Cour d'appel, 13 février 2018, La Sarl A. c/ Monsieur a. BR.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Appel civil - Délai d'appel - Appel tardif - Irrecevabilité - Cour d'appel non saisie par la remise d'une copie de courtoisie de l'exploit d'appel - Dénonce tardive de l'exploit d'appel

Résumé🔗

Il résulte des pièces de la procédure et notamment du cachet de réception de cette juridiction, que si une copie de l'exploit d'appel a été remise par l'huissier de justice au secrétariat de la Cour d'appel et ce, selon une pratique destinée à éviter la délivrance de certificats de non appel, il n'en demeure pas moins que la partie appelante n'a, quant à elle, jamais requis l'inscription de la cause, ni surtout remis au greffe une copie sur papier libre de l'exploit d'assignation signé par l'avocat-défenseur, optant uniquement pour une dénonce très ultérieure de cet exploit d'appel. Il en résulte que la présente juridiction n'a jamais été saisie par la remise au greffe de l'assignation et que le second exploit caractérise un appel tardif. Par application des dispositions combinées des articles 163, 166 et 424 du Code de procédure civile, il y a lieu de déclarer l'appel irrecevable.


Motifs🔗

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 13 FÉVRIER 2018

En la cause de :

  • - La Société à Responsabilité Limitée A., exploitant sous l'enseigne B., anciennement D., (B.), inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le n° X, dont le siège social se trouve X1, à Monaco, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, M. g. PO., demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, ayant pour avocat plaidant Maître René SCHILEO, avocat au barreau de Nice ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • - Monsieur a. BR., demeurant X2 CAVALAIRE SUR MER ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

En présence de :

  • M. le Procureur Général

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 1er juin 2017 (R.5783) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 25 juillet 2017, non enrôlé ;

Vu l'exploit d'assignation « sur ce et aux même fins » du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 11 octobre 2017 (enrôlé sous le numéro 2018/000032) ;

Vu les conclusions déposées le 12 décembre 2017 par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de Monsieur a. BR. ;

Vu les conclusions déposées le 22 décembre 2017 par le ministère public ;

Vu les conclusions déposées le 16 janvier 2018 par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de la SARL A. ;

À l'audience du 23 janvier 2018, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties, le ministère public entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SARL A. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 1er juin 2017.

Considérant les faits suivants :

Suivant exploit d'huissier en date du 2 février 2016 la société D. dénommée B. a fait assigner Monsieur BR. devant le Tribunal de première instance pour obtenir le paiement de la somme de 27.508 euros dont elle se déclarait créancière à son égard.

Aux termes d'un jugement en date du 1er juin 2017, le Tribunal de première instance s'est déclaré incompétent pour statuer sur ce litige.

Ce jugement a été signifié le 27 juin 2017.

Aux termes d'un exploit, intitulé « assignation sur ce et aux mêmes fins » en date du 11 octobre 2017, dénonçant un acte d'appel et assignation du 25 juillet 2017, la SARL A. a fait assigner a. BR. devant la Cour d'appel à l'effet d'obtenir l'infirmation du jugement rendu par le Tribunal de première instance le 1er juin 2017 et, statuant à nouveau, voir la Cour dire et juger, en application des dispositions de l'article 3 2° du Code de procédure civile que la juridiction de la Principauté de Monaco est compétente pour connaître du litige opposant les parties et, par voie de conséquence,

  • - soit renvoyer celles-ci devant le Tribunal de première instance afin de conclure sur le fond,

  • - soit, si la Cour entend exercer son droit d'évocation, renvoyer les parties à une prochaine audience pour qu'elles se mettent en état de conclure sur le fond.

Monsieur a. BR., intimé, entend voir déclarer irrecevable en ses demandes la société A. en l'état de exploit d'appel délivré le 11 octobre 2017, soit à une date à laquelle le délai d'appel était déjà expiré, depuis le 27 juillet 2017, et sollicite par ailleurs la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusif et dilatoire.

Il expose notamment que l'acte d'appel délivré tardivement le 11 octobre 2017 dénonçait, sans la moindre explication, un précédent exploit qui aurait été régularisé le 25 juillet précédent à l'encontre du jugement contradictoirement rendu le 1er juin 2017.

Il soutient à cet égard que la saisine de la Cour d'appel par remise au secrétariat de ladite Cour d'une copie de l'assignation du 25 juillet 2017 n'était pas intervenue dans les délais requis, en sorte que la procédure n'avait pas été enrôlée et ce, en méconnaissance des dispositions de l'article 163 du Code de procédure civile, l'exploit du 11 octobre 2017 intervenant quant à lui hors délai.

La SARL A. entend pour sa part voir :

  • constater que l'article 163 du Code de procédure civile ne prévoit aucun cas de caducité d'un acte d'assignation faute d'enrôlement un jour franc au moins avant celui fixé pour la comparution,

  • constater que la Cour d'appel a bien été saisie par la remise au greffe d'une copie de l'acte d'appel et assignation du 25 juillet 2017, nonobstant le défaut d'enrôlement dudit acte,

  • par conséquence déclarer recevable l'appel formé le 25 juillet 2017 ainsi que l'assignation « sur ce fin et aux mêmes fins » du 11 octobre 2017,

  • débouter l'intimé de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société appelante observe en substance que :

  • l'article 163 du Code de procédure civile ne prévoit pas la caducité d'un acte d'appel à défaut d'enrôlement dans le délai d'un jour franc au moins avant celui fixé pour la comparution,

  • le Tribunal est saisi par la remise au greffe de l'assignation et non par son enrôlement,

  • Monsieur a. BR. admettrait qu'une copie de l'assignation susvisée a été remise au secrétariat greffe de la Cour d'appel en sorte que la jurisprudence de la Cour de cassation française, 2ème chambre civile, en date du 9 avril 2015, a vocation à s'appliquer en ce qu'elle conforte la saisine de la juridiction,

  • les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme font du droit d'appel un droit fondamental auquel il ne saurait être porté atteinte.

Le Ministère Public s'en est rapporté sur la recevabilité de l'appel.

L'affaire a été, à titre liminaire, fixée à plaider sur la recevabilité de l'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'article 163 du Code de procédure civile dispose : « un jour franc au moins avant celui fixé pour la comparution, le demandeur, ou à son défaut le défendeur, requerra au greffe l'inscription de la cause sur le registre ou rôle à ce destiné. » ;

Attendu que pour requérir l'inscription de la cause, la partie doit remettre au greffe une copie sur papier libre de l'exploit d'assignation signé par l'avocat-défenseur et, dans les causes où les conclusions du ministère public sont requises, une copie doit être transmise sans retard au procureur général ;

Attendu qu'à défaut pour le demandeur de se conformer à un tel formalisme, l'article 166 du même Code prévoit qu'il est loisible au Tribunal, même d'office, de renvoyer la cause à une autre audience ou d'en ordonner la radiation tout en condamnant le demandeur aux dépens ;

Attendu que l'ensemble de ces dispositions est applicable à la procédure et à l'instruction de la cause devant la Cour d'appel et ce, par application des dispositions de l'article 435 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et notamment du cachet de réception de cette juridiction, que si une copie de l'exploit d'appel en date du 25 juillet 2017 -encore dénommée copie de courtoisie- a été remise par l'huissier de justice au secrétariat de la Cour d'appel et ce, selon une pratique destinée à éviter la délivrance de certificats de non appel, il n'en demeure pas moins que la partie appelante n'a, quant à elle, jamais requis l'inscription de la cause, ni surtout remis au greffe une copie sur papier libre de l'exploit d'assignation signé par l'avocat-défenseur, encore dénommé magistrale, optant uniquement pour une dénonce très ultérieure de cet exploit d'appel « tendant aux mêmes fins » suivant l'acte d'huissier du 11 octobre 2017 ;

Attendu qu'il en résulte que la présente juridiction n'a jamais été saisie par la remise au greffe qu'aurait effectué la société appelante de l'assignation du 25 juillet 2017 alors par ailleurs que le second exploit délivré le 11 octobre 2017 intitulé « assignation sur ce et aux mêmes fins » caractérise un appel tardif qui n'apparaît pas interjeté dans le délai de 30 jours à dater de la signification du jugement prévu par l'article 424 du Code de procédure civile ;

Attendu que par application des dispositions combinées des articles 163, 166 et 424 du Code de procédure civile, il y a lieu de déclarer l'appel irrecevable avec toutes conséquences de droit ;

Qu'en effet si le droit d'appel caractérise un droit fondamental, il n'en est pas moins soumis aux règles de forme et de délai prévues par le Code de procédure civile monégasque ;

Attendu s'agissant de la demande de dommages-intérêts formée par l'intimé pour appel dilatoire et abusif, qu'il ne résulte pas des pièces produites que la SARL A. aurait interjeté appel dans le but de nuire aux intérêts de son contradicteur, ni commis de faute susceptible d'ouvrir droit à réparation, en sorte que la demande d'indemnisation formée de ce chef devra être rejetée ;

Attendu que les entiers dépens de l'instance d'appel seront supportés par l'appelante qui succombe ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare l'appel irrecevable,

Déboute Monsieur a. BR. des fins de sa demande de dommages intérêts,

Condamne la SARL A. aux dépens, distraits au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

Composition🔗

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 13 FÉVRIER 2018, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur général adjoint.

  • Consulter le PDF