Cour d'appel, 26 juin 2018, Monsieur s. HE. et Mademoiselle a., s., m. HE c/ Madame h. ST. née CO., Mademoiselle a., s., m. HE. et Monsieur s., a. HE.

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Abstract🔗

Procédure civile - Demande de jonction d'instance - Nullité des attestations - Moyen nouveau (oui) - Nullité de l'assignation - Élection de domicile - Huissier - Signification des actes judiciaires - Preuve - Force probante - Dommages et intérêts (non)

Résumé🔗

La demande de nullité des attestations, formée pour la première fois devant la Cour, ne saurait être déclarée irrecevable, dès lors qu'elle ne constitue pas une nouvelle demande, mais s'analyse comme un moyen nouveau dont l'invocation au stade de l'appel n'est pas prohibée par l'article 431 du Code de procédure civile. Par ailleurs les dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile relatif aux attestations produites en justice sont prescrites à peine de nullité.

En l'espèce, les attestations produites par l'intimée Madame ST sous les numéros 11, 12, 13 et 14 ne sont pas conformes aux exigences de l'article 324 du Code de procédure civile et doivent être déclarées nulles.

Enfin, si l'article 324-4° dudit Code impose à l'auteur de l'attestation de préciser s'il a quelque intérêt au procès, il ne lui impose pas de mentionner qu'il n'en a aucun.

Ainsi, dans ces conditions, l'attestation établie par Madame CA, produite par l'intimée Madame ST sous le n° 7, ne saurait être déclarée nulle au seul motif qu'elle ne mentionne pas son absence d'intérêt au procès, alors qu'il n'est pas prétendu qu'elle en aurait un, et que l'attestation mentionne un lien de subordination entre son auteur et Madame ST.

Pour ce qui est de la nullité de l'assignation tirée de la violation des dispositions de l'article 136 du Code de procédure civile, il convient de rappeler que ce dernier énonce les mentions que doit contenir tout exploit d'huissier. En application de l'article 155 du même Code, les prescriptions de l'article 136 doivent être observées à peine de nullité. Par ailleurs l'article 138 du même Code, impose une élection de domicile dans la Principauté, contenue dans l'exploit, lorsque le requérant ne possède ni domicile, ni résidence.

En l'espèce, l'intimée Madame ST soutient que l'adresse du domicile des requérants qui figure dans l'assignation qui lui a été délivrée le 25 février 2014 est erronée, et fait grief aux premiers juges d'avoir retenu que l'élection de domicile qui y est faite répond à l'indication de domicile prescrite à l'article 136 alinéa 2 du Code de procédure civile. Mais, il convient de souligner que l'absence de mention du pays n'est pas de nature à rendre la désignation imprécise puisque l'adresse mentionnée est celle d'un immeuble dépendant de la succession que l'intimée Madame ST a elle-même occupé, ainsi que le tribunal l'a à juste titre retenu.

L'intimée considère que les documents produits par les consorts HE pour établir la réalité de leur domicile sont dépourvus de force probante, en ce qu'émanant de l'Office cantonal de la population et des migrations, les renseignements qu'ils contiennent sont fournis sur la base des données communiquées par les déclarants, enregistrées à cet Office et n'impliquent aucune responsabilité de l'État, dans le cas où ils ne se trouvent pas conformes à la réalité.

Ainsi, selon les informations versées aux débats, l'inexactitude du domicile des requérants figurant dans l'assignation introductive d'instance du 25 février 2014 n'est pas établie, et ne résulte pas de leur changement d'adresse déclaré dans le cadre de la procédure d'appel.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement qui a écarté le moyen de nullité tiré de la violation des dispositions de l'article 136 du Code de procédure civile, l'élection de domicile en Principauté étant en l'espèce indifférente.

En l'espèce, l'acte d'assignation du 25 février 2014 mentionne qu'il a été délivré par Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET en personne. Il est, cependant, établi par les pièces produites et notamment par un écrit émanant de l'huissier lui-même, qu'il n'a pas personnellement instrumenté, mais se serait fait, à cette fin, suppléer par un clerc assermenté. Ainsi, l'acte d'assignation signé par l'huissier ne fait nulle mention de cette suppléance, de sorte qu'il ne permet pas de s'assurer du respect des formalités légales.

À cet égard, il est indifférent que l'huissier ait visé sur l'original de l'acte les mentions portées par le clerc assermenté, le défendeur qui s'est vu remettre la copie de l'acte n'en ayant pas eu connaissance.

Toutefois, le formalisme imposé à peine de nullité par l'article 84 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration judiciaire ne saurait en l'espèce être qualifié d'excessif, dès lors qu'il reste loisible aux consorts HE de faire délivrer une nouvelle assignation, laissant intact leur droit d'accès au juge consacré par l'article 6 de la Convention des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de l'assignation délivrée le 25 février 2014 sur le fondement de l'article 84 la loi n° 1.398 du 24 juin 2013.

Enfin, sur les dommages et intérêts et l'astreinte, il y a lieu de confirmer le jugement qui a débouté les consorts HE de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts et d'injonction de conclure sous astreinte, dès lors qu'ils succombent en leur appel.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 26 JUIN 2018

I. - En la cause n° 2016/000130 (appel parte in qua et assignation du 12 février 2016) :

- Monsieur s. HE., né le 21 août 1985, célibataire, demeurant X1 - Suisse ;

Mademoiselle a., s., m. HE., née le 17 juin 1982, célibataire, demeurant X2 - 1223 Cologny - Genève - Suisse ;

Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTS,

d'une part,

contre :

- Madame h. ST. née CO., le 8 novembre 1958 à Petah Tikva (Israël), demeurant à Monaco - X3 X3 ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

II. - En la cause n° 2016/000145 (appel parte in qua et assignation du 11 mars 2016) :

- Madame h. ST. née CO., le 8 novembre 1958 à Petah Tikva (Israël), sans profession, domiciliée X3 X3 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

Mademoiselle a., s., m. HE., née le 17 juin 1982, célibataire, demeurant X4 - 1253 Vandœuvres (domicile tel que mentionné dans son exploit introductif d'instance du 25 février 2014) ;

- Monsieur s., a. HE., né le 21 août 1985, célibataire, demeurant X4 - 1253 Vandœuvres (domicile tel que mentionné dans son exploit introductif d'instance du 25 février 2014) ;

Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉS,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 28 janvier 2016 (R.2676) ;

Vu l'exploit d'appel parte in qua et assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 12 février 2016 (enrôlé sous le numéro 2016/000130) ;

Vu l'exploit d'appel parte in qua et assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 11 mars 2016 (enrôlé sous le numéro 2016/000145) ;

Vu les arrêts avant dire droit en date du 27 juin 2017 ;

Vu les conclusions déposées le 19 décembre 2017 par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de Madame h. ST. née CO. ;

Vu les conclusions déposées le 20 mars 2018 par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de Monsieur s. HE. et Mademoiselle a., s., m. HE. ;

À l'audience du 17 avril 2018, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur les appels relevés à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 28 janvier 2016 (R.2676), par :

- Monsieur s. HE. et Mademoiselle a., s., m. HE. (rôle 2016/000130),

- Madame h. ST. née CO. (rôle 2016/000145).

Considérant les faits suivants :

Faisant suite au décès survenu le 3 mars 2013 de p. HE., de nationalité suisse, demeurant à Monaco, ses deux enfants a. HE. et s. HE. ont fait assigner Madame h. ST., compagne du défunt, devant le Tribunal de première instance par exploit du 25 février 2014, à l'effet d'obtenir notamment la remise de tous les biens leur revenant restés en possession de celle-ci, et la réduction des donations entre vifs et des dispositions de dernière volonté.

En réponse, h. ST. a demandé à titre principal au Tribunal de prononcer la nullité de l'assignation, invoquant la violation de l'article 136-2° du Code de procédure civile, en ce que l'adresse des requérants mentionnée dans l'exploit introductif d'instance est erronée, et la non-conformité de l'acte aux dispositions de l'article 84 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013, en ce qu'il ne mentionne pas qu'il a été délivré par un clerc et en ce que l'huissier n'a pas au préalable visé l'original et les copies de l'exploit et n'a pas davantage visé les mentions portées par le clerc.

Le Tribunal de première instance a, par jugement du 28 janvier 2016 :

  • prononcé la nullité de l'assignation délivrée le 25 février 2014 à la requête d a. et de s. HE., sur le fondement de l'article 84 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013,

  • rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,

  • condamné a. et s. HE. aux dépens distraits au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Pour statuer ainsi le Tribunal a retenu que :

  • h. ST. ne peut sérieusement soutenir que le pays n'est pas mentionné alors que l'adresse est celle d'un immeuble dépendant de la succession qu'elle a elle-même occupé,

  • l'élection de domicile en Principauté des requérants permet de pallier la prétendue absence de mention du domicile réel ou l'adresse erronée des demandeurs,

  • les pièces produites par h. ST. démontrent qu'elle n'ignore pas où les demandeurs demeurent, de sorte que l'exécution forcée n'est nullement rendue impossible,

  • il est établi que l'exploit d'assignation n'a pas été délivré par l'huissier contrairement aux mentions qu'il comporte,

  • cette inexactitude suffit à invalider l'assignation, dès lors qu'elle ne permet pas de s'assurer que les formalités légales ont bien été respectées.

  • s. et a. HE. ont interjeté appel du jugement par exploit du 12 février 2016, demandant à la Cour de :

  • les recevoir en leur appel « parte in qua »,

  • réformer et mettre à néant le jugement du 28 janvier 2016 en ce qu'il a déclaré nulle l'assignation du 25 février 2014 pour non-respect des dispositions de l'article 84 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013,

  • voir déclarer nulle l'attestation de Madame CA. (pièce adv.7) celle-ci n'étant pas conforme aux dispositions de l'article 324-3°-4° du Code de procédure civile,

  • voir déclarer bonne et régulière en la forme l'assignation délivrée par eux le 25 février 2014 au domicile de Madame ST.,

  • voir condamner Madame ST. au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance manifestement désobligeante et dilatoire, puisque les exceptions de nullité lui ont permis de bénéficier de deux ans de délai et les ont contraints à se pourvoir en cause d'appel,

  • voir condamner Madame ST. aux entiers dépens tant de première instance que de cause d'appel, dont distraction au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

  • Cette procédure d'appel a été enrôlée sous le n° 2016/000130.

Madame h. ST. a de son côté interjeté appel du jugement du 28 janvier 2016 par assignation du 11 mars 2016, demandant à la Cour de :

  • la recevoir en son appel parte in qua,

  • réformer la disposition de la décision en ce qu'elle rejette toutes demandes plus amples ou contraires, et plus particulièrement la demande de h. ST., tendant au prononcé de la nullité de l'exploit d'huissier du 25 février 2014, au visa des articles 136, 155 et 966 du Code de procédure civile,

  • prononcer la nullité de l'exploit d'huissier du 25 février 2014, avec toutes conséquences de droit par application des articles 136, 155 et 966 du Code de procédure civile,

  • condamner a. et s. HE. aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Cette procédure d'appel a été enrôlée sous le n° 2016/000145.

Dans le cadre des deux instances pendantes, les consorts HE. ont déposé des écritures identiques :

  • le 20 mai 2016, maintenant leurs demandes, et sollicitant de la Cour qu'elle prononce la jonction des actes d'appel (SIC), qu'elle constate que Madame ST. n'a pas saisi les premiers juges d'une demande d'annulation de l'assignation délivrée le 25 février 2014 au domicile élu en l'Etude de Maître KARCZAG-MENCARELLI, et qu'elle la déboute de son appel portant sur la réformation du jugement,

  • le 6 juin 2017, aux fins de sursis à statuer dans l'attente de l'issue des pourparlers en cours entre les parties,

  • le 20 mars 2018, demandant à la Cour de :

  • dire et juger nulles les attestations produites par Madame ST. :

  • les attestations n° 11-12-14 étant dactylographiées et ne respectant aucune des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile,

  • l'attestation n° 13 au visa de l'article 324-1°-3°-4°-5° du Code de procédure civile,

  • l'attestation n° 7 de Madame CA., bien que manuscrite, celle-ci ne respectant pas les dispositions de l'article 324-4° dudit Code,

  • débouter Madame ST. de son exception de nullité tirée de l'article 163-2° du Code de procédure civile,

  • débouter Madame ST. de son moyen de nullité tiré de l'article 84 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013,

  • la condamner au paiement d'une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour incident manifestement dilatoire,

  • lui enjoindre de conclure au fond à la plus prochaine audience utile,

  • fixer une astreinte définitive non comminatoire de 100.000 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir (SIC) sur l'exception de nullité et/ou à compter de la mise en état fixée par Madame le Président du Tribunal de première instance (SIC),

  • la condamner aux entiers dépens de l'incident, avec distraction au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Au soutien de leurs demandes, les consorts HE. font valoir pour l'essentiel que :

  • ils ont fourni aux premiers juges tous les éléments de preuve de leur domiciliation,

  • la domiciliation mentionnée pour chacun des requérants dans l'exploit introductif d'instance, était exacte,

  • les éléments produits par Madame ST. pour contester cette domiciliation ne sont pas pertinents,

  • il convient de se référer à la jurisprudence de la Cour de Révision, selon laquelle la nullité de l'exploit introductif d'instance du fait d'une domiciliation inexacte du requérant ne peut être retenue, lorsqu'une élection de domicile en l'Etude d'un avocat-défenseur est intervenue,

  • l'article 84 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 ne prévoit la nullité de l'assignation délivrée par l'huissier que lorsque l'original et/ou la copie ne comporte pas la signature de l'huissier,

  • il est justifié que l'huissier a signé l'original de l'assignation ainsi que la copie de celle remise à Madame ST.,

  • le clerc significateur a indiqué les conditions de la délivrance de l'acte,

  • les arguties développées par Madame ST. sont inopérantes, infondées et témoignent d'une particulière mauvaise foi,

  • la jurisprudence qu'elle invoque est inapplicable puisque le formalisme imposé par l'article 84 a été respecté,

Madame ST. soutient à mot couvert que l'acte d'huissier serait un faux agrémenté de fausses déclarations et témoignages,

faire droit à la demande d'annulation dilatoire constituerait une atteinte au droit d'accès au juge consacré par l'article 6§1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.

En réponse, Madame ST. a conclu le 12 avril et le 5 juillet 2016, et le 19 décembre 2017, demandant à la Cour de :

  • débouter les consorts HE. des fins de leur appel parte in qua,

  • rejeter l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, comme étant inopérantes et sans fondement,

  • confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'assignation délivrée le 25 février 2014 sur le fondement de l'article 84 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013,

  • déclarer irrecevable la demande des consorts HE. en nullité de l'attestation de Madame CA., s'agissant d'une demande nouvelle au sens de l'article 431 du Code de procédure civile,

  • rejeter et écarter des débats les déclarations de Monsieur h. TA. du 3 février 2016 et de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET du 3 février 2016,

  • rejeter également la demande de dommages et intérêts des consorts HE., en ce qu'elle est inopérante et sans fondement,

  • lui donner acte de ce qu'elle se réserve de conclure au fond s'il n'était pas fait droit à sa demande de confirmation du jugement,

  • condamner solidairement les consorts HE. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Elle fait valoir que :

  • l'exploit d'assignation a été délivré le 25 février 2014 au domicile monégasque d h. ST. et à l'Etude de son avocat- défenseur,

  • il est établi par le témoignage de Madame CA., qui n'a pas été discuté en première instance, que l'assignation n'a pas été délivrée par Maître ESCAUT-MARQUET, contrairement aux mentions qu'elle comporte,

  • le recours à un clerc assermenté est strictement encadré par la loi,

  • l'huissier n'a pas visé au préalable l'original et les copies de l'exploit, ni les mentions portées par le clerc sur l'original, en méconnaissance de ce qui est prescrit à peine de nullité,

  • la signature de l'huissier figurant en dernière page de l'exploit est une copie,

  • aux termes de l'article 84 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 « l'huissier vise au préalable l'original et les copies des actes à signifier ; il vise également les mentions portées par le clerc assermenté sur l'original, le tout à peine de nullité »,

  • la décision de la Cour de Révision du 14 octobre 2015, à laquelle se réfèrent les consorts HE. ne saurait s'appliquer sur la seule considération de l'atteinte au droit d'accès au juge,

  • l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme prévoit le respect des règles de procédure,

  • la déclaration de l'huissier est sans portée dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.

Par ailleurs, au soutien de son appel h. ST. a conclu le 7 juin 2017 sollicitant le sursis à statuer dans l'attente de l'aboutissement des discussions engagées entre les parties, et enfin par conclusions du 19 décembre 2017, sollicitant le bénéfice de son exploit d'appel, le rejet des demandes des consorts HE., et qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve de conclure au fond .

Elle fait valoir que :

  • l'indication du domicile du requérant mentionné dans l'exploit d'huissier doit être conforme à la réalité,

  • la mention d'une élection de domicile ne dispense pas le demandeur d'indiquer dans son exploit d'assignation son adresse réelle,

  • elle demeure toujours dans l'ignorance de la connaissance du domicile des demandeurs,

  • il apparaît qu a. HE. n'a jamais habité à Vandœuvres et que s. HE. n'y réside plus régulièrement depuis le mois de mai 2013,

  • en application de l'article 23 alinéa 1 du Code civil suisse, le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir,

  • les éléments objectifs et subjectifs de la notion de domicile ne sont nullement réunis en l'espèce.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

1° - Sur la demande de jonction

Attendu que les procédures n° 2016/000130 et n° 2016/ 000145 se rapportent toutes deux à l'appel du jugement du 28 janvier 2016, que chacune des parties a interjeté ;

Que le lien qui existe entre ces deux procédures est tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble ;

Que la jonction de ces deux instances sera en conséquence ordonnée ;

2°- Sur la recevabilité des appels

Attendu que la recevabilité des appels, interjetés dans les formes et délais prescrits, n'est pas contestée ;

3°- Sur la nullité des attestations

Attendu que la demande de nullité des attestations, formée pour la première fois devant la Cour, ne saurait être déclarée irrecevable, dès lors qu'elle ne constitue pas une nouvelle demande, mais s'analyse comme un moyen nouveau dont l'invocation au stade de l'appel n'est pas prohibé par l'article 431 du Code de procédure civile ;

Attendu que par ailleurs les dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile relatif aux attestations produites en justice sont prescrites à peine de nullité ;

Que les attestations produites par Madame ST. sous les numéros 11, 12, 13 et 14 ne sont pas conformes aux exigences de l'article 324 du Code de procédure civile et doivent être déclarées nulles ;

Attendu qu'enfin, si l'article 324-4° dudit Code impose à l'auteur de l'attestation de préciser s'il a quelque intérêt au procès, il ne lui impose pas de mentionner qu'il n'en a aucun ;

Que dans ces conditions, l'attestation établie par Madame CA., produite par Madame ST. sous le n° 7, ne saurait être déclarée nulle au seul motif qu'elle ne mentionne pas son absence d'intérêt au procès, alors qu'il n'est pas prétendu qu'elle en aurait un, et que l'attestation mentionne un lien de subordination entre son auteur et Madame ST. ;

4°- Sur la nullité de l'assignation tirée de la violation des dispositions de l'article 136 du Code de procédure civile

Attendu que l'article 136 du Code de procédure civile énonce les mentions que doit contenir tout exploit d'huissier, au nombre desquelles figure « le domicile de la partie requérante et de la partie à laquelle l'exploit sera signifié, ou du moins une désignation précise de l'une et de l'autre » ;

Qu'en application de l'article 155 du même Code, les prescriptions de l'article 136 doivent être observées à peine de nullité ;

Que par ailleurs l'article 138 du Code de procédure civile, impose une élection de domicile dans la Principauté, contenue dans l'exploit, lorsque le requérant ni possède ni domicile, ni résidence ;

Attendu que Madame ST. soutient que l'adresse du domicile des requérants qui figure dans l'assignation qui lui a été délivrée le 25 février 2014 est erronée, et fait grief aux premiers juges d'avoir retenu que l'élection de domicile qui y est faite répond à l'indication de domicile prescrite à l'article 136 alinéa 2 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'en l'espèce, l'absence de mention du pays n'est pas de nature à rendre la désignation imprécise puisque l'adresse mentionnée est celle d'un immeuble dépendant de la succession que Madame ST. a elle-même occupé, ainsi que le Tribunal l'a à juste titre retenu ;

Attendu que Madame ST. considère que les documents produits par les consorts HE. pour établir la réalité de leur domicile sont dépourvus de force probante, en ce qu'émanant de l'Office cantonal de la population et des migrations, les renseignements qu'ils contiennent sont fournis sur la base des données communiquées par les déclarants, enregistrées à cet Office et n'impliquent aucune responsabilité de l'Etat, dans le cas où ils ne se trouvent pas conformes à la réalité ;

Mais attendu d'une part que les attestations émanant de l'Office cantonal mentionnent pour les personnes tenues de s'annoncer, l'obligation de fournir les renseignements nécessaires à l'établissement et à la tenue à jour du registre des habitants, et une peine encourue de 1.000 francs d'amende en cas de fourniture de renseignements inexacts ou erronés ;

Qu'il résulte de l'examen de ces attestations que des renseignements ont été fournis permettant de mettre à jour les registres, et qu a. HE. a résidé X4 du 1er mai 2008 au 9 avril 2014, tandis que s. HE. a résidé à cette adresse du 1er mai 2008 au 9 mai 2014 ;

Que la conclusion d'un bail par s. HE., à compter du 16 septembre 2013 portant sur une villa située à Choulex et les informations données par a. HE. au Registre du commerce lors de l'enregistrement de sa société en novembre 2003 ne suffisent pas à établir l'inexactitude des renseignements fournis à l'Office cantonal et l'inexactitude du domicile mentionné dans l'assignation ;

Que le procès-verbal d'huissier établi au mois de juillet 2014 ne l'établit pas davantage ;

Attendu que d'autre part Madame ST., qui affirme sans l'établir, que s. HE. n'était plus domicilié X4 depuis mars 2013 et qu a. HE. ne l'a jamais été, leur a fait délivrer, au mois de juillet 2014, à cette adresse commandement de payer, et que dans le courant des années 2013 et 2014, elle a initié à leur encontre des procédures devant les juridictions helvétiques dans lesquelles ils ont comparu, le domicile des défendeurs mentionné sur ses propres écritures étant situé X4 ;

Qu'ainsi l'inexactitude du domicile des requérants figurant dans l'assignation introductive d'instance du 25 février 2014 n'est pas établie, et ne résulte pas de leur changement d'adresse déclaré dans le cadre de la procédure d'appel ;

Attendu qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement qui a écarté le moyen de nullité tiré de la violation des dispositions de l'article 136 du Code de procédure civile, l'élection de domicile en Principauté étant en l'espèce indifférente ;

5°- Sur la nullité de l'assignation tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article 84 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013

Attendu que la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration judiciaire énonce le monopole des huissiers pour l'accomplissement des actes relevant de leur ministère ;

Qu'ils peuvent toutefois se faire suppléer, avec l'autorisation du Procureur Général, par un clerc assermenté, notamment pour la signification des actes judiciaires, l'article 84 de ladite loi imposant à l'huissier un visa préalable de l'original et des copies des actes à signifier, et des mentions portées par le clerc assermenté sur l'original, le tout à peine de nullité ;

Que la loi prévoit également les conditions de remplacement d'un huissier absent ou empêché ;

Attendu que les modalités de signification des actes judiciaires sont prescrites à peine de nullité et les formalités légales prévues permettent de s'assurer qu'elles ont été correctement accomplies dans le respect notamment des droits des justiciables ;

Attendu qu'en l'espèce, l'acte d'assignation du 25 février 2014 mentionne qu'il a été délivré par Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET en personne ;

Qu'il est cependant établi par les pièces produites et notamment par un écrit émanant de l'huissier lui-même, qu'il n'a pas personnellement instrumenté, mais se serait fait, à cette fin, suppléer par un clerc assermenté ;

Que toutefois l'acte d'assignation signé par l'huissier ne fait nulle mention de cette suppléance, de sorte qu'il ne permet pas de s'assurer du respect des formalités légales ;

Qu'à cet égard, il est indifférent que l'huissier ait visé sur l'original de l'acte les mentions portées par le clerc assermenté, le défendeur qui s'est vu remettre la copie de l'acte n'en ayant pas eu connaissance ;

Attendu que le formalisme imposé à peine de nullité par l'article 84 la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 ne saurait en l'espèce être qualifié d'excessif, dès lors qu'il reste loisible aux consorts HE. de faire délivrer une nouvelle assignation, laissant intact leur droit d'accès au juge consacré par l'article 6 de la Convention des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ;

Que dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de l'assignation délivrée le 25 février 2014 sur le fondement de l'article 84 la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 ;

6°- Sur les dommages et intérêts et l'astreinte

Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement qui a débouté les consorts HE. de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts et d'injonction de conclure sous astreinte, dès lors qu'ils succombent en leur appel ;

Attendu qu'il sera fait masse des dépens, lesquels seront supportés par moitié par les parties qui succombent respectivement en leur appel, et distraits au profit de Maître Alexis MARQUET et de Maître Didier ESCAUT, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les n° 2016/000130 et n° 2016/000145,

Reçoit a. et s. HE., d'une part, et h. ST. d'autre part en leur appel,

Déclare nulles les attestations produites par Madame ST. sous les numéros 11, 12, 13 et 14,

Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 28 janvier 2016 en toutes ses dispositions,

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par a. et s. HE., d'une part, et h. ST. d'autre part, distraits au profit de Maître Alexis MARQUET et de Maître Didier ESCAUT, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 26 JUIN 2018, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Premier substitut du Procureur général.3

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