Cour d'appel, 28 septembre 2018, La Société A c/ Monsieur j.DI. et Madame c. DI. née NY.
Abstract🔗
Procédure civile - Mesure d'exécution forcée - Saisie-arrêt sur compte bancaire - Saisie conservatoire de véhicules - Mainlevée - Autorité de la chose jugée au pénal (non) - Cause distincte - Dommages et intérêts pour abus du droit d'agir (oui) - Procédé déloyal - Créance poursuivie partiellement compensée - Acharnement dolosif - Dommages et intérêts pour déclaration mensongère (oui)
Résumé🔗
Ayant obtenu la mainlevée des saisies-arrêts sur leurs comptes bancaires et de la saisie conservatoire sur leurs véhicules initiées par la société appelante sur le fondement de décisions de justice danoises, les intimés sollicitent l'allocation de dommages et intérêts pour allégations mensongères et procédure abusive. En premier lieu, il convient de relever que la présente demande indemnitaire est fondée sur l'abus d'ester en justice, alors que devant le juge pénal elle était fondée sur une cause distincte, la réparation d'un préjudice résultant d'une faute pénale consistant en la production en justice de faux documents afin d'obtenir un jugement. Ainsi, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée sera écartée.
S'agissant de l'abus de procédure, il est constant que l'appelante a sciemment omis devant le Président du tribunal de première instance de préciser que la créance dont le paiement était poursuivi se trouvait au moins partiellement compensée avec une autre créance détenue par les intimées à son encontre. Les premiers juges ont donc justement considéré qu'en usant d'un procédé déloyal elle avait abusé du droit d'agir. À ce titre, eu égard à l'acharnement dolosif de l'appelante qui a causé un préjudice important aux intimés, il convient de leur allouer une somme de 60.000 euros.
S'agissant des déclarations mensongères, il est établi qu'afin d'obtenir l'autorisation de saisir les comptes bancaires de l'épouse de son débiteur, l'appelante a produit en justice un certificat de coutume relatif au régime matrimonial légal danois établi par un avocat précisant que les époux étaient soumis au régime légal danois, soit celui d'une « communauté totale et entière des biens », sans expliciter la teneur de cette notion. Or, s'agissant d'une dette propre du mari née avant le mariage, la créance de l'appelante n'était pas opposable à son épouse. Ainsi, en alléguant faussement, ou à tout le moins sans procéder à aucune vérification, que le régime légal danois permettait de procéder à la saisie des comptes bancaires de l'épouse de son débiteur, l'appelante a commis une faute lui ayant causé un préjudice que le premier juge a justement réparé en accordant une somme de 5.000 € à chacun des intimés.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2018
En la cause de :
- La société A, Société de droit danois immatriculée au Registre danois du commerce et des sociétés sous le n° X, anciennement dénommée K, dont le siège social se trouve X2 au Danemark, agissant poursuites et diligences de son Directeur en exercice, Madame H domiciliée en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Guy FERREBŒUF, avocat au barreau de Grasse ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
1/ Monsieur j. DI., né le 15 mai 1959 à Odense, de nationalité danoise, domicilié X1- 29600 MARBELLA - Espagne, et demeurant X2 à Monaco (98000) ;
2/ Madame c. DI. née NY., le 19 janvier 1967 à Helsingor, de nationalité danoise, demeurant X2 à Monaco ;
Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉS,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 29 septembre 2015 (R. 8028) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 30 octobre 2015 (enrôlé sous le numéro 2016/000072) ;
Vu les arrêts avant dire droit en date des 8 mars 2016 et 12 juillet 2016 ;
Vu les conclusions déposées les 3 octobre 2017 et 16 janvier 2018 par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de la société a ;
Vu les conclusions déposées les 21 novembre 2017 et 11 avril 2018 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j. DI. et Madame c. DI. née NY.;
À l'audience du 15 mai 2018, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la société A à l'encontre d'un jugement rendu par le Tribunal de première instance le 29 septembre 2015.
Considérant les faits suivants :
Par décision rendue le 24 septembre 2002 par la Cour d'appel d'Ostre Landsret au Danemark, j. DI. a été condamné à payer à la société A la somme de 1.925.570 dkk avec intérêts au taux de 7 % à compter du 1er janvier 1998, outre la somme de 50.000 dkk au titre des dépens partiels.
Par cette même décision, la société A a été condamnée à verser à j. DI. la somme de 25.000 dkk.
Par un arrêt du 7 avril 2006, la Cour de cassation du Danemark a confirmé l'arrêt précité et a condamné j. DI. au paiement de 90.000 dkk au titre des dépens de l'instance en cassation.
Se prévalant de ces décisions danoises dont elle avait sollicité l'exequatur en Principauté de Monaco et s'estimant créancière d'une somme de 4.438.872,97 dkk (soit 595.809,12 euros) intégrant des intérêts arrêtés au 1er juin 2013, la société A a sollicité auprès du Président du Tribunal de première instance l'autorisation à défaut de titre exécutoire de pratiquer diverses mesures de saisie (saisie-arrêt comptes bancaires, saisies conservatoires véhicules).
Le 11 juin 2013, le Président du Tribunal de première instance a autorisé la société A à pratiquer une saisie-arrêt sur les fonds détenus par j. DI. auprès de la SA B, de la Banque C, de la Banque D, à concurrence de la somme de 600.000 euros.
Le 21 juin 2013, la société A a fait procéder à cette saisie arrêt et délivré injonction aux tiers saisis.
Seul la SA B a déclaré détenir des avoirs au nom de j. DI. à hauteur de la somme de 300.977 euros.
Selon acte du même jour, la société A a assigné j. DI. devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins de voir :
déclarer régulière et valable la saisie-arrêt pratiquée le 21 juin 2013,
le condamner au montant des causes de la saisie,
dire que les sommes détenues par le tiers-saisi seront versées entre ses mains jusqu'à concurrence de sa créance.
Cette procédure a été enrôlée au Tribunal de première instance sous le n° 2014/000004.
Par ordonnance en date du 30 août 2013, le Président du Tribunal de première instance a autorisé la société a à pratiquer :
- une saisie-arrêt sur les comptes détenus par c. DI. à la banque B et à la Banque C Monaco à concurrence de la somme de 600.000 euros,
- une saisie-arrêt sur les comptes détenus par M. DI. ou Mme DI. à la banque E, la banque F (Monaco), la banque G (Monaco) et la banque G Monaco à concurrence de la somme de 600.000 euros.
Le 5 septembre 2013, la société A a fait procéder à la saisie-arrêt sur les comptes détenus par Madame c. DI. et délivré injonction aux tiers saisis.
Le Crédit du Nord a déclaré détenir des avoirs bancaires appartenant à j. DI. à hauteur de 15.576,51 euros et la Banque Havilland ne détenir aucun avoir au nom de cette dernière.
Par acte d'huissier du 5 septembre 2013, la société A a assigné Madame c. DI. devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins de le voir :
- déclarer régulière et valable la saisie-arrêt pratiquée le 5 septembre 2013,
- condamner la défenderesse au montant des causes de la saisie,
- dire que les sommes détenues par le tiers-saisi seront versées entre ses mains jusqu'à concurrence de sa créance.
Cette procédure a été enrôlée au Tribunal de première instance sous le n° 2014/0000074.
Le 5 septembre 2013, la société A a également fait procéder à la saisie-arrêt sur les comptes détenus par Monsieur j. DI. et/ou Madame c. DI. et délivré injonction aux tiers saisis.
La banque E, la banque F (Monaco), la banque G (Monaco) et la banque H Monaco ont déclaré ne pas détenir de compte à ces noms.
Par acte d'huissier du 5 septembre 2013, la société A a assigné Monsieur j. DI. et Madame c. DI. devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins de le voir :
- déclarer régulière et valable la saisie-arrêt pratiquée le 5 septembre 2013,
- condamner les défendeurs au montant des causes de la saisie,
- dire que les sommes détenues par le tiers-saisi seront versées entre ses mains jusqu'à concurrence de sa créance.
La procédure a été enrôlée sous le n° 2014/0000075.
Le 30 août 2013, le Président du Tribunal de première instance de Monaco a également autorisé la société A à saisir conservatoirement les véhicules automobiles de marque Ferrari FF immatriculé X et Mercedes GL immatriculé X appartenant à c. DI. ainsi que le véhicule de marque ROLLS ROYCE Phantom immatriculé X appartenant à j. DI. pour avoir sûreté, garantie et paiement de la somme de 600.000 euros.
La saisie conservatoire de véhicules a été pratiquée suivant acte du 5 septembre 2013.
Le 2 décembre 2013, la société A a assigné Monsieur j. DI. et Madame c. DI. devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins de le voir :
- condamner solidairement les époux DI. à lui verser les sommes de 595.809,12 euros en principal avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1009 du Code civil et 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- valider la saisie conservatoire de véhicules pratiquée le 5 septembre 2013 et ordonner sa conversion en saisie exécution,
- ordonner la vente aux enchères publiques des véhicules automobiles saisis et dire qu'elle recouvrera le montant de sa créance sur le produit de la vente.
La procédure a été enrôlée sous le n° 2014/0000268.
Par jugement en date du 29 septembre 2015, le Tribunal de première instance a statué comme suit :
- ordonne la jonction des instances enrôlées sous les n° 2014/000004, 2014/000074, 2014/000075 et 2014/000268,
- rejette la demande de sursis à statuer comme étant devenue sans objet,
- déboute la société A de l'intégralité de ses prétentions,
- déclare irrecevables les demandes de rétractation des ordonnances présidentielles en date des 11 juin 2013 et 30 août 2013,
- ordonne la mainlevée de la saisie-arrêt effectuée le 21 juin 2013 entre les mains de banque B, de la BANQUE C, de la BANQUE D, à concurrence de la somme de 600.000 euros sur toutes sommes deniers ou valeurs détenus par Monsieur j. DI.,
- ordonne la mainlevée de la saisie arrêt effectuée le 5 septembre 2013 entre les mains de banque B et de la BANQUE C à concurrence de la somme de 600.000 euros sur toutes sommes deniers ou valeurs détenus par Madame c. DI.,
- ordonne la mainlevée de la saisie-arrêt effectuée le 5 septembre 2013 entre les mains de la banque E, la banque F (Monaco), la banque G (Monaco) et l'établissement à l'enseigne LCL Monaco à concurrence de la somme de 600.000 euros sur toutes sommes deniers ou valeurs détenus par Monsieur j. DI. et/ou Madame c. DI.,
- ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire des véhicules automobiles de marque FERRARI FF immatriculé X et MERCEDES GL immatriculé X appartenant à c. DI. ainsi que du véhicule de marque ROLLS ROYCE Phantom immatriculé X appartenant à j. DI. effectuée le 2 décembre 2013 pour avoir sûreté, garantie et paiement de la somme de 600.000 euros,
- condamne la société A à payer à Madame c. DI. la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour allégations mensongères,
- condamne la société A à payer à Monsieur et Madame DI. la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- déboute les époux DI. du surplus de leurs prétentions,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamne la société A aux dépens distraits au profit de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Par exploit en date du 30 octobre 2015, la société A a interjeté appel du jugement entrepris à l'effet de voir valider l'ensemble des mesures de saisie.
Par arrêt en date du 8 mars 2016, la Cour d'appel de ce siège a statué comme suit :
déclare l'appel recevable,
rejette l'exception de nullité de l'exploit d'appel,
déclare recevable la demande de sursis à statuer de la société A,
la rejette,
Au fond,
ordonne la réouverture des débats afin que les parties concluent au fond,
réserve les dépens.
Par arrêt en date du 12 juillet 2016 la Cour d'appel a ordonné le sursis à statuer jusqu'à la décision du Tribunal correctionnel à intervenir à l'égard de Madame H ès-qualité de dirigeante de la société A.
Par jugement en date du 13 juin 2017, le Tribunal correctionnel a prononcé la relaxe de Madame H et de la société A poursuivies pour des faits d'escroquerie au jugement.
Par conclusions en date des 3 octobre 2017 et 16 janvier 2018, la société A sollicite de la Cour de :
accueillir la société A en son appel, la déclarer recevable et bien fondée,
prendre acte du fait que la concluante acquiesce désormais aux dispositions de la décision de première instance concernant les saisies-arrêts et saisies-conservatoires, à l'exception des condamnations financières à son égard au profit de Madame c. DI. et des époux DI.
constater que la société A n'a pris strictement aucune initiative dans l'instauration des procédures conservatoires à l'égard de Monsieur et Madame HO. Monsieur DI. ayant lui-même reconnu que c'était Monsieur HO. et lui seul qui gérait ce contentieux et qui donnait ses instructions aux avocats qu'il avait lui-même choisis,
dire irrecevables en appel les demandes de dommages et intérêts dont le quantum est supérieur aux demandes régularisées par conclusions en première instance,
dire que les demandes telles que formulées dans la présente procédure sont strictement identiques à celles effectuées par-devant le Tribunal correctionnel de Monaco et peuvent se heurter à une forme d'autorité de la chose jugée,
en conséquence, réformer parte in qua la décision de première instance en ce qu'elle a condamné la concluante et la société A au règlement d'une somme de 10.000 euros au profit de Madame c. DI. et de 50.000 euros au profit de deux époux DI.
débouter Madame c. DI. et les époux DI. de toutes demandes,
dire et juger que chaque partie conservera les frais par elle exposés et en conséquence ordonner le partage par moitié des dépens et concernant la concluante, au profit de Maître Régis BERGONZI, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Aux motifs essentiellement que :
- elle a acquiescé à la décision à l'exception des condamnations indemnitaires,
- durant l'année 2012, Madame H a entièrement délégué la gestion des contentieux l'opposant aux époux DI. à la société I représentée par Kristian HO.,
- selon le contrat conclu entre eux, ce dernier devait assurer le recouvrement des créances et régler les frais de procédure moyennant une rémunération forfaitaire de 30 %,
- Kristian HO. gérait seul les procédures d'exécution qu'il avait engagées et Madame H n'en était pas informée,
- elle ignorait tout de la transmission des pièces judiciaires entre Maître NE. avocat danois et Kristian HO.,
- elle a été relaxée par le Tribunal correctionnel des poursuites pénales initiées par les intimés tout comme la société A car aucune intention frauduleuse n'a été caractérisée à leur encontre,
- les saisies litigieuses ont été diligentées à Monaco par Kristian HO. sous sa seule responsabilité avec les avocats qu'il a choisis en leur donnant les instructions nécessaires,
- il a été mis fin ensuite au mandat,
- elle n'a pas cherché à tromper la religion du Tribunal car elle ignorait le contenu des pièces produites au soutien de la requête pour obtenir des mesures conservatoires,
- compte-tenu du volume de décisions intervenues entre les parties, Kristian HO. a pu se méprendre sur les effets de l'accord transactionnel du 1er juin 2007 et son omission est involontaire,
- la production d'un certificat de coutume relatif au régime matrimonial applicable à c. DI. est le fait de Kristian HO.,
- les conséquences des erreurs qui ont pu être commises par Kristian HO. sont minimes puisque les mesures conservatoires ont été annulées et n'ont engendré qu'une indisponibilité temporaire,
- les demandes des intimés sont irrecevables car celles-ci se heurtent à l'autorité de la chose jugée puisqu'elles sont identiques à celles formulées devant le Tribunal correctionnel qui les a écartées dans son jugement du 13 juin 2017,
- les demandes nouvelles sont également irrecevables car il ne peut être réclamé des sommes supérieures à celles qui avaient été réclamées en première instance,
- les montants réclamés n'ont aucune légitimité,
- les honoraires d'avocat qui sont réclamés concernent l'affaire pénale,
- il n'y a pas eu de privation de jouissance des véhicules saisis et la preuve d'un préjudice moral n'est pas rapportée,
- les époux DI. créent volontairement des confusions au niveau de leurs réclamations,
- les demandes indemnitaires sont disproportionnées alors que j. DI. reste débiteur à son endroit au titre d'autres décisions incontestables.
Par conclusions en date des 21 novembre 2017 et 11 avril 2018 j. DI. et c. DI. sollicitent de la Cour de :
constater l'acquiescement au jugement de la société A en ce qu'il a :
débouté la société A de l'intégralité de ses prétentions,
ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt effectuée le 21 juin 2013 entre les mains de la banque B, de la BANQUE C, de la BANQUE D, à concurrence de la somme de 600.000 euros sur toutes sommes deniers ou valeurs détenus par Monsieur j. DI.
ordonné la mainlevée de la saisie arrêt effectuée le 5 septembre 2013 entre les mains de la banque B et de la BANQUE C à concurrence de la somme de 600.000 euros sur toutes sommes deniers ou valeurs détenus par Madame c. DI.
ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt effectuée le 5 septembre 2013 entre les mains de la banque E, la banque F (Monaco), la banque G (Monaco) et l'établissement à l'enseigne H Monaco à concurrence de la somme de 600.000 euros sur toutes sommes deniers ou valeurs détenus par Monsieur j. DI. et/ou Madame c. DI.
ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire des véhicules automobiles de marque FERRARI FF immatriculé X et MERCEDES GL immatriculé X appartenant à c. DI. ainsi que du véhicule de marque ROLLS ROYCE Phantom immatriculé X appartenant à j. DI. effectuée le 2 décembre 2013 pour avoir sûreté, garantie et paiement de la somme de 600.000 euros.
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
débouté la société A de l'intégralité de ses prétentions,
ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt effectuée le 21 juin 2013 entre les mains de la banque B , de la BANQUE C, de la BANQUE D, à concurrence de la somme de 600.000 euros sur toutes sommes deniers ou valeurs détenus par Monsieur j. DI.
ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt effectuée le 5 septembre 2013 entre les mains de la BANQUE B et de la BANQUE C MONACO à concurrence de la somme de 600.000 euros sur toutes sommes deniers ou valeurs détenus par Madame c. DI.
ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt effectuée le 5 septembre 2013 entre les mains de la BANQUE E , la banque F (Monaco), la banque G (Monaco) et l'établissement à l'enseigne H Monaco à concurrence de la somme de 600.000 euros sur toutes sommes deniers ou valeurs détenus par Monsieur j. DI. et/ou Madame c. DI.
ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire des véhicules automobiles de marque FERRARI FF immatriculé X et MERCEDES GL immatriculé X appartenant à c. DI. ainsi que du véhicule de marque ROLLS ROYCE Phantom immatriculé X appartenant à j. DI. effectuée le 2 décembre 2013 pour avoir sûreté, garantie et paiement de la somme de 600.000 euros,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la société A s'est rendue coupable de déclarations mensongères,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société A à payer à Madame c. DI. la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour allégations mensongères,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la société A a abusé de son droit d'agir en justice,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société A à payer à Monsieur et Madame DI. la seule somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau,
- condamner la société A à verser aux époux DI. la somme globale de 552.156,50 euros au titre des préjudices matériels subis,
- condamner la société A à verser aux époux DI. la somme de 50.000 euros chacun au titre des préjudices moraux et réputationnels qui leur ont été causés par l'infraction,
En tout état de cause,
- condamner la société A aux entiers dépens distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Aux motifs essentiellement que :
- en acquiesçant au jugement, l'appelante reconnait que les saisies diligentées à son initiative étaient totalement infondées,
- lorsque Madame H a été entendue par le juge d'instruction le 24 juin 2015, celle-ci a affirmé que la créance qu'elle invoquait était toujours valable et n'a fait aucune allusion à une délégation de la gestion du contentieux à Kristian HO.
- cette dernière n'a pas précisé à quelle date, ni les raisons pour lesquelles elle avait mis fin au mandat confié à Kristian HO.
- elle a abusé de son droit d'agir en justice et les intimés ont droit à la réparation de l'ensemble des préjudices matériels et moraux,
- l'appelante ne conteste pas le caractère abusif de ces procédures mais allègue qu'elle ne saurait en supporter les conséquences en n'étant pas à leur origine,
- bien qu'informée de la réalité de ces procédures en juin 2015, elle n'a rien fait pour y mettre fin et a poursuivi ses actions en faisant appel,
- il ne peut être donné mandat de recouvrer des créances sans avoir fourni au mandataire toutes les informations nécessaires à une connaissance des faits,
- le mandant est responsable des agissements fautifs du mandataire vis-à-vis des tiers en application de l'article 1231 du Code civil,
- l'appelante cherche par tous moyens à échapper à sa responsabilité,
- elle a produit un certificat de droit trompeur pour faire saisir les biens de c. DI. et ne peut se réfugier derrière une prétendue ignorance,
- ils ont exposé des frais d'avocat importants tant à Monaco qu'au Danemark dont ils demandent le remboursement,
- ils ont supporté un préjudice matériel né des saisies de leurs véhicules et un préjudice moral lié aux poursuites incessantes et injustifiées,
- leurs demandes ne se heurtent pas à l'autorité de chose jugée puisque la faute reprochée à l'appelante est distincte et repose sur le fait d'avoir engagé une action en justice abusivement,
- l'augmentation de leurs demandes indemnitaires pour le préjudice subi depuis le jugement sont admises en cause d'appel et ne se heurtent pas à l'irrecevabilité prévue par l'article 431 du Code de procédure civile,
- le préjudice né de la privation des véhicules s'est accru depuis le jugement et devait être actualisé.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu en premier lieu, que l'acquiescement formulé par l'appelante en cours d'instance d'appel emporte renonciation aux voies de recours et soumission aux chefs du jugement critiqué ;
Que par conclusions des 3 octobre 2017 et 16 janvier 2018, l'appelante a acquiescé expressément au jugement déféré sauf en ce qu'il l'a condamnée à payer des dommages-intérêts tant à l'égard de c. DI. qu'à l'égard des époux DI. ;
Attendu en cet état, que la Cour ne doit plus statuer que sur les demandes indemnitaires formulées par les époux DI. ;
Attendu qu'il convient de relever que la présente demande indemnitaire est fondée sur une cause distincte qui est l'abus d'ester en justice alors que devant le juge pénal, les intimés demandaient réparation d'un préjudice résultant d'une faute pénale consistant en la production en justice de faux documents afin d'obtenir un jugement ;
Que par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée sera donc écartée ;
Attendu que devant les premiers juges, c. DI. et j. DI. ont chacun, à titre personnel, réclamé des dommages-intérêts à un double titre, d'une part, pour procédure abusive et d'autre part, pour les déclarations mensongères faites par l'appelante devant le Président du Tribunal de première instance ;
Que dès lors, leurs demandes visant à l'indemnisation de leurs frais d'avocat et de leur préjudice matériel résultant de la perte de jouissance de leurs véhicules sont nouvelles en cause d'appel comme n'ayant pas été soumises aux premiers juges et ne constituent pas une simple actualisation après jugement ;
Qu'il convient par conséquent de les déclarer irrecevables ;
Attendu en ce qui concerne, l'abus de procédure, il est constant que les saisies litigieuses ont été diligentées à la demande de la société A ;
Qu'à cet égard, il importe peu que cette dernière ait confié un mandat de recouvrement des créances litigieuses à un tiers dès lors que l'ensemble de la procédure qui a conduit aux saisies contestées, sont le fait de l'appelante, laquelle ne justifie pas, ni n'allègue avoir été victime d'un abus commis par son mandataire ;
Qu'elle se borne à affirmer qu'elle ignorait l'existence de ces poursuites alors que lorsque Madame H a été entendue par le juge d'instruction le 24 juin 2015, celle-ci affirmait que la créance qu'elle invoquait contre j. DI. et c. DI. était toujours valable et ne faisait nullement état d'une délégation de la gestion de ce contentieux à Kristian HO. ;
Que d'ailleurs, depuis cette date, l'appelante pourtant parfaitement informée de la situation, n'a pris aucune mesure, ni initiative pour faire cesser les saisies pratiquées en son nom et pour son compte ;
Que bien au contraire, elle a formé appel contre la décision ayant ordonné les mainlevées, persistant dans ses errements, bien qu'elle n'ignorait pas ne pas détenir de titre pour ce faire puisqu'elle ne soutient plus sa demande d'exequatur comme l'a constaté la Cour par un autre arrêt opposant les parties rendu ce même jour ;
Que dans ces conditions, les premiers juges après avoir constaté, que l'appelante avait sciemment omis devant le Président du Tribunal de première instance, de préciser que la somme réclamée de 595.809,12 euros se trouvait au moins partiellement compensée avec une autre créance détenue par j. DI. à son encontre, suivant accord transactionnel du 1er juin 2007 homologué le 11 juin 2007 par les juridictions danoises, ont justement considéré qu'en usant d'un procédé déloyal, celle-ci avait abusé du droit d'agir ;
Que toutes ces saisies apparaissent avoir été initiées en pure perte et l'attitude de l'appelante tout au long de la procédure démontre un acharnement dolosif qui a causé un préjudice important aux époux DI. qu'il convient d'indemniser à hauteur de la somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Qu'en conséquence, le jugement sera réformé en ce sens ;
Attendu en ce qui concerne, la demande indemnitaire pour déclarations mensongères au préjudice de c. DI. il ressort des pièces versées aux débats qu'afin d'obtenir l'autorisation de saisir les comptes bancaires à son encontre, en sa qualité d'épouse de j. DI. la société A a produit au Président du Tribunal de première instance un certificat de coutume relatif au régime matrimonial légal danois en date du 11 juillet 2013 établi par Maître Anne Mie LUND, avocat aux barreaux de Nice et du Danemark ;
Que ce certificat précisait que les époux DI. n'avaient pas souscrit de contrat de mariage et étaient soumis au régime légal danois, soit celui d'une « communauté totale et entière des biens » sans expliciter la teneur de cette notion ;
Que par courrier du 3 août 2013 adressé au conseil monégasque de la société A, cet avocat a indiqué qu'il ignorait la destination de ce certificat qui ne pouvait en aucun cas justifier une demande de saisie des biens de c. DI. ;
Que ce point a été confirmé par Maître Martin HECTOR, avocat au barreau du Danemark, dans un avis juridique du 30 septembre 2013, qui a indiqué que s'agissant d'une dette propre de j. DI. née avant le mariage, la créance de la société A ne pouvait être opposable à c. DI. ;
Qu'ainsi, en alléguant faussement, ou à tout le moins sans procéder à aucune vérification, que le régime légal danois permettait de procéder à la saisie des comptes bancaires de c. DI. la société A a commis une faute lui ayant causé un préjudice qui a été justement réparé par la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour chacune des deux instances la concernant personnellement, soit au total la somme de 10.000 euros ;
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef ;
Attendu que l'appelante ayant succombé en toutes ses prétentions, sa condamnation aux dépens de première instance sera confirmée et celle-ci sera en outre, condamnée aux dépens de l'instance d'appel ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Vu l'arrêt de la Cour d'appel en date du 12 juillet 2016,
Constate que la société A acquiesce aux chefs du jugement du 29 septembre 2015 sauf en ce qu'elle l'a condamnée à des dommages-intérêts tant à l'égard de c. DI. qu'à l'égard des époux DI.
Dit n'y avoir lieu à statuer sauf sur les demandes indemnitaires des époux DI.
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée,
Déclare irrecevables les demandes indemnitaires des époux DI. visant à l'indemnisation de leurs frais d'avocat et de leur préjudice matériel,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société A à payer aux époux DI. la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau,
Condamne la société A à payer aux époux DI. la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Déboute les époux DI. du surplus de leurs prétentions,
Condamne la société A aux dépens, en ce compris les dépens réservés par les arrêts des 8 mars 2016 et 12 juillet 2016, distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 28 SEPTEMBRE 2018, par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint,
Arrêt signé par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, en l'état de l'empêchement de signer de Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, (article 60 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires).