Cour d'appel, 13 février 2018, La Société A. c/ Monsieur g., f., i. dit fr. FA.

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Abstract🔗

Droit international privé - Compétence des tribunaux de la Principauté (non) - Demande en validité de saisie-arrêt - Incompétence pour se prononcer sur le bien-fondé de la créance - Nationalité étrangère des parties - Domiciliation à l'étranger - Exécution des obligations à l'étranger - Incompétence relevée d'office - Sursis à statuer sur la validité de la saisie-arrêt

Résumé🔗

Aux termes des dispositions de l'article 6-7 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 les tribunaux de la Principauté sont compétents en raison de la matière pour les seules demandes en validité ou en mainlevée de saisies-arrêts formées dans la Principauté. À cette occasion, s'ils peuvent apprécier le principe de la créance dans la phase provisoire, ils ne peuvent se prononcer sur le bien-fondé de cette créance que si leur compétence est prévue par une règle du droit du for ou une règle conventionnelle leur permettant de connaître du litige. En l'espèce, il est demandé à la présente juridiction de fixer la créance, autrement dit de statuer également sur le bien-fondé de la créance à l'origine de la mesure d'exécution, faute de pouvoir se prévaloir d'un titre exécutoire au sens de l'article 495 du Code de procédure civile. Le litige opposant deux parties de nationalité étrangère domiciliées à l'étranger, à propos d'obligations contractuelles qui doivent y être exécutées, la Cour doit donc relever d'office son incompétence en la matière par application de l'article 10 de la loi susvisée, ce d'autant que les actes notariés fondant les poursuites contiennent une clause attributive de compétence à une juridiction étrangère. La Cour ne peut que sursoir à statuer sur la validité de la saisie-arrêt dans l'attente de la décision étrangère exécutoire.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 13 FÉVRIER 2018

En la cause de :

  • - La Société Anonyme de droit de la Polynésie française dénommée « A. », société anonyme au capital de 1.995.804.000 francs CFP, immatriculée au RCS de Papeete sous le numéro X, dont le siège social est à Papeete - TAHITI - Polynésie Française X1, agissant poursuites et diligences de son Directeur Général en exercice, Monsieur p. TE., domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, ayant pour avocat plaidant Maître Maxime ROUILLOT, avocat au Barreau de Nice ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - Monsieur g., f., i. dit fr. FA., né le 21 août 1940 à TUNIS (Tunisie), de nationalité française, domicilié X1 à TAHITI, Polynésie Française ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

En présence de :

  • Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de Monaco, étant en ses bureaux, rue Colonel Bellando de Castro à Monaco ;

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 13 octobre 2016 (R. 265) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 30 novembre 2016 (enrôlé sous le numéro 2017/000066) ;

Vu l'arrêt avant dire droit en date du 24 octobre 2017 ;

Vu les conclusions déposées le 5 décembre 2017 par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme de droit de la Polynésie française dénommée « A. » ;

Vu les conclusions déposées le 13 décembre 2017 par le Ministère Public ;

À l'audience du 19 décembre 2017, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties, le Ministère Public entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la Société Anonyme de droit de la Polynésie française dénommée « A. » à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 13 octobre 2016.

Considérant les faits suivants :

Statuant sur l'appel relevé par la Société Anonyme de droit de la Polynésie française dénommée « A. » à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 13 octobre 2016 qui l'a déboutée de ses demandes et a ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt qu'elle avait fait pratiquer le 1er septembre 2014 sur les comptes bancaires de g. dit fr. FA. ouverts auprès de la SA B. (en sa succursale de Monaco) et de la SAM C. (Monaco), la Cour de céans dans son arrêt du 24 octobre 2017, a constaté qu'était soulevée une exception d'incompétence et a ordonné la réouverture des débats en invitant les parties et le ministère public à s'expliquer sur les conséquences des nouvelles dispositions légales sur la compétence des juridictions monégasques.

Par courrier du 17 novembre 2017, le conseil de g. dit fr. FA. a indiqué se trouver sans instruction de son client et en conséquence ne plus conclure.

Suivant conclusions récapitulatives du 5 décembre 2017, la société A. a réitéré l'ensemble de ses prétentions.

Plus particulièrement, sur la question de la compétence, elle a conclu au rejet de l'exception soulevée par g. dit fr. FA., en invoquant les dispositions de l'article 6-7° de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 qui donnent compétence aux tribunaux de la Principauté en matière d'exécution, de validité ou de mainlevée de saisies-arrêts formées dans la Principauté, estimant que la clause d'attribution insérée dans les contrats de prêts liant les parties ne concerne que les actions en contestation de l'acte notarié ou les actions portant sur le fond de droit, mais nullement le litige en validation de la mesure conservatoire pratiquée.

Pour sa part le Ministère Public a conclu à la compétence des juridictions monégasques pour connaître de l'intégralité de la matière des saisies-arrêts pratiquées à Monaco, et plus particulièrement pour connaître en l'espèce de la demande en validation de la saisie-arrêt pratiquée sur autorisation le 1er septembre 2014 sur la base de deux actes notariés ayant fait l'objet d'exequatur le 9 octobre 2014.

Sur le fond, il a déclaré s'en rapporter.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 6-7 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé qui a abrogé les articles 1 à 5 bis du Code de procédure civile, les tribunaux de la Principauté sont compétents, quel que soit le domicile du défendeur, en matière d'exécution, de validité ou de mainlevée de saisies-arrêts formées dans la Principauté, et généralement de toutes demandes ayant pour objet des mesures provisoires ou conservatoires, même si les juridictions monégasques ne sont pas compétentes pour connaître des actions ayant pour objet le fond ;

Que ce nouveau texte confère donc aux tribunaux une compétence en raison de la matière pour les seules demandes en validité ou en mainlevée de saisies-arrêts formées dans la Principauté ;

Qu'à cette occasion, s'ils peuvent apprécier le principe de la créance dans la phase provisoire, ils ne peuvent se prononcer sur le bien fondé de cette créance que si leur compétence est prévue par une règle du droit du for ou une règle conventionnelle leur permettant de connaître du litige ;

Attendu qu'il est de principe que les lois nouvelles de compétence s'appliquent immédiatement aux instances en cours, sauf s'il a déjà été rendu une décision sur le fond, ce qui n'est pas soutenu ;

Attendu en l'espèce que la société A. fonde ses demandes sur deux actes notariés de prêt par lesquels l'intimé s'est porté caution solidaire ;

Qu'elle a obtenu l'exequatur de ces deux actes suivant ordonnance du Président du Tribunal de première instance du 25 septembre 2014 ;

Que néanmoins c'est de manière erronée que l'appelante prétend que le présent litige est limité à l'action en validité de la saisie-arrêt pratiquée sur sa demande ;

Qu'en effet si les actes notariés sont désormais exécutoires en Principauté et établissent un principe de créance en faveur de l'appelante à l'encontre de g. dit fr. FA., en sa qualité de caution personnelle et solidaire, force est de constater que la société A. ne prétend pas à l'attribution, à concurrence du montant de sa créance indiquée dans l'exploit, des sommes objet de la mesure conservatoire, mais demande à la présente juridiction de fixer sa créance, autrement dit de statuer également sur le bien-fondé de la créance à l'origine de la mesure d'exécution, faute de pouvoir se prévaloir d'un titre exécutoire au sens de l'article 495 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'en l'occurrence, le litige oppose deux parties de nationalité étrangère domiciliées à l'étranger, à propos d'obligations contractuelles qui doivent y être exécutées, en sorte que la Cour doit donc relever d'office son incompétence en la matière par application de l'article 10 de la loi susvisée, ce d'autant que les actes notariés précités contiennent une clause attributive de compétence à une juridiction étrangère ;

Attendu, en ce qui concerne l'action en validité de la saisie, que son sort est nécessairement lié au fond du litige ; qu'il y sera donc statué lorsque les juridictions étrangères compétentes qui devront être saisies à la requête de la partie la plus diligente se seront prononcées définitivement, la Cour ne pouvant que surseoir à statuer jusqu'à ce que cette décision étrangère soit exécutoire en Principauté de Monaco ;

Qu'en conséquence en l'état, l'affaire est provisoirement retirée du rôle de la Cour conformément au dispositif ci-après ;

Et attendu que les dépens sont réservés en fin de cause ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement, avant-dire-droit au fond,

Se déclare incompétente pour connaître du fond du litige,

Sursoit à statuer sur le mérite de l'action en validité de la saisie-arrêt jusqu'à ce que la décision des juridictions étrangères, qui seront saisies à la requête de la partie la plus diligente, soit exécutoire en Principauté de Monaco,

Dit que l'affaire est provisoirement retirée du rôle de la Cour et y sera rétablie par voie de conclusions à la diligence des parties avant l'expiration du délai d'un an à compter du prononcé de l'arrêt en application de l'article 405 du Code de procédure civile,

Réserve les dépens en fin de cause,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 13 FÉVRIER 2018, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.

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