Cour d'appel, 28 septembre 2018, État de Monaco c/ Monsieur é. j. s. j-l. RO. en présence de Monsieur le Procureur Général et de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives de l'État
Abstract🔗
Responsabilité de la puissance publique - État de Monaco désigné comme employeur (Commission de contrôle des informations nominatives) - Contrat d'administrateur juridique - Recrutement - Concours - Priorité d'emploi - Nationalité monégasque - Défaut d'information - Préjudice moral (oui) - Indemnité de départ (non)
Résumé🔗
L'intimé reproche à la CCIN son non-recrutement aux fonctions d'administrateur juridique.
En l'espèce, l'avis de recrutement émis par le Président de la CCIN avait indiqué que les postulants, le cas échéant, seront départagés « conformément à la loi, la priorité d'emploi sera réservée aux candidats de nationalité monégasque ».
S'agissant d'un emploi d'agent contractuel, l'organisation d'un concours pour assurer ce recrutement ne s'imposait pas et d'ailleurs, cet avis ne l'envisageait que comme une simple possibilité. Ainsi, en optant pour le procédé du concours afin de pourvoir l'emploi litigieux, la CCIN se devait d'en expliciter le cadre et le régime applicables. À cet égard, les dispositions légales et réglementaires applicables à la fonction publique monégasque qui exigent l'organisation d'un concours pour la nomination des fonctionnaires prévoient expressément de retenir ou non la nationalité parmi les conditions requises pour être admis à concourir.
En effet, la question de nationalité en l'espèce n'a été abordée dans l'avis de recrutement que par le rappel de la priorité d'emploi réservée aux candidats monégasques. Cette priorité de recrutement ne porte pas atteinte par elle-même au principe d'égalité entre les candidats pour ce concours dès lors que celle-ci ne s'appliquait qu'aux candidats monégasques et qu'au cas où plusieurs candidats au poste à pourvoir d'une même catégorie seraient classés au même rang, ceux-ci seraient alors départagés selon leur mérite.
La procédure de sélection commune aux monégasques et non-monégasques qui a été retenue apparaît complexe en ce qu'elle instaure un double régime selon la nationalité du candidat. En effet, le candidat monégasque n'est soumis qu'à la vérification de ses aptitudes par l'obtention d'une moyenne générale de 10/20 et ce n'est qu'au cas de plusieurs candidats monégasques aptes que ceux-ci étaient classés au mérite et subsidiairement en cas d'absence de candidat monégasque apte, que les candidats étrangers également aptes sont alors départagés entre eux en fonction du mérite.
La formule susmentionnée figurant dans l'avis de recrutement recouvre cette réalité et la CCIN a donc opéré une sélection des candidats en fonction de leur nationalité pour respecter le principe de priorité d'emploi. En réalité, cette méthode de recrutement n'est pas contraire au principe d'égalité entre les candidats selon qu'il bénéficie ou non de la priorité d'emploi, et dès lors il ne peut lui être reproché de ne pas avoir recruté l'intimé au poste d'administrateur juridique.
Il convient néanmoins de relever, que ni l'avis de recrutement, ni la lettre de convocation de la CCIN, ni aucun autre document communiqué aux candidats ne précisent le régime distinct applicable à chaque candidat en fonction de sa nationalité. Et contrairement à ce qui est affirmé par l'État de Monaco, il n'est fait état d'aucune disposition législative ou réglementaire précisant dans ce cas de figure les modalités de sélection en présence de candidats pouvant bénéficier de la priorité d'emploi.
Ainsi, il appartenait à la CCIN, conceptrice de cette procédure de sélection sans dédoublement des épreuves, de fournir de manière explicite l'ensemble de ces éléments aux candidats. Ce défaut d'information et de toutes précisions sur le caractère subsidiaire du classement au mérite en présence d'un seul candidat monégasque étant jugé apte, apparaît constitutif d'un manquement de la CCIN de nature à engager la responsabilité de l'État de Monaco.
En l'espèce, l'intimé apparaît bien fondé à se prévaloir d'un préjudice moral caractérisé par la déception et le sentiment d'injustice qu'il a éprouvé à la suite de son absence de recrutement par la CCIN par suite de ce défaut d'information, lequel peut être fixé à la somme de 10.000 euros. En conséquence, le jugement sera réformé en ce sens.
Concernant l'indemnité de départ, et selon l'article 34 du Règlement Général applicable aux agents contractuels ou suppléants de l'État, l'agent contractuel qui justifie de cinq années au moins d'activité continue, dont l'engagement à durée déterminée venu à échéance n'est pas renouvelé, a droit à une indemnité de départ selon les modalités fixées par une circulaire de l'administration. En l'espèce, l'article 29 du contrat d'engagement du 14 décembre 2012 prévoit qu'après cinq années au moins d'activité continue, et dans le cas où l'engagement à durée déterminée venu à échéance n'est pas renouvelé du fait de la CCIN, l'Agent de l'État a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de départ selon des modalités fixées par le Directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique. C'est ce qui affirmé par l'annexe 1 jointe au contrat et intitulée « conditions d'attribution de l'indemnité de congédiement et de l'indemnité de départ ».
En l'espèce, c'est à juste titre que le tribunal a retenu, que pour prétendre à une indemnité de départ, l'agent devait justifier au préalable de cinq années au moins d'activité sans interruption au même poste et que même si l'intimé avait été engagé pendant plus de cinq années, il avait occupé des postes différents au sein de divers services administratifs, en vertu de plusieurs contrats d'engagement d'une durée maximale ne dépassant pas deux années, de sorte qu'il ne justifiait pas d'une période de cinq années d'activité continue dans le même poste, ou à tout le moins selon le même engagement.
Dès lors, ce dernier a été débouté, à bon droit, de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2018
I - En la cause n° 2017/000155 (appel et assignation du 24 mai 2017) :
L'État de Monaco, régulièrement représenté par le Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives, demeurant en cette qualité 12, avenue de Fontvieille à Monaco (98000) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Yvon GOUTAL, avocat au barreau de Paris ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- Monsieur é. j. s. j-l. RO., né le 25 mai 1986 à MONACO, de nationalité française, domicilié X1 à Monaco (98000) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
EN PRÉSENCE DE :
- 1/ Monsieur le Procureur Général, près la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, demeurant au Palais de Justice - 5, rue Colonel Bellando de Castro à Monaco (98000) ;
COMPARAISSANT EN PERSONNE,
- 2/ La Commission de Contrôle des Informations Nominatives de l'État, prise en la personne de son président en exercice, demeurant en ses bureaux 12, avenue de Fontvieille à Monaco (98000) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Yvon GOUTAL, avocat au barreau de Paris ;
3/ L'État de Monaco, représenté selon le jugement intervenu le 6 avril 2017, au sens de l'article 153 - 1° du Code de procédure civile par Son Excellence Monsieur le Ministre d'État, demeurant Palais du Gouvernement, Place de la Visitation à Monaco (98000) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Yvon GOUTAL, avocat au Barreau de Paris ;
d'autre part,
II - En la cause n° 2017/000156 (appel et assignation du 24 mai 2017) :
L'État de Monaco, représenté, selon le jugement intervenu le 6 avril 2017, au sens de l'article 139 du Code de procédure civile par Son Excellence Monsieur le Ministre d'État, demeurant Palais du Gouvernement, Place de la Visitation à Monaco (98000) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Yvon GOUTAL, avocat au Barreau de Paris ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- Monsieur é. j. s. j-l. RO., né le 25 mai 1986 à MONACO, de nationalité française, domicilié X1 à Monaco (98000) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉ,
EN PRÉSENCE DE :
- 1/ Monsieur le Procureur Général, près la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, demeurant au Palais de Justice - 5, rue Colonel Bellando de Castro à Monaco (98000) ;
COMPARAISSANT EN PERSONNE,
- 2/ La Commission de Contrôle des Informations Nominatives de l'État, prise en la personne de son président en exercice, demeurant en ses bureaux 12, avenue de Fontvieille à Monaco (98000) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Yvon GOUTAL, avocat au arreau de Paris ;
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 6 avril 2017 (R.4299) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 24 mai 2017 (enrôlé sous le numéro 2017/000155) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 24 mai 2017 (enrôlé sous le numéro 2017/000156) ;
Vu les conclusions déposées le 3 octobre 2017 par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur é. RO. et celles déposées les 25 janvier 2018 et 10 avril 2018 par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de cette même partie ;
Vu les conclusions déposées les 5 décembre 2017 et 6 mars 2018 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de l'État de Monaco ;
Vu les conclusions déposées le 9 mars 2018 par le Ministère Public ;
À l'audience du 17 avril 2018, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Ouï le ministère public ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur les appels relevés à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 6 avril 2017 par :
1/ L'État de Monaco (rôle n° 2017/000155),
2/ L'État de Monaco (rôle n° 2017/000156) ;
Considérant les faits suivants :
Par contrat en date du 16 janvier 2012, é. RO. a été engagé en qualité de rédacteur principal au sein de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives (CCIN) pour une période d'un an à compter du 14 décembre 2011.
Par contrat en date du 14 décembre 2012, é. RO. a été engagé en qualité d'administrateur juridique au sein de la CCIN pour une durée de deux ans à compter du 14 décembre 2012.
Le 7 novembre 2014, un avis de recrutement d'un administrateur juridique à la CCIN est paru au Journal de Monaco et ce dernier a présenté sa candidature à ce poste.
Le 23 février 2015, il a été informé que sa candidature n'avait pas été retenue aux motifs qu'un autre candidat de nationalité monégasque remplissait les conditions d'aptitude requises pour occuper ce poste.
Ayant obtenu la meilleure moyenne aux épreuves de recrutement, tandis que la candidate monégasque retenue avait eu une moyenne inférieure, é. RO. par courrier en date du 15 avril 2015 adressé au président de la CCIN, a contesté le non renouvellement de son contrat d'administrateur juridique et a réclamé une indemnité de départ ainsi que le versement de l'équivalent des trois années de salaires auxquelles il aurait pu prétendre.
Par courrier en date du 14 avril 2015, le Directeur des Ressources humaines et de la Formation de la Fonction publique lui a répondu qu'il ne remplissait pas l'ensemble des conditions lui permettant de prétendre au bénéfice de l'indemnité de départ.
Par courrier en date du 19 juin 2015, le Président de la CCIN lui a indiqué qu'en application de la priorité d'accès des monégasques aux emplois publics que la candidature d'une personne de nationalité monégasque remplissant les conditions d'aptitude exigées avait été retenue.
Par acte en date du 12 janvier 2016, é. RO. a fait assigner devant le Tribunal de première instance la CCIN et l'État de Monaco représenté par le Ministre d'État, afin de voir :
dire qu'il remplit les conditions pour recevoir une indemnité de départ,
condamner l'État de Monaco à lui payer la somme de 17.584,14 euros à ce titre,
dire qu'il aurait dû être reçu au concours d'administrateur juridique à la CCIN,
dire que le non-renouvellement de son contrat ou son non réengagement est abusif,
condamner l'État de Monaco à lui payer la somme de 130.914,61 euros à titre de dommages et intérêts. Par jugement en date du 6 avril 2017, le Tribunal a statué comme suit :
rejette la fin de non-recevoir soulevée par é. RO. tirée de la prétendue intervention volontaire du Ministre d'État en son nom personnel,
rejette la fin de non-recevoir soulevée par le Ministre d'État, en sa qualité de représentant de l'État de Monaco, tirée de son défaut de qualité pour représenter l'État de Monaco, dans les litiges mettant en cause les décisions de la Commission de Contrôle des Informations nominatives,
dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause le Ministre d'État, en sa qualité de représentant de l'État de Monaco,
dit n'y avoir lieu à déclarer le Président de la CCIN habilité à représenter l'État de Monaco,
dit que l'État de Monaco, par son Président de la CCIN, a commis une faute en ne recrutant pas é. RO. au poste d'administrateur juridique à pourvoir selon l'avis de recrutement du 7 novembre 2014,
condamne l'État de Monaco à payer à é. RO. la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
déboute é. RO. de sa demande tendant au versement d'une indemnité de départ,
ordonne la compensation totale des dépens.
Par acte en date du 24 mai 2017 et par conclusions récapitulatives en date des 5 décembre 2017 et 6 mars 2018, l'État de Monaco, représenté par le Président de la CCIN a formé appel de ce jugement comme suit :
« Voir accueillir l'État de Monaco en son exploit d'appel et assignation comme recevable en la forme et mettre à néant le jugement du 6 avril 2017 en tant qu'il a :
dit n'y avoir lieu à déclarer le Président de la CCIN habilité à représenter l'État de Monaco,
dit que l'État de Monaco, par son Président de la CCIN, a commis une faute en ne recrutant pas é. RO. au poste d'administrateur juridique à pourvoir selon l'avis de recrutement du 7 novembre 2014,
condamné l'État de Monaco à payer à é. RO. la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Et statuant à nouveau, voir la Cour d'appel :
déclarer le Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives compétant pour représenter l'État, conformément à l'article 2, 13°) de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 relative à la protection des informations nominatives, modifiée,
rejeter, comme mal fondées, l'ensemble des demandes formées par Monsieur é. RO.
condamner Monsieur é. RO. aux entiers dépens, en ce compris tous frais et accessoires, tels que frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous son affirmation de droits ».
aux motifs essentiellement que :
la CCIN est bien une autorité administrative indépendante comme cela ressort des termes mêmes de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993,
la liberté de décision de la CCIN et son indépendance impliquent qu'elle dispose d'un pouvoir de représentation de l'État pour défendre ses décisions,
si elle n'est pas dotée de la personnalité morale elle dispose du pouvoir d'agir en justice au nom de l'État, s'agissant de la défense de ses propres décisions,
le Tribunal s'est mépris en retenant une lecture restrictive de l'article 2-13° de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993,
le Président de la CCIN représente l'État en justice à raison des activités au sens large de la Commission et notamment dans le cadre du contentieux de droit commun occasionné par ses activités,
la question de la responsabilité de l'État doit être distinguée de celle de sa représentation devant les juridictions,
sur le fond, il est développé la même argumentation que le Ministre d'État auquel il est renvoyé ci-après.
Par acte en date du 24 mai 2017 et par conclusions récapitulatives en date des 5 décembre 2017 et 6 mars 2018, l'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État, a formé appel de ce jugement comme suit :
« Voir accueillir l'État de Monaco représenté, selon le jugement du 6 avril 2017, par Son Excellence Monsieur le Ministre d'État, en son exploit d'appel et assignation comme recevable en la forme, et
À titre principal :
Mettre à néant le jugement du 6 avril 2017 en tant qu'il a :
rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Son Excellence Monsieur le Ministre d'État ainsi que sa demande de mise hors de cause,
dit n'y avoir lieu à déclarer le Président de la CCIN habilité à représenter l'État de Monaco.
À titre subsidiaire :
Mettre à néant le jugement du 6 avril 2017 en tant qu'il a :
dit que l'État de Monaco, par son Président de la CCIN, a commis une faute en ne recrutant pas é. RO. au poste d'administrateur juridique à pourvoir selon l'avis de recrutement du 7 novembre 2014,
condamné l'État de Monaco à payer à é. RO. la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Et statuant à nouveau, voir la Cour d'appel :
déclarer irrecevables les demandes de Monsieur é. RO. en tant qu'elles sont dirigées à l'encontre de Son Excellence Monsieur le Ministre d'État représentant l'État,
déclarer hors de cause Son Excellence Monsieur le Ministre d'État,
déclarer le Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives compétent pour représenter l'État, conformément à l'article 2, 13°) de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 relative à la protection des informations nominatives, modifiée,
rejeter comme mal fondé le surplus des conclusions de Monsieur é. RO.
condamner enfin Monsieur é. RO. aux entiers dépens, en ce compris tous frais et accessoires, tels que frais de greffe et d'enregistrement, d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traduction éventuels, dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, Avocat-défenseur, sous son affirmation de droit ».
aux motifs essentiellement que :
sur la capacité à ester en justice, il est développé la même argumentation que celle du Président de la CCIN tant sur la qualité d'autorité administrative indépendante de la CCIN que sur les conséquences de l'absence de personnalité morale et sur la portée de l'habilitation légale pour ester en justice qui lui est consentie par la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993,
de plus, les dispositions relatives à la représentation de l'État présentes au Code de procédure civile peuvent avoir été modifiées par le texte précité,
le jugement est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a considéré que ce texte n'avait pas créé d'exception au principe selon lequel seul le Ministre d'État représente l'État de Monaco en justice,
les demandes d'é. RO. en ce qu'elles sont fondées sur les décisions de non-renouvellement de son contrat et de recrutement d'un autre candidat prises par la CCIN ne devaient pas être dirigées contre l'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État,
la priorité aux emplois est un principe constitutionnel qui s'applique à la seule condition qu'un candidat monégasque ait l'aptitude à exercer l'emploi, peu importe qu'un candidat étranger présente des qualités techniques supérieures,
l'administration doit seulement s'assurer que le candidat monégasque remplit les conditions d'aptitude exigées pour occuper le poste à pourvoir et l'organisation d'épreuves permet cette vérification des aptitudes,
la comparaison des qualités des candidats ne peut intervenir qu'entre candidats de même niveau de priorité et le classement n'a pas vocation à s'appliquer qu'entre postulants monégasques ou entre postulants étrangers,
ces règles constamment appliquées ne nécessitent pas d'être rappelées dans chaque avis de recrutement ou de concours,
les épreuves organisées avaient une double finalité, d'abord contrôler l'aptitude des candidats en précisant qu'étaient aptes les candidats ayant obtenu une moyenne générale de 10 sur 20, puis classer les candidats, mais seulement s'il était nécessaire de départager plusieurs candidats monégasques aptes ou de départager plusieurs candidats étrangers aptes en l'absence de candidat monégasque apte,
le texte de l'avis est univoque et conforme au principe de priorité nationale,
ce principe emporte préférence du candidat monégasque même si un candidat étranger présente des qualités supérieures,
conformément à ce principe, la postulante monégasque ayant obtenu 14,5 a été recrutée, le classement n'ayant pas lieu d'être entre deux candidats ne relevant pas de la même catégorie,
en ayant procédé de la sorte, sans dédoubler les épreuves en organisant d'abord un concours réservé aux monégasques et en cas de résultat infructueux, un concours ultérieur pour les étrangers, la CCIN a gagné du temps et a évité le risque de mise en cause de l'égalité de traitement entre les monégasques et les étrangers,
un agent ne peut prétendre au versement de son traitement que s'il a accompli son service, conformément à la règle du service fait consacré par le Tribunal Suprême,
à défaut de service fait, é. RO. ne peut réclamer une indemnisation correspondant au montant de la rémunération qu'il aurait perçue si son engagement s'était poursuivi,
le non-renouvellement de son contrat ne peut être assimilé à la situation de fonctionnaires ou d'agents en service mais dépourvus d'affectation, et ne lui permet pas de bénéficier d'un rappel de traitement,
ce sont les choix personnels d'é. RO. qui est parti étudier à l'étranger, qui l'ont privé de revenus pendant la période correspondant à celle du contrat qu'il n'a pas conclu avec la CCIN,
ce préjudice n'est pas imputable aux prétendues fautes de l'État,
selon l'annexe I du contrat du 16 janvier 2012, les 17 mois pendant lesquels é. RO. a été employé en qualité de suppléant ne doivent pas être pris en compte dans le calcul de l'ancienneté ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité de départ,
suivant courrier en date du 11 décembre 2014, il a accepté d'exercer ses fonctions en qualité de suppléant,
le cumul des années dans les différents postes ne peut être admis,
les périodes de service durant lesquelles il était surveillant ne doivent pas être prises en considération, et en tout état de cause, l'intimé ne justifie pas de cinq années ininterrompues de service durant lesquelles il n'était pas suppléant.
Par conclusions distinctes en date des 3 octobre 2017, 25 janvier 2018 et 10 avril 2018, dirigées tant contre le Président de la CCIN que l'ÉTAT DE MONACO, é. RO. a formé appel incident en ces termes :
« Joindre les deux instances introduites le 24 mai 2017,
Recevoir Monsieur é. RO. en son appel incident et l'y déclaré fondé. Par conséquent :
réformer le jugement du 6 avril 2017,
dire que le Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives n'a aucune habilitation légale ou capacité pour représenter l'État de Monaco,
dire que l'État de Monaco est représenté par son Ministre d'État conformément aux articles 139 et 153, 1°, du Code de procédure civile,
déclarer irrecevable l'appel de l'État de Monaco formalisé par » l'État de Monaco, régulièrement représenté par le Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives «,
déclarer Monsieur é. RO. recevable en son action et en ses demandes contre l'État de Monaco,
dire que Monsieur é. RO. remplit les conditions pour recevoir une indemnité de départ,
condamner l'État de Monaco à payer à Monsieur é. RO. la somme de 17.584,14 euros à titre d'indemnité de départ,
dire que Monsieur é. RO. aurait dû être reçu au concours d'administrateur juridique à la Commission de Contrôle des Informations Nominatives,
dire par conséquent que le non-renouvellement de son contrat ou son non réengagement est abusif,
condamner l'État de Monaco à payer la somme de 130.914,61 euros à titre de dommages et intérêts à Monsieur é. RO.
débouter l'État de Monaco de son appel formalisé au nom de » l'État de Monaco, représenté, selon le jugement intervenu le 6 avril 2017, au sens de l'article 139 du Code de procédure civile par Son Excellence Monsieur le Ministre d'État,
le condamner aux entiers dépens de première instance au profit de Maître Jean-Pierre LICARI aux droits duquel vient Sarah FILIPPI en qualité d'administrateur ad hoc et d'appel distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation «,
aux motifs essentiellement que :
il y a lieu de joindre les deux instances en raison du lien étroit qui les unit,
l'appel du Président de la CCIN est irrecevable dans la mesure où il n'a pas qualité pour agir en justice pour représenter l'État de Monaco,
son action a été dirigée contre l'État de Monaco dans la mesure où celui-ci était son employeur et il a mis en cause la CCIN afin que celle-ci puisse s'expliquer sur les décisions qu'elle a prises à son égard,
aucun texte ne prévoit en cette matière la représentation de l'État par la CCIN ou son président, l'État opère une confusion entre l'action administrative de la CCIN et ses possibilités d'action en justice,
si la CCIN peut ester en justice, ce n'est que dans le cadre de sa mission de protection des informations nominatives et non pour représenter l'État dans le cadre d'une action en responsabilité et il n'existe que deux exceptions à la représentation de l'État par le Ministre d'État, énoncées à l'article 139 du Code de procédure civile,
il connaissait et remplissait les conditions pour exercer les fonctions d'administrateur juridique au sein de la CCIN puisqu'il les occupait depuis trois ans,
un concours a été organisé afin d'apprécier les aptitudes des candidats et il était en lice avec une candidate de nationalité monégasque qui a obtenu une note inférieure à la sienne,
la priorité aux emplois publics réservée aux monégasques ne s'applique qu'en cas d'aptitudes égales,
la loi ne fait pas de la nationalité monégasque un facteur exclusif de priorité,
si le résultat du concours était indifférent dès lors que le candidat de nationalité monégasque était prioritaire, il était inutile d'organiser un concours ou uniquement pour départager plusieurs postulants de nationalité monégasque,
le propre du concours est d'opérer un classement par les notes ; le premier réussissant le concours, et non de tenir compte des notes en tant qu'elles sont supérieures ou inférieures à la moyenne,
dans ce dernier cas, il s'agit d'un examen qu'il suffisait à la CCIN d'organiser pour vérifier si la candidate monégasque avait la moyenne afin de la recruter et que si tel n'avait pas été le cas, un concours pouvait être organisé ensuite entre les postulants non monégasques pour les départager,
l'État de Monaco n'a pas défini la condition d'aptitude, ni fournit d'explication sur les critères de départage entre candidats,
il a droit à une somme équivalente aux salaires qu'il aurait perçus pendant trois années s'il avait été engagé,
la règle de la rémunération après service fait que lui oppose l'État de Monaco n'est pas applicable puisque la CCIN ne lui a pas permis de faire son service en ne renouvelant pas de manière fautive son contrat,
sa demande est de nature indemnitaire et ne consiste pas en une réclamation de sa rémunération,
depuis le non-renouvellement de son contrat, il a étudié à l'étranger et n'était pas inscrit comme demandeur d'emploi,
l'article 34 du règlement général applicable aux agents contractuels ou suppléants de l'État et sa circulaire d'application lui permette de prétendre au versement d'une indemnité de départ,
aucun type de contrat n'est exclu et il n'est pas exigé d'avoir occupé le poste durant cinq années consécutives,
le cumul des années dans différents postes doit être admis et il n'était pas placé en position de suppléance pour la période de janvier à avril 2015,
ses droits acquis antérieurement ont été conservés au cours de cette période.
Par conclusions distinctes en date du 9 mars 2018, le Procureur Général a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir soulevée par le Ministre d'État au motif que l'employeur de RO. dans le cadre des deux contrats d'engagement qu'il a signés était l'État de Monaco et à sa réformation sur le fond au motif que le principe constitutionnel de la priorité nationale conduit non pas à départager des candidats ayant la même note dans un concours en faveur du candidat monégasque mais à vérifier que ce candidat présente l'aptitude requise pour l'emploi soumis au concours et à le recruter même si ses résultats sont moins bons que ceux des autres candidats.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu en premier lieu, qu'il convient dans le souci d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des instances enrôlées sous les n° 2017/000155 et n° 2017/000156 qui concernent le même litige ;
Attendu en second lieu, que les dispositions du jugement ayant rejetées la fin de non-recevoir soulevée par é. RO. relative à l'intervention volontaire du Ministre d'État, ne sont pas critiquées et sont donc définitives ;
Sur la recevabilité des appels
Attendu que RO. soulève l'irrecevabilité de l'appel formé par le Président de la Commission de Contrôle des Informations nominatives (CCIN) pour défaut de capacité d'ester en justice en cette matière ;
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 139 du Code de procédure civile, l'État est représenté dans les exploits, par le Ministre d'État ;
Que l'article 2 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 relative à la protection des informations nominatives prévoit que la CCIN est notamment chargée, en toute indépendance, » d'ester en justice aux fins et dans les conditions prévues par la présente loi « ;
Que les articles 18-1, 18-2 et 19 de ce texte précisent les conditions dans lesquelles la CCIN agit en justice au regard des missions légales qui lui sont dévolues ;
Qu'ainsi, le président de la CCIN peut ester en justice dans des cas limités et selon des règles procédurales précises, soit pour permettre le contrôle de la mise en œuvre de traitement d'informations nominatives, soit pour obtenir la cessation des irrégularités persistantes dans le traitement d'informations nominatives ;
Qu'il s'ensuit que ce texte ne crée pas d'exception au principe, selon lequel seul le Ministre d'État représente l'État de Monaco dans les actions en justice, sauf en ce qui concerne le service administratif de l'Assemblée ou de la Justice ;
Que par ailleurs, les personnels de la CCIN sont soumis aux règles applicables aux fonctionnaires et agents de l'État, lequel a la qualité d'employeur à leur égard ;
Que contrairement à ce qui est soutenu par le Président de la CCIN, celui-ci n'est pas habilité à représenter l'État de Monaco dans une instance dirigée contre l'État en responsabilité du fait de la CCIN résultant du non-engagement d'é. RO. et aux fins d'obtenir le versement d'une indemnité de départ due en exécution de contrats d'engagement ;
Que, dans ces conditions, son appel sera déclaré irrecevable ;
Attendu par contre, que les appels du Ministre d'État et d'é. RO. sont régulièrement formés et sont donc recevables ;
Attendu par ailleurs, que seul le Ministre d'État pouvant représenter l'État de Monaco dans la présente instance, la fin de non-recevoir soulevée par ce dernier tendant à sa mise hors de cause au bénéfice du président de la CCIN a justement été rejetée par les premiers juges, ce pour les mêmes motifs ci-dessus développés et le jugement sera donc confirmé de ce chef et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à déclarer le Président de la CCIN habilité à représenter l'État de Monaco ;
Sur le non-recrutement de RO. aux fonctions d'administrateur juridique à la CCIN
Attendu que l'article 25 de la Constitution dispose que la priorité est assurée aux Monégasques pour l'accession aux emplois publics et privés, dans les conditions prévues par la loi ou les conventions internationales ;
Qu'aux termes de l'article premier de la loi n° 188 du 18 juillet 1934 relative aux fonctions publiques, les fonctions publiques de l'État, de la commune et des établissements reconnus d'utilité publique, seront attribuées par priorité aux Monégasques qui rempliront les conditions d'aptitude exigées sous réserve des accords avec le Gouvernement français ;
Que selon l'article 20 de la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État, sous réserve des emplois supérieurs pour lesquels les nominations sont laissées à la seule décision de l'autorité compétente, les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours ouverts aux candidats possédant les diplômes exigés ou justifiant de l'accomplissement d'études déterminées et aux candidats fonctionnaires ou agents en fonction ayant accompli une durée minimale de service public ;
Que l'article 9 de l'Ordonnance n° 6.365 du 17 août 1978 fixant les conditions d'application de la loi précitée prévoit que les concours sont ouverts par des arrêtés ministériels qui mentionneront notamment :
1° le nombre, la nature et, s'il y a lieu, la catégorie des emplois mis au concours ainsi que les indices hiérarchiques minimaux et maximaux caractérisant les échelles indiciaires y afférentes,
2° le cas échéant, l'obligation de posséder la nationalité monégasque, l'âge minimal et maximal des candidats ainsi que, pour certaines fonctions, les conditions d'aptitude physique particulières qu'ils doivent remplir,
3° les conditions minimales d'aptitude dont doivent justifier les candidats,
4° la durée minimale de service exigée, pour l'application soit de l'article 7, soit de l'article 8,
5° les délais impartis pour présenter les candidatures et les pièces à produire à l'appui de celles-ci,
6° la nature du concours, s'il est sur pièces ou sur épreuves ; dans ce dernier cas, seront précisés le nombre, le programme, l'objet et les conditions des épreuves, les coefficients de notation, les notes maximales et, le cas échéant, les notes éliminatoires,
7° les noms et qualités des membres composant le jury des concours ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'organisation d'un concours n'est exigée que pour assurer le recrutement de fonctionnaires en vue de leur nomination à des emplois permanents ;
Qu'en l'espèce, l'avis de recrutement en date du 7 novembre 2014 émis par le Président de la CCIN était rédigé comme suit :
» Le Président de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives fait savoir qu'il va être procédé au recrutement d'un Administrateur Juridique à la Commission de Contrôle des Informations Nominatives pour une durée déterminée, la période d'essai étant de trois mois.
Les conditions à remplir sont les suivantes :
posséder un diplôme de l'enseignement supérieur de niveau Baccalauréat + 4 dans le domaine du droit privé,
disposer d'une expérience professionnelle de deux années dans le domaine de la protection des données personnelles,
posséder des compétences en matière d'analyse de texte de nature légale ou réglementaire et maîtriser parfaitement l'expression écrite,
maîtriser suffisamment l'anglais juridique pour pouvoir comprendre et rédiger des documents dans cette langue,
avoir une aptitude au travail en équipe et au dialogue,
maîtriser l'utilisation des outils informatiques,
faire preuve d'une grande disponibilité,
la possession d'un diplôme de 3e cycle dans le domaine du droit privé serait appréciée,
un concours sur épreuves pourra être organisé à l'effet d'apprécier l'aptitude et les compétences professionnelles des postulants, et le cas échéant, de les départager.
Conformément à la loi, la priorité d'emploi sera réservée aux candidats de nationalité monégasque. « ;
Que s'agissant d'un emploi d'agent contractuel, l'organisation d'un concours pour assurer ce recrutement ne s'imposait pas et d'ailleurs, cet avis ne l'envisageait que comme une simple possibilité ;
Qu'ainsi, en optant pour le procédé du concours afin de pourvoir l'emploi litigieux, la CCIN se devait d'en expliciter le cadre et le régime applicables ;
Qu'à cet égard, les dispositions légales et réglementaires applicables à la fonction publique monégasque qui exigent l'organisation d'un concours pour la nomination des fonctionnaires prévoient expressément de retenir ou non la nationalité parmi les conditions requises pour être admis à concourir ;
Qu'au cas d'espèce, la question de nationalité n'a été abordée dans l'avis de recrutement que par le rappel de la priorité d'emploi réservée aux candidats monégasques ;
Attendu que cette priorité de recrutement ne porte pas atteinte par elle-même au principe d'égalité entre les candidats pour ce concours dès lors que celle-ci ne s'appliquait qu'aux candidats monégasques et qu'au cas où plusieurs candidats au poste à pourvoir d'une même catégorie seraient classés au même rang, ceux-ci seraient alors départagés selon leur mérite ;
Que d'ailleurs, le Président de la CCIN dans la lettre de convocation, en date du 17 décembre 2014 adressée aux quatre candidats postulants, a souligné ce choix de la procédure de recrutement comme suit : » (...) je me permets de porter à votre connaissance qu'un concours va être organisé au mois de janvier aux fins de départager les différents candidats. « ;
Que la procédure de sélection commune aux monégasques et non-monégasques qui a été retenue apparaît complexe en ce qu'elle instaure un double régime selon la nationalité du candidat, simple vérification de l'aptitude pour le candidat monégasque et véritable concours sur le seul critère du mérite pour le candidat étranger ;
Qu'en effet, le candidat monégasque n'est soumis qu'à la vérification de ses aptitudes par l'obtention d'une moyenne générale de 10/20 et ce n'est qu'au cas de plusieurs candidats monégasques aptes que ceux-ci étaient classés au mérite et subsidiairement en cas d'absence de candidat monégasque apte, que les candidats étrangers également aptes sont alors départagés entre eux en fonction du mérite ;
Que la formule figurant dans l'avis de recrutement : » Un concours sur épreuves pourra être organisé à l'effet d'apprécier l'aptitude et les compétences professionnelles des postulants, le cas échéant, de les départager « recouvre cette réalité et la CCIN a donc opéré une sélection des candidats en fonction de leur nationalité pour respecter le principe de priorité d'emploi ;
Que cette méthode de recrutement n'est pas contraire au principe d'égalité entre les candidats selon qu'il bénéficie ou non de la priorité d'emploi, et dès lors il ne peut lui être reproché de ne pas avoir recruté é. RO. au poste d'administrateur juridique ;
Qu'il convient néanmoins de relever, que ni l'avis de recrutement, ni la lettre de convocation de la CCIN, ni aucun autre document communiqué aux candidats ne précisent le régime distinct applicable à chaque candidat en fonction de sa nationalité ;
Que contrairement à ce qui est affirmé par l'État de Monaco, il n'est fait état d'aucune disposition législative ou réglementaire précisant dans ce cas de figure les modalités de sélection en présence de candidats pouvant bénéficier de la priorité d'emploi ;
Qu'il appartenait à la CCIN, conceptrice de cette procédure de sélection sans dédoublement des épreuves, de fournir de manière explicite l'ensemble de ces éléments aux candidats, que ce défaut d'information et de toutes précisions sur le caractère subsidiaire du classement au mérite en présence d'un seul candidat monégasque étant jugé apte, apparaît constitutif d'un manquement de la CCIN de nature à engager la responsabilité de l'État de Monaco ;
Qu'en l'espèce, é. RO. apparaît bien fondé à se prévaloir d'un préjudice moral caractérisé par la déception et le sentiment d'injustice qu'il a éprouvé à la suite de son absence de recrutement par la CCIN par suite de ce défaut d'information, lequel peut être fixé à la somme de 10.000 euros ;
Qu'en conséquence, le jugement sera réformé en ce sens ;
Sur l'indemnité de départ
Attendu que selon l'article 34 du Règlement Général applicable aux agents contractuels ou suppléants de l'État, l'agent contractuel qui justifie de cinq années au moins d'activité continue, dont l'engagement à durée déterminée venu à échéance n'est pas renouvelé, a droit à une indemnité de départ selon les modalités fixées par une circulaire de l'Administration ;
Que l'article 29 du contrat d'engagement du 14 décembre 2012 prévoit qu'après cinq années au moins d'activité continue, et dans le cas où l'engagement à durée déterminée venu à échéance n'est pas renouvelé du fait de la CCIN, l'Agent de l'État a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de départ selon des modalités fixées par le Directeur des Ressources humaines et de la Formation de la Fonction publique ;
Que l'annexe 1 » Conditions d'attribution de l'indemnité de congédiement et de l'indemnité de départ ", joint au contrat précité prévoit qu'une indemnité de départ est accordée à l'Agent de l'État dont l'engagement à durée déterminée, venu à échéance, ne serait pas renouvelé alors qu'il l'a été, sans interruption, pendant au moins cinq ans ;
Que le Tribunal a retenu, à juste titre, que pour prétendre à une indemnité de départ, l'agent devait justifier au préalable de cinq années au moins d'activité sans interruption au même poste et que même si é. RO. avait été engagé pendant plus de cinq années, il avait occupé des postes différents au sein de divers services administratifs, en vertu de plusieurs contrats d'engagement d'une durée maximale ne dépassant pas deux années, de sorte qu'il ne justifiait pas d'une période de cinq années d'activité continue dans le même poste, ou à tout le moins selon le même engagement ;
Que dès lors, ce dernier a été débouté, à bon droit, de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point ;
Attendu que l'État de Monaco qui succombe sur le principe de son appel sera condamné aux dépens de la présente instance ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2017/000155 et 2017/000156,
Constate que sont définitives les dispositions du jugement ayant rejetées la fin de non-recevoir soulevée par RO. relative à l'intervention volontaire du Ministre d'État,
Déclare irrecevable l'appel du Président de la CCIN,
Reçoit les appels formés par l'État de Monaco représenté par le Ministre d'État et par é. RO.
Confirme le jugement en date du 6 avril 2017 sauf en ce qu'il a condamné l'État de Monaco à payer à é. RO. la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne l'État de Monaco à payer à é. RO. la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne l'État de Monaco aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur é. SENNA, Conseiller, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 28 SEPTEMBRE 2018, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.