Cour d'appel, 28 septembre 2018, Madame i. R. c/ Monsieur a. SI.

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Abstract🔗

Procédure civile - Attestation (non) - Certificat médical - Nullité (non) - Contrat de travail - Sanctions disciplinaires - Avertissement justifié (oui) - Abandon de poste - Mise à pied - Annulation - Propos à l'encontre de l'employeur - Preuve non rapportée - Licenciement - Lien avec le mandat de délégué du personnel non établi - Dispense d'exécution du préavis - Rupture abusive (non)

Résumé🔗

La pièce litigieuse ne constitue pas une attestation au sens où l'entend l'article 324 du Code de procédure civile, mais un certificat médical qui, comme tel, n'est pas soumis au formalisme prescrit par le texte précité. Il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation de ce certificat.

La salariée reconnaît s'être absentée de son poste de travail et ne conteste pas ne pas en avoir informé son employeur.  L'allégation de la salariée selon laquelle elle se serait absentée pour téléphoner à l'inspection du travail en sa qualité de déléguée du personnel n'est pas démontrée et ne la dispensait pas de son obligation d'informer son employeur. L'avertissement est donc justifié.

En revanche, il y a lieu d'annuler la mise à pied disciplinaire, les propos imputées à la salariée à l'encontre de l'employeur n'étant pas prouvés.

L'employeur peut licencier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci. La circonstance selon laquelle le licenciement est intervenu à l'expiration de la période de protection légale de six mois dont cette salariée a bénéficié à compter de la fin de son mandat de déléguée du personnel, n'est pas suffisante à démontrer que l'employeur l'ait précisément licenciée en raison de ce mandat. De même, la salariée ne démontre pas le lien direct susceptible d'exister entre les incidents relatifs aux élections des délégués du personnel et son licenciement. Si les pièces produites font état de difficultés d'ordre psychologique en relation avec l'activité professionnelle, elles ne suffisent pas à établir qu'elle ait été victime de mauvaises conditions de travail imputables à son employeur. Il n'apparaît pas que le licenciement soit intervenu dans des conditions brutales ou vexatoires, ni avec une légèreté blâmable. Le fait qu'elle ait été dispensée d'effectuer son préavis n'est pas, sauf démonstration contraire non rapportée au cas d'espèce, constitutif d'un abus de l'employeur.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2018

En la cause de :

  • - Madame i. R., née le 5 avril 1971 à MIELAN, demeurant X1à MONACO ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - Monsieur a. SI. propriétaire exploitant la PHARMACIE Z, sise X2 à MONACO ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Sophie-Charlotte MARQUET ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail, le 29 juin 2017 ;

Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 18 octobre 2017 (enrôlé sous le numéro 2018/000041) ;

Vu les conclusions déposées les 12 décembre 2017, 6 mars 2018 et 8 mai 2018 par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de Monsieur a. SI. propriétaire exploitant la PHARMACIE Z;

Vu les conclusions déposées les 6 février 2018, 12 mars 2018 et 3 avril 2018 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Madame i. R.;

À l'audience du 15 mai 2018, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Madame i. R. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 29 juin 2017.

Considérant les faits suivants :

i. R. a commencé à travailler à la PHARMACIE Z dont le propriétaire exploitant est a. SI. à compter du 10 février 2006, en qualité de diététicienne.

Après avoir bénéficié de plusieurs contrats successifs, elle a été engagée à durée indéterminée à compter du mois d'octobre 2011.

En décembre 2012, i. R. a été élue déléguée du personnel.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 janvier 2013 (portant par erreur la date du 25 janvier 2012), son employeur lui a adressé un avertissement en ces termes :

« Ce jour à 11h10 et à 12h, je vous ai trouvé (SIC) à 2 reprises, dans la galerie du centre commercial Carrefour en train de téléphoner, avec votre téléphone personnel, pendant vos heures de travail. Ceci est inadmissible : je vous informe que cela est stipulé par le règlement intérieur et de plus des notes de service sont affichées. Je vous rappelle que le téléphone est strictement interdit pendant vos heures de travail ; il doit être éteint et dans votre vestiaire. Je ne peux accepter un tel comportement, par conséquent cette lettre tient lieu de premier AVERTISSEMENT ».

Par lettre du 7 février 2013, i. R. a contesté cet avertissement ainsi qu'il suit :

« Monsieur,

La date des faits reprochés (25/01/2012) est erronée.

De plus, cet avertissement ne peut être valable compte tenu des fonctions de délégué titulaire.

Pour exercer ses fonctions, le délégué du personnel a le droit de circuler librement dans l'entreprise et d'y prendre tous contacts nécessaires à l'exercice de l'accomplissement de sa mission notamment auprès de salariés à son poste de travail.

En effet, je me suis absentée quelques minutes pour téléphoner à l'inspection du travail dans le cadre de ma mission de déléguée du personnel.

Le chef d'établissement est tenu de laisser aux délégués du personnel le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions. Le délégué n'a donc pas à recevoir une autorisation pour s'absenter ou se déplacer.

Je profite de ce courrier pour faire valoir nos droits de délégué titulaire à savoir le temps de 15 heures par mois pour effectuer nos missions. Ce temps de délégation sera rémunéré comme temps de travail.

Pour conclure, je suis tout à fait disposée à évoquer avec vous, certaines modalités de mise en place de ces 15 heures mensuelles, je regrette la façon drastique que vous avez de me sanctionner sur ma mission de délégué.

En conséquence, je conteste cet avertissement . »

Par lettre remise en mains propres le 7 octobre 2013, libellée ainsi qu'il suit, i. R. a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire :

« Madame,

Lors de l'appel téléphonique vous m'avez donné le 4 octobre 2013, alors que j'étais en déplacement à l'étranger, aux environs de 20h15 au sein même de la pharmacie, durant lequel vous avez hurlé en présence des clients présents à cet instant, pour manifester votre mécontentement du fait que je n'ai pas accepté les jours de congés que vous m'avez demandés : le 17, 18 et 19 octobre 2013.

Je vous informe qu'un tel comportement à mon égard et à l'égard de nos clients est inadmissible et je ne peux pas l'accepter ; c'est une faute grave.

De ce fait, je me vois contraint de vous notifier une mise à pied disciplinaire de deux jours à effet immédiat . »

Selon courrier du 19 juin 2014, i. R. a été licenciée sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.

Estimant que son licenciement était abusif, elle a saisi le Tribunal du travail en conciliation par requête reçue le 18 décembre 2014, demandant, notamment, au titre de l'annulation de la mise à pied du 7 octobre 2013, la somme de 300 euros, ainsi qu'un montant de dommages et intérêts pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail à hauteur de 50.000 euros.

Lors de la tentative de conciliation, i. R. a modifié ses demandes.

Aucune conciliation n'est intervenue et l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire rendu le 29 juin 2017, le Tribunal du travail a statué ainsi qu'il suit :

- « prononce la nullité de l'attestation du Docteur GE. produite par i. R. en pièce n° 15,

- annule la mise à pied infligée à i. R. par a. SI. le 7 octobre 2013,

- condamne a. SI. à payer à i. R. la somme de 300 euros (trois cents euros) de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit que le licenciement d i. R. par a. SI. n'est pas abusif,

- déboute i. R. de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- déboute i. R. du surplus de ses demandes,

- dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens par elle exposés . »

Pour statuer ainsi, le Tribunal du travail a retenu que :

  • - sur la demande de rejet de la pièce n° 15 produite par i. R. qu'il s'agissait d'une attestation ne respectant aucune des conditions visées à l'article 324 du Code de procédure civile,

  • - sur l'avertissement du 25 janvier 2013, que la salariée n'avait pas informé l'employeur de son départ de l'entreprise, laissant son poste de travail sans surveillance, et qu'il s'agissait d'une faute disciplinaire justifiant l'avertissement infligé,

  • - sur la mise à pied du 7 octobre 2013, que la salariée avait eu un mouvement d'humeur passager, ne pouvant justifier la mise à pied prononcé,

  • - sur le caractère abusif du licenciement et les mauvaises conditions de travail, que le motif fallacieux ne pouvait être retenu, la salariée ayant été licenciée alors que son mandat de délégué du personnel était expiré depuis plus de six mois,

  • - que les difficultés matérielles invoquées n'établissent pas l'existence d'une faute dans la mise en oeuvre de la rupture,

  • - qu'aucune légèreté blâmable ne peut être retenue à l'encontre de l'employeur,

  • - que les éléments médicaux produits par la salariée ne démontrent pas les mauvaises conditions de travail alléguées.

Par exploit d'appel parte in qua et assignation délivré le 18 octobre 2017, i. R. a relevé appel de cette décision.

Aux termes de cet exploit et des conclusions qu'elle a déposées le 6 février 2018, 12 mars 2018, et le 3 avril 2018, i. R. demande à la Cour de :

- « recevoir Madame i. R. en son appel parte in qua formé à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal du travail le 29 juin 2017 et le déclarer bien fondé,

- autoriser Madame R. à produire une pièce nonobstant le calendrier procédural établi,

- en conséquence,

- le confirmer en ce qu'il a annulé la mise à pied du 7 octobre 2013 et condamné Monsieur SI. au paiement d'une somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts,

- le réformer en ce qu'il a prononcé la nullité de l'attestation du Docteur GE., dit que le licenciement d i. R. n'est pas abusif, débouté i. R. de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif, débouté i. R. du surplus de ses demandes, dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens qu'elle a exposés,

- et, statuant à nouveau,

- déclarer recevable le certificat médical du Docteur GE. (pièce n° 15),

- prononcer l'annulation de l'avertissement du 25 janvier 2013,

- dire que le licenciement de Madame R. est abusif,

- condamner Monsieur a. SI. propriétaire exploitant de la PHARMACIE Z au paiement de la somme de 50.000 euros pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail,

- dire que ces sommes seront réglées avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- débouter Monsieur a. SI. propriétaire exploitant de la PHARMACIE Z de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner enfin Monsieur a. SI. propriétaire exploitant de la PHARMACIE Z en tous les dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, sous sa due affirmation . »

L'appelante soutient que :

  • - le certificat médical établi par le Docteur GE. ne constitue pas une attestation et n'est pas soumis au formalisme de l'article 324 du Code de procédure civile,

  • - l'avertissement du 25 janvier 2013 doit être annulé car d'une part, il ne lui a pas été reproché d'avoir quitté son poste mais seulement d'avoir téléphoné, d'autre part elle n'a fait qu'exercer son mandat de délégué du personnel,

  • - l'annulation de la mise à pied du 7 octobre 2013 doit être confirmée,

  • - la rupture du contrat de travail est intervenue à l'initiative et sous la seule autorité de son employeur, en vertu de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963,

  • - ce texte ne doit pas permettre à l'employeur de soustraire le motif à l'appréciation des juridictions compétentes,

  • - son licenciement est lié à son élection en qualité de déléguée du personnel,

  • - il a été décidé à l'expiration de la période de protection légale de six mois dont elle bénéficiait,

  • - elle a subi une pression et un harcèlement au cours de son mandat de déléguée du personnel et indiquant rapporter la preuve en produisant l'attestation de s. LA. ainsi que divers documents médicaux,

  • - les sanctions répétées qu'elle a subies et le contexte lié à l'annulation des élections des délégués du personnel démontrent les mauvaises conditions de travail qu'elle dénonce,

  • - son employeur a attendu qu'elle soit en congés payés pour lui annoncer son licenciement,

  • - elle a été dispensée d'effectuer son préavis et, de ce fait, exclue brutalement de la société,

  • - à la suite de ce licenciement, elle a subi un préjudice moral et pécuniaire.

Aux termes de conclusions déposées les 12 décembre 2017, 6 mars 2018 et 8 mai 2018, a. SI. demande à la Cour, sur le fondement de l'article 324 du Code de procédure civile, et au visa de la loi n° 729 du 16 mars 1963, de :

- « recevoir Monsieur SI. en son appel incident et l'y déclarer fondé,

- infirmer le jugement rendu le 29 juin 2017 par le Tribunal du travail en ce qu'il a annulé la mise à pied du 7 octobre 2013 et condamné Monsieur SI. au paiement d'une somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal du travail le 29 juin 2017 dans toutes ses autres dispositions,

- condamner Madame i. R. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation . »

a. SI. fait valoir, en substance :

  • - que les sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre d i. R. sont parfaitement valables,

  • - qu'il en est ainsi en particulier de l'avertissement du 25 janvier 2013 infligé à la salariée qui a quitté son poste de travail, laissant la caisse en fonctionnement sans surveillance,

  • - que la mise à pied prononcée à son encontre le 7 octobre 2013 n'a pas été motivée par le rôle de déléguée du personnel de cette salariée mais par son comportement inapproprié et irrespectueux envers son employeur lors de l'appel téléphonique qu'elle lui a passé le 4 octobre 2013,

  • - que la demande de dommages-intérêts que l'appelante a formée pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail doit être rejetée,

  • - que les sanctions notifiées à la salariée l'ont été en raison de faits objectifs,

  • - que l'employeur n'a jamais fait obstacle à l'accomplissement, par cette salariée, de sa mission de déléguée du personnel,

  • - que le licenciement est intervenu après l'expiration de son mandat de déléguée et est sans rapport avec l'exercice de ce mandat,

  • - que l'attestation rédigée par s. LA. produite par l'appelante, est contestable,

  • - qu i. R. ne démontre pas les mauvaises conditions de travail dont elle dit avoir été victime.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions ci-dessus exposées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

  • 1/Attendu que les appels, principal et incident, relevés dans les formes et délais prescrits par le Code de procédure civile, sont réguliers et recevables ;

  • 2/Attendu que l'article 324 du Code de procédure civile énonce que l'attestation doit, à peine de nullité, être écrite, datée et signée de la main de son auteur, mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination d'intérêts avec les parties, préciser si son auteur a quelque intérêt au procès, indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal et être accompagnée de tout document officiel, en original ou photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature ;

Attendu qu'au cas d'espèce, i. R. produit aux débats une pièce rédigée par son médecin, le Docteur Laurent GE., non datée, et ne contenant pas les mentions prescrites par les dispositions ci-dessus ;

Que si aux termes de ce document, le praticien écrit : « Je soussigné Docteur Laurent GE. atteste avoir prodigué les soins de Madame i. R. .. » puis, in fine : « Attestation rédigée en un exemplaire unique remise en mains propres au demandeur », cette pièce ne constitue pas une attestation au sens où l'entend l'article 324 du Code de procédure civile, mais un certificat médical qui, comme tel, n'est pas soumis au formalisme prescrit par le texte précité ;

Que dès lors, il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation de ce certificat sur le fondement de l'article 324 du Code de procédure civile ;

Que le jugement entrepris sera dès lors infirmé de ce chef ;

Que pour les mêmes motifs, sera rejetée la demande en annulation des autres certificats médicaux produits par i. R. formée par a. SI. non dans le dispositif de ses conclusions mais dans le corps de celles-ci (conclusions du 8 mai 2018, page 21 in fine), précédemment formée en première instance (conclusions du 18 décembre 2014 page 21) ;

  • 3/Attendu que la demande formée par i. R. tendant à être autorisée à produire une pièce est devenue sans objet en l'état de la production de cette pièce et des conclusions que les parties ont pu échanger postérieurement à celle-ci ;

  • 4/Attendu que l'avertissement constitue une sanction disciplinaire, et qu'à cette occasion, l'employeur ne peut sanctionner que les fautes commises par le salarié dans l'exercice du contrat de travail, en raison de faits constituant des manquements à ses obligations professionnelles ;

Attendu qu'au cas d'espèce, i. R. a fait l'objet d'un avertissement selon lettre, datée par erreur du 25 janvier 2012, en réalité du 25 janvier 2013, dans les termes repris plus hauts, et y a répliqué par un courrier du 7 février 2013, également repris, pour avoir été vue dans la galerie marchande, à l'extérieur de la pharmacie, en train de téléphoner ;

Que le règlement intérieur de la PHARMACIE Z énonce, en son article 7, intitulé « Entrées et sorties » :

« Au cours des séances de travail, aucun salarié ne peut quitter son poste ou s'absenter de la pharmacie sans autorisation. À ce titre, il est formellement interdit de s'absenter pendant la durée du service pour aller fumer. Par ailleurs, tout salarié n'est autorisé à quitter son poste respectif qu'en cas de nécessité impérative liée au bon fonctionnement du service. En ce qui concerne les délégués du personnel qui devraient quitter les lieux de travail pour l'accomplissement de leur mission, ils sont tenus préalablement à en informer l'employeur » ;

Attendu qu i. R. qui reconnaît s'être absentée de son poste de travail et avoir quitté la pharmacie, pour se rendre dans la galerie marchande, affirme l'avoir fait pour exercer ses attributions de déléguée du personnel, en téléphonant à l'Inspection du travail ;

Qu'elle ne conteste pas ne pas en avoir informé son employeur ;

Qu'elle prétend, cependant, que l'avertissement lui a été infligé non pas pour sanctionner un abandon de poste mais un usage de son téléphone ;

Mais attendu que le libellé même de la lettre d'avertissement « Ce jour à 11h10 et à 12h, je vous ai trouvé (SIC) à 2 reprises, dans la galerie du centre commercial Carrefour » signifie bien que l'employeur a surpris sa salariée, à deux reprises, dans la galerie marchande, en train de téléphoner ;

Qu'il se déduit des termes employés qu a. SI. n'avait pas été informé par sa salariée qu'elle quittait son poste pour téléphoner ;

Que l'allégation de la salariée selon laquelle elle se serait absentée pour téléphoner à l'inspection du travail en sa qualité de déléguée du personnel n'est pas démontrée ;

Que même en pareil cas, le règlement intérieur ne dispensait pas la salariée de son obligation d'informer son employeur ;

Que la contestation émise par l'appelante sur le fait qu'elle se serait trouvée juste à l'extérieur de la pharmacie et n'aurait donc pas, à proprement parler, quitté son poste n'est pas opérante, la salariée admettant, par ailleurs, s'être trouvée dans la galerie du centre commercial et non dans l'enceinte de la pharmacie ;

Qu'en conséquence, les premiers juges ont, à bon droit, considéré qu i. R. avait commis une faute justifiant l'avertissement infligé ;

Que, dès lors, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

  • 5/Attendu que la mise à pied disciplinaire est une mesure de suspension temporaire du contrat de travail ;

Attendu qu'au cas d'espèce, l'article 25 du règlement intérieur de la PHARMACIE Z prévoit l'ensemble des sanctions susceptibles d'être prononcées en cas de manquements aux règles de discipline, aux règles d'hygiène et de sécurité, parmi lesquelles la mise à pied disciplinaire qui constitue une suspension temporaire du contrat de travail entraînant la privation de la rémunération correspondante d'une durée maximum de trois jours ;

Que ce règlement intérieur contient également, en son article 20, inclus dans le titre V « Discipline générale », la disposition suivante : « Chacun est tenu d'observer les règles de correction et de courtoisie réciproque sous peine et sanctions ci-dessous définies » ;

Que dès lors tout manquement aux règles de correction et de courtoisie commis par un salarié tant à l'égard de ses collègues, qu'à l'égard de son employeur, peut être sanctionné ;

Attendu qu'au cas d'espèce, il n'est pas contesté qu'à la suite du refus de l'employeur d'accorder à i. R. trois jours de congé, les 17, 18 et 19 octobre 2013, cette dernière a, le 4 octobre 2013, téléphoné à son employeur vers 20 heures 15, au sein même de la pharmacie, alors que celle-ci était toujours ouverte et que des clients étaient présents ;

Qu'il résulte des diverses attestations produites par a. SI.-établies par l. BU. a. LE MA. et a. EL., que la salariée a eu « une conversation très houleuse avec Monsieur SI. », et que « les cris de Madame R. ont forcément été entendus par les clients de la pharmacie encore servis au comptoir » ;

Que cependant, aucune de ces attestations ne reproduit les propos précisément tenus par la salariée ;

Que les termes, qualifiés de « peu respectueux », qu a. SI. reproche à i. R. de lui avoir adressés, « être ignoble, incompétent et faible » ne sont corroborés par aucune des attestations produites ;

Qu'ainsi, si la réalité de l'appel téléphonique passé par i. R. à son employeur est établie, il apparaît, en l'absence de preuve des propos précisément prononcés, que la sanction infligée par a. SI. à la salariée est disproportionnée par rapport aux faits qui peuvent lui être imputés, les premiers juges ayant, à juste titre, qualifié la réaction d i. R. de « mouvement d'humeur passager » ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la mise à pied infligée à i. R. le 7 octobre 2013 et condamné son employeur à lui verser la somme de 300 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

  • 6/Attendu que l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 énonce que le contrat de travail à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une des parties ; il prend fin au terme du préavis ;

Qu'au terme de ce texte, l'employeur peut licencier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci ;

Que cependant, lorsqu'ils sont saisis, les juges du fond vérifient les circonstances ayant entouré la rupture du contrat de travail ;

Attendu que constitue un licenciement abusif, le licenciement intervenu pour un motif fallacieux, ou avec une intention malveillante, ou encore dans des circonstances brutales et vexatoires ;

Que la preuve du caractère abusif du licenciement incombe à celui qui s'en prévaut ;

Attendu qu'au cas d'espèce, i. R. prétend qu'elle aurait été licenciée en raison de ses fonctions de déléguée du personnel ;

Mais attendu que la circonstance selon laquelle le licenciement d i. R. est intervenu le 19 juin 2014, soit à l'expiration de la période de protection légale de six mois dont cette salariée a bénéficié à compter de la fin de son mandat de déléguée du personnel, n'est pas suffisante à démontrer que l'employeur l'ait précisément licenciée en raison de ce mandat en cherchant, en outre, à échapper aux dispositions protectrices édictées par l'article 16 de la loi n° 459 du 16 mars 1963 ;

Que, de même, i. R. ne démontre pas le lien direct susceptible d'exister entre les incidents relatifs aux élections des délégués du personnel, ayant abouti au jugement rendu le 2 décembre 2013 par le juge de paix, aux termes duquel le second tour de scrutin était annulé tandis que la tenue de nouvelles élections dans le délai d'un mois était ordonnée, et son licenciement ;

Qu i. R. produit également une attestation établie par s. LA. le 22 février 2018, employé à la PHARMACIE Z pendant huit années, selon laquelle :

« Lors des élections des délégués du personnel, Mme GE. Josette, responsable du personnel de la pharmacie, a organisé une réunion rassemblant tous les magasiniers du dépôt, pour nous influencer à ne pas voter en faveur de Mme R i. qui avait déjà été élu (SIC) déléguée l'année précédente.

Mme GE. nous a clairement menacé (SIC) de nous enlever nos heures supplémentaires (ce qui représente une importante baisse de salaire pour tous les magasiniers.

Elle nous a également dit ouvertement que si i. était une seconde fois élue déléguée, cela engendrerait de gros changements d'organisation concernants (SIC).

Je précise que ce « brief » a lieu entre le premier et le second tour des votes des délégués, le premier tour été (SIC) en faveur d i.

Lors du second tour, les votes ne se sont pas passés dans la même pièce que les précédentes, mais dans un bureau voisin muni d'une caméra de surveillance juste au-dessus de notre tête !!...

Lorsqu'on entrait dans la pièce pour aller voter, on entendait, une vente à la criée sur le marché du coin : VOTEZ INTEL (SIC) OU INTEL MAIS SURTOUT PAS i. criait à voix haute la fille de Mme GE. » ;

« Cette ambiance vraiment anxiogène pour moi ainsi qu'une bonne partie du personnel ;

J'avoue avoir été déstabilisé par la présence de la caméra au-dessus de ma tête, pour des représailles que cela pourrait représenter par la suite ;

Durant cette période, Madame R. à (SIC) subit (SIC) un harcèlement moral intense et permanent, isolée de beaucoup de ses collègues de travail . » ;

Mais attendu que cette attestation, émanant d'un ancien salarié de la PHARMACIE Z qui a fait l'objet d'un licenciement à l'automne 2017, n'est pas corroborée par les autres pièces du dossier ;

Qu'en effet, dans une attestation qu'elle a rédigée le 17 avril 2018, Josette GE. a contesté, dans les termes qui suivent, le contenu de l'attestation de s. LA.:

« Je suis employée au sein de la PHARMACIE Z depuis le 21 décembre 1987 en tant que responsable du personnel.

J'ai été informée par Monsieur SI. de l'attestation rédigée par Monsieur LA. qui m'a énormément choquée.

Les propos de Mr LA. sont graves et mensongers.

Je ne comprends pas pourquoi Mr LA. affirme de telles choses.

Je n'ai jamais tenu ces propos à l'encontre de Mme R. ou d'autres membres du personnel, ni jamais organisé une réunion avec les magasiniers pour parler de leur vote ou pour les menacer de ne plus payer des heures supplémentaires.

Compte tenu de ces accusations fausses et insultantes à mon égard, je me réserve le droit de porter plainte contre Mr LA. pour faux témoignage » ;

Que le contenu de l'attestation de s. LA. relatif aux consignes de vote, est également démenti par l'attestation rédigée, dans les termes qui suivent, le 17 avril 2018 par Franck RO. responsable des stocks de la PHARMACIE Z:

« Je travaille également en réserve avec les magasiniers de la pharmacie.

Lors des élections du 5 novembre 2013, nous étions au 6ème étage de l'immeuble situé bloc B, zone F, du 6, avenue Albert II, lieu de stockage et de bureaux pour la pharmacie.

Après le vote du premier tour des élections des délégués titulaires, je suis resté au sixième avec mes collègues, dont Mr LA. pendant que les membres du bureau de vote comptaient les voix.

Une fois les résultats du premier tour comptabilisés, on nous a appelés afin de voter pour le second tour.

À aucun moment, Mme GE. Josette a quitté le bureau de vote entre les deux tours.

Je n'ai pas été témoin, ou informé d'une réunion entre les magasiniers au sujet des élections.

En tout cas, il n'est pas possible qu'une réunion ait été organisée avec les magasiniers et Mme GE. entre les deux tours. Nous avons voté pour le 2ème tour immédiatement après le dépouillement du 1er tour, afin que le personnel qui ne travaillait pas ce jour-là puisse partir. » ;

Que si les attestations émises par les actuels salariés de la pharmacie doivent être analysées avec circonspection en considération de l'existence d'un lien de subordination, l'examen de l'attestation délivrée par s. LA. ancien salarié licencié de la pharmacie, justifie la même prudence ;

Qu'en toute hypothèse, l'attestation de s. LA. n'est pas corroborée par d'autres attestations établies dans le même sens ;

Qu'en outre, a. SI. n'est pas utilement contredit lorsqu'il affirme que cette attestation contient des éléments, les consignes de vote notamment, qui n'avaient jusqu'alors, jamais été soutenus par la salariée elle-même ;

Qu'enfin, dans le jugement qu'il a rendu le 2 décembre 2013, le juge de paix a relevé, en page trois de sa décision, que les délégués titulaires et suppléants avaient « tous estimé qu'ils n'avaient pas été influencés dans leur liberté de voter » ;

Que dès lors, le contenu de cette attestation ne sera pas considéré comme pertinent ;

Attendu que, par ailleurs, i. R. produit aux débats divers documents médicaux (certificats des Docteurs GE., SA. MA. SA., avis d'arrêts de travail, certificat de J. AU., psychologue clinicienne) qui attestent de l'existence, chez cette salariée, de troubles psychologiques « secondaires à des conflits au travail », d'un syndrome anxieux, d'un soutien psychologique nécessaire pour « l'aider à gérer la pression psychologique importante au travail » voire d'un « burn-out caractérisé suite à des problèmes rencontrés dans son travail » ;

Qu'en particulier, le certificat du Docteur GE. relate les doléances de sa patiente en ces termes : « symptomatologie typique d'un syndrome anxieux généralisé qu'elle rattache à un stress professionnel intense » ;

Qu'il apparaît que, si les pièces ci-dessus font état de difficultés d'ordre psychologique en relation avec l'activité professionnelle, elles ne suffisent pas à établir qu i. R. ait été victime de mauvaises conditions de travail imputables à son employeur ;

Que l'attestation de s. LA. évoquant le « harcèlement moral intense et permanent » dont l'appelante, « isolée de beaucoup de ses collègues de travail, même les plus proches », aurait fait l'objet, ne fait pas état de faits précis permettant de rapporter la preuve de mauvaises conditions de travail subies par i. R.;

Qu'en outre, a. SI. n'est pas utilement contredit lorsqu'il affirme que le rédacteur de l'attestation ne travaillait pas sur le même lieu que l'appelante et qu'il était, dès lors, mal fondé, à témoigner d'un éventuel isolement de sa collègue ;

Que les mauvaises conditions de travail alléguées ne sont pas autrement établies que par les pièces ci-dessus ;

Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, l'appelante ne démontre ni avoir été « écartée de la société pour son rôle de déléguée du personnel », ni avoir été victime de mauvaises conditions de travail ;

Qu'il apparaît en outre, que l'employeur a convoqué i. R. par lettre recommandée avec avis de réception en date du 11 juin 2014, pour un entretien préalable à un éventuel licenciement, prévu le 17 juin 2014 ;

Que l'appelante prétend d'une part que la question de son licenciement n'aurait pas été évoquée lors de cet entretien et qu'elle n'aurait pas eu la possibilité de se faire assister par la personne de son choix ;

Que cependant, ses affirmations sont contredites par la lettre de convocation qui énonce expressément que l'employeur envisage de procéder au licenciement de la salariée, par l'attestation d a MA. qui déclare qu'elle a été sollicitée par i. R. pour l'assister lors de l'entretien du 17 juin 2014 ainsi que par l'attestation rédigée le 20 octobre 2015 par n. BA. selon laquelle le motif de l'entretien était bien l'éventuel licenciement de l'appelante, laquelle avait eu la possibilité de se faire assister par la personne de son choix ;

Que les premiers juges ont justement relevé qu'à l'issue de cet entretien, l'employeur s'était ménagé un délai de deux jours avant de prendre sa décision, la lettre de licenciement n'ayant été adressée à i. R. que le 19 juin 2014 ;

Que, par ailleurs, il n'est pas démontré que l'employeur ait délibérément attendu que sa salariée soit en vacances pour lui notifier son licenciement ;

Qu'il apparaît, au contraire, que le courrier, établi le 19 juin 2014, soit deux jours après l'entretien préalable, n'a pas pu être posté le jour même, jour de la Fête Dieu, mais le lendemain dès 8h05, en sorte qu'il aurait dû parvenir à i. R. avant ses congés débutant le 23 juin ;

Que dès lors, il n'apparaît pas que le licenciement d i. R. soit intervenu dans des conditions brutales ou vexatoires, ni avec une légèreté blâmable ;

Qu'enfin, le fait qu i. R. ait été dispensée d'effectuer son préavis n'est pas, sauf démonstration contraire non rapportée au cas d'espèce, constitutif d'un abus de l'employeur ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté i. R. de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail ;

  • 7/Attendu que, succombant en cause d'appel, i. R. en supportera les entiers dépens, distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels, principal et incident,

Dit que la demande présentée par i. R. tendant à être autorisée à produire une pièce est devenue sans objet,

Infirme le jugement rendu le 29 juin 2017 par le Tribunal du travail, mais seulement en ce qu'il a annulé l'attestation du Docteur GE. produite par i. R. en pièce n°15,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Déboute a. SI. de sa demande en nullité de la pièce n° 15 produite par i. R.

Y ajoutant,

Déboute a. SI. de sa demande en nullité des autres pièces médicales produites par i. R.

Confirme ce jugement pour le surplus,

Condamne i. R. aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 28 SEPTEMBRE 2018, par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint,

Arrêt signé par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, en l'état de l'empêchement de signer de Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, (article 60 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires).

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