Cour d'appel, 25 juin 2018, m. PA. c/ Le Ministère Public

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Abstract🔗

Infractions contre les personnes - Atteinte aux mineurs - Mise en péril des mineurs - Offre, diffusion, importation, exportation, détention et accession à des images ou représentations de mineurs présentant un caractère pédopornographique - Téléchargement de photographies et de vidéos - Représentation d'enfants dans des scènes à caractère sexuel - Sauvegarde et mise à disposition d'autres utilisateurs des images et vidéos.

Résumé🔗

Il est établi que le prévenu a, alors qu'il se trouvait à son domicile monégasque ou sur un navire amarré au port de Monaco dont il était le capitaine, accédé volontairement de manière habituelle à des photographies et vidéos à caractère pédopornographique en les téléchargeant après avoir effectué des recherches ciblées. En effet, l'examen de ses supports informatiques a permis la découverte de très nombreuses images représentant de jeunes enfants dans des scènes à caractère sexuel, incluant des scènes de zoophilie ou de torture, organisées méthodiquement, et dont il avait assuré la conservation en établissant des copies de sauvegarde. En outre, il a mis à la disposition des autres utilisateurs du logiciel qu'il utilisait des dossiers contenant des fichiers de nature pédopornographique. Plus précisément, il en protégeait le contenu à l'aide d'un mot de passe qu'il partageait avec d'autres utilisateurs afin de les autoriser à consulter et télécharger les images litigieuses. En conséquence, il convient de confirmer la condamnation du prévenu du chef d'offre, diffusion, importation, exportation, détention et accession à des images ou représentations de mineurs présentant un caractère pédopornographique.


Motifs🔗

Dossier PG n° 2015/000914

Cour d'appel correctionnelle

ARRÊT DU 25 JUIN 2018

En la cause de :

  • m. PA., né le 8 août 1959 à CARRARE (Italie), de c. et de e. PE., de nationalité italienne, sans emploi, demeurant via dei X1 - X1 (province de Lucques - Italie) et/ou X2 - X2 (province d'Imperia - Italie) ;

Prévenu de :

  • OFFRE, DIFFUSION, IMPORTATION, EXPORTATION, DÉTENTION ET ACCESSION À DES IMAGES OU REPRÉSENTATIONS DE MINEURS PRÉSENTANT UN CARACTÈRE PEDOPORNOGRAPHIQUE

ABSENT, représenté par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat près la Cour d'appel de Monaco, plaidant par ledit avocat ;

Détention préventive du 13 juin au 12 octobre 2015, placé sous contrôle judiciaire (ordonnance du Magistrat instructeur en date du 8 octobre 2015) ;

APPELANT / INTIMÉ

Contre :

  • le MINISTÈRE PUBLIC ;

INTIMÉ / APPELANT

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 28 mai 2018 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu, conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale, par le Tribunal correctionnel le 19 décembre 2017 ;

Vu les appels interjetés le 22 décembre 2017 tant par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, pour m. PA., prévenu, que par le Ministère public, à titre incident ;

Vu l'ordonnance présidentielle en date du 26 janvier 2018 ;

Vu la citation, suivant exploit, enregistré, de Maître Claire NOTARI, Huissier, en date du 5 février 2018 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï Eric SENNA, Conseiller, en son rapport ;

Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Arnaud CHEYNUT, avocat, pour m. PA., prévenu, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoirement rendu en application de l'article 377 du Code de procédure pénale, en date du 19 décembre 2017, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :

« D'avoir à Monaco, courant 2013 à 2015, en tous cas depuis temps non couvert par la prescription,

sciemment offert, diffusé, importé et exporté des images ou représentations de mineurs présentant un caractère pédopornographique ;

sciemment détenu des images ou représentations de mineurs présentant un caractère pédopornographique ;

en connaissance de cause, accédé à des images ou représentations de mineurs présentant un caractère pédopornographique »,

DÉLITS prévus et réprimés par les articles 26 et 294-3 du Code pénal et 8 du Code de procédure pénale,

  • - déclaré m. PA. coupable des délits qui lui sont reprochés,

en répression, faisant application des articles 12, 26, 294-3 du Code pénal et 395 du Code de procédure pénale,

  • - condamné m. PA. à la peine de TROIS ANS D'EMPRISONNEMENT,

  • - décerné un mandat d'arrêt à l'encontre de m. PA.,

  • - ordonné la confiscation des fiches n° QUINZE, SEIZE, DIX-SEPT et DIX-HUIT constituant le scellé n° 2015/410 placé au greffe général,

  • - dit que la première partie du cautionnement, à savoir la somme de 15.000 euros, sera restituée à m. PA. après l'exécution du présent jugement,

  • - dit que la seconde partie du cautionnement, soit la somme de 15.000 euros, sera affectée au paiement des frais de justice et que le surplus éventuel sera restitué au condamné,

  • - et a condamné, enfin, m. PA., aux frais.

Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, pour m. PA., prévenu, a interjeté appel de cette décision par acte de greffe en date du 22 décembre 2017.

Le Ministère public a interjeté appel incident de ladite décision le même jour.

Considérant les faits suivants :

Le 20 mai 2015, les services de police monégasques recevaient un courrier émanant du BCN W relatif à la détection d'un échange de fichiers pédopornographiques via le réseau « a » « b », le 10 mars 2015 de 13h45 à 14h00, par un internaute utilisant le pseudonyme « c » et l'adresse XXX, identifiée comme étant une adresse de type satellitaire attribuée lors de la commission des faits au « d », navire battant pavillon monégasque.

Le DVD crypté joint à la dénonciation permettait d'accéder aux données récupérées par un enquêteur suisse qui s'était infiltré dans le réseau « b » et de constater que le pseudonyme « c » avait échangé sur des chats des mots de passe afin d'accéder à des fichiers verrouillés dont certains présentaient des intitulés à connotation pédopornographique connus des initiés.

L'exploitation des fichiers présents dans le dossier « Downloads » faisait apparaître :

  • - six photographies concernant la même enfant, de sexe féminin, âgée de 7 à 9 ans : cinq d'entre elles la représentant dans des situations de vie privée, dont une nue dans une baignoire, et un fichier à caractère pédopornographique. Il s'agissait d'une capture d'images issues d'une vidéo nommée « e » montrant une petite fille, allongée sur le dos, les jambes relevées et écartées, démunie de culotte et subissant une pénétration vaginale de la part d'un adulte de sexe masculin qui éjaculait sur elle,

  • - une photographie d'une enfant, de sexe féminin, âgée de 4 à 6 ans, portant un costume de diablotin,

  • - une vidéo concernant un individu se masturbant et éjaculant dans la bouche d'un second individu sans que l'âge des participants ne puisse être déterminé.

L'exploitation des fichiers présents dans le dossier « f » permettait d'établir que l'utilisateur « c » avait mis à disposition de ses contacts des répertoires verrouillés nommés « ! », l'utilisateur « c », « amateur », « girls », « g », « k. », « l. », « h », « video June » ou encore « Video ».

Le répertoire « ! » contenait 72 fichiers photos et vidéos dont certains comportaient dans leur nom des termes habituellement utilisés pour le contenu pédopornographique (« PTHC » voulant dire pre-teen hardcore, « 7yo » voulant dire 7 years old, soit 7 ans en français).

Les recherches dans le logiciel spécialisé dans la détection de fichiers pédopornographiques établissaient que le pseudonyme « c » avait eu un échange suspect sur le réseau « b » le 16 mai 2014 via l'adresse IP XX hébergée par la société I. Cette adresse avait été utilisée du 19 avril au 17 juillet 2014 par la société J (devenu la société K), prestataire de service fournissant un accès à internet, sur demande, aux bateaux amarrés ou aux abords du port de Monaco. Ce prestataire identifiait le titulaire de l'adresse IP comme le bateau « d » et signalait avoir pris attache avec le capitaine du navire pour confirmation, ce dernier ayant immédiatement déclaré avoir été victime de piratage sur son réseau.

Les vérifications relatives au bateau permettaient d'identifier son propriétaire, l. DEL VE., et l'ensemble de l'équipage, dont son capitaine, m. PA..

Le 11 juin 2015, un déplacement sur le navire « d » était organisé. Une visite domiciliaire était réalisée chez m. PA., demeurant à Monaco. Etait notamment découvert un disque dur multimédia de marque L dont l'exploitation, effectuée immédiatement, permettait d'établir la fréquentation de téléchargements de type Torrent. m. PA. reconnaissait alors être l'utilisateur du pseudonyme « c ». Il était placé en garde à vue. Les nombreux et divers supports numériques présents à son domicile étaient saisis pour exploitation ultérieure.

La compagne de m. PA., j. HE., se présentait à la demande des services de police, munie d'une sacoche contenant un ordinateur de marque M, trois disques durs externes et un téléphone portable, que son concubin lui avait demandé de sortir de l'appartement juste avant la perquisition et d'entreposer chez le glacier en bas de leur domicile.

Une recherche sommaire sur l'ordinateur de la marque M permettait d'établir qu'un compte sur le réseau « b » au nom d'utilisateur « c » avait été activé depuis ce poste.

En outre, cet ordinateur avait visité plusieurs sites internet dont :

  • - « n. org », correspondant à un site montrant de nombreuses photos de jeunes filles mineures,

  • - « o », site en relation avec des clichés photographiques d'enfants de sexe féminin,

  • - « www. p. com », site espagnol libertin adulte,

  • - « q. com », site de chat en ligne accessible uniquement par l'usage d'un pseudonyme,

  • - « r. com/ », correspondant à la page du site « s » d'une jeune fille ayant visiblement 15 ans.

La visite du « d » permettait la saisie de nombreux supports informatiques de stockage numérique. m. PA. désignait un disque dur de marque W comme contenant de la pédopornographie et une prévisualisation permettait d'estimer un contenu d'environ 220.000 fichiers de type photo et vidéo, pour une bonne partie de nature pédopornographique, concernant des enfants âgés d'environ 1 à 2 ans jusqu'à environ 10 ans, et pour une partie de pornographie ou nudité impliquant sa compagne.

m. PA. était entendu par les services de police.

Il reconnaissait être l'utilisateur du pseudonyme « c », après avoir un temps utilisé le pseudonyme « c », qu'il avait créé sur le réseau « b » environ deux ans auparavant. Il expliquait avoir choisi les groupes de partage au hasard dans la rubrique pornographique et ne pas réellement prêter attention au contenu mis à disposition. Il justifiait ses agissements par une grande curiosité mais précisait ne ressentir aucune excitation sexuelle à la vue des images de pédopornographie qu'il était amené à visionner. Il exprimait éprouver du dégoût à la vue des planches photographiques sur lesquelles figurait un échantillon aléatoire de fichiers pédopornographiques découverts sur un de ses supports numériques. À chaque questionnement précis sur ses agissements, m. PA. demeurait évasif et minimisait ses actes au prétexte de sa seule curiosité. Il ne reconnaissait pas le caractère volontaire du téléchargement spécifique d'images pédopornographiques et parlait d'accident lors de téléchargements de masse. Il admettait néanmoins que le volume de fichiers était conséquent et qu'il les avait volontairement stockés sur son compte sur le réseau « b » puis mis à disposition des autres utilisateurs du site. Il expliquait qu'il était nécessaire de partager soi-même des fichiers afin d'en obtenir de nouveaux.

Une information judiciaire était ouverte le 13 juin 2015 et m. PA. était inculpé d'offre, diffusion, importation, exportation, détention et accès à des images ou représentations de mineurs présentant un caractère pédopornographique et placé en détention provisoire le jour-même.

Une expertise de l'ensemble du matériel informatique de m. PA. était réalisée. Des représentations à caractère pédopornographique étaient décelées sur dix supports.

L'exploitation du rapport d'expertise permettait de découvrir des photographies et vidéos de nature pornographique, pédopornographique incluant des scènes de zoophilie ou de torture, de mineurs nus, intimes et personnelles présentant des enfants, étant relevé que la méthodologie utilisée par l'expert permettait d'exclure les doublons.

La répartition était la suivante :

  • - pornographie avec adultes : 56.675 (photos) et 814 (vidéos),

  • - pédopornographie : 82.617 (photos) et 8.003 (vidéos),

  • - zoophilie ou torture sur enfants : 1.148 (photos) et 18 (vidéos),

  • - mineurs nus : 39.428 (photos),

  • - intimes : 29.466 (photos) et 245 (vidéos),

  • - prises de vue personnelles présentant des enfants : 571 (photos).

Il était en outre établi que le prévenu avait pris soin de procéder à des « copies de sauvegarde » de la plupart des fichiers illégaux, laissant présumer qu'il prenait un soin particulier à les conserver en plusieurs exemplaires.

Ses activités de téléchargement étaient réalisées de novembre 2006 à septembre 2007 via le logiciel « t » et étaient au nombre de 1.377. Puis, à compter du 3 novembre 2012 et jusqu'au 3 juin 2015, il téléchargeait, via le réseau « b », 29.221 fichiers, sous le pseudonyme « u » au mois de novembre 2012, le pseudonyme « v » de novembre 2012 à janvier 2013 et le pseudonyme « c » de janvier 2013 à mai 2015 au minimum. L'examen des noms de ces fichiers démontrait qu'ils concernaient presque exclusivement des termes en relation avec la pédopornographie.

Parmi les photographies personnelles présentant des enfants, une série de photographies contenues dans le disque dur Western représentait des enfants blonds jouant sur une plage, puis l'un d'eux faisant la sieste. Il y avait également ces deux jeunes garçons sur un bateau chahutant avec un adulte qui enlevait son short à l'un d'entre eux.

Une des photographies zoomait sur les fesses de l'enfant et on apercevait l'arrière de son sexe. Il y avait également deux photographies de ces deux garçons s'embrassant sur la bouche, puis une série de quatre photographies sur lesquelles les garçons descendaient leur short et présentaient leurs fesses à l'objectif.

Ces enfants étaient identifiés comme les fils du dénommé DEL VE., propriétaire du bateau. Il se montrait choqué que de tels clichés aient pu être pris sans son consentement et soupçonnait des prises de vue volées. Concernant les clichés montrant ses fils en partie dénudés et s'embrassant, il précisait qu'ils avaient dû être faits à la demande expresse du preneur de vue.

L'examen de l'ordinateur de la marque M (scellé n° QUINZE) permettait d'établir qu'il était le support de l'utilisation du réseau « b ». Ce logiciel est un système de réseau « a » de type Monosource impliquant qu'après création de son pseudonyme, l'utilisateur choisisse les dossiers ou fichiers qu'il entendait partager. Il disposait alors de droits stricts et pouvait définir un mot de passe commandant l'accès aux dossiers. En outre, seuls des utilisateurs invités par l'utilisateur avaient la possibilité de visualiser le contenu des dossiers mis en partage. Les échanges entre utilisateurs du réseau « b » s'effectuaient alors par échanges volontaires et ponctuels.

L'analyse des données extraites de ces dossiers démontrait que m. PA. avait mis à disposition des autres utilisateurs du logiciel des dossiers contenant des fichiers de nature pédopornographique. Il avait en outre volontairement protégé avec un mot de passe le contenu puis partagé les mots de passe avec les autres utilisateurs afin de les autoriser à examiner et télécharger les images à caractère pédopornographique.

L'examen de l'historique des sessions de Chat sur le réseau « b » montrait que :

  • - 752 messages impliquaient l'utilisateur « u » sur la période du 16 avril 2011 au 25 novembre 2011,

  • - 1.347 messages impliquaient l'utilisateur « v » sur la période du 25 novembre 2011 au 2 janvier 2013,

  • - 6.106 messages impliquaient l'utilisateur « c » sur la période du 9 janvier 2013 au 7 juin 2015,

  • - des échanges survenus avec 123 pseudonymes comportaient des références directes à la pédopornographie, le prévenu y exprimant parfois directement son intérêt pour la matière.

La société éditeur du réseau « b » communiquait des informations concernant le profil de l'utilisateur « c ». Sa dernière connexion était intervenue le 7 juin 2015. La date de création serait le 9 janvier 2013 et le mail utilisé « aa@hotmail. com ». Il disposait de 266 contacts enregistrés et faisait partie de 8 tribus : « darkangels », « kinderfreund », « dude », « immeraufsuche », « girls », « teengirls » et « beertje », dont les noms évoquent la pédopornographie.

Les informations communiquées ultérieurement confirmaient que m. PA. avait successivement utilisé les comptes « u », « v » puis « c ». Par ailleurs le fait que le pseudonyme « v » se soit connecté sous une adresse IP délivrée par un opérateur en Inde et au cours de la période de détention du prévenu, corroborait sa version selon laquelle il s'était fait pirater ce compte et avait alors créé son dernier pseudonyme.

Les localisations des adresses IP de connexion de ces pseudonymes permettaient de démontrer que l'utilisateur s'était connecté depuis Monaco, sans qu'il soit possible d'identifier le titulaire de l'adresse compte tenu du délai de conservation des données, depuis la connexion satellitaire dédiée au bateau « d » et depuis l'Italie.

Lors de son premier interrogatoire, m. PA. maintenait sa version, indiquant qu'il avait accédé, détenu et mis à disposition des fichiers pédopornographiques, qu'il n'était aucunement attiré par les enfants et que les photographies le dégoutaient. Il précisait qu'il avait la manie de ne rien jeter et que c'était la raison pour laquelle il y avait plus de 220.000 fichiers dans son matériel. Il contestait en conséquence être un collectionneur. Il continuait à affirmer qu'il ne faisait pas vraiment attention à ce qu'il téléchargeait. Il justifiait son addiction à la pornographie par l'époque aux mœurs plus libres dans laquelle il était né et par l'enfermement continuel sur le bateau.

Lors de son second interrogatoire, m. PA. maintenait ses déclarations. Il réfutait avoir pris lui-même les photographies de la famille du propriétaire bien qu'elles aient été faites avec un appareil photographique identique au sien et prétextait que son ordinateur était en libre accès à bord du bateau de sorte que n'importe quel marin avait pu les y enregistrer.

Il continuait de minimiser ses actions, disant que le nombre de fichiers était surévalué puisqu'il faisait des copies des fichiers, affirmant ne jamais avoir vu certains des fichiers téléchargés dans ses supports informatiques, particulièrement ceux les plus insoutenables représentant des scènes de tortures sur des enfants. Il invoquait enfin une absence de souvenirs, notamment au sujet des conversations « chat » explicites qu'il avait concernant sa demande de pédopornographie.

Une expertise psychiatrique de m. PA. était ordonnée et confiée au Docteur L-M. qui déposait son rapport le 26 juin 2016. L'expert ne relevait aucune anomalie mentale ou psychique ni aucun trouble du comportement d'une manière générale, ni en lien avec les infractions reprochées. Elle considérait qu'il n'était pas en état de démence ou de contrainte au moment des faits et qu'il était accessible à une sanction pénale. En revanche, elle notait « une absence de sentiment d'empathie, un égocentrisme, des troubles de la relation à l'autre ce qui l'amène à considérer l'autre comme un objet de satisfaction et non comme un sujet, il dénie l'altérité. Ces caractéristiques sont en faveur d'une personnalité perverse ce qui n'est pas une pathologie psychiatrique mais une façon de se comporter vis-à-vis de son environnement et de se comporter dans les relations humaines ». Elle concluait notamment que « la non remise en question des raisons qui l'ont amené à visionner des fichiers pédopornographiques, l'absence de sentiment de honte ou de culpabilité sont des éléments qui ne permettent pas d'éliminer totalement un risque de récidive ». Elle préconisait en conséquence une prise en charge psychothérapeutique afin de permettre le développement de la fonction d'empathie sans toutefois pouvoir préjuger des résultats sur son comportement ultérieur.

Une expertise psychologique était ordonnée et confiée à j-b. S. qui déposait son rapport le 21 août 2015. Cet expert ne notait pas de pathologie mentale ou psychiatrique, ni de troubles organiques. Il mettait en revanche en évidence des traits de caractère pervers se manifestant par une composante voyeuriste et pédophile (sans passage à l'acte avéré). Il expliquait en outre « j'ai aussi essayé de montrer que par-delà les faits déviants en cause, il s'agit avant tout d'une problématique d'allure névrotique en lien avec une figure paternelle, vécue par le sujet comme défaillante ». L'expert ayant démontré une dépendance importante, que le prévenu niait, concernant les faits reprochés, il estimait nécessaire d'accomplir un travail de prévention sous la forme d'une injonction de soin pour minimiser tout risque de récidive.

Placé en détention provisoire le 13 juin 2015, m. PA. était libéré sous contrôle judiciaire le 12 octobre 2015, après avoir remis son passeport au greffe et avoir versé un cautionnement d'un montant total de 30.000 euros, garantissant, à concurrence de la moitié sa représentation à tous les actes de la procédure, et de l'autre moitié le paiement des frais de justice et amendes.

Les casiers judiciaires monégasque, italien et français de m. PA. ne mentionnent aucune condamnation.

À l'issue de l'information judiciaire, m. PA. était renvoyé devant le Tribunal correctionnel.

Par jugement en date du 19 décembre 2017, contradictoire en application de l'article 377 du Code de procédure pénale, le Tribunal correctionnel déclarait m. PA. coupable des délits reprochés, en répression le condamnait à la peine de trois ans d'emprisonnement, décernait mandat d'arrêt à son encontre, ordonnait la confiscation des fiches QUINZE, SEIZE, DIX-SEPT et DIX-HUIT constituant le scellé n° 2015/410 placé au greffe général, disait que la première partie du cautionnement, soit la somme de 15.000 euros, serait restituée à m. PA. après l'exécution du jugement, que la seconde partie serait affectée au paiement des frais de justice, que le surplus éventuel lui serait restitué et condamnait m. PA. aux frais.

Pour statuer ainsi, le Tribunal retenait qu'il était établi par l'instruction que le prévenu avait, de 2013 à 2015, alors qu'il se trouvait à son domicile monégasque ou sur le bateau, amarré au port de Monaco, dont il était le capitaine, volontairement accédé à des images et des vidéos pédopornographiques en les téléchargeant, après avoir effectué des recherches ciblées au moyen de deux logiciels, qu'il les avait répertoriées avant de les mettre à disposition d'autres utilisateurs de logiciels.

Pour le condamner à la peine de trois ans d'emprisonnement et décerner, à son encontre un mandat d'arrêt, le Tribunal retenait le nombre total de fichiers à caractère pédopornographique retrouvés, la nature des images y figurant ainsi que le profil du prévenu relevé par les experts psychiatre et psychologue.

Il excluait aussi le prononcé d'une injonction de soins, bien que préconisée par les experts et requise par le Ministère public, en raison de l'absence, dans l'article 40-1 du Code pénal prévoyant cette mesure, de fixation de la durée de celle-ci.

Par déclaration en date du 22 décembre 2017, le conseil de m. PA. relevait appel de cette décision et le même jour, le Procureur général en relevait appel incident.

À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, le Procureur général a requis la réformation de la décision sur la condamnation par le prononcé d'une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis, ceci compte tenu de la multiplicité des faits s'étant produits sur une période de deux ans en relevant que le prononcé d'une injonction de soins qui était préconisée par les experts, aurait été opportune mais que la législation monégasque était incomplète et ne permettait pas de l'ordonner sans que sa durée n'ait été déterminée par le Code pénal.

Le conseil de m. PA. a sollicité la réformation du jugement sur la sanction pénale en indiquant que si la culpabilité n'était pas discutée, une peine d'emprisonnement avec sursis serait plus adaptée dès lors qu'il n'y avait pas eu de passage à l'acte sur des enfants et que le risque de réitération n'était pas avéré puisque le prévenu avait entrepris un suivi psychologique depuis son incarcération qui l'avait fait évoluer sur les conséquences de ses actes.

SUR CE,

Attendu qu'il ressort des éléments issus de l'information judiciaire que m. PA. a, au cours de la période allant de 2013 à 2015 alors qu'il se trouvait à son domicile monégasque et également sur un navire amarré au port de Monaco dont il était le capitaine, accédé volontairement de manière habituelle à de très nombreuses photographies et vidéos à caractère pédopornographique en les téléchargeant après avoir effectué des recherches ciblées au moyen de deux logiciels ;

Attendu que de nombreuses images représentent des jeunes enfants dans des scènes à caractère sexuel dont m. PA. a organisé méthodiquement leur répertoire et a assuré leur conservation en établissant des copies de sauvegarde ;

Que le rapport d'expertise informatique a révélé que des représentations à caractère pédopornographique étaient présentes sur dix supports et a permis de découvrir des photographies et vidéos de nature pornographique, pédopornographique, incluant des scènes de zoophilie ou de torture, de mineurs nus, intimes et personnelles présentant des enfants ;

Que l'analyse des données des dossiers numériques détenus par m. PA. a aussi permis d'établir que celui-ci avait mis à disposition des autres utilisateurs du logiciel des dossiers contenant des fichiers de nature pédopornographique ;

Qu'il en protégeait le contenu à l'aide d'un mot de passe, puis partageait les mots de passe avec d'autres utilisateurs afin de les autoriser à consulter et télécharger les images à caractère pédopornographique ;

Attendu dans ces conditions, que les faits visés dans la poursuite à l'encontre de m. PA. apparaissent parfaitement établis tant par les constatations des enquêteurs, les expertises des supports informatiques lui appartenant, que par ses propres déclarations lors de l'enquête et au cours de l'information judiciaire ;

Que ce dernier n'a pas contesté ni au cours de l'information, et pas plus devant les premiers juges qu'en cause d'appel, ni la matérialité des faits, ni sa responsabilité pénale ;

Que le Tribunal tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient, a donc, à juste titre retenu la culpabilité de m. PA. pour les délits poursuivis ;

Attendu en ce qui concerne la peine à lui infliger, qu'il appartient au Juge pénal en application des dispositions combinées des articles 395 et 417 du Code de procédure pénale, de prononcer la peine prévue par la loi ;

Que sur ce point, il convient de relever la multiplicité de faits répétés sur une longue période et le nombre très élevé des fichiers à caractère pédopornographique qui ont été identifiés et de ceux qui ont été partagés avec d'autres adultes, ce qui conduit la Cour à faire une application stricte de la loi en prononçant le minimum de l'emprisonnement encouru prévu par l'article 294-3 du Code pénal ;

Que par ailleurs, l'expert psychologue révèle que le risque de réitération n'est pas exclu en l'absence de mise en place d'un suivi psychologique et pour sa part, l'expert psychiatre indique que le suivi thérapeutique est obligatoire en relevant que si m. PA. est conscient des interdits, celui-ci n'a pas pleinement conscience du caractère déviant de son comportement ;

Que si l'appelant produit un rapport de suivi thérapeutique de Madame M., psychologue à Monaco en date du 6 novembre 2017, celui-ci ne justifie pas pour autant avoir poursuivi une quelconque prise en charge psychologique depuis son installation en Italie ;

Qu'en l'absence de tout dispositif répressif prévu par le Code pénal sous forme d'une peine d'emprisonnement mixte sous liberté d'épreuve qui pourrait prendre en compte le double impératif d'une sanction suffisante au regard de la gravité et de la multiplicité des faits en cause tout en assurant un contrôle judiciaire du prévenu avec obligation de soins pendant un temps d'épreuve, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné m. PA. à la peine de trois ans d'emprisonnement et a décerné un mandat d'arrêt à son encontre ;

Qu'en outre, le jugement sera également confirmé tant sur la confiscation des scellés que sur les modalités de restitution du cautionnement versé dans le cadre du contrôle judiciaire ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement par application des dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale,

Reçoit les appels,

Confirme le jugement rendu par le Tribunal correctionnel le 19 décembre 2017 en toutes ses dispositions,

Condamne m. PA. aux frais du présent arrêt ;

Composition🔗

Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-huit mai deux mille dix-huit, qui se sont tenus devant Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Madame Virginie HOFLACK, Juge au Tribunal de première instance, complétant la Cour et remplissant les fonctions de Conseiller en vertu de l'article 22 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur général, assistés de Madame Sandra MILLIEN, Greffier.

Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Madame Virginie HOFLACK, Juge au Tribunal de première instance, complétant la Cour et remplissant les fonctions de Conseiller en vertu de l'article 22 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires, Magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de ladite loi ;

Lecture étant donnée à l'audience publique du vingt-cinq juin deux mille dix-huit par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Madame Sandra MILLIEN, Greffier, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur général adjoint, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013.

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