Cour d'appel, 17 avril 2018, Madame f. CO. c/ Madame j. AN.
Abstract🔗
Contrat de travail - Licenciement pour motif personnel - Manquement à l'obligation de bonne foi - Faute grave (non) - Validité du motif (oui) - Caractère abusif du licenciement (oui) - Dommages et intérêts (oui)
Résumé🔗
La salariée, engagée en qualité en qualité d'aide administrative, a été licenciée pour faute grave en raison de son comportement déloyal envers l'employeur consistant dans la création d'une SARL de droit français ayant pour activité « coaching et conseils en beauté, achat vente de produits de beauté ». Si le contrat de travail de l'intéressée ne lui interdit pas d'exercer une activité annexe, elle a cependant manqué à son obligation d'exécuter son contrat de travail de bonne foi dès lors qu'elle a nié la réalité d'une situation qui était pourtant objectivement exacte. En revanche, il n'est aucunement établi qu'elle se serait présentée en se recommandant d'un lien avec son employeur, que cette activité concurrencerait celle de son employeur et qu'elle aurait profité des moyens mis à sa disposition par ce dernier. Le licenciement repose en conséquence sur un motif valable mais non sur une faute grave. La salariée a ainsi droit au versement des indemnités de rupture.
L'invocation d'une faute grave non avérée ainsi que la précipitation et la légèreté de l'employeur dans la mise en œuvre de la procédure confèrent un caractère abusif à la rupture. Le dommage moral en résultant est indemnisé à hauteur de 1 000 euros par la cour.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 17 AVRIL 2018
En la cause de :
- Madame f. CO., exerçant le commerce sous l'enseigne « CO. GLOBAL ASSISTANCE », en abrégé C. G. A., immatriculée au R. C. I. sous le n° Z, demeurant en cette qualité, X à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
- Madame j. AN., demeurant X1 à Beausoleil (06240) ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 70/BAJ/14, par décision du Bureau du 6 février 2014 ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Charles LECUYER, avocat près la même Cour ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail, le 26 janvier 2017 ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 10 juillet 2017 (enrôlé sous le numéro 2018/000006) ;
Vu les conclusions déposées le 12 décembre 2017 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, substituée par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de Madame j. AN. ;
Vu les conclusions déposées le 16 février 2018 par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de Madame f. CO. ;
Vu les conclusions déposées le 6 mars 2018 par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de Madame j. AN. ;
À l'audience du 20 mars 2018, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Madame f. CO. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 26 janvier 2017.
Considérant les faits suivants :
Madame j. AN., embauchée suivant contrat à durée indéterminée par Madame f. CO. exerçant sous l'enseigne « CO. Global Assistance » à compter du 1er avril 2005 en qualité d'aide administrative, a été licenciée par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 décembre 2013, et ce pour faute grave.
Contestant la légitimité de son licenciement, elle a saisi le Tribunal du Travail afin de voir condamner Madame CO. à lui payer les sommes suivantes :
13.656,24 euros à titre d'indemnité de licenciement,
2.869,26 euros à titre d'indemnité de congédiement,
soit la somme de 10.786,98 euros les deux indemnités ne pouvant se cumuler,
- 4.552,08 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire,
- les intérêts au taux légal,
les dépens.
Les parties n'ayant pu se concilier, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.
Suivant jugement en date du 26 janvier 2017, le Tribunal du Travail a :
« - dit que le licenciement de Madame j. AN. par Madame f. CO. repose sur un motif valable mais n'est pas fondé sur une faute grave et revêt un caractère abusif,
- condamné Madame f. CO. à payer à Madame j. AN. les sommes suivantes :
4.552,08 euros brut à titre d'indemnité de préavis,
2.869,26 euros à titre d'indemnité de congédiement,
300 euros à titre de dommages et intérêts,
- le tout avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
rejeté le surplus des demandes présentées par les parties,
condamné Madame f. CO. aux dépens. »
Au soutien de cette décision, les premiers juges ont en substance retenu que l'attitude de Madame AN., tendant à nier des faits qui se sont avérés vrais par la suite, constituait un manquement à l'obligation de bonne foi résultant de l'exécution du contrat de travail entraînant la perte de confiance de l'employeur et rendant valable le motif de rupture. Ils ont par ailleurs estimé qu'à défaut d'éléments de preuve ou de précisions sur la gravité du comportement en cause, et notamment le détournement effectif de clientèle alléguée, l'existence d'une faute grave n'était pas démontrée.
Suivant exploit en date du 10 juillet 2017, Madame f. CO. a interjeté appel du jugement susvisé signifié le 8 juin 2017 à l'effet de voir la Cour :
- écarter des débats, comme étant manifestement un témoignage de pure complaisance, l'attestation de Monsieur j-m. RE. versé aux débats sous le numéro 16,
- infirmer le jugement du 26 janvier 2017 en toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau, dire et juger que le licenciement de Madame j. AN. repose sur une faute grave qui ne revêt aucun caractère abusif,
- en conséquence débouter Madame j. AN. de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- condamner Madame j. AN. à lui payer une somme de un euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Madame f. CO. adhère à la décision entreprise en ce que les agissements de Madame j. AN. ont été analysés comme un manquement grave à l'obligation générale de loyauté du salarié.
Elle estime que la déloyauté est en l'espèce d'autant plus importante que cette salariée a profité de la rémunération perçue pour développer son activité et pouvoir ainsi subvenir à ses besoins le temps d'assurer des rentrées financières équivalentes.
L'appelante rappelle en substance, aux termes de l'ensemble de ses écrits judiciaires, qu'elle exerce une activité de conseils et de prestations de services destinés aux entreprises et aux particuliers s'installant en Principauté de Monaco, au titre de laquelle tous les salariés doivent respecter la charte de comportement en vigueur dans l'entreprise, définissant les règles internes applicables à l'activité du cabinet.
Madame f. CO. précise encore que Madame AN. destinataire de la charte de comportement, a pourtant utilisé son nom et sa réputation en Principauté pour entrer en contact avec des clients potentiels, puis proposer à la vente pour son propre compte des produits cosmétiques sans avoir sollicité au préalable une autorisation de démarchage commercial auprès des autorités monégasques.
Elle reproche à Madame AN. d'avoir nié la création d'une société et d'avoir établi une attestation le 6 décembre 2013 aux termes de laquelle elle affirme ne pas exercer une activité professionnelle autre que celle déclarée par son employeur à l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public B.
L'appelante fait par ailleurs grief aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte de la gravité d'une telle attitude, tout en rappelant que la gravité de la faute doit également s'apprécier au regard du tort qui aurait pu être causé à l'entreprise par le comportement de la salariée.
Madame f. CO. fait valoir à cet égard que :
- dans la mesure où la salariée exerçait son activité auprès de ses propres clients allant même jusqu'à se recommander d'elle, elle a créé une confusion dans l'esprit de la clientèle de nature à nuire à sa réputation,
- le défaut de toute demande d'autorisation aux autorités monégasques pour l'activité de commercialisation de ses produits cosmétiques a été à l'origine du rappel à la loi infligé à Madame AN.,
- le simple risque généré par cette action illicite et parasitaire était inacceptable et gravement fautif au regard de l'obligation de loyauté pesant sur cette salariée,
- l'existence d'un détournement effectif de clientèle n'avait pas à être caractérisée, le seul démarchage des clients permettant d'établir la gravité du manquement commis au devoir de loyauté mais aussi à l'obligation de fidélité et d'exclusivité qu'elle avait envers son employeur,
- les mensonges réitérés par Madame AN. auprès de son employeur ajoute à la gravité de la faute commise.
Madame f. CO. fait également grief à la décision entreprise d'avoir qualifié d'abusif le licenciement en lui imputant une légèreté blâmable outre l'usage excessif de son pouvoir disciplinaire et une précipitation dans la mise en œuvre de la rupture. Elle rappelle que le mensonge délibéré de cette salariée, présente depuis plusieurs années dans l'entreprise, est de nature à justifier la perte immédiate de confiance après que le Docteur MARQUET ait confirmé l'existence des activités illicites de démarchage.
Madame j. AN., intimée, entend pour sa part, aux termes de l'ensemble de ses écritures judiciaires, voir débouter l'appelante de l'intégralité de ses demandes tout en demandant à la Cour de confirmer que la faute grave alléguée n'est pas caractérisée.
Relevant par ailleurs appel incident, elle entend voir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement justifié par la violation de son obligation de bonne foi et demande à la Cour, statuant à nouveau de :
- dire et juger que le licenciement de Madame AN. est dépourvu de motif valable,
Et, en conséquence condamner Madame CO. au versement de :
- la somme de 10.786,98 euros à titre d'indemnité de licenciement réduite de l'indemnité de congédiement,
- la somme de 2.869,26 euros à titre d'indemnité de congédiement,
- la somme de 4.552,08 euros à titre d'indemnité de préavis.
Elle entend enfin voir par ailleurs confirmer le jugement entrepris en ce que le Tribunal du Travail a jugé que le licenciement revêtait un caractère abusif et vexatoire dans ses modalités d'exercice.
Elle entend par ailleurs voir infirmer le jugement entrepris en ce que le Tribunal du Travail l'a déboutée de sa demande de réparation du préjudice matériel et lui a octroyé la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts.
Elle entend en conséquence voir dire et juger :
qu'elle est parfaitement recevable à solliciter l'indemnisation de son préjudice matériel,
condamner la partie adverse à lui payer la somme de 35.000 euros à titre de dommages-intérêts,
la condamner au paiement des intérêts dus au taux légal ainsi qu'aux entiers dépens.
L'intimée rappelle avoir effectivement créé une SARL de droit français immatriculée le 9 octobre 2012 au registre du commerce et des sociétés, avec pour activité le « coaching et conseils en beauté, achat vente de produits de beauté », tout en précisant que Madame CO. était parfaitement au courant de ce fait.
Elle développe ensuite les moyens suivants :
- la charte de comportement en date du 5 février 2013 n'apparait pas signée en sorte que la preuve de son émission et sa transmission au salarié n'est pas rapportée,
- l'employeur a donc imposé de façon unilatérale cette charte sans recueillir au préalable les observations de ses salariés contrairement aux dispositions de la loi n° 711 du 18 décembre 1961,
- en tout état de cause, le Tribunal a, à bon droit, relevé que cette charte comporte une obligation de loyauté du salarié inhérente à toute relation de travail mais n'interdit nullement à ce dernier d'avoir une activité parallèle,
- pendant le temps de sa relation de travail, la qualité de son travail et son dévouement ont toujours été salués, tandis que sa rémunération a été régulièrement revalorisée,
- simple assistante administrative, elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles dès lors que la comparaison de son activité de coaching et de conseil en beauté, achat, vente de produits de beauté ne concurrençait pas directement l'activité de conseils, prestations de service destinés aux entreprises ou particuliers exercés par Madame CO.,
- les attestations produites émanant des Docteurs ROUSSET et MARQUET ont été rédigées avec une complaisance avérée démontrant que le motif invoqué par l'employeur a été créé pour les besoins de la cause,
- l'attestation de Monsieur VE. est mensongère et fallacieuse,
- le dépôt de plainte de Madame CO. n'a donné lieu à aucune poursuite pénale au titre des faits dénoncés et cette dernière n'a subi aucun préjudice ni atteinte à son image du fait des agissements contestés,
- les avertissements en date du 25 mars 2013 sanctionnant un retard de quelques minutes et une absence pour arrêt maladie dont l'employeur n'aurait pas été tenu informé apparaissent sans portée pour établir la dégradation de son comportement,
- elle n'a par ailleurs ni détourné ses clients, ni fait usage de moyens mis à sa disposition à des fins personnelles et n'a pas violé son obligation générale de loyauté,
- l'attestation sur l'honneur en date du 6 décembre 2013 a été signée par ses soins mais elle n'a jamais menti à son employeur dès lors qu'elle n'a jamais caché la création de son activité à Madame CO. et qu'elle lui a en outre demandé de nombreux conseils lors de sa mise en place,
- le motif avancé par Madame CO. à l'appui du licenciement procède d'une pure invention,
- le licenciement a été mis en œuvre de façon abusive et vexatoire par Madame CO. sur la base d'un motif fallacieux.
À l'audience des plaidoiries, le conseil de Madame f. CO. a demandé que soit écartée des débats la pièce 21 communiquée selon elle hors calendrier procédural par Madame j. AN. ou à titre subsidiaire un délai pour répondre.
Le conseil de Madame j. AN. s'est opposé à cette demande en faisant valoir qu'il s'agissait d'éléments utiles à la défense de ses intérêts en réponse aux nouveaux moyens développés par l'adversaire, s'en remettant pour le surplus à la décision de la Cour.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que les appels principal et incident ont été formés dans les conditions de délai et de forme prévues par le Code de procédure civile et doivent être déclarés recevables ;
Sur les demandes de rejet de pièces :
Attendu sur la demande formée par l'appelante tendant au rejet de la nouvelle pièce numéro 21 versée aux débats par Madame j. AN. en dehors des préconisations du calendrier procédural, qu'il apparaît que les certificats et attestations de diplômes ainsi communiqués tendent indiscutablement à répliquer à l'argumentation adverse en sorte qu'ils n'instaurent pas un élément nouveau aux débats et n'ont pas lieu d'en être écartés ;
Qu'il n'apparaît pas davantage opportun de réouvrir les débats pour organiser une discussion contradictoire sur ce point ;
Qu'en ce qui concerne par ailleurs la demande formée par l'appelante tendant à voir écarter des débats le témoignage qualifié « de complaisance » établi par j-m. RE. sous la pièce n° 16, qu'il n'apparaît pas que le formalisme requis par les dispositions des articles 324 et suivants du Code de procédure civile n'aurait pas été respecté, en sorte qu'il n'y a pas lieu d'écarter cette pièce des débats ;
Sur le motif de licenciement et la gravité de la faute :
Attendu que la charge de la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture d'une part et de la faute grave alléguée d'autre part incombe à l'employeur ;
Que la faute grave s'induit de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié caractérisant un manquement aux obligations liées à la relation de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible la poursuite du contrat de travail et nécessaire son départ immédiat de l'entreprise ;
Attendu s'agissant des faits ayant présidé à la mise en ouvre du licenciement, qu'il résulte des pièces produites que Madame j. AN. a été licenciée par courrier en date du 13 décembre 2013 dont la teneur suit :
« Depuis plusieurs mois, vous exercez votre propre activité commerciale en vous servant de mon nom, et de celui de ma société.
De ce fait, à compter de ce jour, vous ne faites plus partie du Cabinet CO. Global Assistance.
Veuillez-vous présenter le 7 janvier afin de nous remettre tout ce qui appartient au Cabinet CO. Global Assistance ainsi que tout ce qui est lié à son activité professionnelle, et d'établir le solde de tout compte ».
Attendu que tout salarié est tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son employeur, les premiers juges ayant à bon droit rappelé qu'un tel devoir procède de l'obligation plus générale d'exécuter de bonne foi le contrat de travail au sens des dispositions de l'article 989 du Code civil ;
Attendu qu'il en résulte que le mensonge ou les dissimulations imputables à un salarié liés à l'exercice de l'activité professionnelle ou pouvant avoir une incidence sur celle-ci peuvent caractériser le manquement à l'obligation de loyauté et rompre la relation de confiance qui doit nécessairement présider à la poursuite du contrat de travail ;
Attendu dès lors, que sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'applicabilité ou la portée de la charte de comportement dans l'entreprise de Madame CO., il est à suffisance établi que tout salarié travaillant au sein du Cabinet CO. Global Assistance avait, implicitement mais nécessairement, l'obligation de ne pas préjudicier aux intérêts de son cocontractant en portant, directement ou indirectement, atteinte à ses biens ;
Qu'il résulte des pièces versées aux débats que Madame j. AN. a créé une société à responsabilité limitée de droit français pendant le temps de sa relation de travail avec Madame f. CO., le 9 octobre 2012, ayant pour activité « coaching et conseils en beauté achat vente de produits de beauté » ;
Que dès lors qu'il est constant, et non au demeurant contesté, que cette salariée ne s'est pas vu interdire, dans son contrat de travail, d'avoir une activité annexe, il incombait dès lors à l'employeur de démontrer que l'exercice par Madame AN. de son activité personnelle était constitutif d'une faute grave rendant nécessaire la rupture immédiate du contrat de travail ;
Qu'il s'induit des éléments de la cause que Madame j. AN. a reconnu le 6 décembre 2013 ne pas exercer une activité professionnelle distincte de celle déclarée par Madame CO. auprès de l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public B dans une attestation ainsi libellée :
« objet : attestation sur l'honneur absence d'activité professionnelle autre que celle déclarée par mon employeur à ll'organisme privé chargé de la gestion d'un service public B. Attestation sur l'honneur d'absence d'activité professionnelle externe et nuisible à mon employeur.
Je soussignée, Mademoiselle j. AN., domiciliée X1, 06240 à Beausoleil, déclare être à ce jour, employée en tant qu'aide-administrative au sein du Cabinet CO. Global Assistance avec pour employeur Madame f. CO.. J'atteste sur l'honneur, qu'à ce jour, je n'exerce pas une activité professionnelle autre que celle déclarée par mon employeur à l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public B. J'atteste également sur l'honneur, qu'à ce jour, je n'utilise pas le nom de mon employeur à des fins de publicité et/ou commerciale, et pour toute autre activité professionnelle que celle que j'occupe actuellement. Enfin, j'atteste sur l'honneur ne pas utiliser les données des clients de mon employeur pour toute autre activité professionnelle que celle que j'occupe actuellement ».
Attendu que cette attestation a été régulièrement signée par Madame j. AN., en sorte que les premiers juges en ont à bon droit déduit que Madame CO. n'était pas au courant de l'existence de l'activité de coaching conseil en beauté créée par Madame j. AN., ni donc de l'existence de la SARL W ;
Que la teneur des attestations, dont la régularité n'est pas contestée, établies par le Docteur MARQUET les 21 octobre et 27 novembre 2014, conforte par ailleurs l'ignorance par Madame f. CO. de l'existence d'une quelconque société exploitée par son employée Madame j. AN. ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le comportement de Madame AN., consistant à nier la réalité d'une situation qui était pourtant objectivement exacte, a constitué un manquement évident à l'obligation de bonne foi résultant de l'exécution du contrat de travail entraînant la dégradation de la relation de confiance avec l'employeur ;
Mais attendu que la gravité de la faute reprochée, fondée dans la lettre de licenciement sur l'utilisation du nom de Madame CO. et de sa société par Madame j. AN., n'apparaît pas établie par les pièces produites, dès lors qu'il ne s'induit d'aucun des éléments de la cause que cette salariée se serait présentée en se recommandant d'un lien avec Madame CO. ;
Qu'il n'est pas davantage établi que l'activité créée par Madame j. AN. aurait été de nature à concurrencer directement celle exercée par Madame CO. dont l'objet social est différent d'une part, et alors d'autre part que les témoignages versés aux débats ne permettent pas de démontrer que cette salariée, qui déclare simplement bien connaître Madame CO., aurait fait usage du nom de cet employeur dans le cadre de son activité personnelle ;
Qu'enfin, s'agissant de l'utilisation reprochée à Madame j. AN. des moyens mis à sa disposition par son employeur, la simple venue de cette salariée sur son lieu de travail le lundi suivant son arrêt maladie n'apparaît pas suffisante pour établir le détournement allégué des biens de l'entreprise, ni même établir la gravité de son comportement déloyal ;
Attendu en conséquence que le licenciement notifié à Madame j. AN. était fondé sur un motif valable mais non une faute grave, la décision entreprise devant être confirmée en toutes ses dispositions et les parties déboutées de leurs prétentions respectives ;
Sur le caractère abusif du licenciement :
Attendu qu'il incombe au salarié prétendant qu'un abus a été commis par l'employeur dans le cadre de la rupture et réclamant de ce chef des dommages intérêts, de démontrer que l'employeur a invoqué un motif fallacieux de licenciement ou a commis une faute lors de la mise en oeuvre du licenciement en faisant preuve notamment de légèreté blâmable, d'intention de nuire, voire en méconnaissant certaines dispositions légales ;
Que si le motif de licenciement retenu par la Cour au titre du manquement à l'obligation de loyauté a été déclaré valable, il ne présentait néanmoins aucun caractère fallacieux ;
Qu'en revanche, l'employeur a incontestablement mis en ¿uvre le licenciement dans des conditions de précipitation et de légèreté liées à l'invocation d'une faute grave non avérée conférant de la sorte à la rupture un caractère abusif ;
Que la décision entreprise sera de ce chef confirmée mais réformée quant aux montant de l'indemnisation allouée, étant cependant observé que Madame j. AN. ne peut prétendre qu'à l'indemnisation de son préjudice moral dès lors que seules les conditions de mise en ¿uvre de la rupture présentent un caractère abusif ;
Qu'il lui sera en conséquence alloué à ce titre une réparation chiffrée à 1.000 euros, les intérêts au taux légal étant dus sur cette somme à compter du présent arrêt ;
Attendu que les entiers dépens de l'instance demeureront à la charge de Madame f. CO..
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels principal et incident,
Déboute l'appelante des fins de sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces adverses portant les numéros 16 et 21,
Confirme le jugement rendu le 26 janvier 2017 par le Tribunal du Travail en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement abusif,
Réformant de ce chef le jugement déféré, condamne Madame f. CO. à payer à Madame j. AN. la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et dit que les intérêts au taux légal seront dus sur cette somme à compter du présent arrêt,
Condamne Madame f. CO. aux entiers dépens, distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 17 AVRIL 2018, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en chef adjoint, en présence de Monsieur Jacques DORÉMIEUX, Procureur général.