Cour d'appel, 9 janvier 2018, Monsieur j. FE. c/ La SAM A.
Abstract🔗
Contrat de travail - Rémunération - Rémunération majorée applicable systématiquement en cas de travail, la nuit, le dimanche ou un jour férié (non) - Licenciement pour motif personnel - Insuffisance professionnelle - Validité du motif de licenciement (oui) - Caractère abusif du licenciement (non) - Dommages et intérêts (non)
Résumé🔗
Le salarié, électromécanicien, revendique le bénéfice des dispositions de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 25 novembre 1963, relatives au « Travail exceptionnel de nuit, du dimanche et jours fériés ». Toutefois les dispositions en cause ne prévoient la rémunération majorée du travail de nuit, le dimanche et les jours fériés que lorsqu'il est exécuté par suite de circonstances exceptionnelles, ce qui n'est le cas en l'occurrence puisque le salarié a travaillé dans un casino et a accepté ses conditions de travail. S'il n'était pas prévu lors de son adoption qu'elle trouverait à s'appliquer à des salariés travaillant dans un casino, elle n'a jamais été modifiée, de sorte qu'il convient d'appliquer ses termes clairs et précis, sauf à la dénaturer. En outre, la rémunération des jours fériés légaux prévus par la loi n° 800 du 18 février 1966 ne peut être étendue à celle du travail de nuit et des dimanches, l'employeur ayant en outre respecté ces dispositions. Le salarié est en conséquence débouté de ses demandes de paiement de rappels de salaire.
L'intéressé a été licencié pour insuffisance professionnelle concernant sa qualification « courants faibles » et sa lenteur d'exécution. Il admet ses insuffisances professionnelles mais en impute la responsabilité aux manquements de l'employeur alors qu'il est titulaire d'un BAC technique en électrotechnique et qu'il possède une expérience confirmée d'électricien. Il a également bénéficié d'une formation en habilitation électrique et travaillé en équipe avec un électricien pendant près de deux mois, ce qui constitue une modalité de formation continue d'une durée suffisante compte-tenu de sa formation et de son expérience professionnelle antérieure. Il ne peut davantage arguer du délai de 18 mois entre la prise de ses nouvelles fonctions et son licenciement. La poursuite du contrat au-delà de la période d'essai n'exclut aucunement l'existence d'insuffisances professionnelles, mais démontre au contraire la volonté de l'employeur de le maintenir à ce poste et de lui donner le temps nécessaire pour s'adapter et assurer la bonne exécution de ses nouvelles fonctions. Le licenciement litigieux repose donc sur un motif valable.
Il est aussi dénué de tout caractère abusif en l'absence de toute obligation de reclassement à la charge de l'employeur et de toute faute de ce dernier qui a recherché des solutions pour permettre à son employé de s'adapter à ses nouvelles fonctions et de permettre la poursuite du contrat. La cour rejette ainsi l'intégralité des prétentions du salarié relatives à la rupture de son contrat de travail.
Motifs🔗
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 9 JANVIER 2018
En la cause de :
- Monsieur j. FE., Électro-technicien, demeurant « X1 » - X1 - 06240 BEAUSOLEIL ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au Barreau de Nice ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
- La Société Anonyme Monégasque dénommée A. -, dont le siège social est X2 à MONACO, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du travail, le 10 novembre 2016 ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 23 décembre 2016 (enrôlé sous le numéro 2017/000073) ;
Vu les conclusions déposées les 28 février 2017 et 6 juin 2017 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SAM A. (S. M. E.) ;
Vu les conclusions déposées les 25 avril 2017 et 2 octobre 2017 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j. FE. ;
À l'audience du 14 novembre 2017, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur j. FE. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 10 novembre 2016.
Considérant les faits suivants :
Suivant contrat à durée indéterminée, j. FE. a été employé à compter du 24 mai 2004, en qualité d'électromécanicien par la société A. (A.).
Son licenciement lui a été notifié par lettre remise en mains propres le 11 juin 2013.
Estimant que la rupture de son contrat de travail n'était pas fondée sur un motif valable et présentait un caractère abusif, après un procès-verbal de non-conciliation en date du 17 mars 2014, il a saisi le bureau de jugement du Tribunal du travail aux fins de condamnation de la société A., sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement des sommes ramenées par conclusions ultérieures à :
- 28.574,65 euros à titre de rappel de salaire,
- 2.857,46 euros au titre des congés payés y afférents,
- 2.991,37 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 40.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 10 novembre 2016, le Tribunal du travail a :
- dit que le licenciement de j. FE. repose sur un motif valable et ne revêt aucun caractère abusif,
- déboute j. FE. de l'intégralité de ses demandes,
- le condamne aux dépens.
Pour statuer ainsi le Tribunal a retenu que :
- l'objectif de l'article XXVIII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 25 novembre 1963, dont l'applicabilité au présent litige n'est pas contestée est manifestement de protéger les salariés qui travaillent à titre exceptionnel la nuit, le dimanche et les jours fériés, et non de prévoir une rémunération majorée applicable systématiquement en cas de travail, la nuit, le dimanche ou un jour férié, les dispositions impératives de l'article 7 de la loi n° 800 du 18 février 1966 s'appliquant dans cette hypothèse,
- la convention collective doit s'interpréter dans le doute en faveur des employeurs qui ont contracté l'obligation,
- « les circonstances exceptionnelles » doivent s'apprécier au regard des conditions de travail habituelles du salarié concerné,
- j. FE., affecté à la salle des jeux des appareils automatiques de la société B., était régulièrement amené à travailler la nuit, les dimanches et les jours fériés, comme ses autres collègues électromécaniciens,
- il ne démontre pas que l'accomplissement de ces heures de travail résultait de « circonstances exceptionnelles »,
- à supposer que l'organisation du travail puisse être qualifiée « par relais » au sens de l'article 9 de l'ordonnance-loi n° 677 du 2 décembre 1959, la circonstance que l'Inspection du travail n'ait pas formellement donné une autorisation sur ce point ne peut emporter, à titre de sanction, application des dispositions conventionnelles, mais ne pourrait le cas échéant que se résoudre en dommages et intérêts à l'effet de réparer un préjudice précis,
- il ne précise pas clairement les jours et heures concernés et ne fournit pas l'ensemble des bulletins de salaire correspondant,
- j. FE. a accepté la modification substantielle de son contrat de travail, sans émettre aucune réserve sur l'ordre de priorité des licenciements, sur sa qualification ou ses besoins en formation,
- le curriculum vitae qu'il a fourni à l'occasion de sa réaffectation pouvait laisser penser qu'il serait en mesure de s'adapter à ce changement de fonction en l'état de ses diplômes et de son expérience professionnelle,
- le maintien du contrat à l'expiration de la période d'essai ne permet pas d'exclure le constat d'une insuffisance professionnelle plus d'une année plus tard,
- les insuffisances du salarié sont démontrées, sans qu'une complexité des missions confiées puisse être retenue,
- j. FE. ne démontre pas que l'employeur a commis un quelconque abus,
- il n'est pas justifié que le poste d'électromécanicien n'a en réalité pas été supprimé,
- l'employeur a laissé plusieurs chances à son salarié pour s'adapter à ses nouvelles fonctions tout en évoquant régulièrement les difficultés rencontrées.
j. FE. a interjeté appel du jugement.
Par assignation du 23 décembre 2016, et par conclusions ultérieures des 25 avril et 2 octobre 2017, il demande à la Cour de :
- le recevoir en son appel et de réformer le jugement en toutes ses dispositions statuant à nouveau,
- condamner la société A. à lui régler :
la somme de 28.574,65 euros à titre de rappel de salaire,
la somme de 2.857,46 euros à titre de congés payés y afférents.
À titre subsidiaire :
- condamner la société A. à lui payer la somme de 3.057,63 euros en application des dispositions de l'article 7 de la loi n° 800, outre celle de 305,76 euros au titre des congés payés y afférents,
- dire et juger que le licenciement ne repose pas sur un motif valable,
- dire et juger qu'il revêt un caractère abusif,
- condamner la société A. à lui payer la somme de 2.991,37 euros à titre d'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement non cumulable,
- condamner la société A. à lui payer la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- dire que la décision à intervenir sera exécutoire en toutes ses dispositions et que les sommes auxquelles la société A. sera condamnée devront être payées avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice pour le rappel de salaire et les congés payés et à compter du jugement rendu pour les autres,
- débouter la société A. de ses demandes,
- condamner la société A. en tous les dépens, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat défenseur sous sa due affirmation.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir pour l'essentiel que :
- employé en qualité d'électromécanicien, il a reçu le 5 décembre 2011 une lettre de licenciement,
- étant délégué du personnel, son licenciement a été rapporté le 15 décembre 2011, et alors qu'il était chargé de la maintenance d'appareils automatiques, il lui a été désormais demandé d'intervenir sur des chantiers de construction, en qualité d'électricien,
- son employeur ne lui a fait suivre aucune formation, malgré ses demandes, et il n'a travaillé en équipe que sur une période de deux mois,
- il a été finalement licencié le 11 juin 2013 au motif qu'il n'était plus possible de l'affecter à des chantiers, sa qualification de technicien « courants faibles » étant totalement insuffisante,
- le permis de travail qui lui a été délivré lors de son embauche mentionne que la durée hebdomadaire de son travail est de 39 heures,
- par courrier du 12 septembre 2013, il a sollicité de son employeur, l'application de l'article 28 de la Convention collective du Bâtiment, lequel s'y est opposé en l'absence de circonstances exceptionnelles,
- le Tribunal a inversé au profit des employeurs l'un des grands principes du droit du travail, selon lequel le doute doit bénéficier aux employés,
- l'interprétation d'une convention collective ne relève pas des dispositions de l'article 1011 du Code civil,
- le travail de nuit, les dimanches et les jours fériés est une contrainte inhabituelle et ne peut être présumée normale,
- travailler le dimanche et les jours fériés, de façon régulière ou non, constitue une situation exceptionnelle, consacrée par l'obligation de l'employeur d'obtenir une dérogation, laquelle n'est accordée qu'à titre provisoire,
- il ne résulte d'aucune pièce qu'il aurait accepté de travailler la nuit, les dimanches et les jours fériés, en renonçant à recevoir la rémunération due,
- les dispositions légales et conventionnelles qui régissent la matière sont d'ordre public, de sorte que sa renonciation n'aurait aucune valeur,
- le fait qu'un établissement ait des heures d'ouverture de nuit n'implique pas que le salarié doive nécessairement avoir des horaires nocturnes,
- il n'apparaît pas des documents d'embauche qu'il travaillerait la nuit de manière régulière,
- il n'a pu qu'accepter le rythme de travail imposé sans que cela puisse valoir renonciation implicite à recevoir la juste rémunération,
- l'organisation du travail à la société A. procède du « travail par roulement », mais aussi du « travail par relais » qui est interdite sauf autorisation de l'inspecteur du travail que l'employeur ne justifie pas avoir obtenue,
- l'existence d'une demande de dérogation est révélatrice du caractère exceptionnel du travail de nuit, les dimanches et jours fériés, imposés aux salariés et à Monsieur FE.,
- l'existence de plannings ne permet pas à la société A. d'imposer une identité de rémunération, sans tenir compte des jours et heures de travail,
- il résulte des dispositions légales qu'il n'est nullement normal et habituel pour un salarié de travailler la nuit, le dimanche et les jours fériés,
- la convention collective de 1963 doit s'appliquer en tenant compte des évolutions du travail de nuit, du dimanche et des jours fériés,
- les rédacteurs de la convention collective n'ont pu vouloir exclure certains employés et les priver d'une juste rémunération,
- l'article XXVIII de la convention collective, qui traite du travail exceptionnel de nuit, du dimanche et jours fériés signifie que le travail qualifié d'exceptionnel est bien celui-ci,
- la circonstance exceptionnelle réside en l'espèce, en ce que Monsieur FE., électrotechnicien, dont le contrat était soumis à la convention collective des employés du bâtiment, dont les activités s'exercent normalement le jour et les jours ouvrables, devait intervenir chez un client de son employeur, exigeant la présence d'un agent technique le dimanche, les jours fériés et la nuit,
- il a précisé les jours et les heures concernées en produisant les tableaux récapitulatifs et les plannings,
- la société A. ne peut se soustraire à son obligation de paiement au motif qu'elle aurait accordé des repos compensateurs en contrepartie des jours fériés travaillés, ce dont elle ne justifie pas,
- il a été licencié pour « qualification insuffisante », alors que la société A. savait qu'il n'avait pas la qualification d'électricien,
- il ne peut lui être reproché d'avoir choisi de conserver une activité professionnelle, même s'il s'agissait pour lui d'occuper un poste différent,
- le CV qu'il a remis lors de son embauche mentionnait ses diplômes, ses compétences et expériences dans le domaine de l'électromécanique, à l'exclusion de tout autre,
- la seule preuve d'une insuffisance prétendue consiste en une note établie le 7 juin 2013, dont il n'a pas eu connaissance, soit plus d'un an et demi après sa prise de fonction,
- il a été maintenu dans son poste à l'expiration de la période d'essai,
- il n'a bénéficié d'une formation qu'au mois de décembre 2012, laquelle, relative à la sécurité, était insuffisante, pour lui permettre d'intervenir seul sur les chantiers,
- il n'a jamais reçu de formation continue, ni travaillé avec un technicien qualifié, comme le prétend l'employeur,
- il a été affecté à des chantiers difficiles, pour toutes sortes de travaux électriques, non limités à des interventions de « courant faible »,
- la société A. n'apporte aucun élément d'appréciation sur l'insuffisance qu'elle lui reproche,
- il n'a reçu aucune mise en garde ni avertissement,
- les conditions de son licenciement ont été éprouvantes et vexatoires,
- il a été relégué à un poste ne correspondant pas à sa formation, parce qu'en sa qualité de délégué du personnel il ne pouvait être licencié sans l'accord de la commission de licenciement,
- il est aujourd'hui toujours pris en charge par Pôle Emploi, cumulant avec des missions d'intérim.
Par conclusions des 28 février et 6 juin 2017, la société A. demande à la Cour de :
- confirmer le jugement du 10 novembre 2016 en toutes ses dispositions,
- débouter Monsieur FE. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Monsieur FE. aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, distraits au profit de Maître GIACCARDI, avocat-défenseur sous sa due affirmation.
Elle soutient pour l'essentiel que :
- la demande de rappel de salaire porte sur le paiement de majorations, pour des heures de travail de nuit, de week-end et jours fériés accomplies dans le cadre normal du travail du salarié,
- cette demande est fondée sur une mauvaise interprétation de la convention collective,
- l'article L1235-1 du Code du travail selon lequel « si un doute subsiste, il profite au salarié » n'a pas d'équivalent en droit monégasque, et ce principe ne s'applique que dans le cadre d'une discussion sur le caractère bien ou mal fondé du licenciement,
- il n'existe aucun doute quant à la portée de l'article XXVIII de la convention collective, dont les termes clairs ne peuvent donner lieu à interprétation,
- une convention collective constitue par nature une convention au sens de l'article 956 du Code civil, de nature à relever des dispositions de l'article 1017 du Code civil,
- le caractère exceptionnel du travail de nuit, les dimanches et jours fériés ne résulte aucunement des textes,
- Monsieur FE. ne démontre pas qu'il travaillait la nuit, le dimanche ou les jours fériés de manière exceptionnelle, car il le savait dès son embauche et a exercé son emploi dans ces conditions de 2004 à 2011,
- Monsieur FE. a accepté le travail de nuit, les dimanches et jours fériés, en répondant à l'offre d'emploi qui le mentionnait, en signant la demande d'agrément sollicitée auprès du Gouvernement Princier et n'a jamais contesté le paiement de ses heures tout au long de sa période d'activité,
- la qualification du mode d'organisation du travail est sans incidence,
- le travail des salariés de la société A. affectés à la salle des appareils automatiques de la société B. n'est pas organisé par relais, mais par roulement,
- l'argument selon lequel « les circonstances exceptionnelles » auraient eu un sens différent en 1963 n'est d'aucune portée,
- l'article XXVIII de la convention collective doit s'entendre au regard des conditions d'emploi habituelles du salarié concerné, ce qui ressort de la rédaction même de cet article,
- aucun paiement majoré au titre des jours fériés travaillés depuis novembre 2008 n'est dû à Monsieur FE., puisqu'il s'est vu attribuer des repos compensateurs que la loi prévoit,
- lors de sa réaffectation, Monsieur FE. n'a jamais contesté avoir les compétences afin d'assumer ses nouvelles fonctions,
- à la lecture de son CV, la société A. a légitimement pu penser qu'il disposait de la formation et de l'expérience nécessaires à l'accomplissement des missions d'un électricien,
- Monsieur FE. a suivi un stage de formation en « habilitation électrique » en décembre 2012 pour renforcer ses connaissances en matière de sécurité électrique,
- il a travaillé en binôme avec un technicien qualifié pendant 18 mois, recevant ainsi une formation continue, identique à celle que reçoit un salarié en contrat d'apprentissage, mais aucune amélioration dans son travail n'a été constatée,
- il n'a sollicité aucune formation complémentaire et n'a jamais attiré l'attention de son employeur sur son manque de compétence,
- en tant qu'électrotechnicien, Monsieur FE. aurait dû être capable d'effectuer les tâches d'électricien qui lui étaient confiées,
- la société A. a fait preuve de patience envers son salarié, et a tout mis en oeuvre pour former son salarié,
- le rapport de Monsieur AL. dresse des exemples des insuffisances de Monsieur FE.,
- le salarié n'apporte aucun élément sérieux pour appuyer sa contestation des manquements qui lui sont reprochés et qui sont parfaitement étayés,
- la réaffectation sur son précédent poste qui a été supprimé était impossible et son absence ne peut lui être reprochée,
- Monsieur FE. ne rapporte pas la preuve de l'abus qu'elle aurait commis.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel interjeté du jugement par j. FE., dans les formes et délais prescrits, est régulier et recevable ;
- Sur les demandes de rappel de salaire :
Attendu que j. FE. invoque, à titre principal, le bénéfice des dispositions de l'article XXVIII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 25 novembre 1963, intitulé « Travail exceptionnel de nuit, du dimanche et jours fériés » ;
Que l'applicabilité au présent litige de cette convention collective n'est pas contestée ;
Que l'alinéa premier de cet article est ainsi libellé « Si, par suite de circonstances exceptionnelles, un ETAM est appelé à travailler, soit de nuit (entre 20 heures et 6 heures), soit un dimanche, soit un jour férié, les heures ainsi effectuées sont rémunérées sur la base des heures normales (horaires de 40 heures par semaine) majorées de 100% » ;
Qu'ainsi la convention collective ne prévoit de rémunération majorée, que lorsque le travail de nuit, le dimanche et les jours fériés intervient par suite de circonstances exceptionnelles ;
Que les termes clairs et précis de la convention collective ne laissent aucun doute sur son application ;
Qu'en l'absence de doute, et de toute clause ambiguë, il n'y a pas lieu de procéder à une quelconque interprétation de l'article XXVIII de la convention collective, par application des dispositions des articles 1011 et suivants du Code civil, ce qui est constamment admis, ou par référence à un principe contesté, selon lequel le doute doit profiter au salarié ;
Attendu que j. FE. a exercé ses fonctions, à compter de son embauche et jusqu'à fin 2011, au sein des salles des appareils automatiques de la société B., indifféremment le jour, la nuit, les week-ends et jours fériés selon des plannings préétablis ;
Qu'il reconnaît que ses conditions de travail habituelles impliquaient une activité, la nuit, le dimanche et les jours fériés ;
Qu'il ne peut donc être soutenu qu'il aurait été appelé à travailler de nuit, les dimanches et jours fériés, par suite de circonstances exceptionnelles, s'agissant de ses conditions de travail habituelles ;
Attendu qu'il ne peut être déduit de ce que le législateur est intervenu pour régir la rémunération et les conditions de travail relatives aux jours fériés légaux (Loi n° 800 du 12 février 1966), le repos hebdomadaire (Loi n° 822 du 23 juin 1967) et la durée du travail (Ordonnance-Loi n° 677 du 2 décembre 1959), que le travail de nuit, les dimanches et jours fériés constituent une circonstance exceptionnelle au sens de la convention collective ;
Attendu que par ailleurs, j. FE. soutient que son acceptation pour un travail de nuit, les dimanches et jours fériés ne valait pas renonciation à recevoir la rémunération correspondante, alors qu'il n'a pas été informé de ses conditions de travail lors de son embauche ;
Qu'il convient à cet égard de retenir, que faisant suite à une offre d'emploi du 29 avril 2004 mentionnant, s'agissant des horaires de travail « services par roulement nuits comprises », il a été embauché à compter du 24 mai 2004 et affecté jusqu'au mois de décembre 2011, en qualité d'électromécanicien dans la salle des Appareils Automatiques de la société B., aux heures d'ouverture de la dite salle, ensuite de l'agrément obtenu auprès du Gouvernement Princier ;
Que durant cette période, la société A. indique, sans être contredite, qu'il a travaillé près de 50% du temps la nuit, les dimanches et jours fériés, selon des plannings informant les salariés de leurs emplois du temps ;
Qu'il n'a jamais contesté, jusqu'à son licenciement en 2013, la rémunération des heures travaillées ;
Qu'ainsi, d'une part il a consenti à ses conditions de travail, ce qu'il ne conteste pas ;
Que d'autre part, s'il peut être admis qu'il n'a pas renoncé à la rémunération qu'il considère lui être due, il lui appartient de démontrer que les conditions dans lesquelles il a exercé son activité relèvent des dispositions conventionnelles ou légales qui la prévoit ;
Attendu que l'affirmation selon laquelle le travail était organisé par relais malgré l'interdiction légale, ce que l'employeur conteste et qui n'est pas établi, ne suffit pas à démontrer le caractère exceptionnel des circonstances dans lesquelles j. FE. aurait accompli son travail de nuit, les dimanches et jours fériés, ouvrant droit à la rémunération majorée prévue par la convention collective ;
Qu'en effet, ni la circonstance selon laquelle ses conditions de travail étaient inhabituelles par rapport à la majorité des employés de la Principauté de Monaco, ni celle selon laquelle j. FE. devait intervenir chez un client de son employeur qui exigeait la présence d'un agent technique les dimanches, jours fériés et la nuit, ne permettent de les qualifier d'exceptionnelles, puisqu'il s'agissait de ses conditions de travail ordinaires ;
Que la convention collective ne prévoit la rémunération majorée du travail de nuit, le dimanche et les jours fériés que lorsqu'il est exécuté par suite de circonstances exceptionnelles, ce qui n'est le cas en l'espèce ;
Attendu que j. FE. l'admet implicitement mais nécessairement, estimant qu'il n'entrait pas dans les prévisions des rédacteurs de la convention en 1963, qu'elle trouverait à s'appliquer à des salariés appelés à travailler la nuit, le dimanche et les jours fériés dans ce type d'établissements (casino) ;
Mais attendu que ladite convention n'a fait l'objet d'aucune modification et les termes clairs et précis qu'elle contient doivent s'appliquer, sauf à dénaturer les obligations qui en résultent ;
Attendu qu'enfin aucun texte législatif prévoyant de rémunération majorée ne trouve à s'appliquer, à l'exception de la Loi n° 800 du 18 février 1966, régissant la rémunération et les conditions de travail relatives aux jours fériés légaux, sur laquelle j. FE. fonde sa demande subsidiaire ;
Que l'article 7 de ladite Loi prévoit que « Dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, les salariés occupés les jours chômés et payés visés aux articles 2 et 4 ont droit, en plus du salaire correspondant au travail, soit à une indemnité égale au montant dudit salaire, soit à un repos compensateur rémunéré » ;
Que la rémunération des jours fériés légaux que cet article prévoit, ne peut être étendue à celle du travail de nuit et des dimanches ;
Attendu que les parties ne contestent pas que sur la période concernée, j. FE. a travaillé 34 jours fériés ;
Que pour cette même période, il a bénéficié de 35 jours de congés payés supplémentaires, ainsi qu'il résulte des pièces produites par les parties, ce que le salarié ne conteste pas, se contentant de reprocher à la société A. d'avoir omis de le préciser en première instance ;
Attendu dans ces conditions que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté j. FE. de ses demandes, principale et subsidiaire, de rappel de salaires ;
- Sur le motif du licenciement :
Attendu que le 11 juin 2013, j. FE. a été licencié pour insuffisance professionnelle concernant sa qualification « courants faibles », son employeur lui reprochant également une lenteur d'exécution ;
Attendu qu'il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs à l'origine de la rupture ;
Qu'en l'espèce, la société A. verse aux débats une note établie le 7 juin 2013 par Lionel AL. responsable d'exploitation, faisant état des insuffisances du salarié, plus de 18 mois après son changement de fonction, dans la réalisation des tâches confiées, sans qu'une complexité de celles-ci puisse être retenue, et diverses pièces complémentaires qui viennent confirmer ses insuffisances ;
Attendu que si la valeur probante de ces pièces est discutée par les parties, il convient cependant de retenir que j. FE. admet ses insuffisances professionnelles, et la circonstance qu'il n'a pas eu connaissance de la note du 7 juin 2013 au moment de son licenciement est indifférente ;
Qu'il estime cependant que ces insuffisances ne peuvent lui être reprochées mais ont pour origine divers manquements de son employeur ;
Attendu qu'en premier lieu, il fait grief à la société A. de lui avoir proposé, ensuite d'une première décision de licenciement qui a été rapportée, un poste de « technicien en courants faibles » alors qu'il n'avait pas la qualification d'électricien ;
Mais attendu que le tribunal a, à juste titre, retenu qu'il avait accepté la modification de son contrat de travail sans aucune réserve sur sa qualification ou ses besoins en formation ;
Que d'autre part son curriculum vitae dont la société A. disposait depuis son embauche en 2004, a permis à l'employeur de considérer qu'il disposait de la formation et de l'expérience nécessaires pour l'exécution de missions d'un électricien, ce qu'il n'a d'ailleurs pas démenti ;
Qu'en effet j. FE. est titulaire d'un BAC technique en électrotechnique, induisant une formation polyvalente, notamment en électricité, lui permettant selon la fiche métier de l'ONISEP, de réaliser l'installation électrique d'un bâtiment ;
Que par ailleurs son curriculum vitae fait état d'une expérience d'électricien pendant plusieurs années ;
Attendu qu'il reproche également à la société A. de ne pas avoir satisfait à ses demandes de formation, dont cependant il ne justifie nullement, en dépit des convocations régulières de son employeur pour évoquer les difficultés qu'il rencontrait dans son travail ;
Que la société A. indique, sans être contredite, lui avoir proposé la formation en « Habilitation électrique » qu'il a suivie du 11 au 13 décembre 2012 ;
Que par ailleurs, le Tribunal avait retenu qu'il ne niait pas « avoir travaillé en binôme avec un technicien plus spécialisé (alimentant ainsi une formation continue) », ce qu'il conteste devant la Cour, mentionnant un travail en équipe avec un électricien pendant une durée inférieure à deux mois, ce qui en tout état de cause aurait dû être suffisant compte-tenu de sa formation et de son expérience professionnelle antérieure ;
Attendu qu'enfin, j. FE., qui ne conteste pas ses insuffisances professionnelles, ne peut tirer argument du délai de 18 mois qui s'est écoulé entre la prise de ses nouvelles fonctions et son licenciement, la poursuite du contrat au-delà de la période d'essai n'étant pas de nature à exclure l'existence d'insuffisances professionnelles, mais démontre au contraire la volonté de l'employeur de le maintenir à ce poste et de lui donner le temps nécessaire pour s'adapter et assurer la bonne exécution de ses nouvelles fonctions ;
Attendu qu'en conséquence, le motif du licenciement, tenant aux insuffisances professionnelles de j. FE., est valable, sans qu'un quelconque manquement puisse à cet égard être reproché à l'employeur ;
- Sur le caractère abusif du licenciement :
Attendu que constitue un licenciement abusif, le licenciement intervenu pour motif fallacieux avec une intention malveillante, ou dans des circonstances brutales et vexatoires ;
Qu'il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin unilatéralement au contrat de travail ;
Attendu qu'en l'espèce j. FE. ne démontre pas la faute commise par la société A. qui ne saurait tenir à un défaut de réaffectation dans son précédent poste ou au sein de son service de maintenance ;
Qu'en effet, d'une part deux postes d'électrotechniciens ont été supprimés depuis l'année 2011, ce que j. FE. n'a jamais contesté, sans même avoir évoqué l'ordre de priorité des licenciements en matière de suppression de poste, de sorte qu'il n'était pas possible à la société A. de proposer la réaffectation sollicitée ;
Que d'autre part l'employeur, n'est débiteur d'aucune obligation de reclassement ;
Qu'il a recherché des solutions pour permettre à son employé de s'adapter à ses nouvelles fonctions permettant la poursuite du contrat ;
Qu'aucun abus ne peut lui être reproché ;
Attendu qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Que j. FE. qui succombe en son appel sera condamné aux dépens, dont distraction au profit de Maître GIACCARDI, avocat-défenseur sous sa due affirmation.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit j. FE. en son appel,
L'en déboute,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne j. FE. aux dépens du présent appel, dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur sous sa due affirmation.
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition🔗
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 9 JANVIER 2018, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur Général.