Cour d'appel, 12 juin 2018, La SA G c/ La SAS H et la SAS I
Abstract🔗
Sinistre – Expertise – Sapiteur – Assurance – Subrogation – Responsabilité – Lien de causalité (non)
Résumé🔗
Le rapport d'expertise a été déposé le 28 octobre 2014. Les conclusions du sapiteur font partie intégrante du rapport d'expertise selon l'article 363 du Code de procédure civile. En application de l'article 368 de ce Code, le rapport n'engage pas le juge qui n'est pas tenu d'en suivre les constatations, les avis ou les conclusions. La Cour peut donc s'appuyer sur les conclusions du rapport, en ce comprises celles du sapiteur contrairement à ce que prétend l'appelante, sans y être toutefois tenue. La SA G qui se prétend subrogée dans les droits et actions de son assuré fonde sa demande de condamnation de la SAS H sur la garantie à raison des défauts cachés de l'appareil vendu, vices qui seraient selon elle à l'origine de l'incendie. À ce titre, il lui appartient non seulement d'établir qu'elle est subrogée mais encore de rapporter la démonstration de l'existence d'un vice caché et d'un rapport de causalité avec le préjudice subi. La SAS H, non appelante, a sollicité la confirmation du jugement, de sorte qu'elle a reconnu que la SA G a été de plein droit subrogée dans les droits de son assuré, dans la mesure des paiements effectuée. Il n'est pas contesté que le sinistre a été causé par un incendie qui s'est déclaré dans les locaux exploités par Monsieur B., assuré de la SA G ;
Sur la responsabilité, l'appelante soutient que l'incendie aurait pour origine le caractère défectueux de l'appareil rafraîchisseur d'air, ce qui est contesté par la société venderesse. Il appartient à l'appelante, pour établir que la responsabilité de la SAS H est engagée dans la survenance de l'incendie, de rapporter la preuve d'un fait générateur qui lui est imputable et d'un rapport de causalité directe entre ce fait et le préjudice subi. Sur le point d'origine de l'incendie, il résulte des conclusions de l'expert non remises en cause sur ce point, que le départ du feu se situe au niveau de l'appareil rafraîchisseur d'air placé sur le plot dans la partie sud du mur est devant le panneau en retrait. S'agissant de la cause certaine et exclusive du sinistre, force est de relever en premier lieu que l'hypothèse, non documentée émise par l'intimée, d'une utilisation anormale par l'acquéreur de l'appareil posé sur un plot, n'est pas justifiée et n'a au demeurant été retenue ni par l'expert ni par le sapiteur, en sorte qu'elle ne peut être utilement invoquée par la SAS H.
La position de l'expert diverge de celle de son sapiteur. À la différence de celles du sapiteur, les conclusions de l'expert ne reposent sur aucune démonstration concrète. En définitive, au regard des résultats non concluants des essais en laboratoire de reproduction de l'hypothèse la plus probable émise par l'expert et le sapiteur et de l'absence de vérification de la conformité de l'installation électrique du local, le Tribunal a à bon droit considéré que n'était pas suffisamment caractérisée une imputabilité certaine de l'incendie à l'appareil litigieux et qu'en l'absence de démonstration du lien de causalité directe entre le rafraîchisseur d'air vendu par la SAS H et l'incendie, la responsabilité de cette dernière ne pouvait être valablement recherchée. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SA G de ses demandes dirigées contre la SAS H et cette dernière de son appel en garantie dénué en l'état d'objet.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 12 JUIN 2018
En la cause de :
- La société anonyme de droit français dénommée G, dont le siège social se trouve X1 à Nanterre (92727) - France, agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat près la même Cour, substituant ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
1/ La société par actions simplifiées de droit français (S. A. S.) dénommée H, dont le siège social est X2 à NANTERRE (92024) - France, prise en la personne de son Président Délégué Général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat près la même Cour, substituant ledit avocat-défenseur ;
2/ La Société par action simplifiée de droit français (S. A. S.) dénommée I, dont le siège social est X3 à SENS (89100) en France, prise en la personne de son Président en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Benoît BARDON, avocat au barreau de Marseille ;
INTIMÉES,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 6 avril 2017 (R. 4224) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 19 mai 2017 (enrôlé sous le numéro 2017/000152) ;
Vu les conclusions déposées les 3 octobre 2017 et 20 février 2018 par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la société par actions simplifiées de droit français (S. A. S.) dénommée H ;
Vu les conclusions déposées les 14 novembre 2017 et 27 mars 2018 par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la Société par action simplifiée de droit français (S. A. S.) dénommée I ;
Vu les conclusions déposées le 9 janvier 2018 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme de droit français dénommée G ;
À l'audience du 3 avril 2018, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la société anonyme de droit français dénommée G à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 6 avril 2017.
Considérant les faits suivants :
Le 9 septembre 2007 un incendie s'est déclaré dans la boutique de vêtements « J » exploitée par Monsieur AB., assuré auprès de la SA G.
La SA G a indemnisé son assuré de son préjudice.
Par ordonnance de référé du 3 janvier 2008 une expertise a été ordonnée et Marcel GU., expert désigné, a déposé son rapport le 28 octobre 2014.
Le rapport d'expertise fait apparaître que la cause du sinistre serait un appareil de refroidissement d'air installé dans le local, qui a été vendu à Monsieur AB. par la SAS H, après avoir été importé par la SAS I.
Saisi de la demande en paiement de la SA G à l'encontre de la SAS H, des sommes qu'il a versées à son assuré consécutivement au sinistre subi par lui, ainsi que de l'appel en garantie de la SAS H dirigé à l'encontre de la SAS I, importateur de l'appareil de refroidissement, le Tribunal de première instance, par jugement du 6 avril 2017, a :
- ordonné la jonction des deux procédures enrôlées sous les n° 2015/000421 et n° 2016/000231,
- déclaré la SA G recevable en son action,
Au fond,
- débouté la SA G de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la SAS H,
- débouté la SAS H de son appel en garantie à l'encontre de la SAS I,
débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la SA G aux dépens de l'instance principale et de l'appel en garantie.
Pour se prononcer ainsi le Tribunal a retenu que :
- les moyens d'irrecevabilité n'étaient pas des fins de non-recevoir,
- le contrat d'assurances souscrit étant soumis au droit français, l'assureur se trouvait de plein droit subrogé des paiements effectués,
- la responsabilité de la SAS H ne pouvait être valablement recherchée en l'absence de démonstration du lien de causalité directe entre le rafraîchisseur d'air vendu par ses soins et l'incendie, les anomalies de conception relevées après des tests sur des produits identiques effectués par le sapiteur n'empêchant pas son fonctionnement normal sur installation conforme aux normes de sécurité et aucune cause propre de départ d'incendie n'ayant pu être observée sur l'appareil,
l'appel en garantie était en l'état dénué d'objet.
Suivant exploit d'appel et assignation du 19 mai 2017, la société anonyme G a relevé appel parte in qua de ce jugement non signifié.
Aux termes de cet exploit et par conclusions ultérieures du 9 janvier 2018, elle demande à la Cour de :
la déclarer recevable et bien fondée en son appel partiel,
réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des instances et a déclaré son action recevable,
Statuant à nouveau au visa du rapport d'expertise de Monsieur GU. en date du 28 octobre 2014,
- déclarer que la responsabilité de la SAS H dans la survenance du sinistre est établie,
Par voie de conséquence,
condamner la SAS H à lui rembourser la somme totale de 509.460,02 euros, en sa qualité de subrogé dans les droits et actions de son assuré Monsieur AB.,
débouter la SAS H de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
condamner la SAS H aux entiers dépens en ce compris les frais et honoraires d'expertise judiciaire.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
- un incendie s'est déclaré à partir d'un rafraîchisseur d'air mobile vendu par la SAS H dans un local commercial assuré par ses soins,
- elle a pris en charge le sinistre au titre d'un contrat d'assurances soumis au droit français et se trouve de plein droit subrogée dans les droits de son assuré par l'effet de l'article L. 112-12 du Code des assurances français,
- tous les justificatifs des sommes versées à ce titre sont produits aux débats,
- la causalité entre l'appareil vendu par la SAS H et l'incendie est certaine ; elle résulte d'un défaut de fabrication connu par l'intervenant qui a effectué le cordon de substitution sur la piste du circuit imprimé, l'expert ayant en effet indiqué dans son rapport que « le point d'origine ou point d'allumage se situe indiscutablement au niveau de l'appareil rafraîchisseur d'air, très vraisemblablement au niveau de la piste bricolée du circuit imprimé »,
toutes les autres hypothèses envisagées ont été exclues par l'expert,
- lui seul devait en application de l'article 351 du Code de procédure civile se prononcer sur les causes de l'incendie, y compris lorsqu'il a recueilli l'avis d'un sapiteur, ce qu'il a fait,
- le Tribunal ne devait se fonder que sur les conclusions de l'expert et non sur celles partielles du sapiteur,
la preuve de la relation de cause à effet peut s'établir par tous moyens, y compris par la présomption qui est la preuve par exclusion de toute autre cause,
- la responsabilité de la SAS H est donc engagée et elle devra lui rembourser les sommes qu'elle a versées à Monsieur AB.,
il ne lui appartient pas de se prononcer sur l'irrecevabilité des demandes formées par la SAS H à l'encontre de la SAS I qui n'est pas le vendeur de l'appareil à son assuré.
Par conclusions du 3 octobre 2017 et conclusions récapitulatives du 20 février 2018, la SAS H demande à la Cour de :
À titre principal,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 6 avril 2017,
En conséquence,
- débouter la SA G de l'ensemble de ses demandes,
Subsidiairement au visa de l'article 1483 du Code civil,
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel en garantie à l'encontre de la SAS I,
- débouter la SAS I de son exception d'irrecevabilité,
- condamner la SAS I à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ensuite de l'assignation signifiée aux intérêts de la SA G par exploit du 16 février 2015,
En tout état de cause,
condamner tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
l'incendie est à l'origine des dommages de l'assuré de l'appelante,
selon l'expert cet incendie serait dû à un défaut de fabrication de l'appareil rafraîchisseur qui serait connu du fabricant du circuit défectueux,
néanmoins ces conclusions ne sont pas fondées sur des constatations effectives et sont contredites par les investigations et analyses du sapiteur qui ont mis en évidence, malgré le défaut de fabrication relevé, l'absence de survenance d'incendie en présence d'une installation conforme,
malgré les recommandations du sapiteur R. C. aucune vérification des installations électriques, pour s'assurer de sa conformité, n'a été effectuée,
le juge n'est pas lié par l'avis de l'expert judiciaire,
en l'état il n'est nullement démontré que le rafraîchisseur d'air serait la cause du sinistre,
sa garantie des vices cachés ne saurait en conséquence être engagée,
l'appareil a été utilisé dans des conditions anormales par l'acquéreur qui l'a surélevé sur un socle, provoquant sa chute puis un court-circuit à l'origine de l'incendie, alors que muni de roulettes il est conçu pour être utilisé au sol pour éviter tout risque de basculement,
cette utilisation fautive de l'acquéreur, seule cause directe de l'accident, exonère le vendeur de sa garantie.
À titre subsidiaire, elle indique avoir acquis l'appareil litigieux auprès de la SAS I et relève que l'expert a conclu à un défaut caché au niveau de la piste bricolée du circuit imprimé du rafraîchisseur, laquelle comporte un cordon de substitution nécessairement implanté avant ou au cours de l'insertion des composants de surface et donc connu du fabricant du produit, de sorte qu'elle a intérêt à agir contre l'importateur qui lui doit sa garantie des vices cachés de l'appareil qu'il lui a vendu.
Rétorquant en dernier lieu sur la fin de non-recevoir opposée par la SAS I à sa demande d'appel en garantie formée dans l'hypothèse d'une infirmation du jugement, elle fait valoir que :
l'appel incident peut être formé par voie de simple conclusion sans condition de délai,
dûment autorisée à former appel en garantie à l'encontre de la SAS I, elle a acquis la qualité de demanderesse à l'instance à l'encontre de cette société, qualité conservée en cause d'appel,
le principe d'interdiction de conclure de défendeur à défendeur n'est dès lors pas applicable.
Enfin par conclusions des 14 novembre 2017 et 27 mars 2018, la SAS I demande à la Cour de :
- ordonner sa mise hors de cause en l'absence de toute demande de la SA G la concernant,
- déclarer irrecevable la demande formée à son encontre par la SAS H en l'absence d'appel de sa part du jugement rendu par le Tribunal de première instance le 6 avril 2017 et compte tenu des conclusions de défendeurs à défendeurs prises par celle-ci le 3 octobre 2017,
- condamner la SAS H aux entiers dépens distraits au profit de Maître Didier ESCAUT,
Subsidiairement,
confirmer le jugement rendu le 6 avril 2017 par le Tribunal de première instance,
dire et juger que sa responsabilité n'est pas établie,
débouter la SAS H et, le cas échéant, la SA G, de toute demande dirigée à son encontre,
condamner tous contestants aux entiers dépens.
À cette fin elle expose que :
elle sera mise hors de cause faute de demande présentée en cause d'appel à son encontre par l'appelante,
la demande d'appel en garantie formée par la société METRO de défendeur à défendeur faute d'appel régularisé par elle sera déclarée irrecevable,
le jugement sera confirmé en l'absence de preuve de l'existence d'un vice affectant l'appareil litigieux qui soit en lien direct et certain avec l'incendie et les dommages allégués,
la chute de l'appareil résulte d'une faute manifeste de son utilisateur, susceptible d'être à l'origine d'un court-circuit non détecté par la protection électrique manifestement non conforme du local, fautes à l'origine de l'incendie.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel, relevé dans les conditions de forme et de délais prescrites par le Code de procédure civile est régulier et recevable ;
Attendu qu'il convient de constater que la disposition du jugement qui a déclaré l'action de la SA G recevable n'est pas appelée et est définitive ;
Sur la mise hors de cause de la SAS I :
Attendu que l'action en paiement a été engagée par la SA G contre la SAS H, laquelle a alors appelé en garantie la SAS I ;
Que les deux instances ont été jointes par le Tribunal de première instance ;
Que dès lors le fait que l'appelante ne forme aucune demande contre l'appelée en garantie n'est pas un motif de mise hors de cause de celle-ci ; qu'en effet seule la SAS H, qui a introduit l'action en garantie et est demanderesse à son endroit, peut former des prétentions à l'égard de la SAS I, défenderesse à cette action ;
Attendu que la SAS H n'a pas relevé appel du jugement et se contente devant la Cour de réitérer la demande qu'elle avait formulée en première instance tendant à être relevée et garantie par la SAS I pour le cas où elle serait condamnée ;
Qu'en cet état sa demande en garantie s'avère recevable, l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SAS I étant rejetée ;
Sur la demande en paiement :
Attendu que le rapport d'expertise a été déposé le 28 octobre 2014 ;
Attendu que les conclusions du sapiteur font partie intégrante du rapport d'expertise selon l'article 363 du Code de procédure civile ;
Qu'en application de l'article 368 de ce Code, le rapport n'engage pas le juge qui n'est pas tenu d'en suivre les constatations, les avis ou les conclusions ;
Attendu que la Cour peut donc s'appuyer sur les conclusions du rapport, en ce comprises celles du sapiteur contrairement à ce que prétend l'appelante, sans y être toutefois tenue ;
Attendu que la SA G qui se prétend subrogée dans les droits et actions de son assuré fonde sa demande de condamnation de la SAS H sur la garantie à raison des défauts cachés de l'appareil vendu, vices qui seraient selon elle à l'origine de l'incendie ;
Qu'à ce titre, il lui appartient non seulement d'établir qu'elle est subrogée mais encore de rapporter la démonstration de l'existence d'un vice caché et d'un rapport de causalité avec le préjudice subi ;
Attendu que la SAS H, non appelante, a sollicité la confirmation du jugement, de sorte qu'elle a reconnu que la SA G a été de plein droit subrogée dans les droits de son assuré, dans la mesure des paiements effectués ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que le sinistre a été causé par un incendie qui s'est déclaré dans les locaux exploités par Monsieur B., assuré de la SA G ;
Attendu sur la responsabilité, que l'appelante soutient que l'incendie aurait pour origine le caractère défectueux de l'appareil rafraîchisseur d'air, ce qui est contesté par la société venderesse ;
Qu'il appartient à l'appelante, pour établir que la responsabilité de la SAS H est engagée dans la survenance de l'incendie, de rapporter la preuve d'un fait générateur qui lui est imputable et d'un rapport de causalité directe entre ce fait et le préjudice subi ;
Attendu, sur le point d'origine de l'incendie, qu'il résulte des conclusions de l'expert non remises en cause sur ce point, que le départ du feu se situe au niveau de l'appareil rafraîchisseur d'air placé sur le plot dans la partie sud du mur est devant le panneau en retrait ;
Que s'agissant de la cause certaine et exclusive du sinistre, force est de relever en premier lieu que l'hypothèse, non documentée émise par l'intimée, d'une utilisation anormale par l'acquéreur de l'appareil posé sur un plot, n'est pas justifiée et n'a au demeurant été retenue ni par l'expert ni par le sapiteur, en sorte qu'elle ne peut être utilement invoquée par la SAS H ;
Qu'en second lieu, la position de l'expert diverge de celle de son sapiteur ;
Que l'expert judiciaire estime que : « ... selon toute vraisemblance, la cause, ou procédé technique générateur de l'incendie est liée à un défaut électrique de l'une des pistes du circuit imprimé anormalement sous tension permanente en position « arrêt » (sauf à débrancher l'appareil) », écartant ce faisant l'hypothèse d'un court-circuit maintenu au motif que l'alimentation électrique est coupée par le disjoncteur dès l'apparition d'un court-circuit ;
Que pour sa part le sapiteur, que l'expert s'est adjoint compte-tenu de la technicité liée aux différents composants de l'appareil, a mis en évidence, après la réalisation de différents essais de reproduction d'incendie en laboratoire, que :
- ce type d'appareil pouvait présenter des défauts de conception,
- le rafraîchisseur utilisé dans les locaux sinistrés présentait un défaut électrique : le circuit de commande raccordé au secteur était anormalement alimenté en permanence et une piste du circuit imprimé, sur laquelle est connectée une des arrivées secteur, avait été « bricolée » pour y remédier,
- cette anomalie peut entrainer des courts-circuits,
- malgré la présence de ces défauts, les appareils testés sur lesquels des courts-circuits ont été provoqués ont soit continué de fonctionner, soit déclenché la protection électrique générale d'alimentation ;
Qu'en l'absence de reproduction du sinistre en laboratoire, le sapiteur a déduit que les défauts présentés ne pouvaient être la cause du sinistre au cas d'une utilisation conforme aux données de sécurité ;
Que poursuivant ses investigations techniques et observations sur l'appareil endommagé, il s'est aperçu que l'appareil sur roulette avait été positionné sur un socle et a émis l'hypothèse d'une chute ;
Que vérifiant l'hypothèse, il a relevé qu'en cas de chute, et selon la quantité d'eau contenue dans le réservoir de l'appareil, une dégradation thermique se produit, liée à un court-circuit par suite d'immersion hydrique du domino de raccordement du câble secteur ; qu'il a précisé que ce court-circuit est à lui seul suffisant en l'absence de détection ou de détection à retardement pour générer un début de combustion préjudiciable à l'intégrité des matériaux à bas point de fusion constitutifs de l'appareil ;
Qu'aucune vérification de la bonne conformité des installations électriques du commerce n'a néanmoins été réalisée, l'expert judiciaire ayant considéré que le système n'était pas défaillant en l'absence de traces caractéristiques sur le circuit électrique ;
Qu'ainsi, à la différence de celles du sapiteur, les conclusions de l'expert ne reposent sur aucune démonstration concrète ;
Attendu en définitive qu'au regard des résultats non concluants des essais en laboratoire de reproduction de l'hypothèse la plus probable émise par l'expert et le sapiteur et de l'absence de vérification de la conformité de l'installation électrique du local, le Tribunal a à bon droit considéré que n'était pas suffisamment caractérisée une imputabilité certaine de l'incendie à l'appareil litigieux et qu'en l'absence de démonstration du lien de causalité directe entre le rafraîchisseur d'air vendu par la SAS H et l'incendie, la responsabilité de cette dernière ne pouvait être valablement recherchée ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SA G de ses demandes dirigées contre la SAS H et cette dernière de son appel en garantie dénué en l'état d'objet ;
Et attendu que l'appelante qui succombe, supportera les dépens d'appel ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit la SA G en son appel partiel,
Constate que la disposition du jugement qui a déclaré l'action de la SA G recevable est définitive,
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la SAS I,
Reçoit la SAS H en son appel en garantie,
Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 6 avril 2017 en ses dispositions entreprises,
Condamne la SA G aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maîtres Christine PASQUIER-CIULLA et Didier ESCAUT, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun pour ce qui le concerne,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 12 JUIN 2018, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.