rénovation du navire C, suivant devis en date du 22 février 2015 et bon de commande afférent du 14 mars 2015. Par ailleurs, les premiers juges ont à bon droit rappelé que le contrat d'entreprise demeure valable même si le prix n'est pas fixé lors de sa formation, en sorte que même si les feuilles de régie produites pour attester de la réalité des travaux n'ont été ni signées, ni validées par un responsable de la société A, force est néanmoins de relever que ces documents énumèrent de façon détaillée les prestations réalisées entre le 22 octobre et le 11 novembre 2015, outre la période de temps nécessaire pour leur réalisation et corroborent de manière non équivoque ce complément de travaux en lien direct avec les autres factures du 18 novembre 2015 qui ont été réglées sans aucune réserve par la société A.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2018
En la cause de :
- La SAM A, dont le siège social se trouve « X1 » - X1- à Monaco, poursuites et diligences de son liquidateur amiable, Monsieur Frank BI. demeurant « X1 » - X1au terme d'une assemblée générale extraordinaire du 19 juillet 2017 ordonnant la dissolution anticipée ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- La SAS à associé unique dénommée B, dont le siège social est sis X2 à La Ciotat 13100, prise en la personne de son Président en exercice, Monsieur Christophe CI. demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Frédéric BOUHABEN, avocat au barreau de Marseille ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 26 septembre 2017 (R. 7969) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 16 novembre 2017 (enrôlé sous le numéro 2018/000064) ;
Vu les conclusions déposées le 6 mars 2018 par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, au nom de la SAS à associé unique dénommée B ;
Vu les conclusions déposées le 8 mai 2018 par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SAM A ;
À l'audience du 26 juin 2018, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM A à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 26 septembre 2017.
Considérant les faits suivants :
Suivant exploit en date du 21 septembre 2016, la société de droit français B (ci-après B) a assigné la société anonyme monégasque A devant le Tribunal de première instance en sollicitant sa condamnation au paiement d'une somme de 38.624,76 euros au titre d'une facture impayée, avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2016, outre une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par jugement en date du 26 septembre 2017, le Tribunal de première instance a :
« condamné la société anonyme monégasque A à payer à la société de droit français B la somme de 38.624,76 euros au titre d'une facture demeurée impayée, avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2016,
débouté la société de droit français B de sa demande en paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
débouté la société anonyme monégasque A de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles,
dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,
condamné la société anonyme monégasque A aux dépens. ».
Au soutien de ce jugement, les premiers juges ont en substance relevé que ni le principe de la réalisation des travaux faisant l'objet de la facture litigieuse, ni leur qualité n'ont été contestés par la société A laquelle avait réglé sans opposition les deux précédentes factures et ne pouvait donc contester utilement être redevable du coût de cette dernière prestation.
Ils admettaient donc la demande principale en paiement tout en estimant que la défense de la société A n'avait pas dégénéré en abus.
Suivant exploit en date du 16 novembre 2017, la SAM A agissant en la personne de son liquidateur Monsieur Frank BI. a interjeté appel du jugement susvisé à l'effet de le voir réformé en toutes ses dispositions et débouter la société B de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Elle expose en substance dans ses écritures judiciaires que :
en ce qui concerne l'exécution du marché initial, elle a réglé conformément au bon de commande 25 % au début des travaux en acquittant la somme de 23.833,75 euros puis 25 % à la dépose soit une somme équivalente,
d'autres travaux ont été effectués, suivant devis, ne faisant pas partie du bon de commande initial, soit une somme totale de 316.986,60 euros payée par la société A à la société B,
en revanche le devis du 15 mai 2015 qui lui est parvenu le 27 mai 2015 pour un montant de 35.300 euros a été refusé par ses soins et suite à l'exécution de la première phase des travaux consistant en la dépose et le stockage des faux plafonds, elle informait la société B de sa décision de lui retirer la deuxième partie de la commande correspondant à la repose des plafonds,
la facture de 38.624,76 euros concernant les travaux effectués entre le 22 octobre le 12 novembre 2015 est également contestée puisqu'aucun devis ne lui a été présenté, les feuilles de régie lui ayant été communiquées apparaissant dressées de façon unilatérale sans visa, ni approbation du représentant de la société A.
La SARL B, intimée, entend pour sa part voir confirmer le jugement rendu le 26 septembre 2017 par le Tribunal de première instance en ce qu'il a condamné la société A à lui payer la somme de 38.624,76 euros au titre de la facture impayée avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2016 sur le fondement des dispositions de l'article 989 du Code civil et, relevant appel incident, entend voir condamner cette société à lui payer une somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle rappelle aux termes de l'ensemble de ses écritures judiciaires que :
au cours du premier trimestre 2015, la société A lui a confié divers travaux à exécuter sur le yacht « C », amarré au port de Monaco,
alors que des travaux supplémentaires ont été sollicités tout au long du chantier, dûment exécutés, toutes les prestations ont été acquittées sans contestation par la société A, seule la facture FA 1070 de 38.624,76 euros n'ayant pas été réglée concernant la réalisation des travaux commandés après la dépose de panneaux de plafonds extérieurs, leur repose ayant été confiée à une autre société,
ces travaux supplémentaires ont été réalisés entre le 22 octobre 2015 et le 11 novembre 2015 et leur réalité s'induit des différentes feuilles de régie décrivant les heures de travail et la répartition des tâches entre les préposés de la société B,
les deux autres factures émises le 18 novembre 2015 pour les frais de déplacement du personnel et la fourniture de matériel ont été réglées par virement bancaire du 11 décembre 2015 en sorte que la société A a implicitement mais nécessairement donné son accord pour la réalisation de ces travaux supplémentaires en acquittant ces deux factures et ne peut aujourd'hui se retrancher derrière l'absence de devis signé préalablement à leur exécution pour refuser de payer le solde de travaux,
la société A ne conteste pas le principe de la réalisation des travaux faisant l'objet de la facture litigieuse dont le recouvrement est poursuivi, ni la qualité des prestations effectuées, en sorte que le jugement rendu le 26 septembre 2017 sera purement et simplement confirmé en ce que les premiers juges ont condamné la société appelante au paiement de la somme restée impayée de 38.624,76 euros,
le non-respect par la société A de ses propres obligations contractuelles et son refus de s'acquitter sans motif valable du solde du prix des travaux l'a contraint à engager des frais importants pour la reconnaissance de ses droits en sorte qu'elle est fondée à demander la condamnation de cette société à lui payer une somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts.
Au terme d'ultimes conclusions en date du 8 mai 2018, le conseil de la société appelante A a déclaré être sans pièce ni moyen aux intérêts de sa cliente dans le cadre de la présente instance.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel principal formé par la société A et l'appel incident formé par la société B dans les conditions de forme et de délai prescrites par le Code de procédure civile apparaissent réguliers et doivent être déclarés recevables ;
Attendu, sur la demande en paiement de la somme de 38.624,76 euros formée par la société B, en abrégé B, au titre du règlement de la facture impayée portant le numéro FA 1070, que cette réclamation s'inscrit dans le cadre d'une relation de prestation de service de maintenance et de réparation de navires liant d'une part la société B et, d'autre part, la société A ;
Attendu que les premiers juges ont à bon droit apprécié, s'agissant de relations conclues entre commerçants et au regard de la liberté qui préside à la détermination de leur commune intention, que la preuve d'un accord était rapportée de l'existence d'un marché de travaux portant sur la rénovation du navire C, suivant devis en date du 22 février 2015 et bon de commande afférent du 14 mars 2015 ;
Mais attendu qu'il est établi que la relation contractuelle a largement évolué en cours de contrat dans la mesure où une partie du marché n'a pas été effectuée par la société B, ayant été attribuée par la société A à un autre prestataire tandis que de nouvelles prestations portant sur le navire C ont été confiés à la société B ;
Qu'au titre de ces travaux dont le montant des règlements correspondants s'élève à 273.673,80 euros, force est de constater qu'aucun échange de mail entre les parties ni aucun devis n'est produit aux débats, ce qui accrédite la thèse d'accords verbaux faisant la loi des parties ;
Que s'agissant des derniers travaux supplémentaires réalisés sur le navire C par la société B, effectués entre le 22 octobre et le 11 novembre 2015, trois factures ont été émises par la société B, le même jour, soit le 18 novembre 2015 :
- les deux premières factures : une facture libellée FA 1068, d'un montant de 18.574,80 euros, pour la fourniture de matériel (vis pour fixation trappe et rangement sous assise, ressorts à gaz, inserts...), et une facture libellée FA 1069, d'un montant de 24.738 euros, s'agissant du déplacement et de l'hôtellerie, pour 6 responsables et préposés de la société B, ont été régulièrement acquittées au moyen de deux virements bancaires, en date respectivement des 26 février 2016 et 11 décembre 2015,
- une troisième facture libellée 1070, d'un montant de 38.624,76 euros pour la réalisation de travaux et l'emploi des matériaux objets de la facture FA 1068 demeurée impayée ;
Attendu que la société appelante qui se contente à cet égard d'invoquer l'absence de devis, ne conteste pas la réalité ni la conformité des prestations ayant fait l'objet de la facture n° 1.070, en lien direct avec la facture numéro 1.068, dont le règlement n'avait posé aucune difficulté ;
Attendu par ailleurs que les premiers juges ont à bon droit rappelé que le contrat d'entreprise demeure valable même si le prix n'est pas fixé lors de sa formation, en sorte que même si les feuilles de régie produites pour attester de la réalité des travaux n'ont été ni signées, ni validées par un responsable de la société A, force est néanmoins de relever que ces documents énumèrent de façon détaillée les prestations réalisées entre le 22 octobre et le 11 novembre 2015, outre la période de temps nécessaire pour leur réalisation et corroborent de manière non équivoque ce complément de travaux en lien direct avec les autres factures du 18 novembre 2015 qui ont été réglées sans aucune réserve par la société A ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 26 septembre 2017 en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement présentée par la société B tout en condamnant la société A au paiement d'une somme de 38.624,76 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2016, date de la mise en demeure produite aux débats ;
Attendu qu'il n'est pas établi que la société A aurait résisté de manière abusive ou agi avec une intention de nuire à son cocontractant, voire commis une erreur équipollente au dol, en sorte que la demande en paiement d'une somme de 15.000 euros de dommages et intérêts présentée par la société B sera rejetée, le jugement déféré étant dès lors confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que la société A, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels principal et incident,
Déboute les parties de l'ensemble de leurs prétentions,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 26 septembre 2017,
Condamne la société A aux entiers dépens d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 28 SEPTEMBRE 2018, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.